jeudi 30 mai 2019

De synthèse de Karoline George

De synthèse  Karoline George Alto  Lu en audio  Raconté par Magalie Lépine-Blondeau  5h 06 min  Disponible gratuitement sur le site de Radio-Canada


Résumé:
La narratrice de cette histoire est une femme qui cherchera toujours à fuir, à fuir son corps, à fuir sa famille, à fuir son image pour ne devenir qu'une image inventée, une impression, un avatar.  Perdue dans l'univers numérique, elle est forcée de revenir à la réalité quand la maladie de sa mère la confronte à la réalité de son propre corps.

Mon avis:
Ce livre est très particulier, dans le sens de personnel, d'intime.  Il parle de la relation avec le corps, de la relation avec l'univers numérique, de la relation avec l'image que l'on a de soi-même et de la façon dont on peut la façonner à sa guise.

Le récit est un long, très long monologue, qui part de l'enfance et se rend jusqu'à l'âge adulte et même un peu plus.  À travers ce monologue, on comprend la vie de cette personne, mais pas au niveau de ses interactions avec les autres ou des événements extérieurs, non.  Cette vie est entièrement tournée vers elle-même, vers ses propres réflexions, son propre cheminement, isolée des autres.  Ses liens avec le monde, elle les vivra à travers l'art, sous toutes ses formes, littérature, cinéma, séries télés, de tous les genres et de toutes les époques qu'elle traversera, autant pointu que populaire.  Elle baigne d'ailleurs dans la culture pop de belle façon.  Les hommages aux personnages de notre enfance et aux comics sont nombreux et bien ficelés dans l'histoire.  On comprend à quel point, mais dans ce roman très littéraire, Batman, Captain America et les autres font intégralement parti de sa psyché, autant que les films de répertoire et la peinture des siècles passés.  Sans même que ça fasse tâche ou forcé.

Quand à la langue...  Ouf, ce livre est un petit bijoux d'écriture, ciselée, élégante, puissante, poignante et en même temps aérienne.  À travers ses mots, l'auteure nous fait ressentir la légèreté de celle qui ne veut plus au fond être autre chose qu'une image.  La narratrice n'a pas de corps dans son esprit et ça se sent dans la façon dont elle manie les mots.  Son rapport à son corps changera quand celui de sa mère, avec qui elle a une relation extrêmement complexe, sera ravagé par le cancer.  Toute la complexité de cette relation, ainsi que les problèmes de santé mentale de la narratrice, on le ressent, on le vit à ses côtés.

La narration de Magalie Lépine-Blondeau, avec sa voix chaude et suave, donne une belle vie à ce roman, qu'elle lit avec une grande précision dans la prononciation, rendant toute la saveur du texte.  C'est une belle réussite.

Ma note: 4.5/5

lundi 27 mai 2019

C'est l'histoire d'une fille et de sacs de sable...

Salut!

Pour ceux qui ne savent pas, j'habite un arrondissement de la ville de Montréal qui a été visité par les eaux de sa rivière avoisinante par deux fois au cours des dernières années.  De façon un peu trop généreuse.  Je fais partie des chanceux qui n'ont pas été touchés, à part par des fermetures temporaires de route (et par une bonne frousse la première fois!).  Cette année, durant l'après, mon arrondissement a demandé des volontaires pour défaire les digues et ramasser les sacs de sable.

Je me suis donc présentée, un beau samedi matin de mai, au poste des bénévoles de la ville de Montréal.  Je me suis retrouvée avec une équipe fort charmante formée d'un représentant scout, d'un retraité et d'un vietnamien dont je n'ai jamais compris les motivations à être là, à part, comme moi, d'une volonté d'aider son prochain.  Constatation arrivée sur place: comme bien souvent dans ma vie, je me suis retrouvée la seule fille parmi une gang de gars.  Et il fallait lever des sacs de sables, parfois gorgés d'eau.  Ok, je ne me suis pas mise au bout de la chaîne humaine pour les lever du sol.  J'ai essayé de les lever, mais je n'étais pas capable.  J'ai laissé cette tâche à d'autres.  Par contre, j'étais capable de transporter les sacs une fois en l'air et je n'ai pas rechiné à lever des sacs de 50 lbs, voir plus (merci les arts martiaux pour la bonne forme physique et l'art de bien placer son poids pour forcer le moins possible!)

