lundi 29 juin 2020

À tous ces auteurs canadiens que j'aime

Salut!

La semaine dernière, j'ai rendu hommage aux auteur(e)s québécois à travers leurs mots.  En fouinant dans ma bibliothèque, j'ai eu envie de faire de même avec les auteurs canadiens.  Il y en a moins, mais tout de même, je me suis amusée à faire le même exercice: j'ouvre le livre au hasard et je vous offre leurs mots.

«Elle commence son repassage à la cheville mais lorsqu'elle arrive à la cuisse, l'étoffe est froissée en dessous.  Elle regarde ses mains lisser le velours sombre, soulever le fer, faire des faux plis.  Elle retourne le pantalon encore et encore, ses mouvements deviennent de plus en plus désordonnés, ce qu'elle fait n'a plus rien à voir avec le repassage.» Nancy Huston, La virevolte, p. 101

«Feeling restless, she move back to the main path.  That's when she spied the blacksmith.  He had doffed his leather apron and was walking toward a log house at the end of the road.  On impulse, Amanda followed» Elyse Friedman, We have everything they have nothing in Toronto 2033, p.17

«Les enfants échangeaient donc à voix basse.  Ils ont appris à parler la bouche fermée, ventriloquisme auquel leur langue doit sa survie.  Pour parler ojibwé, ils rapprochaient leurs têtes penchées en passant la serpillière dans les couloirs ou en curant les stalles de l'écurie.» Richard Wagamese, Cheval Indien, p. 65

«Roz a une brève vision de Zenia debout sur le perron, le sien et celui de Mitch, après l'un de ces dîners au début des années quatre-vingt, au temps où elle était encore sensible au numéro de Zenia, où elle la soutenait l'invitait.» Margaret Atwood, La voleuse d'hommes, p.147

«Je suis en fait dans une situation pire qu'avant, car je n'ai plus ni Katie Maurice, ni Violetta, à présent.  Et même si je les avais, ce ne serait plus pareil.  D'une certaine manière, les petites filles de rêves ne peuvent pas remplacer une vraie amie.» Lucy Maud Montgomery, Anne la maison aux pignons verts. p. 163

«Pas un seul muscle ne bougea sur le visage du prêtre  tandis qu'Athanase lui décrochait cette flèche subtile.  Ce n'était pas le premier affront que l'autre lui infligeait.  Il savait qu'Athanase affectait d'admirer le haut clergé et de mépriser le bas.» Hugh Maclennan, Deux solitudes p. 252

«Plusieurs années avaient passées.  Je sortais de ma banque un après-midi, dans un centre commercial souterrain, quand je suis tombé nez à nez avec elle au pied 'un escalier roulant.  Le temps avait allongé son visage et elle avait un air un peu effaré.  Une triste histoire d'amour espérais-je.  Nous avons eu quelques rendez-vous ici et là puis, un soir, en rentrant de quelque part, j'ai jeté un regard vers sa silhouette et j'ai pensé: Je dois épouser cette femme.» David Gilmour, L'École des films, p. 37

«Ses mots résonnèrent dans le silence ayant suivi les derniers accords de la harpe, et la tension qui régnait dans la pièce s'en trouva relâchée comme celle de la corde d'un arc.  Blaise prit une longue inspiration et constata avec une certaine surprise que la plupart des gens qui l'entouraient faisaient de même.» Guy Gavriel Kay,, La chanson d'Arbonne, p. 152

Voilà, c'est tout.  Et à tous ceux qui déménagement cette semaine, bonne chance avec vos boîtes de livres!

Mariane

lundi 22 juin 2020

À tous ces auteurs québécois que j'aime

Salut!

Cette semaine, c'est la Saint-Jean-Baptiste, la Fête Nationale des Québécois.  Contrairement à l'an dernier, je ne pourrais pas aller assister à un spectacle et à des feux d'artifices, entourées de centaines de personnes, dans la chaleur, les moustiques et les relents de légalité qui flottaient dans l'air.  Alors, je vais me permettre de rendre hommage à quelques-uns des nombreux auteur(e)s d'ici que j'aime tant, que j'admire et qui me font tant de bien avec leurs mots.  J'ouvre au hasard les pages de quelques-uns des livres que j'ai tant aimé et je vous les livre.

