dimanche 31 décembre 2023

Bilan culturel 2023

 Salut!

2023 a été une année tout en contraste, en haut, en bas, mais que, je dois l'avouer, je termine avec sérénité. Après 2022 qui a été une année de bouleversement, 2023 a été une année de transition et de réflexion sur l'avenir. Petite année au niveau culturel également, mais ça ne veut pas dire que je je vais sauter mon bilan annuel pour autant!

Livres

J'ai lu 21 livres cette année, mieux que mon 11 de l'an dernier, mais loin des dizaines par année que j'ai déjà lu plus jeune. Il m'en faut plus pour me passionner pour un livre qu'avant. Par contre, ce dont je suis fière, c'est qu'année après année, et sans faire de véritable effort, je lis autant de livres écrits par des hommes que par des femmes. J'ai même lu un livre écrit par une personne non-binaire cette année! Autre chose, c'est que cette parité s'est aussi reflété dans la diversité parce que je me rapproche là-aussi du 50/50. Et je poursuis aussi dans ma moyenne paritaire des dernières années pour les nouvelles plumes découvertes: la moitié de mes lectures de 2023 étaient des auteurices que je n'avais jamais lu. Un gros coup de coeur cette année pour Le pacte de minuit de CL Polk que je viens de terminer. Critique à venir en 2024!

Films

Oppenheimer de Christopher Nolan (Cinéma) Vu la fin de semaine de sa sortie. Un très bon film sur la face humaine de la création de la bombe atomique, porté par une distribution magnifique. Je suis sortie là avec quatre noms en tête pour des gagnants aux Oscars! Évidemment, les images sont magnifiques, mais côté scénario, Nolan a déjà fait mieux. 

Séries télés

Stranger Things (Netflix) Saison 1 et 2 (La 3e est en cours). Je dois ici un rattrapage d'une excellente série que tout le monde m'avait recommandé à Neveu. On l'écoute ensemble et je dois avouer que je suis une accro.

The Crown (Netflix) Saison 6: Évidemment, je n'allais pas raté la fin prévue de cette saga. Néanmoins, j'ai trouvé cette saison sans direction précise et le fait de la sortir en deux temps a pas mal cassé le rythme. Les petits écarts créatifs des premières saisons passent très mal dans celle-ci. Bref, ok, c'est fini et c'est très bien comme ça.

Le jeu de la dame (Netflix): Encore une fois un rattrapage... J'étais dû je pense!

La reine Charlotte (Netflix): C'était la première raison pour laquelle je m'étais abonnée à Netflix, mais bon, elle en a emmené plusieurs autres, faut croire! Tout le glamour et les jolis robes de Bridgerton, mais avec un côté plus tragique. Pour les amateurs d'histoire par contre, passer votre tour, vous aller hurler aux 5 minutes.

Balados

Encore une fois, ma plus grande consommation culturelle de l'année et encore, comme chaque fois, je ne vous mets pas tout!

Mécanique des épidémies (France Culture) Saison 1 à 9: Peste, choléra, covid, sida, mais aussi variole, paludisme, grippe, ebola... En quatre épisodes, un virologue nous présente une épidémie, ses sources, ses conséquences et ses impacts. Très instructif, mais pas très rassurant!

Slowburn Saison 7: Roe vs Wade et Saison 8: Clarence Thomas (Slate): Entre une saison dédiée à l'une des plus célèbres causes de l'histoire judiciaire américaine et l'un des protagonistes qui l'a renversé, deux saisons prenantes et très intéressantes. Du bonbon à écouter!

Les enquêtes du Louvres (Musée du Louvres) : Traiter les oeuvres d'art comme des scènes de crimes, comprendre les tenants et aboutissants menant à leur création ou ce dont elles ont été témoins. Un angle vraiment intéressant pour explorer des oeuvres d'art connues et moins connues. Je suis déçue que la série se soit arrêtée.

Commons Hockey et Cults (Canadaland): Une saison consacrée à la culture toxique du hockey et une autre aux différents cultes existants au Canada. Instructif, amis glaçant dans le premier cas, surprenant et éclairant dans le second.

Au coeur de l'histoire (Europe 1): Une série d'émissions sur l'histoire. Destiné  au grand public et parfois un peu étiré sur les bords côté validité historique, mais raconté de manière passionnante. Même les enfants peuvent écouter et y prendre plaisir!

Et finalement, pour 2024? Sincèrement, je n'ai pas vraiment de souhaits, juste des beaucoup d'idées et de projets, mais chut! Je vous en parlerais au fur et à mesure!

@+ Mariane

jeudi 16 novembre 2023

Collegium Chronicles : Bastion de Mercedes Lackey

 Collegium Chronicles tome 5 Bastion Mercedes Lackey Daw 391 pages


Résumé:

De retour à Haven, Mags sait que même s'il a échappé au peuple de ses parents, sa sécurité n'est pas garantie: ils savent où le trouver. La solution trouvée par Nikolas est tout simplement de faire mourir Mags... aux yeux de tous. Pour cela, il faut l'éloigner de la cour et quel meilleur choix pour cela que son année de probation, dans un secteur reculé de Valdémar? Il faut aussi mettre à l'abri ses amis, Lena, Bear et surtout Amylie. La décision de cacher tout ce petit monde dans le Bastion, une ancienne place forte de bandits, facile à défendre et bien cachée est donc logique. C'est aussi l'endroit où Mags a été trouvé et où ses parents ont été assassinés. Sera-t-il cette fois assez loin pour ne pas être retrouvé par les siens? Et en ce lieu où ses parents ont vécu, trouvera-t-il enfin des réponses à la question de ses origines?

Mon avis:

Ce tome-ci est sans doute le plus cohérent dans son histoire et sa structure de la série et celui que j'ai sans doute le plus apprécié. L'auteure boucle les divers arcs narratifs de son intrigue et nous donne enfin des réponses. Qui plus est, c'est bien fait. Mais elle cède toutefois à ses vices. Encore une fois, il faut passer une centaine de pages qui n'apporte pas grand-chose à l'histoire. Cette partie comporte même une contradiction assez hallucinante: à peine revenu de son enlèvement, alors que tous les adultes qui entourent Mags savent qu'il est une cible, on le laisse aller se balader sans escorte en plein milieu d'une foire remplie d'étrangers... Mouais, repassons pour la cohérence.

Dès le départ de Haven par contre, les événements s'enchaînent. Le mentor de Mags, Jakyr, qui est aussi celui qui l'a sauvé de la mine, l'emmène. De son côté, Lena, qui est elle aussi dans son année de probation du Cercle bardique, se retrouve également avec une mentore  et la place de cette femme, Lita, ancienne amoureuse de Jakyr, éclipse totalement la jeune barde. Elle aurait pratiquement pu ne pas être là et ça n'aurait rien changé. Bear aussi en prend pour son rhume, mais comme il est guérisseur, il garde au moins une petite place. Le personnage d'Amylie par contre, gagne en profondeur. La jeune fille, amoureuse de Mags et récemment guérie de son handicap, peut enfin explorer et s'épanouir. Disons que le Bastion, pourvu de multiples caves et endroits discrets laisse enfin la place à leurs désirs. La scène où Jakyr, devant un Mags désarmé, décide de prendre en charge son éducation sexuelle est à la fois drôle et touchante : le célibataire endurci donne des conseils à l'adolescent encore vierge et on devine qu'il n'a pas peur des détails!

Cependant, le coeur de l'intrigue repose sur la rencontre entre Mags et son cousin Bey. Les deux adolescents ont le même âge et pourraient être des frères jumeaux tellement ils se ressemblent, ce qui est vraisemblable parce que leurs parents respectifs étaient des jumeaux identiques qui ont chacun épousé le jumeau de l'autre. Dans le récit que fait Bey, on comprend la source de bien des événements de la vie de Mags, mais aussi, à quel point le fait d'être un héraut l'a transformé. Sa relation avec Dallen, son compagnon, son entraînement avec Nikolas, sa vie au Collegium, tout ceci en a fait un être profondément différent de ses origines, tout en y étant ancré. 5 tomes pour arriver à cette conclusion, mais ça en aura valu la peine. 

La fin nous laisse sur des jours plus radieux, mais connaissant l'auteure (et après quelques recherches sur le web), Mags risque de revenir dans un autre cycle de Valdémar. Ça promet!

lundi 30 octobre 2023

L'effet de frisson des mots

 Salut!

Il y a quelques mois, j'ai fait le ménage de boîtes de souvenirs que j'avais pour faire de la place. J'avais dedans des travaux d'arts plastiques qui dataient du primaire, des dépliants d'événements auquel j'avais participé et pas mal de bouts de papiers épars: coupures de journaux, vieilles lettres d'amies, etc. Et au milieu de ses papiers, je suis tombée sur une feuille. C'était une main en noir imprimée sur une feuille blanche, le genre d'impression que l'on faisait dans les années 1990 avec une photocopieuse. Et sur la paume, en blanc éclatant, ces simples mots: Le tour est joué, Momo.

Ceci m'a ramené en un instant trente ans en arrière et j'ai frissonné d'une terreur ancienne, puis, un instant après, j'ai ri. Ce bout de papier datait de l'année où j'avais fait un camp de jour au Cégep de ma localité. J'avais une dizaine d'années tout au plus. C'était organisé par les étudiants et bien sûr, on était groupé par âges. Le camp était d'une durée de deux semaines et durant tout ce temps, un mystérieux Momo s'amusait à nous pourrir la vie. On trouvait des messages dans nos boîtes à lunch, dans les dossards emmêlés dont on se servait pour jouer en équipe, dans nos sacs quand on sortait de la piscine. J'avais peur. Pas que cela finisse mal (qu'est-ce qui pouvait bien m'arriver de mal dans le camp de jour d'un cégep de banlieue?), mais peur de l'inconnu, peur de l'incertitude. Qui était donc ce mystérieux Momo et pourquoi s'amusait-il à nous persécuter de ses tours? Finalement, c'était juste le groupe le plus âgé qui s'était amusé à nous tourmenter. Il y a eu le dernier jour du camp une petite cérémonie où ils ont été dévoilés. Rien de méchant donc.

Mais juste de revoir les mots en blanc sur la paume noire m'a fait remonter trente ans d'un coup en arrière et m'a ramené dans le corps de cette petit fille sans doute un peu trop crédule qui avait terriblement peur. J'en ai parlé à mon frère qui a participé au même camp de jour et lui aussi s'en rappelait encore. Lui aussi, se rappelait la peur. Il avait pourtant trois ans de plus que moi à l'époque. Les mots, l'image avait le même effet sur nous deux. Et encore, ce ne sont que des mots qui sont liés à une anecdote relativement inoffensive de notre jeunesse. Rien de grave, donc.