J'étais donc là, dans une équipe de joyeux bénévoles maniant le franglais comme un art (j'habite dans le West Island), quand une dame dont je défaisais la digue me lance:

-Vous devriez pas faire ça madame, c'est lourd ces sacs-là!

-(passe un sac de 20 lbs) C'est pas grave!

-Vous êtes sûre!

-(passe un sac de 50 lbs gorgé d'eau) arg, ben non, c'est pas grave!

J'étais prévenue!  Je le savais que la demande de bénévolat était de ramasser des sacs de sable.  Je le savais que le travail serait physique.  J'y suis allée quand même.  Pourquoi pas?  Je me savais capable de le faire!  Suis-je partie de là éreintée?  Certes!  Est-ce que j'ai eu des bleus/des courbatures le lendemain?  Certes!  Mais pourquoi mes bleus et mes courbatures seraient plus importantes que celle d'Eric le retraité, de Martin le chef scout ou de Dong le vietnamien?  Parce que je suis une femme?

J'espère que ce n'est pas un critère....  La plupart de mes nombreux confrères de corvée ont d'ailleurs, avant mon départ, souligné mon coeur à l'ouvrage.  J'étais la minorité visible.  J'étais la femme qui forçait.  Le hic, c'est que je ne me voyais pas comme une exception.  Mais bien comme une règle non appliquée...  Quelle femme n'est pas capable de soulever un 50 lbs?  Aucune?  Prenez un enfant de quatre ans dans vos bras: c'est pas loin de 50 lbs!  On est capable mesdames!  Mais quand c'est un sac de sable, oups, non, tout à coup, c'est trop lourd, on est pas capable...  Mais si mesdames!  Et vous le faites à tous les jours.  Vous le feriez en cas d'urgence!  Alors pourquoi pas?

C'est une frontière invisible.  Forcer, c'est une job de gars.  Comme de porter un fusil dans l'armée.  Comme de prendre la parole en politique.  Comme de faire rire les gens en riant d'autres choses que de son poids.  Comme de couper la parole dans une réunion parce que la personne devant soi blablatte sans intérêt...

C'est percer un plafond de verre.

Pour moi, ce n'est pas un personnage de fiction qui m'a inspiré.  Ce sont mes tantes.  Mes tantes que mon grand-père, fermier, a toujours traité comme ses garçons.  De sont elles qui conduisaient le tracteur, levaient les balles de foin de 75 lbs jusqu'à la réserve, sortaient les vaches et pestaient contre la mécanique.  Beaucoup plus tard (et je jure que c'est vrai!), j'ai croisé un prof de cégep qui a grandit dans le même village que mon père.  Un de ses souvenirs marquants datant de son enfance, est le souvenir de ma tante (oui, ma tante!), menant d'une main de fer le cheval familial jusqu'à l'école du village, arrêtant pour prendre en chemin le gamin qu'il était....  De ça, mon père a tiré une leçon: les femmes sont aussi forte que les hommes moyens, restent juste les muscles à développer.  Il l'a appliqué à son fils, un poids plume jusque dans sa trentaine et à sa fille, qui a levé et charrié des bûches pour remplir le poêle jusqu'au départ de la maison familiale (on chauffait au bois... Ça a été une bénédiction durant le verglas en '98!)

Mon père m'a montré qu'une femme était capable de faire la même chose qu'un homme, que la seule différence était les capacités physiques (je levais des bûches plus lourdes que mon frère à l'adolescence).  Mon père m'a appris que rien n'était à mon épreuve, suffisait de bien évaluer mes forces.  Ma mère m'a appris à coudre, à cuisiner et à ne jamais accepter de me laisser limiter par quoi que ce soit.  Mon frère m'a appris à tuer des monstres sur des jeux vidéos, à pester contre les lenteurs d'internet à à conduire en hiver (même s'il reste la seule personne avec qui j'ai jamais pris le champ lors d'une tempête!).

Alors, pourquoi est-ce que les personnages qui me ressemblent restent l'exception en fiction?