«Je suis assis sur la galerie, presque sur le bout, dans l'angle droit.  J'ai vu le manège d'Oginé.  Il a déplacé le cheval de Naréus et l'a mis tout près de la jument de Chaël Charles.  Deux bêtes tranquilles.  Brusquement, le cheval se met à hennir et à tirer sur sa corde.  Il a le sexe droit comme un balai.  Le camion de Gros Simon passe, au même moment, en soulevant un peu de poussière.  Marquis, couché près de la balance, se réveille, brusquement, et se met à aboyer.  Le camion était déjà près de la croix du Jubilée quand le cheval a cassé sa corde pour sauter sur la jument.  Da m'envoie chercher sa cafetière juste à ce moment.»  Dany Laferrière, L'odeur du café, p.88-89

«L'enfant s'agita dans le ber.  Didace ne l'avait pas bien regardée encore; il avait attendu d'être seul.  Il se pencha au-dessus du ber, une première fois d'abord.  Puis, une deuxième, pour plus de certitude.  Il se frotta les yeux.  un gros noeud se formait dans sa gorge.  Mais oui, l'enfant avait le front bas, volontaire, des Beauchemin, avec les cheveux noirs et drus et le nez large, incomparable pour prendre l'erre du vent.  Comme lui!  À son image, elle était de sa race!» Germaine Guèvremont, Marie-Didace, p.155

«Mon père et moi aurions logiquement dû nous placer au centre du troupeau, dans la section de ceux qui font la course en quatre heures.  Seulement voilà, pour un gnou comme lui, un gnou habitué à donner des coups de cornes, un gnou qui n'en fait qu'à sa tête, il est inadmissible de se placer au milieu du peloton.  Je me retrouve donc, à douze ans, aux côtés des meilleurs coureurs, à quelques mètres de la ligne de départ.» Bryan Perro, Pourquoi j'ai tué mon père, p.31

«Les bûcherons enlevaient le mackinaw, prenaient la hache et han! han!  Le bois voisin répondait han! han!  Oooh! criaient les hommes, oooh! répliquait l'écho, et crac, griche, frouche, crac! un arbre plongeaient en hurlant, secouait la neige...» Félix Leclerc, Pieds nus dans l'aube, p. 129

«L'hiver, j'apprécie toujours de ne pas avoir assez de fric pour me payer une voiture.  J'ai le temps de me rendre tranquillement au travail les mains dans les poches en sifflotant, d'acheter mon café et de manger deux croissants, que mes voisins en sont encore à dégivrer leurs serrures et à donner des coups de pied sur les pneus en hurlant contre l'inutile nouvelle patente de Canadian Tire, qui vient tout juste de leur casser dans les mitaines.» Stéphane Dompierre, Un petit pas pour l'homme, p. 128

«Aussitôt, avec un ronronnement accéléré, le robot se tourne d'un bloc et glisse vers la cuisine.  Adam remarque trois petites roues surgies sous l'appareil.  Zabulon, jusqu'ici indifférent, n'apprécie pas le monstre bourdonnant qui s'approche vers lui.  En bon chien de garde, il gronde de son ton le plus menaçant, poil hérissé, crocs découverts.» Suzanne Martel, Nos amis robots, p.24

«Ça le fait sourire.  Sa mère pouvait être drôle.  Oui, elle pouvait être drôle, mais aussi casse-pieds.  Elle n'a jamais aimé les filles qu'il amenait à la maison, mais ça il le sait, c'est un classique, c'était comme si elle lui disait, chaque fois, pourquoi tu ne me choisis pas?»  Marie-Sissi Labrèche, La vie sur Mars p. 62

«Il y a ces gestes que je n'ai pas appris à faire quand j'étais petite.  Je n'ai pas appris à cogner à une porte avant d'entrer dans une maison.  Je n'ai pas appris l'importance d'arriver à l'heure à un rendez-vous.  Ma mère ne m'a pas appris à gérer convenablement mes finances.
Et toi Julie, sais-tu reconnaître les pistes du lièvre?  Sais-tu lire le temps qu'il fera sur les feuilles des arbres?  Sais-tu entendre, au-delà de la souffrance qui est visible, le pouls d'un coeur qui s'accélère pour continuer à battre?»  Naomi Fontaine, Shuni, p. 31

«3 juillet
M'enfuir.  J'ai claqué toutes les portes pour aller m'échouer dans mon auto et j'ai grignoté les routes du Québec, kilomètre par kilomètre, conduisant mon désarroi fugitif sur les chiffres: la 31, la 40, la 55, la l38.»  Roxanne Bouchard, Whisky et paraboles, p. 9