Pour d'autres personnes, c'est plus grave. La simple évocation d'un nom peut rappeler un traumatisme quand il s'agit d'une personnalité publique. Je suis sûre que les victimes d'Harvey Weinstein devaient frissonner en entendant son nom. Ou celles de Gilbert Rozon, plus près de nous. Les noms sont des mots après tout. Comme les autres mots, ils sont reliés à des images, à des sons, à des impressions, à des émotions. Et c'est tout ce bagage qu'ils font ressurgir quand ils sont évoqués. Pour d'autres personnes, c'est un mot qui est tout banal, comme une marque de commerce, qui les ramène à de mauvais souvenirs, le nom d'une ville qu'ils associent à une mauvaise expérience, une expression au sens détourné qui les ramène dans un passé désagréable.

La littérature d'horreur se sert amplement de ce truc. Ce n'est pas simplement de parler de choses horribles qui fait un roman d'horreur, c'est de savoir utiliser les mots et leur bagage, voire de créer un tel bagage pour plonger le lecteurice dans un état où les mots vont le plongent dans un délicieux état de terreur. Quand c'est bien fait, c'est diablement efficace, parfois même sans que l'on s'en rendent compte, plongé comme on l'est dans l'expérience de lecture.

Les mots traînent dans leurs sillages plus que leur sens premier. Et c'est pourquoi simplement de les dire peut nous faire frissonner d'horreur.

@+! Mariane


lundi 23 octobre 2023

Et de trois!

 Salut!

En arrivant au Congrès Boréal vendredi soir, je me suis retrouvée avec deux magnifiques plaques récompensant mes victoires au prix Boréal de 2020 et 2021. Des prix pandémiques donc, avec remise en ligne. Certes, j'en avais sauté de joie, mais toute seule, c'est quand même triste de célébrer un tel événement en confinement.

En 2022, lors du mini-Boréal, quelqu'un d'autre avait remporté le prix. Je ne me rappelle plus qui, mais je me rappelle alors m'être dit que le fait que j'avais gagné deux fois avait peut-être plus à voir avec l'effet pandémique et que le présentiel favorisait d'autres candidats, par ailleurs excellents. 

Alors qu'avait lieu le premier Boréal en présentiel depuis 2019, je savais que j'étais en nomination, et très heureuse de l'être, mais je ne me faisais pas trop d'attentes. J'avais déjà gagné deux fois, on était en présentiel et puis bon, advienne que pourra!

Donc, quand mon nom a été prononcé, j'ai sauté de joie! C'est tellement différent de gagner entourée de gens que l'on connaît, qui nous lisent et nous encouragent depuis des années. Wow!

Je suis encore dans ma brume post-Boréal, mélange de fatigue et d'excitation et j'ai encore peine à y croire. En plus, mon texte pour le concours d'écriture sur place a eu droit à une mention (félicitations aux deux gagnants, j'ai hâte de vous lire!). Bref, ça a été une très belle fin de semaine!

Maintenant, il y a juste un problème. Je n'ai pas encore eu ma plaque cette année. Je suppose que ça va aller à l'an prochain! :P

@+ Mariane

jeudi 17 août 2023

Collegium Chronicles : Redoubt de Mercedes Lackey

 Collegium Chronicles tome 4 Redoubt Mercedes Lackey Daw 394 pages


Résumé:
Après le mariage princier, la cour de Valdémar retourne à ses habitudes. L'occasion a été bonne pour Mags de mettre en pratique et de développer ses talents d'espion. Même si Amylie, fraîchement remise de son opération, occupe toutes ses pensées, y compris celles, très peu chastes, que tout adolescent éprouve un jour ou l'autre... Après une suite d'événements où ses deux meilleurs amis finissent par se marier et les conséquences de ce mariage, le jeune homme revient donc à sa priorité: son entraînement. Un domaine où il se montre très doué. Au point que Nikolas lui offre de tenir lui-même la boutique de prêt sur gages qui sert de couverture à leurs opérations. Là, Mags est à son meilleur, mais à chaque fois qu'il quitte l'endroit, l'étrange impression d'être observé revient. Et tout à coup, il n'est plus à Valdémar, il n'est plus un héraut, il est de retour à la mine, là où il avait toujours faim et était à risque de mourir à tout moments. Mais l'est-il vraiment?

Mon avis:
Quatrième tome de la série, celui-ci ne fait pas exception sur le fond dans la structure générale. Une première partie qui est liée très lâchement au reste de l'intrigue, puis un démarrage sur ce qui fera le reste du livre après une centaine de pages. Au moins, dans ce tome, cette partie sert à développer les personnages secondaires: ainsi Bear et Lena ont l'idée de convoler en justes noces. Ils s'aiment et veulent prendre leur indépendance de leurs parents respectifs ; quoi de mieux pour ça que de se marier? Il y a aussi la relation entre Amylie et Mags, qui, si elle reste chaste, ne se développe pas moins. D'ailleurs, Mags ressent avec beaucoup d'acuité la «surveillance bienveillante» qui entoure la fille du Hérault du roi. Pas facile d'explorer ses envies physiques quand on sait que pas mal de gens regardent par-dessus votre épaule...

La rupture vient environ à la moitié du livre et d'un chapitre à l'autre, on change radicalement d'ambiance et d'atmosphère. Tout à coup, Mags est de retour dans la mine, là où il craint à nouveau les colères de Cole Pieters, la mort qui rôde dans les galeries, les fantômes des enfants qui n'y ont pas survécu... Sauf que quelque chose lui rappelle que ceci n'est pas la réalité. Quelque chose de profond en lui. Ce passage et ce qui suit, quand il découvre qu'il a été enlevé et drogué, sont parmi les plus intéressants que l'auteure a écrit. Parce que l'on est avec Mags dans cette plongée dans ses souvenirs, là où résident ses peurs les plus profondes, mais on est aussi dans son entrée en résistance, face à ses traumatismes, autant qu'à ses kidnappeurs.

Le passage par la survie, quand il réussit à s'échapper, est à la fois très bien écrit... et un peu étrange, parce que Mags fait beaucoup appel à des connaissances qu'il a acquises à la mine. On est un peu surpris par la diversité de ce qui peut être appliqué à la survie en forêt. C'est bien écrit, mais peu en lien avec le personnage comme tel.

Pour qui est familier avec l'univers de Mercedes Lackey, le passage par Karse rappelle beaucoup de souvenirs et autant de petits plaisirs de lecture, car on sait, on devine ce qui va se passer. Pour qui n'a jamais lu une ligne de cet auteure, c'est une belle entrée en matière. Surtout en ce qui concerne un félin un peu trop grand pour être un félin ordinaire

Les trente dernières pages sont bourrées d'action et le rythme est haletant. Mais c'est parce que l'on s'est attaché aux personnages en premier lieu. Si ça n'avait pas été le cas, ces pages, au lieu d'être palpitante, aurait juste été une scène d'action ordinaire, bien écrire, mais sans plus.

La fin est un peu abrupte, sans réelle conclusion, mais bon, c'est ainsi. On en saura plus dans le dernier tome sûrement!

lundi 7 août 2023

ChatGPT, ce blogue et moi

 Salut!

L'autre jour j'ai écouté un épisode du balado The Daily du New York Times qui parlait de l'intelligence artificielle et plus particulièrement de ChatGPT. Les deux journalistes discutaient des impacts de celle-ci sur les droits d'auteurs, sur la création, mais ils allaient plus large encore et je me suis mis à écouter encore plus attentivement. C'est connu, les modèles d'IA actuel se nourrissent de tous les textes trouvés sur internet qu'ils peuvent. On le sait, mais c'est quand on regarde les détails que l'ampleur du phénomène se déploie.

La balado distinguait deux situations: celles des personnes protégées par le droit d'auteur et les autres (dont ce blogue fait parti). Disons que vous publiez un roman. Vous êtes protégés. En théorie. Si quelqu'un, quelque part numérise votre roman et le met quelque part sur le web, vous êtes cuits. ChatGPT ou ses collègues IA vont le trouver et se nourrir de ses mots. Ensuite, ces merveilleuses machines pourront créer du matériel tellement semblable à l'original que bien des gens s'y laisseront prendre. Évidemment, ce ne sera sans doute pas du matériel qui va réinventer votre plume, vos thèmes ou vos idées, mais ce sera très proche. L'idée, c'est que sortir vos données de la matrice de l'IA est un peu comme remettre un génie dans sa bouteille pour l'instant: c'est sans doute possible, mais très difficile! Et il va falloir déployer beaucoup d'efforts pour y arriver. Bref, la situation n'est pas rose pour ceux qui ont des droits d'auteurs, mais à force de poursuites judiciaires, les chances sont bonnes qu'un équilibre se trouve à long terme.

L'autre situation qu'abordait la balado m'a particulièrement frappée, parce que eh, elle me concerne! Moi qui croyais ne pas avoir à me préoccuper des IA, je me suis rendu compte que je m'étais fourvoyée! Parce que tous les textes qui ne sont pas officiellement protégés par le droit d'auteur sur internet sont concernés. Pensez billets de blogues, forum de discussion, fanfiction, et j'en passe. Tous ces mots écrits sont là, disponibles pour la sangsue IA qui avale le tout. Mon blogue en fait partie, mon blogue qui a maintenant treize ans, qui compte plus de 1500 entrées, dans lequel j'ai blablaté sur tellement de sujets et de tellement de façons. Certes, j'ai une mention de copyright sur mon blogue, mais je ne me méprends pas sur mon pouvoir contre une entreprise richissime basée aux États-Unis: faire respecter mes droits d'auteur face à un tel géant est quasi chimérique. C'est David contre Goliath, mais David est un Liliputien et Goliath un Brobdingradien. 

Est-ce que ChatGPT pourrait un jour écrire des billets de blogue à ma place, imiter mes élucubrations livresques ou mes critiques de livres, bref, voler la chose que j'ai disséminée à tout vent depuis des années sans avoir conscience qu'une sangsue IA pourrait un jour s'en gaver? La question m'a sauté au visage en écoutant cette balado. Je n'y avais jamais pensé avant. Il faut dire que je suis un tout petit poisson dans cet océan qu'est le web. Mon importance est très relative. Sauf que voilà, ChatGPT et cie sont des baleines qui se nourrissent du plancton de l'internet autant que des gros poissons, alors, je suis prise dans la machine. Je ne suis pas Reddit qui pense rendre l'accès à ses forums payant pour ceux qui voudraient scanner son contenu. Je n'ai pas ce pouvoir. Que me restait-il à faire? Vérifier l'état de la chose.