@+ Mariane

jeudi 23 mai 2019

Les Iroquoiens de Sylvain Rivard et Philippe Charland

Les Iroquoiens  Sylvain Richard et Philippe Charland  Cornac éditeur 107 pages


Résumé:
Les Iroquoiens sont un groupe culturel et linguistique vivant majoritairement au centre et à l'est du continent nord-américain.  Ce livre est une présentation de leur culture, entrecoupés d'extraits de leurs contes et légendes, pour mieux expliquer leur vision du monde.

Mon avis:
Les Iroquoiens couvraient un territoire beaucoup plus limité que les Algonquiens, mais leur culture est riche et fascinante.  Plus sédentaires que nomades, ils étaient à la fois des agriculteurs, des chasseurs et des cueilleurs.  Ce livre, très facile d'accès et avec beaucoup d'illustrations précises, fourni énormément de réponses aux questions que l'on peut se poser à leur sujet.  Comment vivaient-ils, que mangeaient-ils, mais surtout, comment ils utilisaient tous les matériaux disponibles dans leur environnement.  L'artisanat est assez impressionnant et repousse les clichés des indiens vêtus de peau.  Au contraire, ils utilisaient une grande variété de matières et tout autant de techniques, montrant un véritable savoir-faire.  Quand on voit tout ça, on ne peut faire autrement que d'être impressionné!  Le tout est entrecoupé de légendes et d'histoires et d'explication sur certaines croyances comme celles sur l'ours et la tortue.   Elles donnent de la vie au récit qui reste pour le reste essentiellement documentaire.

À mettre entre toutes les mains!

Ma note: 4.5/5

lundi 20 mai 2019

Le décor et la lampe sexy

Salut!

L'autre jour, en lisant un roman, je me suis rendue compte que malgré d'innombrables lieux physiques pourtant pointables sur une carte, je n'arrivais jamais à me figurer où j'étais au juste.  La raison en était simple: un(e) auteur(e) a beau dire que tel lieu a tel nom, si on a rien d'autres à dire, est au nor de si ou au sud de ça...  Ben, on a rien pour s'en rappeler.  Ce n'est pas relié à rien, c'est juste un nom.

Si je vous dit Poudlard, tout de suite, des images vous viennent en tête.  Si je vous dit La Comté, de même.  Si je vous parle du Plateau-Mont-Royal, sans doute que oui aussi.  Pourquoi?  Parce que ces auteurs ont pris la peine de placer les lieux, de leur donner une consistance, une épaisseur.  Pas besoin de décrire les lieux durant des pages et des pages pour ça (à moins de vouloir copier Marcel Proust!), mais il faut savoir créer une ambiance, une texture aux lieux.  Parce qu'au fond, c'est moins important pour une histoire de savoir que le poêle est en rentrant à droite que de savoir qu'il est tout cabossé et qu'un rond ne fonctionne pas.  L'endroit où il se trouve dans la pièce, n'est pas important, mais les indices qu'il donne sur l'ambiance le sont beaucoup plus.

Parce qu'un décor qui ne trahit aucune personnalité, ça n'existe pas.  Les lieux pourront être froids et impersonnels et cela dira quelque chose sur eux.  Et sur les gens qui y vivent ou y travaillent.  Mine de rien, les lieux où l'on vit finisse toujours par nous ressembler.  Je veux dire, l'antre d'une sorcière n'a rien à voir avec l'appartement d'une avocate carriériste hyper-organisée.  Dans l'un on s'attendra à trouver tout un tas de vieux grimoires et des herbes à sécher, voir un chaudron (ou un chat!), dans l'autre, des meubles design, une cuisine où pas une assiette sale ne traîne et un attaché-case griffé aura une place bien précise dans le décor.  Remarquez que je n'ai pas parlé dans les deux cas de la couleur des murs, ni de la taille des pièces: ça, c'est l'imagination du lecteur qui va le combler.  Mais il faut planter des éléments qui sont parlant sur l'ambiance des lieux.

Des fois, plus de descriptions sont nécessaires.  Personne n'ayant jamais vu l'intérieur d'un vaisseau spatial, pas le choix, il faut le décrire davantage.  Idem pour une cité disparue appartenant à une civilisation ancienne.  Si on veut décrire une ville sous-marine, dire qu'elle est à 1000 mètres sous l'eau donne un indice, mais ce n'est pas suffisant.  Parce que même si on dit que les murs sont courbes et que tout est relié par des tubes, si on a pas d'indices sur l'ambiance, sur ce qui s'y passe...  Et bien, l'impression sera moins net.  Si je dis que les murs sont courbes et que ça donne une impression d'étouffement et que les tubes qui relient tout sont constamment bouchés par la circulation, déjà là, pouf, on sent mieux les lieux!