«Veux-tu que je te dise comment elle est cette langue?  
    Vois la montagne, elle se nomme otso...  Mais dis-le dans un chuintement, les sons à peine portés, les lèvres demi-fermées.
    Et si la montagne (otso) s'ajoute à d'autres montagnes et devient une chaîne, c'est nattekam.  Un mot pour chaque chose et pour chaque chose un mot différent, un mot seul et non les phrases assemblées de tes langues pauvres.»  Yves Thériault, Ashini, p. 46

«Nous parcourûmes ainsi toute la maison, ou plutôt, j'eus l'impression que je volais à travers toute la maison.  J'étais à six pieds au-dessus du sol et je me glissais partout sans avoir à marcher!  Le corridor défilait à toute vitesse, les différentes pièces de l'appartement étaient parcourues comme si j'étais un oiseau pressé en visite, les portes s'ouvraient sans que j'ai à tendre la main.  Et tout ça à une telle vitesse!  J'étirais la main pour voir si je ne sentais pas l'air passer, comme en voiture.  Non.  Quand même, on allait pas si vite que ça!  Le téléphone mural, l'objet le plus défendu de toute la maison, passa à côté de moi, à hauteur d'épaule de mon père.  J'aurais aimé qu'il sonne, répondre, crier: «Chus dans les bras de mon père pis c'est la plus grande aventure de toute ma vie!» »  Michel Tremblay, Bonbons assortis, p. 56

«Le lavoir
«Pour une heure de travail, une éternité de bonheur.»
Cette bonne pensée est affichée au mur du lavoir, dans la buée des bouilloires fumantes et des cuves.  Savonnage, brossage, rinçage, essorage.  Tout le linge du mois y passe, petit linge et gros linge.  Penchées sur les cuves, les religieuses font la lessive, sans parler, dans un bouillonnement d'eau et un frottement de planches à laver.» Anne Hébert, Les enfants du sabbat, p. 57

Bonne fête nationale du Québec à tous!

@+ Mariane

jeudi 18 juin 2020

Les déserteurs temporels de Robert Silverberg

Les déserteurs temporels  Robert Silverberg  Presse-Pocket  Collection SF 192 pages


Résumé:
2490.  Joseph Quellen est un agent de septième classe qui a enfin réussi à obtenir le droit d'avoir son propre logis... où il a installé un téléporteur le menant à un petit coin paradisiaque en Afrique, un rêve totalement inaccessible pour quelqu'un de sa classe vu la surpopulation de la planète.  S'il est autrement un agent efficace du gouvernement, il se retrouve face à une cause difficile: il est écrit dans les annales que depuis quatre ans et jusqu'à l'année suivante, des déserteurs temporels feront le saut dans le passé pour fuir leur avenir bloqué.  On le sait à cause des dates d'arrivées de ceux qui sont retournés dans le passé.  Mais voilà, comment découvrir la vérité sans compromettre le passé et par le fait même, modifier le présent?

Mon avis:
Robert Silverberg est un auteur prolifique de science-fiction.  Sa liste de parutions n'a aucune chance de tenir sur une seule page, ni même sur deux.  Ce qui en fait un auteur qui a un métier énorme et donc une grande facilité dans certains domaines, mais également un auteur qui a dû développer des techniques pour réussir à publier autant.  Les deux se ressentent dans ce livre.

De un, les personnages, à l'exception de Quellen sont assez grossièrement définis.  Ils n'ont souvent qu'une ou deux motivations, essentiellement liés à leur statut professionnel ou conjugal, n'ont aucune vie en dehors de ce qui est directement lié à l'intrigue, sont peu décrits physiquement et leurs rôles sont essentiellement utilitaires à l'histoire.  Mais comme l'auteur a du talent, ça passe presque comme du beurre dans la poêle.

 De deux, l'histoire réussit à très bien tirer son épingle du jeu envers les potentiels problèmes que peut avoir le fait d'empêcher des voyages vers le passé... sur le présent.  Les discussions qu'ont les personnages sur le sujet sont vraiment bien tournées et demeurent intéressantes tout au long du livre.  L'auteur explore ici un aspect pas si exploré de la SF: si on sait que des gens ont autrefois atterrit dans le passé depuis le présent, comment doit-on agir envers ces personnes dans le présent?  Grande question que l'auteur exploite avec un doigté évident.

On reste dans l'action tout du long et l'intrigue tient quand même bien la route, malgré une ou deux couleuvres ici et là que l'auteur nous balance.  (Vraiment, un chef suprême pareil?  Sérieux?)  On se laisse facilement emporter, mais on voit quand même les ficelles qui sous-tendent l'ensemble.  C'est un divertissement honnête, mais ce n'est pas un grand roman.  Silverberg a fait beaucoup mieux dans son oeuvre.