J'ai donc demandé à un collègue qui a un compte ChatGPT de taper ses mots dans la machine: Écrire un billet de blogue à la manière de Prospéryne. J'étais un peu nerveuse en formulant cette demande. Qu'est-ce que cette intelligence artificielle allait bien me servir? Honnêtement, je n'ai pas eu à attendre longtemps. Un clic et le texte s'est mis à apparaître. Et croyez-moi, c'est une expérience un peu folle de voir les mots apparaître sur l'écran plus vite qu'aucun humain ne peut taper. Le voici:

Chères âmes voyageuses et curieuses,

Aujourd'hui, je vous convie à un périple hors du temps, une escapade empreinte de mystères et de merveilles. Ouvrez grand vos yeux et vos cœurs, car nous allons ensemble explorer les trésors cachés du monde, ces joyaux insoupçonnés qui sommeillent dans l'ombre des destinations touristiques habituelles.

Tel un papillon de nuit attiré par la lueur d'une étoile, je m'enfonce avec délice dans les dédales d'une cité médiévale oubliée. Ses ruelles pavées me murmurent des histoires anciennes, tandis que les murs de pierre gardent précieusement leurs secrets. C'est ici, dans ce cocon hors du temps, que les âmes poétiques trouveront refuge, loin de l'agitation du monde moderne.

Et que dire de ces forêts d'émeraude qui s'étendent à perte de vue, ces édens secrets où le chant des oiseaux se mêle au murmure du vent dans les feuilles ? Loin des sentiers battus, la nature se livre à nous dans toute sa splendeur, nous invitant à nous reconnecter à notre essence profonde.

De l'autre côté de l'horizon, il existe des océans d'aventures qui n'attendent que d'être explorés. Loin des plages bondées, je me suis embarquée sur un voilier vers des contrées lointaines. Les vagues puissantes m'ont offert une danse enivrante, et les étoiles ont veillé sur mes nuits d'émerveillement. L'océan, cette source inépuisable d'inspiration et de sagesse, a nourri mon âme de sa beauté brute et sauvage.

Mais il n'est nul besoin de traverser les océans pour découvrir des joyaux méconnus. Certains se cachent tout près, juste à notre porte. Un petit café au coin de la rue peut se révéler être un véritable havre de paix, où les discussions s'étirent comme des rubans de soie et les rires s'envolent telles des lucioles.

Et que serait un voyage sans la rencontre de l'autre ? Les êtres humains sont sans aucun doute les trésors les plus précieux de cette planète. J'ai croisé des regards venus des quatre coins du globe, et dans chacun d'eux, j'ai découvert une part de moi-même, un reflet de l'humanité.

Mes chers compagnons de voyage, je vous invite à prendre le temps de vous perdre pour mieux vous retrouver. Laissez vos pas vous guider vers ces recoins insoupçonnés, ces trésors cachés qui éveilleront votre cœur et enflammeront votre imagination.

Car c'est dans ces flâneries enchanteresses que la vie se colore de mille nuances, que nos souvenirs se parent de magie, et que nous devenons les conteurs d'une histoire unique et inoubliable.

Alors, partons ensemble à la quête de ces trésors cachés du monde, et que nos âmes vagabondes nous guident vers l'essence même de notre être.

Avec amour et émerveillement, Prospéryne

J'ai lu, relu et relu ce paragraphe, médusée. Parce que, et bien, il ne doit pas y avoir des dizaines de Prospéryne sur le web et pourtant, cette IA aux innombrables possibilités avait réussi à pondre un billet de blogue... sans aucun rapport avec ce que j'écris! Je n'y reconnais pas mon style parfois sarcastique et mes tics d'écritures. Je n'y reconnais pas non plus mes thèmes livresques. Fiou! On ne pourrait pas confondre un de mes billets de blogue avec ce texte!

Bref, ça a calmé temporairement mes craintes. Temporairement. Parce que vraiment, avec cette IA et celles qui vont suivre, je crains que mon petit coin d'internet bien tranquille ne le soit plus autant qu'avant.

@+ Mariane

jeudi 29 juin 2023

Collegium Chronicles : Changes de Mercedes Lackey

 Collegium Chronicles Tome 3 Changes Mercedes Lackey Daw 388 pages


Résumé:

Au Collegium, tout le monde est désormais épris d'une nouvelle passion: le kirball. À ce nouveau sport, Mags est un héros aux yeux de tous, adulé pour son agilité et pour celle de Dallen son compagnon. Mais en dehors de ce sport, il suit un autre entraînement. Le Héraut du Roi, Nikolas, commence discrètement sa formation pour en faire un espion. Ce qui inclut d'apprendre à se faire passer pour qui il n'est pas. Sauf que les mystérieux assassins qui s'en sont déjà pris à Valdemar ne les ont pas oubliés. Ils seraient de retour, cachés quelque part dans Haven. Et prépareraient une autre manoeuvre: enlever Amylie, la fille de Nikolas et amoureuse de Mags, pour faire chanter son père et ainsi, contrôler le royaume.

Mon avis:

Ça faisait un bout de temps que je ne m'étais pas plongée dans un bouquin de Mercedes Lackey et je suis retombée avec plaisir dans son univers qui m'est si familier. Les problèmes avec l'écriture aussi: une écriture qui tend au tell beaucoup trop, de grandes longueurs qui retardent le début de l'action et certains éléments de l'intrigue qui font se gratter la tête, mais tout de même, un vrai plaisir de lecture, car elle a le don de nous plonger dans les aventures de ses personnages.

Mags, dans sa double vie de héros de kirball (un match occupe tout le premier chapitre, quand je disais des longueurs qui retardent le début de l'action...) et d'apprenti espion, reste Mags: l'enfant obligé de travailler dans une mine dans des conditions d'esclavage qui sait qu'il ne sera jamais complètement comme les autres. Malgré tout, ce rôle d'espion qu'on lui offre lui plaît, à la fois parce qu'il lui donnera une place utile et que ses habiletés naturelles s'y prêtent. Lui qui a un Don particulièrement puissant de télépathie, une très grande facilité au maniement d'armes et une capacité quasiment féline de se promener sur les toits. Ses incessants questionnements, à savoir ce qu'il fait est-il juste, qu'est-ce qui est attendu de lui, sont autant celles d'un adolescent que d'un enfant qui veut se prouver aux adultes qui l'entourent. Et qui doit affronter les changements que le passage à l'âge adulte provoque.

À ses côtés, ses meilleurs amis Bear le guérisseur et Lena la barde ont aussi leurs propres combats à mener, contre leurs propres parents. Le père de Bear désapprouve le fait que son fils soigne avec des herbes parce que soigner devrait être réservé à ceux qui ont un Don, ce dont Bear est dépourvu. Alors que pour ce père, les herbes sont une perte de temps, le jeune guérisseur réussit de petites merveilles qui sont reconnues par ses pairs. Mais comment grandir lorsque l'on n'est pas reconnu par nos parents? Lena fait face au même problème: son propre père, le célèbre barde Marchand va jusqu'à dire qu'il n'est pas sûr qu'elle est sa propre fille pour éviter qu'elle ne lui fasse de l'ombre! Le combat contre les parents, contre l'autorité, est la trame de fond de ce tome, mais il m'a semblé qu'elle était surfaite pour les amis de Mags. Même leurs disputes ne semblaient exister que pour nourrir la trame de ce dernier. De quoi s'ennuyer de Ron et Hermione!

Amylie de son côté est décidée à subir une opération qui lui permettra peut-être de remarcher. Le risque est grand, surtout que Bear n'a pas de Don et supervisera l'opération. Incapable de supporter plus longtemps d'être un poids pour tous, elle veut acquérir son indépendance. Car le temps presse: son statut de cible des assassins redouble la vigilance autour d'elle et lui fait encore plus ressentir le poids de son handicap. Son arc dans ce tome est intéressant, car autant elle souhaite acquérir son indépendance, autant son statut de cible lui attire une attention qui n'est pas sans lui plaire!

L'intrigue générale du tome suit la ligne classique déjà mise en place par les deux premiers tomes de la série: un début peu relié au reste des événements, un événement déclencheur qui survient autour de la page 100 (oui, je suis rendue à ce degré de précision!), une première montée en tension, puis une deuxième qui nous garde rivée sur notre bouquin pour savoir la fin. Avec au passage, beaucoup trop d'événements qui tombent un peu trop bien, comme, ah, tiens, le premier soir où Mags commence son apprentissage d'espion survient l'événement nécessaire pour faire avancer l'intrigue! Et la suite survient le lendemain soir! Quand je disais se gratter la tête. Mais bon, je pardonne ces faiblesses. Parce que l'univers qui entoure l'intrigue est très bien construit et que les personnages sont attachants. Même si ça me tape parfois un brin sur les nerfs, je vais lire la suite!

mardi 27 juin 2023

Quand les mots dansent devant nos yeux

 Salut!

L'autre jour, je lisais tranquillement un livre, quand tout à coup, j'ai eu l'impression que je venais de lire trois fois la même ligne. C'était le cas. J'avais beau prêter attention à ce que je lisais, mon cerveau n'interprétait pas correctement les lettres placées dans l'ordre sur l'écran de ma liseuse. Et ce n'est pas la faute de celle-ci! Le même phénomène m'est déjà arrivé avec un bon vieux bouquin.

Quand on y pense, la lecture est un petit miracle. Par le biais d'une série de caractères, placés dans un ordre précis, avec des espaces entre ceux-ci et une présentation prédéterminée, un être humain peut offrir à un autre une foule d'informations. Que celles-ci soit personnelles, informationnelles ou fictionnelles n'a au fond que peu d'importance. La magie est que deux personnes qui ne se connaissent pas, qui ne se sont jamais rencontrées, peuvent par ce biais échanger des informations. Ceci vaut même pour le billet que vous êtes en train de lire! Je ne vous connais pas nécessairement, mais parce que nous avons ce langage en commun, vous pouvez lire mes élucubrations sur la lecture, le monde du livre et parfois la vie d'auteure sans même que nous nous soyons mis d'accord au départ sur un mode de communication.

Ceci dit, tout cela est possible grâce au moteur secret caché au creux de nos boîtes crâniennes respectives: le cerveau. C'est celui-ci qui, en lien avec nos yeux qui captent les caractères, nos mains qui tournent les pages, nos corps qui s'ajustent pour trouver une position confortable, nous permet de déchiffrer l'information. Et bon, tout l'appareillage susmentionné peut être soumis à de petits problèmes ou à des moments de performance moindre: on peut être fatigué, stressé, ou avoir consommé une substance quelconque qui perturbe nos récepteurs chimiques internes. Ce qui fait que les magnifiques lettres finissent par danser sous nos yeux et le sens du texte peut nous apparaître difficile à saisir, voir obscur. 

