Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell Gallimard Folio tome 1 701 pages, tome 2 705 pages
Résumé:
1861: Scarlett O'Hara a 16 ans et est la reine du comté de Clayton, en Géorgie. Fille de propriétaire de plantation et d'esclaves, elle a été élevée comme une femme du sud: elle est belle, mais modeste en apparence et polie à souhait. Sa mère et sa Mama ont veillé à camoufler son caractère bouillant. Car Scarlett n'est pas une demoiselle sage et délicate. Elle est volontaire, déterminée et n'hésite pas à manipuler ceux qui l'entourent pour arriver à ses fins. Elle a d'ailleurs tous les jeunes hommes du comté à ses pieds. Tous, sauf Ashley Wilkes. Le jour où Scarlett apprend qu'il a l'intention d'annoncer ses fiançailles avec sa cousine, elle se résout à lui avouer son amour, dans une mise en scène destinée à le faire plier. Lorsqu'il décline son affection, elle cède à la rage, mais malheureusement, un témoin a tout entendu: Rhett Butler, un paria de la bonne société, un homme que l'on n'invite pas aux mondanités, car il traîne une réputation de scandale. Peu après, un messager arrive, annonçant le début de la Guerre de Sécession. Affolée à l'idée que Rhett parle, Scarlett accepte la demande en mariage du frère de la fiancée d'Ashley.
Mon avis:
Que dire de ce livre... Bon, commençons par parler de la longueur. C'est long, 1400 pages. Une sacrée brique à traverser. Oui, il y a des longueurs à certains moments, mais malgré tout, le rythme est assez soutenu. C'est juste que l'histoire traverse douze années de la vie de Scarlett et douze années lourdement chargées de l'histoire des États-Unis. L'auteure se permet d'ailleurs quelques fois de longs paragraphes pour nous raconter l'atmosphère, les événements, petits et grands, qui ont lieu tout au long de la guerre et de la décennie qui a suivi. Il y a donc beaucoup d'anecdotes tout au long du récit, ce qui à la fois agaçant et intéressant, parce que ça rallonge le récit, mais aussi parce que ça donne à celui-ci un ton résolument réaliste.
Le personnage de Scarlett en lui-même est tout un numéro. Une femme volontaire, orageuse, qui fonce tête baissée, n'écoute pas les préjugés de son époque et fait en sorte d'obtenir ce qu'elle veut. Éduquée dans la tradition du sois belle et tais-toi, dans lequel les jeunes filles doivent être de délicates fleurs qui doivent avant tout faire un bon mariage, elle n'hésitera pas à bafouer les règles apprises dans l'enfance pour entrer de plain-pied dans le monde nouveau d'après la guerre. Elle est consciente que son éducation ne l'a pas préparée à faire face au monde qu'elle affronte: tant pis, elle inventera, foncera, quitte au scandale. Ce n'est pas un personnage qui est aimable et je comprends certains lecteurs de l'avoir détesté. Son total aveuglement par rapport à ses propres sentiments, mais aussi face à ceux des autres la rend antipathique et donne à plus d'une occasion l'envie de l'attraper par le chignon du cou et de lui dire Hé, ho! Tu ne vois pas ça? Ça crève les yeux pourtant. Cependant, elle a une psychologie complexe et cohérente tout au long du roman et c'est vraiment un personnage féminin fort, avec ses forces et ses faiblesses.
Autour d'elle tourne une galerie de personnages aussi colorés que divers, au premier chef Rhett Buttler, le paria de la bonne société qui prend un plaisir fou à mettre Scarlett en rogne. C'est la seule et unique personne dans son entourage qu'elle est incapable de manipuler et malgré les événements, ils reviennent toujours l'un vers l'autre, comme attirés par un aimant. Pour le lecteur moderne, beaucoup d'éléments de leur relation sont toxiques à souhait et l'un comme l'autre ont leurs torts. Si le roman est souvent présenté comme une romance entre eux, je ne partage pas cette opinion: le roman raconte la vie de Scarlett avant tout et il s'avère que Rhett en est une partie importante. Autour d'eux, Mélanie, la femme d'Ashley, bonne et généreuse, quoique capable de discernement face à Scarlett, son époux, Ashley, un être faible qui ne sait pas faire face aux bouleversements de la guerre, son père, force de la nature qui ne se remettra pas de la mort de sa femme, sa femme, la mère de Scarlett, dont le lecteur saura beaucoup plus sur elle que sa propre fille, les habitants d'Atlanta, tous avec leurs personnalités, leur passé, leurs préjugés. Il y a là une superbe galerie, où chacun a un rôle à jouer dans la vie de la protagoniste principale. Ils ne sont pas des pions, ils existent et donnent au roman, une impression de réalisme et de pittoresque.
Sauf et c'est là le grave problème de ce roman, les personnages noirs, d'abord esclaves, puis affranchis. Le mot en n** est régulièrement utilisé pour les décrire (la traduction que j'ai lue date de 1937, mais le mot figure dans le roman en version originale) et si tous les personnages blancs ont une personnalité et une profondeur, la plupart des personnages noirs sont caricaturaux, stupides ou paresseux. La traduction les affuble en plus d'une incapacité à prononcer les r, qu'ils soient esclaves dans la maison ou travailleurs dans les champs, ce qui est complètement illogique. Certes, le roman fait le portrait d'une époque, mais l'auteure force le trait pour que ses personnages correspondent aux préjugés plus qu'à la réalité. Il y a quelques éclairs qui montrent qu'autre chose est possible, mais c'est superficiel.
Une chose qui m'a frappé cependant à la lecture, c'est à quel point les relations raciales, certes, hiérarchisées et à l'avantage d'un seul groupe, existaient. Les deux groupes se parlaient, coexistaient, alors que pour les personnes du Nord qui débarquent à la fin de la guerre, les noirs sont des gens qu'ils ne veulent pas fréquenter et surtout pas dans leurs maisons. Comme de quoi le racisme peut prendre bien des formes.
Portrait d'une personne, d'une époque et d'un moment charnière de l'histoire des États-Unis, le livre garde quand même une grande valeur tant au point de vue littéraire que comme roman historique. Une grande épopée, menée par un personnage riche qui était digne d'un tel roman.
Ma note: 4.5/5