Ma note: 3.75/5

lundi 15 juin 2020

Les dizaines d'épaules à la roue

Salut!

Il y a quelques semaines, j'ai lu un article dans La Presse qui m'a fait énormément réfléchir.  Il parlait de ses auteurs qui voyait pratiquement leurs livres paraître... pour quasiment rien.  Je parle de ceux qui sont parus quelques jours ou semaine avant la pandémie.  Qui sont débarqués et sont sur les tablettes des libraires, disponibles à la vente, majoritairement en ligne depuis, mais qui n'ont pas eu droit à ce qu'un livre a normalement droit en terme de promotion: des lancements, des salons du livre, des rencontres dans les bibliothèques, des critiques, des entrevues dans les médias (pour les chanceux!), des piles de livres dans les librairies, la campagnes de publicité. les réseaux des éditeurs qui se mettent en branle, des affiches que l'on croise,  les représentants qui vont de librairie en librairie présenter les livres, les présentations des éditeurs et des distributeurs, des libraires passionnés qui font le lien entre le livre et les lecteurs, tous ces petits coups de pouce comme autant d'épaules à la roue qui permet à un livre de faire son chemin dans la vie, d'être découvert, connu et ultimement lu.

Ce sont les mains invisibles du milieu du livre.  On voit facilement l'auteur, c'est normal, c'est son livre, c'est lui qui le défend et c'est son oeuvre.  Sauf qu'il n'est pas le seul à mettre l'épaule à la roue.

Ce n'est pas pour rien que l'on parle de chaîne du livre.  C'est comme la chaîne alimentaire: on a besoin de toutes les étapes pour trouver du succès à la fin du processus, si on enlève une étape, ça craint.  Ce n'est pas garanti, bien sûr, mais si tout le monde pousse dans la même direction (et je ne connais pas grand monde dans le milieu du livre qui ne veulent pas le succès d'un livre, voir de tous les livres), les résultats sont souvent au rendez-vous.  Bien sûr, la conjoncture joue pour beaucoup.  Si le livre est un coup de coeur pour tout le monde, l'enthousiasme sera au rendez-vous. il aura plus de succès.  Si le livre ne plaît pas à une majorité, il peut tomber dans l'oubli.  Et vu la quantité de livres qui paraissent (des fois en librairie, on pouvait recevoir entre 150 et 300 titres par semaine!), c'est très dur de défendre tout le monde de manière égale.  Mais...

Si personne ne se lève pour défendre un livre, il n'aura que peu de chance de faire autre chose qu'un petit aller-retour entre une librairie et un entrepôt.  Ensuite, ce sera la liquidation ou pire, le pilon.  Et une seule personne ne peut pas tout faire.  Comme l'autopromotion l'a amplement démontrée, une personne qui fait tout, toute seule, peut avoir du mal à ratisser large et ne pas être capable de rencontrer tous les publics.  Parce que certains seront convaincus par une campagne de pub, d'autres par un article dans le journal, certains par un autre lecteur enthousiaste (le bouche à oreille est une arme redoutable qu'aucune campagne de marketing ne peut surpasser!).  Néanmoins, l'arme ultime est quand tous ces facteurs se cumulent: on entend parler d'un livre à la radio, on voit une affiche dans un salon du livre, on tombe sur une invitation à une rencontre avec l'auteur à la bibliothèque, un blogueur(se) fait une critique du livre qu'il partage sur Facebook...  C'est la multiplication des rencontres avec le livre qui favorise le geste d'aller le chercher à la librairie, à la bibliothèque ou de l'emprunter à un/une ami(e).  Plus de gens mettent l'épaule à la roue, plus elle aura de chance de rouler.

Le hic, c'est que de monopoliser autant de monde, ça coûte des sous et au bout du compte, même si tout le monde travaille pour lui, c'est l'auteur qui fait le moins d'argent...