Sans compter que le texte lui-même peut-être au-delà de notre compréhension. Par exemple, si vous me parlez d'histoire médiévale, j'en connais assez pour être capable de dégager le sens général du texte, même s'il est farci de mots anciens ou latins. Par contre, si vous me parlez de physique quantique... Un peu normal que je relise dix fois la même phrase : je vais avoir besoin de travailler beaucoup plus afin d'en tirer du sens. Il va me falloir comprendre les mots d'abord, puis les relations des mots entre eux et finalement lire une phrase complète pour voir si je comprends. Si ça ne fait pas sens avec celle qui suit, c'est raté!

Même chose si je lis un texte en anglais, surtout au début. Mais ça veut dire quoi ça et ça et ça? Je connais ce mot-là, mais si je lis la phrase au complet, il ne fait pas de sens dans le contexte! Ça le fait moins avec le temps, mais au début, je lisais le livre dans une main et le dictionnaire dans l'autre! Et ça faisait danser le texte sous mes yeux. Même si je déchiffrais parfaitement le moindre caractère sous mes yeux, la magie qui permet à mon cerveau de faire en sorte que des mots se forment et des phrases naissent et ainsi de suite ne fonctionnait pas. Encore une fois ici la pratique a été la clé: à force de lire, la magie a opéré et maintenant, je lis de plus en plus couramment dans la langue de Shakeaspeare. Ce qui est une grande victoire, qui m'a demandé du boulot, mais une grande victoire quand même. Je n'ose même pas penser à ce que cela pourrait être de lire dans une langue utilisant un alphabet autre que latin, comme le japonais ou l'arabe!

Lire est un petit miracle de nos cerveaux, qui nous sert à tant de choses. Néanmoins, il ne faut pas trop s'inquiéter si les lettres sous nos yeux commencent à faire la valse, le tango ou du hip-hop. Ça peut arriver. Allez vous coucher ou changez de livre!

@+! Mariane

jeudi 25 mai 2023

La route de Chlifa de Michèle Marineau

 La route de Chlifa  Michèle Marineau Collection Titan+ Québec Amérique 249 pages



Résumé:
Janvier 1990: Dans une école secondaire du Québec débarque un jour Karim. Renfermé sur lui-même, distant avec tous, il refuse pratiquement tous contacts humains. À travers le regard d'un élève de la classe, on voit l'impact de l'arrivée de cette personne sur l'équilibre précaire d'un groupe d'adolescents.

Beyrouth: Mai 1989: Karim est resté derrière pour terminer ses études, ses parents ont fui à temps à Montréal et maintenant, les bombes déferlent et tuent. Elles tuent Nada, son premier amour. Sa soeur Maha, au caractère revêche, est la seule survivante de sa famille avec Jad, son petit frère de six mois. Elle décide de quitter Beyrouth pour Chlifa, là où, selon elle, l'attend un ancien domestique de la famille. Sous le choc de la mort de Nada, Karim décide sur un coup de tête d'accompagner Maha sur la route qui mène à Chlifa.

Critique:
J'avais lu Michèle Marineau il y a plusieurs années et j'ai retrouvé dans ce livre le charme de son écriture. Elle sait dépeindre avec une rare finesse les tourments de l'adolescence, mais aussi écrire avec une grande économie de mots. Son écriture est tellement ciselée que c'est un régal à lire. Il n'y a pas un mot de trop dans ton texte.

Karim est un personnage qui dans un premier temps est hostile à tous les contacts humains. Il repousse les gens, ne veut se mêler de rien et couve en lui une profonde colère. On le sait par les extraits de son journal qui montre le regard qu'il porte sur les autres, plein de jugement et de hargne. Alors que le roman commence en janvier, un retour en arrière survient environ au tiers du livre et soudain, on se retrouve à Beyrouth sous les bombes et Karim n'est pas encore cet être en colère et fermé à tout qu'il sera en janvier à son arrivée à l'école au Québec. Cette technique, de nous montrer le résultat pour ensuite nous montrer la cause, est intéressante parce qu'à rebours, on comprend Karim, mais sans le juger et on laisse dès le départ découvrir le personnage pour lui-même.

Dans cette partie libanaise du texte, on fait la connaissance de Maha, encore une enfant, qui à 12 ans, prend la vie à bras le corps après la mort de sa famille dans un bombardement. Elle prend soin de son petit frère Jad, un bébé de six mois, avec une constance et une affection qui force l'admiration. Mais attention, Maha n'est pas un ange! Colérique, d'humeur changeante, têtue et volontaire, Maha ne laisse pas grand monde lui piler sur les pieds et décide elle-même de la direction qu'elle va prendre. Karim décide de la suivre à la fois parce qu'il veut la protéger, mais aussi en souvenir de Nada. La relation entre les deux est complexe, souvent difficile, surtout que contrairement à Karim, on ne saura jamais les pensées de Maha. 

La route de Chlifa du titre, c'est la route que vont emprunter les deux adolescents et le bébé entre Beyrouth et le village de Chlifa. Un voyage à pied dans les monts Liban, avec le danger constant de tomber sur quelqu'un dans ce pays déchiré par la guerre. Même si c'est secondaire à l'intrigue, le danger, le fait que tout le monde puisse devenir un ennemi un jour est en trame de fond. Mais leur voyage est surtout une confrontation entre les deux adolescents, qui se disputent, se réconcilient, se comprennent, se parlent et tissent un lien, un lien qu'ils ne prévoyaient pas. C'est tout le déchirement que ce qui finit par arriver à la fin du récit, quoique j'ai trouvé que cet événement tombait un peu trop à pic vu la lente montée du reste du récit. La source de la colère contenue de Karim se trouve là. Et le lecteurice ne peut que la comprendre.

Un récit qui nous promène dans les montagnes russes émotionnelles de la guerre et de l'adolescence, mais aussi, à un certain point, dans celles de l'après. Autant de la résilience face aux traumatismes que de ce qui arrive quand on grandit tout simplement.

lundi 15 mai 2023

Retrouver les petits plaisirs des salons du livre

 Salut!

Depuis la pandémie, j'avais très peu fréquenté les salons du livre et autres événements littéraires. Parce que s'il y a bien un genre d'événement où la distanciation sociale est impossible voir inexistante, c'est bien un Salon du livre! Les gens se serrent les uns contre les autres entre les présentoirs débordant de livres de tous genres, se pressent en petits groupes serrés pour discuter ou font la file à la queue leu leu pour rencontrer leurs auteur.e.s favori.e.s. Bref, c'est le festival du collé les uns contre les autres. Et je peste souvent contre cette réalité quand elle m'empêche de me déplacer entre les kiosques. 

Mais ça m'avait manqué durant la pandémie. Parce que c'est aussi un formidable réservoir d'énergie, de rencontres et de possibilités. Rarement on rencontre autant de passionnés de littérature au mètre carré que dans un Salon du livre. Rarement aussi a-t-on le luxe de croiser autant d'artistes, de vedettes, de personnalités marquantes de la vie québécoise que de simples quidams qui vous font découvrir leur coup de coeur. Dans un Salon du livre, j'ai eu droit à un dix minutes en tête à tête avec Michel Tremblay qui était en manque de dédicaces à faire ce jour-là. J'ai pu remercier Lise Payette de tout ce qu'elle avait fait pour les femmes du Québec. J'ai jasé balado avec Alexandre Sirois un journaliste de la Presse. J'ai croisé Dany Laferrière, Corneille, Joséphine Bacon, Éric-Emmanuel Schmidt, Janette Bertrand, Farah Alibay et ouf, je ne sais combien d'autres. J'ai parfois eu la chance de parler avec des gens qu'autrement, je n'aurais jamais vus. Comme la fois où une amie m'a poussé à prendre une photo avec Nicholas Sparks parce qu'il était là en dédicace, même si je n'avais pas un de ses livres en main. À vrai dire, je ne suis pas fan, mais tsé, hein, pour la photo!

C'est aussi un endroit où peuvent briller tous ces petits éditeurs, petits auteurs et autres petits acteurs du monde littéraire. Ils ont leurs petits kiosques, souvent très peu fréquentés, mais c'est là que se cachent souvent les trésors des salons. J'ai découvert ou redécouvert de très nombreux auteur.e.s dans ces endroits. Ils ont moins occupés, moins accaparés que les grosses vedettes et ils ont le temps de jaser. C'est souvent là que l'on trouve des perles de littératures, des perles qui sont perdues dans le flot constant de nouveautés qui envahissent année après année les tablettes des librairies. Parce que là, chaque livre a au moins une véritable chance de se retrouver avec quelqu'un ou quelqu'une qui le connaît, juste à côté de lui, et qui est prêt à le défendre. J'ai croisé des éditeurs qui m'ont fait découvrir leurs livres publiés il y a plusieurs années et m'ont donné la chance de découvrir des plumes inconnues. J'ai jasé avec des auteur.e.s esseulé.e.s à leur kiosque et j'ai eu de brillants échanges avec eux. J'ai souvent dépassé mon budget livre du jour à cause de ses rencontres. Et même si je n'ai pas toujours acheté, j'ai pris en note une quantité incroyable de titres grâce à ce truc. D'ailleurs, c'est même un de mes petits plaisirs des Salons: Aller trouver des auteur.e.s qui ont l'air de s'ennuyer et aller leur piquer un brin de jasette. Un petit cinq minutes, rarement plus. De quoi faire passer leur journée plus vite et me faire faire des découvertes. Même si je ne connais rien de l'oeuvre de cette personne. Même si ce n'est pas publié dans une maison d'édition que je connais. Juste pour le plaisir.

Le Salon du livre de Montréal à l'automne dernier avait été comme un retour aux sources, mais un retour un peu gâché par ma nervosité: j'avais perdu l'habitude des foules compactes et il traînait encore des relents de risque covidien dans l'air. C'est à Québec qu'il me semble que j'ai pleinement renoué avec mes petits plaisirs de salon. Au point d'en ressortir épuisée, mais oh combien heureuse d'avoir été remplie de cette énergie et de cette passion qui sature l'air que l'on respire. J'avais retrouvé mes marques. Certes, la saison des salons achève pour une pause estivale bien méritée, le temps que l'on fasse un peu baisser nos gargantuesques PAL, même si quelques événements se tiendront quand même cet été. J'ai hâte à l'automne, hâte de reprendre mes habitudes de salon, hâte de retrouver tous ces petits plaisirs.

Parce que c'est bien vrai: c'est quand on est privé de quelque chose que l'on découvre à quel point c'est précieux.