On parle souvent dans les débats sur la diversité du test de la lampe sexy qui consiste à se demander si un personnage féminin ne pourrait pas être facilement remplacé par une lampe sexy.  Je crois que ça peut s'appliquer aussi aux lieux, ambiances et aux décors.  Si ceux-ci sont interchangeables, s'ils n'ont qu'une seule caractéristique ou sont trop peu définis et bien... On peut penser qu'ils sont des décors de lampe sexy.  Ça ne donne rien d'intéressant, ça fait juste remplir l'espace sans personnalité.  Or dans une histoire, le décor nous donne souvent beaucoup d'indices et il raconte souvent lui-même une partie de l'histoire.

@+ Mariane

jeudi 16 mai 2019

Chroniques de Kitchike de Louis-Karl Picard-Sioui

Chroniques de Kitchike La grande débarque  Louis-Karl Picard-Sioui  Hannenorak  171 pages


Résumé:
Recueil de nouvelles prenant place sur la réserve autochtone fictive de Kitchike, où vivent de nombreux personnages haut en couleurs.

Mon avis:
Ok, ce recueil de nouvelles est... surprenant.  Pour le décrire, le seul mot qui me vient en tête est cow-boy.  Pas parce qu'on y monte à cheval, ni qu'il y a des histoires de poursuite avec des indiens, non, loin, très loin de là même!  C'est dans le ton, dans la manière de raconter qu'il y a un hommage au genre.  Pour le reste, les thématiques des histoires sont très différentes.

Toutes les nouvelles mettent en place la galerie des personnages habitant la réserve fictive de Kitchike.  La vie sur la réserve en tant qu'autochtones y occupe la majeure partie de l'histoire et permet d'ouvrir une fenêtre sur un univers que l'on connaît finalement assez peu.  La première surprise, c'est que la plupart des habitants se définissent comme étant le nous et l'autre, c'est le blanc, qu'il soit voleur, naïf ou simplement là.  Les bons blancs dans ce recueil de nouvelles, ils n'existent pas et ça fait un choc de voir que c'est ainsi que l'on peut être vu.

Parlons-en des personnages d'ailleurs!  Ils reviennent de nouvelles en nouvelles, permettant au tout d'être un choeur d'histoires montrant une grande diversité autant qu'une grande unité qui nous fait voir la communauté au complet, avec toutes ses tendances, traditionalistes comme progressistes, champ gauche comme conservateur.  On sent dans l'écriture l'atmosphère de la réserve, ses conflits de personnalité, ses mémérages, ses modus operandi communautaire.  Par la bande, l'auteur y lance des piques contre le racisme, montre des aspects de culturels moins connus, dépeint les conflits entre les différentes factions de la réserve.  Tout cela sans jamais tomber dans le récit pédagogique.  On s'attache à eux même si certains sont droits comme des points d'interrogation (bonjour Monsieur le Chef du Conseil de bande!), d'autres naïfs au dernier degré et certains, de vrais idiots!

L'auteur a fait le choix de lier toutes ses nouvelles entre elles, en faisant une histoire complète racontée par le point de vue de chacun des personnages.  Comme un kaléidoscope de toute une communauté avec un projecteur sur un membre à la fois, dans chaque nouvelle.  J'ai adoré  en particulier la nouvelle Chez Alphonse où le dépanneur du village un dimanche matin devient le centre de la réserve, mais aussi le révélateur des tensions, des caractères et de la vérité des personnages.  En fait, il n'y a aucune nouvelle de ce recueil que je n'ai pas aimé, celle-là, est juste ma préférée.

Un agréable moment de lecture, dépaysant, intéressant et franchement rafraîchissant!

Ma note: 4.5/5

lundi 13 mai 2019

Le fameux gars des vues

Salut!