@+ Mariane

P.S. On a beaucoup parlé de l'importance de l'achat en librairie indépendante au cours de cette pandémie.  J'encourage tout le monde à continuer à le faire, même après.  Je vous encourage aussi à acheter des livres parus en janvier, février et mars de cette année, surtout si ce sont des livres d'auteurs qui n'ont pas la chance de compter sur une machine commerciale derrière eux.  En achetant un livre, vous allez aider un auteur, la librairie qui le vend, l'éditeur et le distributeur, tout ce beau monde qui vous enchante à longueur d'année avec leurs parutions.  Merci de leur part d'ajouter votre épaule à la roue!  (et surveiller mes critiques dans les prochaines semaines, j'applique ce principe à moi-même!) 

jeudi 11 juin 2020

Les lettres d'Edith Wharton

Les lettres  Edith Wharton  Gallimard  Folio  91 pages


Résumé:
À Paris, Lizzie West tombe amoureuse de Vincent Deering, le père de la petite fille dont elle est l'institutrice.  Devenu veuf, Deering doit repartir aux États-Unis.  Ils promettent de s'écrire, mais rapidement, Lizzie ne reçoit plus aucune lettre.  Quelques années plus tard, alors qu'un héritage lui a échut par hasard, elle le recroise par hasard.

Mon avis:
Ça faisait un bout de temps que je voulais lire Edith Wharton, une auteure dont j'avais beaucoup entendu parler et en très bien.  Je n'ai pas été déçue.  Plus qu'une histoire, l'auteure nous invite à plonger dans les émotions d'une personne, une femme, mais avec une précision et des nuances formidablement détaillée, comme de la dentelle.  On suit ainsi Lizzie dans les allers-retours de son coeur auprès de Vincent Deering.

Même si on est au plus près d'elle, on remarque beaucoup de détails qu'elle ne parvient pas à comprendre et on voit beaucoup de petites choses qui éclairent sur une situation, qu'aveuglée par l'amour, elle ne voit tout simplement pas.  Et juste avec ça, l'auteure fait preuve d'un talent rare, car elle réussit à nous faire vivre deux histoires en parallèle, qui s'imbrique: celle de l'amour de Lizzie pour Deering et celle de Deering lui-même, que Lizzie ne voit pas, sans jamais quitter le seul point de vue de la jeune femme.

Le récit étant court, je ne vous dévoilerais pas la fin, mais dans les allées-retours, les hésitations, les décisions et les retournements, l'auteure nous dresse un superbe portrait de femme et d'une époque également.  Il n'y a pas un mot de trop, tout est ciselé, pensé, soupesé et dans ce magnifique montage, on oublie presque la beauté des mots pour s'attarder à ce qu'ils transportent.  Un petit régal presque trop bref.

Ma note: 4.75/5

mardi 9 juin 2020

Le poids du papillon d'Erri de Luca

Le poids du papillon d'Erri de Luca  Gallimard  Folio  81 pages



Résumé:
Un chasseur, alors qu'il était jeune, a tué une femelle chamois.  Depuis, son fils règne sans partage sur une harde.  Mais chasseur et chamois prennent de l'âge et voit venir leur fin.  L'occasion d'une nouvelle rencontre?

Mon avis:
Le livre commence par raconter l'histoire de la brève rencontre entre le chamois et le chasseur et explique que c'était il y a longtemps, que l'hiver vient et ce sera leur dernier.  Tous les deux le savent.  Et ensuite, l'auteur réexplique tout ça dans des mots différents, une première, puis une deuxième fois...  C'est verbeux à souhait, ça ne fait pas avancer l'histoire et plusieurs formulations de phrases me donnaient l'impression d'être boiteuses, comme s'il manquait un mot.  Effet de style sans doute volontaire, mais bon, ark.  Bref, c'était loin d'être excellent.

Une deuxième nouvelle complète le livre, qui a toute les défauts d'écriture du premier texte.  Rien à signaler.

Fort heureusement que c'était court...

Ma note: 2.5/5

lundi 8 juin 2020

Le futur vers le passé

Salut!

En 1999, quand je me suis assise au cinéma en compagnie d'un de mes amis mordu-à-un-point-extrême pour regarder l'épisode 1 de Star Wars, qui était aussi le 4e film sorti chronologiquement dans une galaxie lointaine, très lointaine, la mode n'était pas encore très forte de reculer dans le temps pour aller explorer le passé des événements.  Certes Tolkien avait écrit plusieurs tomes des Contes et légendes inachevées, mais la mode de l'antépisode n'était pas si forte.  Seulement, voilà, depuis que la trilogie de Georges Lucas a été dévoilée, on dirait que les créateurs ont découvert une mine d'or inexplorée.