@+ Mariane

jeudi 27 avril 2023

Pol Polaire: 1- Coup de chaleur de Caroline Soucy

 Pol Polaire tome 1 Coup de chaleur! Scénario et dessins Caroline Soucy Glénat 46 pages


Résumé:

Pol Polaire est un ours polaire qui vit au Pôle Nord. Depuis la disparition de sa douce Lili, il s'occupe seul de leurs jumeaux, Léo et Léa. Toutefois, Pol est sans doute le pire chasseur du monde et il aimerait bien mieux rêvasser à amour disparu que s'occuper de ses deux oursons débordants d'imagination. Aidé de son frère Bob, le patenteux du coin qui récupère tout ce qu'il peut provenant des humains et de la phoquesse Brigitte qui s'amuse à lui lancer des poissons à la figure, il réussit à nourrir et à prendre soin de ses jumeaux. Enfin, pas sans quelques catastrophes!


Mon avis:

Cette bande dessinée se veut un divertissement amusant, mais qui offre dans un second degré une réflexion intéressante, entre autres sur l'effet des changements climatiques sur la faune de l'arctique. Certes, les personnages sont anthropomorphisés dans leurs comportements, mais les situations qu'ils vivent sentent le réel. Excepté l'oncle Bob et son bidouillage, bien sûr.


Pol Polaire est un père célibataire, situation impossible parce que les ours mâles ne s'occupent pas de leurs rejetons dans la nature, mais en lui se reconnaîtrons sans doute beaucoup de chefs de famille monoparentale un peu dépassés par leurs responsabilités. Les jumeaux Léo et Léa sont après tout grouillants de vie, veulent tout explorer, sont impatients, ont faim tout le temps, bref ils sont des enfants! Comme on sent très vite que le pilier de la famille était la mère, les efforts honnêtes, mais la plupart du temps peu concluants de Pol sont d'autant plus touchants. Surtout qu'il finit souvent par se mettre les pattes dans les plats. Mais il aime ses enfants et veut le mieux pour eux, c'est indéniable.


L'oncle Bob, le bricoleur patenteux du coin, qui ramasse tout ce qui vient des humains, est un personnage à la fois loufoque et juste assez réaliste pour qu'il soit adorable au lieu de ridicule. Pas très ours polaire avec sa casquette et ses lunettes, mais un soutien pour Pol et un oncle attentionné, quoique pas très orthodoxe pour ses neveux. Le voir jouer avec un drone pour détourner l’attention de scientifique un peu trop curieux est l’une des scènes qui montrent à quel point son amour des bipèdes va loin! De son côté, la phoquesse Brigitte, jamais à court d'idées pour se moquer de Pol, apporte une autre touche d'humour dans un album qui n'en manque pas.


Toutefois, la réalité des animaux dans l'Arctique, touché par les changements climatiques, est abordée. On reste dans l'humour, mais en filigrane, les éléments se multiplient: glace trop mince qui nuit à la chasse, glaciers qui se désagrègent, etc. Même certains commentaires des personnages donnent le ton, surtout ceux de Pol et de Bob qui ont connu «le monde d'avant». La dénonciation des effets du réchauffement planétaire est toute en douceur, mais est réelle.


Le dessin est intéressant, avec beaucoup d'arrondi dans les personnages. Peu de lignes droites dans cet album, sauf en ce qui a trait aux humains. L'humour est bien desservi par le trait, surtout dans les expressions faciales des personnages. On peut d'ailleurs rendre hommage à l'autrice pour sa capacité à ne pas trop rendre ses ours polaires humains: ils restent des ours qui, s'ils se dressent parfois sur deux pattes, marchent à quatre pattes et gardent les proportions de vrais ours polaires. Les paysages du Grand Nord font rêver, même si on comprend vite que c'est une terre moins sauvage et inhabitée des humains que l'on pourrait penser, entre autres à cause de tous les déchets que la mer amène jusqu'à eux.


Je ne peux pas dire que l'album soit un coup de coeur, mais je ne suis pas le public cible non plus. C'est un album bien équilibré, qui réussit son objectif de faire rire et d’instruire avec talent et que je recommande pour les moins de 10 ans. Par contre, les lecteurs adultes ne seront sans doute pas passionnés autant que les enfants.

jeudi 13 avril 2023

Mon année martienne de Farah Alibay

 Mon année martienne Farah Alibay Éditions de l'Homme 221 pages


Résumé:

Au printemps 2021, le monde entier faisait la connaissance d'une sympathique ingénieure de la NASA aux cheveux teints en rouge en l'honneur de l'atterrissage de l'astromobile Perseverance. Le Québec, pour sa part, découvre stupéfait que ladite ingénieure parle français avec un accent d'ici et avait comme héroïne d'enfance Passe-Partout! Qui est donc cette fille qui de Joliette à Cambridge jusqu'au prestigieux Jet Propulsion Laboratory a su faire son chemin en tant que femme queer racisée dans un milieu d'hommes blancs?

Mon avis:

L'histoire de Farah Alibay a de quoi faire rêver: fille d'immigrants de Madagascar ayant choisi le Québec comme terre d'accueil en raison de la langue française, étudiante à Cambridge, puis au MIT, avant de rejoindre le Jet Propulsion Laboratory où elle se retrouve à gérer des équipes d'ingénieurs responsables des missions sur Mars, le parcours de la trentenaire tient du conte de fées, mais cache un travail acharné. Si l'on se doute qu'elle a été aidée à rédiger cette autobiographie (car enfin, on ne peut pas avoir tous les talents!) ça ne gâche rien au plaisir de la lecture: on entend sa voix dans son récit.

Ce qui est admirable, c'est la façon très simple et très terre à terre d'aborder les choses. Elle ne cache ni ses angoisses, ni ses doutes, ni les innombrables efforts qu'elle a dû déployer pour atteindre ses buts. Le portrait qu'elle trace d'elle-même est celui d'une fille qui n'avait pas tous les atouts dans sa manche et  qui n'était pas une surdouée au départ. Elle avait des aptitudes, il est vrai, mais quand elle raconte ses années à Cambridge, il est clair que ce ne sont pas celles-ci qui l'ont menée là où elle en est. De plus, même si ce n'est pas le coeur de son récit, elle aborde avec beaucoup de franchise et de simplicité l'impact qu'a eu dans sa vie la couleur de sa peau et son orientation sexuelle. Elle est un modèle, par ce qu'elle est et par son travail, mais elle n'a pas cherché à le devenir. Toutefois, elle semble très consciente de l'importance de cette partie de sa vie.

Le récit est simple et alterne entre les différentes étapes de la mission de Perseverance et sa propre vie, depuis celle de ses ancêtres, qui ont quitté l'Inde pour s'établir à Madagascar et d'où sont partis ses grands-parents pour venir s'établir au Québec jusqu'à sa propre vie. Les parallèles entre les deux sont nombreux, mais les deux récits finissent par se confondre dans les derniers chapitres. Néanmoins, si elle est très précise sur certains sujets, elle reste très vague sur d'autres. Ainsi, aucun nom n'apparaît dans le livre, que ce soit celui de ses amies au secondaire, des professeurs qui l'ont guidée et inspirée et ceux de ses collègues de travail à la NASA. C'est assez étrange comme manière de procéder. Si l'on comprend qu'elle voulait protéger certaines personnes, c'est une façon bizarre de procéder puisqu'elle montre des photos des mêmes personnes dans la section centrale du livre. 

Le livre reste une excellente page turner: on a envie de savoir la suite, que ce soit celle de la petite Farah ou celle de la mission Perseverance, perturbée lors d'une certaine pandémie. L'humain et le scientifique s'imbriquent, s'entremêlent pour raconter une excellente histoire. Surtout raconté de cette façon, c'est le genre d'histoire que l'on voudrait voir au cinéma ou en série télé. En attendant, le livre est excellent à lire!

vendredi 31 mars 2023

Lady Snowblood: 3- Le livre de la résurrection de Kazuo Kamimura et Kazuo Koike

 Lady Snowblood tome 3 Le livre de la résurrection Dessins de Kazuo Kamimura Scénario de Kazuo Koike Sensei 314 pages


Résumé:

Après avoir accompli sa vengeance, Yuki a pris sa ''retraite'' et enseigne désormais la gymnastique suédoise dans un collège pour jeunes filles. Ce qui malheureusement déplaît aux mouvements nationalistes qui dénoncent l'occidentalisation du Japon. Après avoir échappé à une tentative d'assassinat, Yuki est entraînée vers ceux qui se battent contre l'obscurantisme et pour l'avenir du Japon. Encore une fois, elle va devoir dégainer son sabre.

Mon avis:

Ce troisième tome est dès le départ surprenant parce que sa quête initiale, venger ceux qui ont détruit sa famille, est atteinte à la fin du deuxième tome. On a donc ici une impression surprenante de «on a une bonne série alors on va étirer la sauce». Fort heureusement, c'est bien fait et ça ne gâche pas le plaisir de la lecture, même si les aventures de Yuki l'emmènent très loin de ses activités habituelles. 

Au départ, elle s'est complètement retirée du métier. Plus de contrats, plus de vengeance. Elle est simplement une prof de gymnastique suédoise dans un collège pour jeunes filles et ne fait pas de vagues. À part le fait qu'elle traîne son ombrelle partout, rien ne peut laisser soupçonner son passé. Ombrelle qui, les lecteurs le savent, contient sa lame. Comment elle s'est retrouvée là sera racontée par des flashbacks, mais ce qu'elle fera ensuite n'appartient qu'à elle. Alors que dans les autres tomes, elle poursuivait la quête de vengeance de sa mère, dans celui-ci, elle trace sa propre voie et fait ses propres choix par rapport à son avenir. Et surtout, elle choisit un camp et une cause par elle-même. Ce choix est d'ailleurs l'arc narratif qui mène le tome et qui la fera de nouveau basculer dans la violence alors qu'elle s'en était éloignée. 

Comme dans les premiers tomes, l'intrigue mêle personnage fictif et personnages historiques et un vrai conflit social qui a eu lieu à cette époque entre les traditionalistes et les modernistes. Je ne suis pas une experte de l'époque, mais le conflit m'a semblé bien rendu, surtout au niveau des individus qui le vivent. Et bon, certains événements liés aux nationalistes laissent envisager les agissements de l'armée japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale. Comme si les racines étaient déjà plantées. Contre cela, Yuki utilisera toutes ses ressources, même si dans un premier temps, elle hésite. Sortir de sa retraite, du calme? Et pourquoi le ferait-elle? L'habilité de l'intrigue est justement ici de nous faire suivre son cheminement et sa décision finale. La grande différence est que l'intrigue est beaucoup plus linéaire que dans les autres tomes. Si auparavant on alternait entre son métier de tueuse à gages et sa quête personnelle, ici, à l'exception de quelques flashback, l'intrigue avance de chapitre en chapitre. 

