Salut!
Vous avez sûrement déjà vu la reine Élizabeth 1ère au cinéma et à la télévision. Elle a été interprété par de nombreuses actrices. Cate Blanchett en a déjà fait une interprétation remarquable. Plus récemment, Margot Robbie aussi s'est emparée de ses robes époustouflantes et de ses perruques hallucinantes. Vous l'avez sans doute aussi lu dans des livres. Elle a même été un personnage de jeux vidéos! À la longue, on se fait une image de la personne... essentiellement basée sur les personnages qu'on en a fait. Bien des historiens et des historiennes vous le dire pourtant, c'est pas toujours la vraie personne que l'on voit dans les histoires que l'on raconte à leur sujet.
Les personnalités historiques finissent par devenir des personnages parfois bien loin de ce qu'ils ont été. Oui, Élisabeth 1ère a été une grande reine, à une époque difficile, mais le regard que l'on jette sur elle est un regard du XXIe siècle. Elle-même ne jugeait pas ses actions et ses décisions comme nous pouvons les voir aujourd'hui. Reste qu'elle a vécu dans une période fascinante, à l'aube d'une nouvelle ère auquel son royaume a largement participé. Elle a été une souveraine éprise des arts et beaucoup des bases de ce que l'on connaît de l'Angleterre d'aujourd'hui ont été forgées sous son règne. Cela suffit-il à en faire un personnage fascinant? Certes oui, mais ce n'est sans doute pas ce qui intéresse le plus les créateurs.
Élisabeth 1ère était avant tout... une personne. Un individu, née fille d'un roi qui ne lui a pas rendu la vie facile. Mettons que père attentionné n'est vraiment pas un bon qualificatif pour décrire Henri VIII! D'autant plus qu'il a envoyé sa mère se faire couper la tête! Mais justement, là, il y a un noeud: comment un être humain réagit-il à ce fait? Comment on grandit quand on sait que notre père a fait tuer notre mère? Là, il y a un matériel fictionnel d'une extraordinaire richesse. Toutes les questions que cela peut soulever, sous tous les angles possibles sont à l'entière disponibilité de la personne qui tapote le clavier. Et c'est merveilleux.
Mais ce ne sera pas Élisabeth. C'est une recréation de ce qu'a peut-être été la vie d'Élisabeth Tudor, reine d'Angleterre. Le personnage en portera les vêtements, revivra les grands moments de sa vie, surtout ceux qui ont passé à travers l'histoire, mais si un grand événement de sa vie n'a pas été noté par ses contemporains, si elle n'en a pas parlé à personne, et bien, cela restera un pan de son existence qui sera à jamais caché. Le personnage aura de grands pans de sa personnalité, les parties qui sont connues et perceptibles à travers les siècles, mais aura-t-il exactement les mêmes ou est-ce que ce sera la vision de quelqu'un d'autre sur celle-ci?
Les meilleurs biographes vous le diront, jamais personne ne pourra percer le coeur d'un être humain. On est pas à l'intérieur de lui, d'aucune façon. On peut en voir des morceaux, mais pas tous. On aura toujours une vision en pointillé d'une personne: on en connaît des bouts, mais d'autres, on ne sait pas. Et souvent, un(e) auteur(e) va s'engouffrer dans ces trous-là, les combler avec leur imagination, donner ainsi une consistance à un personnage, même si c'est totalement fictif. C'est ainsi que des décisions sont expliqués par des inventions, des réactions sont exagérées par rapport à la personnalité, des actions ont une justification qui n'ont rien à voir avec la personne. Au final, on aura créé une personne totalement différente.
Je parle d'Élisabeth 1ère parce que c'est un exemple facile. Elle a tant de fois été interprétée que l'on a fini par en avoir une image mentale qui à force d'inventions, perd tranquillement les liens avec celle qu'elle a véritablement dû être comme personne. Mais malgré tout, je ne crois pas qu'il faut se priver des fictions basées sur des personnages historiques (que non!). Parce que même si la fiction est souvent inexacte, elle a quand même l'immense pouvoir de nous permettre de marcher un peu dans les souliers de ceux qui ont vécu à d'autres époques que la nôtre, dans d'autres contextes. Les historiens ont raison de râler contre les erreurs et les inventions des écrivain(e)s, cinéastes et scénaristes, mais elles sont essentielles pour nous rapprocher de ce que nous avons le plus en commun avec les grandes personnalités historiques: notre humanité. Et c'est peut-être le meilleur moyen de nous les faire connaître, derrière les portraits officiels, les chroniques des contemporains et les grands événements de leur vivant.
@+ Mariane
4 commentaires:
En tant qu'historienne et écrivaine, le seul temps où je râle sur les interprétations romanesques de grands personnages, c'est lorsqu'on met des pensées de notre siècle dans la bouche de gens qui n'auraient jamais pensé ainsi.
À part ça... il y a tellement de merveilleux matériaux pour l'écrivain dans les siècles passés, on serait fous de s'en passer!!!
Les grosses incohérences avec la pensée de l'époque me font tiquer, mais sans ça, je ne suis pas très chialeuse, je sais faire la part des choses! Et puis, ça fait tellement de bonnes histoires!
C'est quand même l'avantage de l'uchronie ou de la fantasy historique: on peut mettre en scène un personnage historique, mais l'écart entre avec la réalité historique peut justifier bien des divergences.
Ouais, mais là, c'est clairement juste un personnage.
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