À vraie dire, il y a quelque chose de normal là-dedans, surtout pour les univers issus de l'imaginaire.  Ils ont dans leur ADN la création d'un arrière-monde qui prend racine dans le passé.  Parce que construire un arrière-monde signifie construire l'histoire de cet arrière-monde.  D'où vient la structure politique, d'où vient la culture, d'où vient la société, l'architecture, l'art, les conceptions du monde, comment toutes ces choses qui existent aujourd'hui ont été conçues, sont arrivées?  Pour que le monde qui se déploie devant nous soit cohérent, c'est d'une absolue nécessité.  Il faut le savoir ou, si on ne le sait pas, l'auteur(e) lui(elle) doit le savoir.  Donc, souvent l'histoire que l'on nous raconte s'appuie sur des événements qui sont déjà arrivés et qui ont un impact fort sur le présent.

Dans ma jeunesse, quand on allait voir un film, si on allait voir un autre film dans le même univers, on allait voir la suite.  Donc, en toute logique, on progressait dans le temps (à la notable exception de la série Retour vers le futur qui exploitait joyeusement l'idée de va et vient dans le temps).  Maintenant?  Ishh...  Star Wars a lancé la mode, mais les Animaux fantastiques sont situés bien avant Harry Potter, on a étiré Bilbo le hobbit sur trois films de trois heures (alors que ce n'est qu'un prélude au Seigneur des anneaux), on a fait un reboot de Star Trek pour lequel (tousse) on a réécrit l'histoire des personnages... bref, on avance pas.  On revient sur nos pas, on revit la même histoire, on recule dans le temps, on reraconte le passé...  Mais pourquoi?

Bon, ok, une des raisons est facile à comprendre: c'est beaucoup plus facile de retourner sur ses pas et de parler de quelque chose qui s'est déjà passé.  Risque minimum!  On a une bonne idée des événements, mais on ne sait pas le comment et même parfois le pourquoi.  Ou des fois, on pense le savoir, mais la réalité est toute autre chose...  Ça devient intéressant de connaître la vraie histoire, avec ses zones d'ombres.  De revivre les mêmes moments aussi.  De comprendre.  On rejoue la même histoire qu'on a adoré.  Encore.  Et encore.  Et encore.  On reste ainsi dans le connu, le familier, le rassurant.  En fait, on dirait que les adultes sont devenus comme les enfants: ils veulent revoir la même histoire, encore et encore, comme des gamins qui mettraient la Reine des neiges sur repeat en changeant légèrement le décor et les acteurs.

Mais c'est aussi saprément emmerdant à la longue.  Et en parallèle, ça en dit beaucoup vers nos sociétés actuelles.  De un, on ne prend plus de risques en créant de nouveaux contenus.  Pourquoi créer du nouveau quand on peut réutiliser des histoires qui ont déjà marché et carburer sur ce succès? De deux, on n'avance pas, on revient toujours en arrière.  Comme si on avait trop peur de l'avenir...

On dirait qu'on revient à la Renaissance où l'une des grandes idées étaient de retrouver la grandeur de l'Antiquité.  C'est fou.  On ne revient jamais en arrière pourtant.  Le passé peut être intéressant à explorer quand il éclaire le présent, mais le revivre n'est pas quelque chose de possible et j'ajouterais, de souhaitable.  Reculer a du sens quand c'est pour mieux avancer, pas quand ça devient une valeur en soi.

@+ Mariane

jeudi 4 juin 2020

Astonishing X-Men: Gifted de Joss Whedon et John Cassaday

Astonishing X-Men  tome 1 Gifted  scénario de Joss Whedon et dessins de John Cassaday  Marvel edition Non-paginé


Résumé:
Le professeur X a quitté son école et laisse les lieux entre les mains de Cyclop.  Celui-ci a réuni autour de lui plusieurs autres figures connues pour être les professeurs de l'école.  Au même moment, une cure est développée pour mettre fin à la mutation.  Et HYDRA, ainsi que le SHIELD ne sont pas loin...

Mon avis:
Ok, j'ai très peu lu de comics dans ma vie, surtout ceux de Marvel.  J'ai surtout vu les films.  Donc, me plonger dans cet comics était à la fois intéressant et totalement hors de ma zone de confort.  Avis: cette expérience se répercute sur ma critique.

Nous retrouvons donc les X-Men à un moment assez charnière de leur histoire (comme à chaque comics, film ou autre produit dérivé), alors que le professeur Xavier s'est retiré de l'école (aucune raison claire n'est donnée) et que Cyclop, malgré le deuil de Jean s'est remis en couple avec Emma Frost, qui l'aide aussi à diriger l'école.  Ok, juste là... WTF???  Emma Frost, prof à la Xavier School???  Cyclop en couple avec elle???  Bon, passons.  Je sais que les comics sont connus pour leurs reboot constant qui font revenir les morts parmi les vivants et entremêlent les intrigues (c'est particulièrement le cas ici).  C'est juste... flagrant pour un lecteur pas habitué à cette manière de faire.