Le dessin est toujours aussi réussi, mais comme l'intrigue plonge davantage dans l'histoire de l'époque, les détails que le dessinateur inclut dans ses plans sont plus faciles à remarquer. Et des détails, il y en a. Petits et grands. Yuki elle-même d'ailleurs a changé. C'est subtil, et d'autant plus à l'honneur du dessinateur, qu'il ait réussi à nous faire comprendre que le temps passe aussi pour Yuki et qu'elle n'est plus la jeune fille que nous avons rencontrée dans le premier tome. Même si elle reste Lady Snowblood.

Un troisième tome un peu moins fort que les deux précédents, mais qui demeure quand même intéressant, même s'il n'était pas nécessaire.

mercredi 22 mars 2023

Lady Snowblood: 2- Qui sème le vent récolte la tempête de Kazuo Kamimura et Kazuo Koike

 Lady Snowblood tome 2 Qui sème le vent récolte la tempête Dessins de Kazuo Kamimura Scénario de Kazuo Koike Sensei 530 pages


Résumé:

Après avoir éliminé la première de ses cibles personnelles, Lady Snowblood fait face à une impasse: aucune trace des deux autres. Sur les conseils d'un groupe de mendiants, elle réussit à persuader un écrivain célèbre, mais excentrique de raconter son histoire afin de les pousser à sortir de l'ombre. Mais en révélant son identité, elle attire aussi vers elle des regards, ce qui ne l'aide pas dans sa profession: tueuse à gages.

Mon avis:

Ce deuxième tome reprend le schéma du premier, alternant les histoires reliées à ses contrats de tueuse à gages et ses efforts pour retrouver et tuer ceux qui ont détruit sa famille. Et si dans le premier tome, elle semblait souvent triompher sans trop d'efforts de ses ennemis, ici, ils seront à sa mesure. Chefs de clans de yakuzas, hommes politique, elle affrontera des ennemis qui sont aussi intelligents qu'elle. Et si elle demeure aussi adroite au sabre, elle a perdu l'avantage de la surprise. 

Dans ce tome, elle fait preuve de quelque chose que l'on soupçonnait, sans en avoir pleinement pris la mesure dans le premier tome: Yuki a une âme. Si elle demeure inflexible sur sa vengeance, on comprend vite qu'elle a aussi des aspirations personnelles. Son fort penchant pour les femmes se fait plus prononcé et plutôt qu'une tactique, on découvre que c'est simplement sa nature qui parle. Elle épargne un enfant handicapé intellectuel plutôt que de le tuer, car elle n'ose le faire sur une âme si pure et simple, même si ça la met en danger. Elle développera une relation d'affection sincère avec le vieil écrivain qui raconte son histoire au public. Tous ces petits événements, éparpillés au fil du récit, donnent de la chair à un personnage qui pourrait autrement être froid. Oui, Yuki est intrépide et déterminée, mais elle n'en est pas moins une personne avec ses failles.

On remarque une évolution dans sa manière d'aborder ses cibles personnelles. Au lieu de les pourchasser, elle se dévoile pour les faire venir à elle. Tactique qu'elle utilisera d'ailleurs dans certains de ses contrats. Elle utilise sa vulnérabilité et sa féminité comme des forces. Nombreux seront ceux qui tomberont dans le piège.  

Petit détail qui m'a un peu chicoté dans ce tome, Yuki ne semble jamais avoir de problèmes à avoir du travail, mais la façon dont ses clients la contactent n'est jamais expliquée. Ce n'est pas nécessaire à l'intrigue, mais quand même. A-t-elle des alliées, des intermédiaires? Aucune idée.

Le dessin est dans la droite ligne du premier tome. Les découpages rendent l'action du mouvement, sans essayer de montrer le mouvement lui-même. Cependant, ce tome-ci est moins sanglant. Certes, elle continue à tuer, mais sa quête personnelle prend plus de place que ses contrats et ce faisant, on en apprend plus sur elle. Il y a quelques magnifiques plans qui trôneraient bien tels quels dans une exposition tellement l'image est à la fois travaillée et parlante. 

La fin m'a profondément surprise. Pas de spoilers ici, mais le simple résumé du troisième tome vous dira la fin de celui-ci. Je ne m'y attendais pas du tout. Cependant, elle est en droite ligne avec ce qui se passe depuis le début du premier tome. Yuki a un but et s'y tiendra, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas de coeur. Sa réaction, entre autres envers la fille d'une de ses cibles, montre que sa vengeance n'a toujours été que ça: oeil pour oeil, dent pour dent, rien de plus. La fin laisse Lady Snowblood sur un chemin auquel on se s'attendait pas. Comme il y a un troisième tome, on se pose d'ailleurs beaucoup de questions.

En droite ligne et aussi bon que le premier, tout en se gardant une bonne marge d'indépendance comme deuxième tome de la série.

lundi 13 mars 2023

Je peux exister dans cet univers-là

 Salut,

La vieille querelle. Fantastique vs fantasy. Ok, je me permets si vous permettez. Ouais, je devrais plutôt dire que vous permettiez ou non. Je m'en fiche.

Fantastique vs fantasy donc.

J'aime l'expression fantastique. Je l'avoue sans la moindre honte. J'aime la fantasy aussi, pour d'autres raisons. Mais il me semble que dans ma tête, il y a une différence entre les deux.

Pas celle de Todorov, je me fiche du Todorov et de son doute, rien à cirer!

Non, juste que...

Il y a quelques années à un Congrès Boréal. Quelques années, que dis-je une bonne décennie! On est en atelier et soudain, voilà qu'un auteur que j'aime pour le reste de son oeuvre (ok, c'est Yves Meynard!) parle d'urban fantasy. Et ça me fait l'effet d'ongles sur un tableau à craie. Mais c'est de fantastique dont tu parles que je m'écris de ma chaise dans le public. J'ai été refroidi d'un regard noir comme de l'encre. On ne parlera pas de ça m'a écourté ledit auteur (que j'aime pour le reste de son oeuvre!). J'avais prononcé le mot tabou, le mot-qu'on-ne-prononce-pas-en-sa-présence. Bref, j'avais dit fantastique.

Sauf que son expression à lui d'urban fantasy avait écorché mes oreilles de francophile. Pourquoi au juste utiliser une expression anglophone alors qu'une expression en français existait? Pas une exacte traduction, j'avoue. Et elle traînait les casseroles de Todorov en plus, ce qui faisait un boucan d'enfer. Mais n'empêche, fantasy urbaine non plus ne me semblait pas une bonne traduction. Parce que ce dont il parlait aurait aussi bien pu se retrouver en plein milieu d'un champs que sur Broadway.

Bien plus tard et un confinement dans le corps qui donne une envie folle de reprendre les conversations sur les terrasses, j'atterris sur la terrasse d'une amie (une magnifique terrasse, qui vaut le détour avec ses palmiers, enfin dans le temps, et la conversation des ses habitants, bref, la tienne Gen!) où le mot terrible finit par retentir: fantastique. Et là de me faire dire: le fantastique, ce n'est pas le bon mot, c'est fantasy! Et de me faire expliquer que la différence est (entre autres, je n'ai pas tout retenu, la faute à la délicieuse boisson et à son contenu en alcool ingérée ce soir-là) est dans la construction de mondes. Le fameux worldbuilding des anglos. Ok, j'ai surtout retenu cette notion et ladite personne qui m'en a parlé de façon enflammée (pour ceux qui ne connaissent pas Gen, vous n'avez pas encore compris le synonyme du mot passion envers les littératures de l'imaginaire!). Sauf que j'étais sous influence et je n'ai pas su répondre.

Sauf que ma mémoire et mon cerveau fonctionnent parfois au ralenti, mais tournent aussi vite que la roue d'un hamster lancé à pleine vitesse quand il finit par embrayer.

Et après que mon foie a digéré la dose d'alcool, je me suis mise à réfléchir.

Fantastique donc. Je lui suis fidèle.

Mais merde Todorov!

Le doute de Todorov, élément indispensable de la littérature fantastiques ne vaut que pour si qui a été produit dans le sillage de Maupassant et de son Horlà. Un texte qui pour le reste vaut le détour, mais ne nous écartons pas du sujet. Parce qu'avec son fameux doute, il a réduit à la tronçonneuse le concept de fantastique, l'a réduit à un univers dont on peut douter au départ. Alors qu'au fond, le fantastique, c'est l'irruption d'un élément surnaturel dans notre monde. On peut en doute au départ, mais quand cette réalité est acceptée ou qu'elle l'a été avant le début de l'intrigue... ça change quoi à l'histoire?

Soit dit en passant, on devrait dire fantaisie en français, mais un traducteur des premiers contes fantastiques en français a préféré fantastique à fantaisie.  Ce qui fait qu'encore aujourd'hui fantaisie en français réfère bien plus à l'univers des contes de fées qu'à celui des émules de Tolkien. La source de bien des chicanes de nos jours alors que les anglos continuent leur train-train. Même mes amis anglos ont sourcillé quand j'ai dit fantastique. Mais à force de discours enflammés, j'ai fini par leur faire comprendre la différence.

Dans un univers de fantasy, tout est inventé. On peut inventer la gravité, la monnaie, l'histoire, la géographie, la mentalité des gens, la philosophie, la morale n'importe quoi bon!

Pas dans le fantastique. Le fantastique existe parce qu'il tord les lois du ici et maintenant. Sauf en de rares circonstances, la gravité est la même les lois de la majorité sont les mêmes, les éléments magiques se greffent à cet univers par touche, mais gardent une assise dans le monde réel. 

Bref, je n'ai aucune chance de croiser un jour Gandalf, mais je peux croiser n'importe quel personnage de fantastique dans la rue... parfois sans m'en rendre compte. 

C'est cette possibilité, infime, mais réelle, qui continue de me faire tenir à cette distinction: le fantastique a lieu dans mon monde, il en agrandit les possibilités, mais sa base, son fond profond, s'appuie sur ma réalité. La fantasy n'a pas ce scrupule ou cette limite: il fait ce qu'il veut. Source d'inspiration médiévale, oui, grandes lignes de pensées oui, mais est-ce que je pourrais croiser l'un de ses personnages dans la rue en me rendant au boulot? Non. Même pas le jour de l'Halloween. 

Quelque chose en dessous de la surface est fondamentalement différent. Il y a une coupure, une différence qui n'existe pas en fantastique. Celle-ci se nourrit de la réalité courante des êtres humains non-magiques que nous sommes. Les vampires, les loups-garous et les dizaines d'autres font partie de notre monde, ils en connaissent au moins l'existence, doivent composer avec lui. Les frontières, les langues, l'argent, l'art, la culture, ça fait parti de l'arrière-plan, car le fantastique a toujours ses assises dans notre réalité. La fantasy? Elle en est complètement affranchie.