Parmi mes souvenirs d'enfance marquants, il y a le grand rire de mon père en se tapant sur les cuisses devant un détour d'intrigue improbable dans un film.  Et il lâchait tout le temps en même temps: «Ah ça, c'est arrangé avec le gars des vues!»  Je comprenais le principe, mais dans ma tête d'enfance venait cette question: c'est qui ce gars?  Parce que si on disait le gars des vues, c'était forcément une personne non?  Ce souvenir m'est revenu en tête l'autre soir, alors que je soupais avec un ami dans un restaurant.  On jasait d'écriture et là, il me lâche: «Quand on écrit, il faut faire attention à ce que ça ne sonne pas comme si c'était arrangé avec le gars des vues.»  Le grand éclat de rire de mon père a sonné dans ma tête.  Ok, je venais d'attraper un billet de blogue au vol.

Dans la tête de la gamine que j'étais, je me posais vraiment la question à savoir qui était ce fameux gars des vues.  Et bien, ce n'est pas une personne, contrairement à ce que je pensais, et faire cette découverte a marqué un passage important dans ma vie.  Le proverbial gars des vues est en fait une expression pour désigner un effet scénaristique qui tombe juste un peu trop bien pour le film.  Vous savez, le gars qui arrive juste à temps pour sauver la fille.  Pas une minute trop tôt ou trop tard, pile à l'heure.  Les maniaques de la ponctualité adorent le gars des vues.

C'est aussi cette hache providentielle qui est juste là où où il le faut, ce trombone qui arrive au moment où il faut ouvrir une paire de menottes (et que la personne qui veut s'en libérer sait bien sûr utiliser!).  C'est tout ce qui tombe trop bien à ce moment-là pour que ça ait l'air naturel.  En fait, c'est une coïncidence tellement extraordinaire qu'un dirait qu'un gars caché quelque part en-dehors de l'écran eu la brillante idée de mettre ça là étant donné qu'il savait que le ou la protagoniste en aurait besoin juste à ce moment-là.  Et c'est juste trop visible que c'est le cas.

Je parle de films, mais ça peut aussi bien arriver dans un livre.  Vous savez, c'est ce personnage qui sait soudainement comment désactiver une bombe... alors qu'il n'est qu'un simple flic dans la vie de tous les jours.  Ou cette femme qui organisera l'enterrement de vie de fille du siècle... alors qu'elle est une tarte en organisation.  Quand c'est trop beau pour être vrai, c'est que le gars des vues est dans les parages.  Bien caché au coin de la rue, il guette pour installer au bon moment le tuyau d'arrosage pour éteindre l'incendie qu'il sait qui va bientôt éclater.  Parce que le gars des vues est omniscient, il sait quels seront les prochains actes du héros, pourra minuter le temps de parcours automobile nécessairement pour accomplir l'exploit, s'il y aura un obstacle, s'il y aura de l'aide, si la voiture aura une crevaison au mauvais moment ou si son cap de roue revolera providentiellement pour aller briser le pare-brise du méchant qui le poursuit.

Le gars des vues décide de tout, prévoit tout et s'arrange pour que tout tombe à point pour que l'histoire fonctionne...  Minute là.  Si le gars des vues fait tout ça, est-ce que dans le fond, c'est parce qu'il connaît l'histoire au complet?  Est-ce que c'est parce qu'il connaît très très bien les personnages, intimement même, qu'il sait que tel personnage sait défaire des menottes même si personne d'autre ne le sait?  Au fond, le gars des vues n'est-il pas... l'auteur?

Ok, je crois que je vais surveiller mes fesses en écrivant moi.

@+ Mariane

jeudi 9 mai 2019

La femme tombée du ciel Mythe wendat de la création par Huwennuwanenhs et Louis-Karl Picard-Sioui

La femme tombée du ciel  Huwennuwanenhs Louis-Karl Picard-Sioui  Illustrations de Christine Sioui Waeanoloath  59 pages


Résumé:
Ceci est une présentation d'une des versions du mythe wendatt de la création du monde.

Mon avis:
Je vais préciser d'entrée de jeu que je ne peux pas, d'aucune façon, donner un avis quelconque sur un récit mythologique en tant qu'oeuvre.  Je peux simplement vous donner mon appréciation sur la version de celle-ci qui a été publiée.