Les personnages sont de façon surprenante bien dessiné.  On comprend pourquoi Beast est tenté par la cure, alors qu'il explique que jamais il ne pourra embrasser quelqu'un.  On comprend Kitty Pride quand elle revoit Collossus, alors qu'il est sensé être mort.  On plonge avec eux.  Et... Ok, les personnages des films ne sont pas si loin.  Je ne sais pas si c'est l'effet du dessin, mais on reconnaît les acteurs les interprétant dans le MCU ou un autre dérivé dans cette BD.  Certains personnages plus que d'autres, mais la grande question de où s'arrête la BD et où commence les films est assez floue.

Et parlons du dessin, l'esthétique est particulière.  Beaucoup de plans en grands angles (facile à adapter au cinéma), beaucoup de gros plans sur les visages, exprimant de fortes émotions, beaucoup de page pleine en fin de chapitre (qui sont normalement la fin d'un épisode distribué en revue, qui étaient regroupés dans l'édition que j'ai lue).  Beaucoup aussi de cassure en fin de chapitre, qui donnent envie de lire la suite, le fameux cliffhanger. Les mouvements lors des bagarres sont beaucoup suggéré au début et à la fin de l'action, mais peu détaillé dans le moment.  Cela donne une impression de suite d'arrêt-avance à la lecture, mais que je soupçonne d'être typique du genre.  

Intéressant de lire une histoire issue de l'écurie Marvel qui ne soit pas passée au filtre des films.  L'histoire y est plus brute, moins dégrossie, mais aussi, en un sens, plus honnête sur son processus créatif et sur sa façon d'opérer.  On sent la recette, la machine derrière... mais c'est diablement efficace.  Étant très habituée à d'autres formes de BD, j'ai trouvé certains aspects extrêmement primaires, mais d'autres très bien développés.  En tout cas, c'est une expérience en soi.  Et oui, je vais lire les autres tomes de cette série.

Ma note: 4/5

lundi 1 juin 2020

De la géographie: La carte mentale

Salut!

Encore une fois, comme avec la territoire, on va aller faire un petit détour du côté humain de la géographie humaine.  Parce que le concept est vraiment plus humain que géographique: je vais vous jasez de la carte mentale.

Qu'est-ce qu'une carte mentale?  Fermer les yeux.  Non, finalement, laissez-les ouvert, ça va être dur de lire ce billet les yeux fermés.  :P  Imaginez-vous dans votre maison, dans la pièce où vous êtes en ce moment.  Votre domicile est divisé en différentes parties, certaines consacrées à la cuisine, d'autres au repos, d'autres à la détente et d'autres à maintenir votre enveloppe corporelle propre.  Faites-en le plan dans votre tête.  Dessinez les divisions, les limites entre chacune d'entre elles.  Indiquez à quoi sert chaque endroit: travail, détente, repos, utilitaire, etc.  Et aussi, comment vous vous sentez à chaque endroit: est-ce une zone agréable, désagréable, ou vous n'aimez pas aller, où vous n'allez que parce que vous n'avez pas le choix, etc.  Si vous vivez dans le même logis que quelqu'un d'autre (et si cette personne accepte!), faites-lui faire le même exercice et dessinez tous les deux le résultat.  Ça pourrait vous surprendre.

Chacun se construit une image de son environnement immédiat.  Selon son histoire personnelle, ses valeurs, ses expériences passées, cette image ne sera pas pareille.  Inconsciemment, on divise notre environnement en territoires, auquel sont liés des fonctions et des émotions.  C'est sur ces territoires que se bâtissent les cartes mentales des individus.  Mon grand-père n'avait pas la même carte mentale que ma grand-mère de la cuisine: il devait lui demander où était rangé les chaudrons, mais pas les assiettes par exemple.  Deux enfants d'une même famille ne percevront pas de la même manière un arbre parce que le premier a vu le second tomber après avoir grimpé dedans.  Cet arbre deviendra une zone de danger pour l'un, tandis que l'autre peut en avoir une expérience positive parce qu'il ne lui est rien arrivé en tombant.  Dans la carte mentale du premier enfant, l'arbre est une zone de danger.  Ça peut être lié à un arbre en particulier ou à tous les arbres, ça dépend de l'individu.  Mais cela influencera la façon dont il percevra son environnement.