Je peux exister dans l'univers de Harry Potter, de True Blood, de Twilight, de toutes ces séries qui ont envahi nos écrans et nos bibliothèques depuis des années. Pas dans celui du Seigneur des anneaux, de Games of thrones, de La roue du temps. Ça n'a rien à voir avec la construction du monde (bon, quoique Twilight...). True Blood a construit un très riche univers qui s'entremêle avec le nôtre, sous le vernis de la surface et des apparences, voilà qu'apparaît un tout autre univers, inclus dans le nôtre. On traverse la porte invisible qui mène au quai 9¾ et nous sommes toujours ici.. et en même temps ailleurs.

@+ Mariane

P.S. Si vous ne partagez pas mon opinion, sachez que je respecte profondément ce fait. Mais SVP, ne me faites pas perdre mon temps et ne perdez pas le vôtre à essayer de me faire changer d'avis! :P

jeudi 9 mars 2023

Lady Snowblood: 1- Vengeance sanglante de Kazuo Kimura et Kazuo Koike

 Lady Snowblood tome 1 Vengeance sanglante Dessins de Kazuo Kamimura Scénario de Kazuo Koike Sensei 522 pages



Résumé:

Japon, Ère Meiji: Lady Snowblood est une tueuse à gages. Certes, elle coûte une fortune, mais ses services en valent la peine. Grâce à son intelligence, son charme et ses aptitudes au sabre, elle remplit toujours ses mandats, sans jamais être reconnue. Mais qui est cette Lady Snowblood? Et quel secret se cache derrière son visage angélique?

Mon avis:

Je ne suis pas une grande lectrice de manga. Je n'ai jamais vraiment accroché au genre. Cependant, j'avais lu un manga de Kazuo Kamimura il y a plusieurs années et dont j'avais gardé un très bon souvenir. Donc, en fouinant un peu pour donner une nouvelle chance au manga, je suis tombée sur cette série qu'il a dessinée aux côtés du scénariste Kazuo Koike. La quatrième de couverture disait que la série est l'une des sources d'inspiration pour Kill Bill de Quentin Tarantino, film que j'ai adoré. J'ai donc plongé.

Et je ne regrette pas, même si les trois tomes de la série font près de 1400 pages. 

La série raconte les aventures de Lady Snowblood, tueuse à gages habile qui arrive toujours à ses fins, mais aussi personnage qui mène sa quête personnelle. Parce que Yuki, de son vrai nom, est née en prison, d'une mère condamnée à perpétuité pour un meurtre. Sa victime était l'une des quatre personnes qui ont tué son mari et son fils et elle ne peut accomplir sa vengeance envers les trois autres. C'est pourquoi, elle fait tout pour tomber enceinte en prison, et avant de mourir suite à l'accouchement, elle confie la tâche qu'elle n'a pas pu accomplir à sa fille à peine née. La petite Yuki sera élevée par une co-détenue de sa mère et entraînée dès son plus jeune âge, ce qui en fera, arrivé à l'âge adulte, une redoutable combattante, mais aussi une stratège dotée d'un esprit aiguisé.

La série a été publiée en feuilleton et les histoires ne sont pas toutes liées chronologiquement. Par contre, on alterne très tôt entre les contrats de Lady Snowblood et les épisodes consacrés à sa quête personnelle. Dans ce premier tome, on voit surtout jusqu'où elle est prête à aller pour assouvir sa vengeance, mais aussi l'habileté dont elle sait faire preuve dans ses contrats. Parce que loin de se contenter de tirer dans le tas, Yuki maîtrise l'art de vaincre autant par les armes que par la ruse. Les pièges qu'elle tend à ses cibles sont nombreux et elle n'hésite jamais à utiliser son charme et ses attributs physiques pour parvenir à ses fins. Elle ne se contente pas de tuer, elle domine et terrasse ses adversaires, souvent en tapant là où ça fait mal.

Même si elle est très peu loquace et ne parle que peu d'elle-même, Yuki est un personnage à la personnalité bien défini. Elle est téméraire, intelligente, courageuse et calculatrice, mais ça ne l'empêche pas de faire preuve d'une certaine introspection et de se questionner sur ses choix. Elle n'accepte, dans le cadre de la série, que des contrats qui visent des oppresseurs, jamais des opprimés. Et si elle vit et travaille surtout dans les quartiers des plaisirs (une façon gentille de parler des quartiers de prostitution), elle ne fera jamais de victimes innocentes et fera en sorte de protéger les plus faibles en maintes occasions. Elle sait aussi se faire des alliés utiles et est généreuse envers eux. 

La série est violente, très violente même. Il y a  du sang dans presque toutes les pages et même si c'est en noir et blanc, on sent très bien le côté sanglant du personnage. Elle accomplit ses contrats à coups de sabre et n'hésite pas à utiliser sa lame, dissimulée dans son ombrelle, pour tuer. Le manga appartenant au genre des gegika, il y a également beaucoup de nudité. On voit Lady Snowblood entièrement nue à plusieurs occasions, mais en même temps, on ne voit jamais d'organes génitaux de manière directe. Le dessin laisse un blanc dans l'entrejambe de Yuki et si l'on voit des organes masculins, ce n'est pas sur un personnage. Le dessinateur utilise alors des procédés divers pour monter sans montrer (une ombre sur le mur par exemple). 

Le dessin est assez cinématographique. De nombreux plans auraient pu facilement faire le saut au cinéma tel quel. D'ailleurs, il y a une impression que l'auteur fait parfois une série de dessins qui permettent d'imaginer le mouvement entre les cases, sans montrer le mouvement lui-même. Le visage de Lady Snowblood est fort élégamment dessiné, au point où à un moment, un simple froncement de sourcils suffit à nous faire comprendre ce qu'elle pense d'une situation. Je n'ai pas beaucoup de points de comparaison avec d'autres mangas, mais le tracé et le rendu est remarquablement maîtrisé et les découpages de cases sont à l'avenant.

Bref, une très belle découverte! Et oui, j'ai déjà lu les deux autres tomes, critiques à venir!

lundi 27 février 2023

Noter ou ne pas noter, telle est la question

 Salut!

Depuis quelque temps, je vois une tendance se dessiner: on ne note plus les critiques. Plus de séries d'étoiles après une critique de spectacle, de film, d'albums ou encore plus important en ce qui me concerne, de livre. La décision de Lettres québécoises à ce sujet et plus particulièrement l'entrevue qu'avait donné Mélikah Abdelmoumen à la défunte émission Plus on est de fous, plus on lit (que je m'ennuie de cette émission!) m'ont fait beaucoup réfléchir.

Parce qu'après tout, une note, qu'est-ce que ça représente?

Et bien, c'est une façon un peu simpliste de résumer notre opinion sur un livre lorsque l'on en parle. Il y a maintenant fort longtemps, on m'avait demandé ce que disait mon système de note interne au blogue. J'avais pondu ce billet, qui date maintenant de dix ans... Mais un des points que je soulève dans ce billet est très important: la critique reste profondément subjective. 

Et une note? Ishh! Encore plus! J'ai plusieurs fois jonglé avec la note que j'allais accorder à un livre parce que, bien honnêtement, j'étais embêtée. J'ai toujours fait au mieux, mais il y a des fois où je revois une critique que j'ai faite et que je me demande pourquoi au juste j'ai donné cette note. Pas toujours, fort heureusement. Mais parfois.

Mais pas dans le texte de mes critiques. Parce que trois chiffres séparés par une virgule ne peuvent remplacer une argumentation où l'on soulève les points forts, souligne les faiblesses, nuance un détail, explique un effet, gratte un peu plus loin que la surface. Même dans mes critiques les moins réussies, j'ai toujours essayé de rendre mon opinion sur un livre de façon claire et argumentée. J'en suis d'ailleurs très fière, parce que le faire de manière constante au cours des 13 dernières années a été un sacré défi, mais un défi que je suis fière d'avoir relevé, un livre à la fois.

Un autre problème que j'ai toujours eu personnellement avec les critiques notées, un défaut que j'ai d'ailleurs moi-même, c'est la manie qu'ont plusieurs à sauter le texte et à se jeter sur la note finale. Qui ne représente qu'une microscopique partie du boulot que je mets sur cette partie de mon activité de blogueuse. Ah, Prospéryne a mis 4.25 sur 5 à ce livre... et passe à côté du texte que j'ai passé une bonne heure, souvent plus, à peaufiner, à relire, à réfléchir, à retravailler. Pour être sûre et certaine que ce que j'y avais écrit représentait mon exacte pensée sur ce livre. Du boulot que je disais. Alors la pensée que tout le monde saute pour aller regarder la note que j'ai souvent décidée en tout dernier... Mouais, ce n'est peut-être pas une pensée si agréable au fond.

Depuis le début de 2023, je me suis demandé quelle serait la réaction si je ne notais pas mes critiques. J'ai donc publié mes deux premières critiques de l'année sans note. La réponse? Un bruit de criquets. Personne ne semble avoir remarqué ou du moins, ne s'est donné la peine de le souligner. Certes, je n'ai publié que deux critiques (d'autres s'en viennent, promis!), mais ça m'a quand même donné une petite idée: les gens s'habituent à ne pas voir des notes et ceux qui s'intéressent à mon avis savent qu'il vaut mieux lire que de sauter à la fin. Une façon aussi de motiver mes lecteurices à prendre le temps de s'intéresser à ce qui me prend le plus d'énergie.

Alors voilà, plus de notes sur ce blogue. La seule chose que je vais garder qui ressemble à une note, c'est la mention coup de coeur, parce que ça, c'est toujours utile! ;)


@+ Mariane

jeudi 16 février 2023

Crépuscules, Collectif

 Crépuscules  Collectif  Les Six brumes 235 pages


Résumé:

Recueil de nouvelles sur les genres de l'imaginaire, science-fiction, fantasy, horreur, pour les 20 ans de la maison d'édition Les Six brumes et réunissant des auteurices marquants qui ont publié chez eux.

Mon avis:

Diversité est un mot clé de ce recueil, qui va dans les registres de la fantasy, de l'horreur, de la science-fiction et même dans celui des histoires de bûcherons! Un joyeux mélange qui met en scène de très belles plumes. Détail remarquable, le niveau est relativement égal entre les nouvelles du recueil: pas de nouvelles qui se démarquent particulièrement par leur qualité supérieure ou inférieure à la moyenne. La différence est dans les histoires racontées, dans les styles et dans les thèmes abordés, ce qui est très agréable.

Et côté thème, on va dans tous les registres, de l'horreur plus psychologique au fantastique à la Maupassant, de la fantasy classique, à la science-fiction policière. La nouvelle qui introduit le recueil, Du sang sur  le mackinaw de Luc Dagenais donne le ton de ce mélange des genres avec une nouvelle mélangeant l'univers des camps de bûcherons, une enquête sur un meurtre et des amours gais, rédigé dans un registre que n'aurait pas renié Honoré Beaugrand. C'est l'une des nouvelles que j'ai préférée dans le recueil.