Et bien, c'est un mythe, une histoire que l'on raconte pour expliquer le pourquoi du monde.  Ses racines sont bien ancrées dans le bestiaire nord-américaine et dans une vision du monde très différente, mais pour le reste, j'ai trouvé que le ton, la manière de raconter et quelque chose dans l'art de tirer des conclusions de l'histoire ressemblait beaucoup aux récits bibliques.  Quand on sait qu'ils sont basés sur une tradition orale, c'est même logique.

Autre point, on ne peut pas parler d'un mythe, mais bien de des mythes.  Le recueil concerne plusieurs mythes distincts.  L'un explique la création du monde, la différence entre la terre et le ciel, l'autre la dispute fondamentale entre deux frères, l'autre le récit de la création des humains...  On comprend beaucoup de choses à la lecture de ces récits.  On se sort pas des questions fondamentales de l'être humain, mais le décor lui, change et le sens des symboles aussi.  La tortue et le cerf par exemple, ont des rôles et des symboliques profondes qu'ils n'ont pas dans d'autres cultures.

Le livre est rempli de magnifiques illustrations.  Celles-ci ne sont pas purement explicative, mais sont une forme d'art en soi.  Je ne sais pas s'ils sont d'inspiration d'autres formes d'arts wendatts ou une forme d'art contemporaine, mais elles sont magnifiques.

Bref, ce recueil est une belle forme d'introduction à une mythologie qui est moins familière, dans un écrin magnifique.  C'est simple à lire et cela peut être lu autant par des adultes que par des enfants, car enfin, qui sommes nous pour décider quand arrêter de nous faire conter des histoires...

Ma note: 4.5/5

mardi 7 mai 2019

Sortez les gants de boxe!

Salut!

J'ai mentionné lundi que j'étais en mode post-Boréal, ce qui fait donc que mon cerveau a eu quelques difficultés à sortir de la brume.  Fort heureusement, ma très efficace application de balado s'est chargé de me rappeler à l'ordre que cette semaine est l'une de mes semaines préférés de l'année.

Sortez les tambours et les trompettes!

C'EST LE COMBAT DES LIVRES 2019!!!!!!!!!

Pour ceux qui ne connaissent pas, les infos, c'est par ici, mais pour faire court, dans le cadre de l'émission Plus on est de fous, plus on lit, diffusé les après-midi sur la Première chaîne de Radio-Canada, on demande à cinq personnalités représentant les différents territoires du Canada (Ontario, Québec, Atlantique, Ouest canadien et territoire autochtones) de défendre un livre dans une compétition amicale où la littérature est à l'honneur et où tout le monde s'efforce de discuter pendant des heures, sans dire la fin.  

Les combattants rivalisent donc d'arguments, de stratégie, de ruse et de méthodes controversées (offrir du chocolat à ses adversaires, soutenir un livre et voter pour un autre, retenir ses arguments pour tous les sortir à la fin, faire preuve de mauvaise foi, etc) pour tenter de convaincre les autres panélistes (et les auditeurs) de voter pour leur livre!

Et vous savez, quoi?  J'adore ça!

Parce qu'on parle de livres, parce qu'on prend la peine de décortiquer les histoires, les personnages, les styles d'écriture, les intrigues et tout et tout, mais de manière vivante, vibrante.  C'est un vrai combat, avec tout ce que ça veut dire de moment maladroit, de réussite, de superbe et d'emportements (littéraires bien sûr!).  Tous les panélistes vous donnent envie de vous précipiter à la librairie ou à la bibliothèque pour aller chercher les livres et les lire.  Les occasions de parler ainsi de livres, de tenter de convaincre que le livre est bon, mais pas de le vendre, sont tellement rare que ça vaut la peine d'en profiter.  D'autant plus que ça fait un vrai party à écouter!

Cette année, mon coeur balance très très fort entre De synthèse de Karoline George (que je n'ai pas encore lu, mais dont on m'a dit tellement, mais tellement de bien!) et Manikanetish de Naomi Fontaine que j'ai lu récemment (mais non, je ne l'ai pas du tout lu parce qu'il avait été annoncé au Combat des livres voyons! :P )

Alors tout le monde, bon combat! :) #combat2019

@+ Mariane

lundi 6 mai 2019

En mode post-Boréal...

Pour ceux qui savait pas, j'étais en fin de semaine au Congrès Boréal, à Sherbrooke.