On apprend à tous les enfants de regarder des deux côtés de la route avant de traverser, on leur dit de marcher et non de courir quand ils la traversent, on leur dit de surveiller les voitures.  On inculque ainsi aux enfants la notions que la rue n'est pas leur territoire.  On crée en eux une carte mentale où il y a des zones de danger et des zones sûres.  Ils peuvent aller dans la rue, bien sûr, mais ils doivent y être prudents.  Par contre, au parc, c'est leur territoire, ils peuvent se lâcher lousse!  Un peu comme chez grand-papa et grand-maman!  Tout ceci influence la façon dont les enfants perçoivent leur environnement.  Ce n'est pas un hasard si la chambre d'un enfant est vue comme un endroit sûr pour lui et qu'il se cachera sous son lit s'il a peur!  Dans les faits, rien ne dit que cet endroit est plus sûr qu'un autre, mais le sentiment de sécurité qui y règne pour l'enfant est le plus important, parce que sa carte mentale est ainsi.  (et bon, on va se cacher sous le lit, mais on a peur des monstres qui peuvent s'y cacher la nuit...)

La carte mentale est influencée par tout un tas de détails.  Tenez, si je prends une carte et que je mets le doigt sur votre ville natale et que je vous demande si vous êtes chez vous, sans doute que vous allez me dire que oui, même si ce n'est pas votre quartier.  Si j'agrandis la perspective au pays en entier (on revient à l'emboîtement des échelles) et que je pointe votre province natale, en vous posant la même question, vous allez me répondre que oui, même si mon doigt atterrit à 600 km de votre domicile.  Si j'agrandis encore le portrait et vous pointe l'Amérique du Nord en comparant avec l'Europe, vous allez sans doute identifier l'Amérique du nord, comme étant chez vous, même si mon doigt est situé en plein midwest américain (pour les québécois hein, si vous venez d'ailleurs, ça risque d'être différent!).  Si je vous pointe une carte tout près d'une frontière, vous allez choisir plus spontanément votre côté habituel que l'autre côté qui représente plus facilement et souvent l'étranger, l'autre, qu'il soit ou non agressif.  Même si rien ne change vraiment d'un côté à l'autre de la frontière, même si le paysage est le même, il y a une ligne mentale qui est tracée dans les esprits.  C'est ainsi que la carte mentale des individus sur cette région est formée.

La carte mentale de chacun est absolument unique et en plus, elle est en constant mouvement, parce que nous sommes toujours en train de nous adapter à notre environnement, immédiat comme plus éloigné.  C'est en ce sens qu'elle diffère profondément d'un territoire, car si un territoire peut être partagé par plusieurs individus, une communauté, voir une société, jamais une carte mentale ne sera exactement pareille d'une personne à une autre.  Si par exemple, vous avez besoin de nouveaux vêtements, vous pouvez parfaitement identifier le centre d'achat près de chez vous comme étant un territoire parfait pour en acheter, mais par contre, n'avoir une carte mentale précise que des boutiques que vous fréquentez, les autres espaces restant peu détaillé, voir vides dans votre esprit.  Par exemple, ne me demandez pas de vous décrire l'intérieur de la boutique des complets pour hommes du centre d'achats près de chez moi!  Une autre personne pourra de même reconnaître le même territoire, mais en avoir une carte mentale radicalement différente, par exemple, un homme comparé à moi, qui fréquente le même centre d'achat, mais qui a besoin de complets pour son travail.  C'est pour cela que cet aspect de la géographie humaine est tant relié à son côté humain et non géographique.

Et la fiction maintenant.  J'ai trouvé une scène qui l'illustre parfaitement: la scène où Sansa Stark revient à Winterfell, dans la saison 5.  Elle est de retour dans un lieu que sa carte mentale identifie comme étant chez elle, un lieu où elle a, selon cette carte, toujours été en sécurité et qui plus est, aimée.  Sauf qu'à son retour, elle se retrouve en danger, moral et physique, sans soutien.  Le regard qu'elle porte sur les choses le montre bien: sa carte mentale ne correspond plus à la réalité qu'elle affronte et on comprend qu'elle va devoir s'ajuster et vite.  Ça fend le coeur du spectateur qui la voit poser un regard à la fois perdu et apeuré sur les lieux sur lequel elle a grandit avant de se tourner vers Lord Bolton et de faire face à la nouvelle réalité.  Elle adapte sa carte mentale en une fraction de seconde et on la suit là-dedans.  

 Bref, surveillez vos cartes mentales tout le monde, elles ont beaucoup plus d'influence que vous ne le pensez.

@+ Mariane