Pour ceux qui ne connaissent pas (et je les plains!) c'est le congrès annuel des amateurs de science-fiction, fantastique, fantasy et horreur du Québec.  C'est un rendez-vous annuel à ne pas manquer!

Pour ceux qui ont jamais été, c'est une fin de semaine absolument merveilleuse à chaque fois, pleine de rires, de discussions animées, de découvertes, d'émotions (vais-je gagner le concours d'écriture sur place pour la deuxième fois d'affilée?  Non, mais la personne qui a gagné le méritait amplement, j'en suis sûre et je suis super contente pour elle!) et aussi, hum, euh, de moment où t'es tellement fatigué que tu fais des bye-bye de l'autre côté de la rue à des gens que tu connais pas, où tu bois de la bière à tous les repas (ça a peut-être une influence sur le point précédent!), où tu prends 45 titres de livres, de séries télés et de films en te promettant de les regarder/lire avant l'année prochaine (mais ça arrive jamais), où tu te promets de jaser avec telle, telle ou telle personne et que tu jases finalement avec plein d'autre monde, mais pas les personnes sus-mentionnées, où tu découvres qu'un livre pour lequel tu as eu un coup de coeur est honni par un auteur que tu adores (non, je ne pense pas ici à un certain auteur ultra-populaire de livres d'horreurs! :P ), où tu es présenté à 27 nouvelles personnes différents et où, avec un peu de chance, tu vas retenir deux noms. 

Bref, c'était le Boréal en fin de semaine...

Je retourne me coucher...

De retour quand j'aurais dormi un peu...

@+ Mariane

jeudi 2 mai 2019

Manikanetish de Naomi Fontaine

Manikanetish  Naomi Fontaine  Mémoire d'encrier  136 pages


Résumé:
Yammie accepte un poste de professeure de français dans une école secondaire située sur une réserve innue.  Elle-même issue de cette nation, elle a depuis longtemps perdu le contact avec ses origines.  Devant cette classe confrontée à des défis humains immenses, elle sera établira un contact avec ses élèves qui lui en apprendra plus sur elle-même qu'elle ne l'aurait cru.

Mon avis:
L'écriture de ce livre est toute douce, comme une grande couverture dans lequel on voudrait s'envelopper, mais elle sait aussi affronter les situations difficiles et ne pas faire de son récit un ramassis de bons sentiments.  D'avoir su trouver la limite entre les deux, le juste ton, est un petit exploit.  Car, il y a une grande pudeur dans ce récit.  L'auteur ne nous bombarde pas d'exemples et ne nous raconte pas tout.  Elle nous plonge dans une atmosphère et l'on comprend sans qu'il y ait beaucoup de choses à ajouter.   

On y parle d'enseignement et il est facile de tomber dans ces cas-là dans le client du prof-sauveur.  Ce n'est pas le cas ici.  Yammie fait ce qu'elle peut, avec l'enthousiasme de la jeunesse.  Elle ne réussira pas sur tout, sauf sur un point: elle réussira à créer des liens avec ses élèves.  Elle hésite, se demande souvent quoi et comment faire, elle fait des erreurs, bref, elle est d'une grande humanité. 

Le portrait de la situation dans la réserve où elle enseigne montre une réalité au fond très proche de la nôtre.  La vie, la mort s'y côtoient et les épreuves de l'adolescence y sont les mêmes.  C'est quand on gratte que l'on se rend compte des différences.  L'importance accordée à la nature, à la chasse et à la pêche entre autre.  On sent une relation complètement différente avec le territoire.  Les liens familiaux, l'esprit communautaire sont différents de ce que l'on retrouverait dans une polyvalente de banlieue.  L'auteure ne nous raconte pas ces différences.  Elle nous les montre, avec un grand doigté.  Une des réalités qui m'a surprise est le nombre d'adolescentes qui sont mères très jeune, 17-18 ans.  Elles n'ont pas fini leurs études et vivent déjà la conciliation travail-famille.  C'est surtout la normalité de ce fait qui surprend.  

Ce livre est une petite percée dans un univers que l'on connaît peu ou mal, loin des préjugés et des clichés.  C'est rafraîchissant, mais c'est avant tout un très bon livre qui se laisse lire avec une grande facilité.

Ma note: 4.75/5