Mes autres coups de coeur sont les nouvelles de Pierre-Luc Lafrance, qui avec Retrouvailles, signe une nouvelle qui met en scène deux anciens camarades de classe se croisant à la veille de leurs retrouvailles du secondaire. Une rencontre qui finit par revenir sur les événements arrivés dix ans plus tôt, avec une note fantastique qui se glisse dans le récit au fil de celui-ci, par gouttes. La nouvelle d'Ariane Gélinas, Quatre fois l'île, qui mêle univers nordique, fées et volonté de la nature s'inscrit dans la lignée de ses autres textes. L'érotisme y tient bien sûr une part importante, mais aussi le bizarre et l'étrange s'y glissent. La dernière nouvelle, Crépuscules de Frédéric Durand, est sans doute la plus étonnante et la plus efficace du recueil parce qu'elle met en scène une lectrice lisant le recueil et par un effet de miroir et de mise en abîme, joue avec les perceptions du lecteur sur sa lecture.

En fait, le seul reproche concernant ce recueil est l'ordre dans lequel les nouvelles ont été placées, celles contenant un contenu sexuel explicite se retrouvant placé les unes à la suite des autres et les nouvelles d'horreur elles aussi rassemblées à la queue leu leu. Pour le reste, peu de reproche à faire!

Idéal pour découvrir une grande variété de plumes, autant dans les styles que dans les thèmes.

lundi 13 février 2023

Que serait le texte sans son con?

Salut!

Il m'arrive souvent, quand je texte une anecdote à ma meilleure amie de tourner un peu les coins ronds de l'histoire pour avoir à en écrire moins. Que voulez-vous, je déteste taper sur un clavier de cellulaire! Il arrive souvent qu'elle me réponde d'un retentissant CONTEXTE? parce qu'elle ne comprend rien à mes histoires... Parce que oui, le contexte fournit souvent des éléments qui changent complètement le sens d'un mot, d'une phrase ou d'une réaction.

Est-ce que cela vous est déjà arrivé de regarder la scène d'action finale d'un film d'action sans savoir qui étaient les protagonistes et qui étaient les antagonistes? Moi si. Dans la scène finale, tout le monde se tirait joyeusement dessus et c'était... très confondant. Est-ce que c'est bien que personnage x se fasse tuer, est-ce que personnage y réussi un bon coup ou est-ce qu'elle vient de mettre les héros dans le pétrin? Aucune idée! Quelques minutes plus tard, dans la scène finale, j'ai fini par comprendre qui était qui et ça a été agréable de comprendre. Parce que finalement, ça donnait du sens à la fusillade!

Mon exemple était dans un contexte très précis, mais on peut élargir aussi au contexte plus large. Si on lit le Seigneur des anneaux sans avoir lu Bilbo le Hobbit, on ne pourra pas comprendre pourquoi Bilbo passe autant pour un original aux yeux de ses pairs tout simplement parce qu'on ne connaît pas le personnage avant ses aventures! Qu'il soit un excentrique semble normal, alors qu'avant sa grande aventure aux côtés de Thorin et ses douze compagnons nains, Bilbo était le modèle du hobbit pantouflard et bien ancré dans ses habitudes, surtout concernant les plaisirs de la table. De même, on ne saura rien de la réelle puissance de Gandalf. Et encore, je ne parle pas de toutes les découvertes que l'on peut faire à son sujet en lisant Les Contes et légendes inachevées ou le Silmarillion, tant directe , comme la façon dont il est arrivé en Terre du Milieu et indirecte, comme ses origines et son statut d'Istari.

Donc, un lecteur qui ouvre le Seigneur des Anneaux sans connaître l'univers élargi pourra apprécier une excellente histoire. Mais le lecteur qui connaît le contexte pourra quant à lui voir les allusions, comprendre les réactions, saisir les enjeux plus profonds, bref, il aura une connaissance plus approfondie du récit. Ce qui est, bien souvent, la marque des fans d'une oeuvre est justement de connaître ce contexte, de voir les liens, petits et grands et de s'en délecter, d'en débattre. Dépassé un certain point par contre, on peut en devenir fou au point d'en rabattre les oreilles à tout le monde et de devenir tatillon sur le moindre détail.

Mais que ce soit pour une petite oeuvre ou une grande, le contexte reste important. Aucun personnage ne peut agir dans le vide et même encore là, le vide peut-être porteur d'un contexte. Comment le personnage est-il arrivé là, d'où il part, quel était son but en arrivant là, était-il en fuite, en mission, est-il tombé dans un piège, est-il en train de se cacher, prépare-t-il un coup? Ce sont tous ces éléments qui doivent être là pour que les actions d'un personnage prennent du sens. 

Le con de contexte ne rend pas le texte plus stupide, mais plus intelligent. D'ailleurs, les racines latines du mot le relient aux sens d'assemblage, réunion, enchaînement. On ajoute au texte, on ajoute à l'histoire. 

Bref, on ajoute du contexte!

@+ Mariane

lundi 30 janvier 2023

Tous ceux que l'on n'adapte pas

 Salut!

L'autre jour, je me mettais à penser à tous les films adaptés de romans que j'avais vus dans ma vie. Il y en a... beaucoup. Aujourd'hui, un film est presque une garantie que le livre restera dans l'imaginaire collectif. Après la trilogie de Peter Jackson, pas sûre que le Seigneur des Anneaux prendra le chemin des oubliettes! Ceci n'était bien sûr qu'un exemple parmi d'autres. Il y a un effet d'entraînement du film vers le livre. Pas pour rien que les éditeurs s'empressent de mettre l'affiche du film sur la couverture d'un livre qui est adapté! Les deux industries se nourrissent l'une et l'autre. Les deux formes, l'adaptée et l'originale deviennent les facettes d'une même oeuvre. 

Sauf que ce n'est pas tout qui est adapté! Même si en regardant en comparant la liste des scénarios originaux et ceux adaptés, on peut avoir l'impression d'une déferlante de ces deuxièmes, en fait, c'est une infime minorité qui a la chance de prendre vie à l'écran. Certes, que les séries télé prennent maintenant part au mouvement agrandit le bassin potentiel, mais ça ne change pas le fait que pour des milliers de livres publiés chaque année, quelques dixièmes de pourcentage passeront à l'écran. Et encore... certains ont droit à plusieurs adaptations et d'autres... aucune!

Si on parle de grands succès internationaux, certains titres, comme Les Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas, peuvent même avoir droit à leur propre page Wikipédia tellement les adaptations ont été nombreuses! Mais, puisque je suis québécoise, je vais faire un brin ma chauvine et parler d'adaptations de romans d'ici. Comme le sujet est déjà très vaste, je vais me contenter de parler de littérature du terroir. Pour ceux qui viennent de bailler, je le fais simplement parce que de un: tout le monde ici en a lu au moins un sur les bancs d'écoles et de deux, on a presque tous entendu parler d'un moins un ou deux autres titres. Je vais donc pouvoir comparer des pommes avec des pommes (d'autant plus qu'il ne pousse pas d'oranges au Québec).

Maria Chapdelaine a été adapté quatre fois. Le Survenant a été adapté en série radiophonique, à la télévision et au cinéma. Et je ne ferais pas la liste des adaptations d'Un homme et son péché... La vie de ces romans a eu droit à un nouvel essor grâce au passage à l'écran, allant chercher un nouveau public avec chaque adaptation. Mais combien d'autres romans n'ont pas eu droit à leur moment de gloire sur pellicule? Aucune adaptation de Trente arpents de Ringuet, pas plus que de Menaud Maître-Draveur, j'avais vu l'ombre d'un projet d'adaptation des Engagés du Grand-Portage, à mon grand regret. Pourtant, ce sont les compagnons d'étagère des trois précédents. Pourquoi les adaptations des uns se multiplient, alors que les autres soupirent d'envie sur leurs tablettes?

Il ne s'agit pas de qualité littéraire. Les six oeuvres que j'ai mentionnées ont toutes été reconnues par la critique à leur parution, font parti du corpus littéraire, sont étudiées à l'université et se retrouvent régulièrement au menu des programmes scolaires, au grand déplaisir d'une partie de ceux qui ont à les lire. Ils font même partie du même mouvement littéraire, sont situés dans le même genre de décors et à la même époque, alors, ça ne devrait pas être beaucoup plus compliqué à adapter que ceux qui passent à l'écran encore et encore!

Je n'ai pas de réponse précise. Il y a une grosse part de hasard. Il suffit qu'une personne, producteur.ice, scénariste, réalisateur.ice se passionne pour une oeuvre pour que les chances de le retrouver à l'écran bondissent. La manie de refaire pour reproduire le succès doit aussi jouer son rôle. Ce qui au fond me désole, c'est que certaines oeuvres, qui pourraient pourtant avoir un écho très profond avec les problématiques actuelles prennent la poussière. 

Et encore, je n'ai en tête que la littérature du terroir. Il y a encore plus à découvrir si on élargit ses horizons. Encore plus dont on peut déplorer l'absence aussi.

@+ Mariane

jeudi 19 janvier 2023

La chambre de Giovanni de James Baldwin

 La chambre de Giovanni  James Baldwin Rivages 238 pages


Résumé:
Paris, années 1950: David est dans une maison, dans le sud de la France. Hella, sa fiancée, vient de le quitter. Et Giovanni, il le sait, va mourir le lendemain. Pour ce jeune américain perdu à Paris, la rencontre avec ce bel italien a été plus qu'un coup de foudre, une révélation sur ce qu'il est, sur sa nature profonde, Mais à une époque où l'homosexualité vit aux marges de la société et est soumise à tant de préjugés, faire le choix d'accepter cette partie de soi-même n'est pas un choix que tous sont prêts à faire.

Mon avis:
Lire du James Baldwin est plongé dans un océan de nuances émotionnelles, subtiles, comme une palette de couleurs étalées devant soi qui nous apprendrait tout sur les personnages dont on partage les aventures. Ici, il s'attaque, en plein milieu des années 1950 (le livre a été publié à l'origine en 1956) à l'homosexualité masculine, mais aussi l'impact de ce que repousser, nier, vouloir tuer cette partie de soi a comme impact sur la vie, la santé mentale et même j'oserais dire l'âme de ceux (et celles!) qui ne peuvent accepter ce qu'ils sont. 

Le personnage principal, David, sait ce qu'il est, mais il le refuse, essaie de vivre autrement, a une liaison avec une femme, mais est incapable de vraiment aimer, vraiment se donner. Malgré tout, cette partie refoulée de lui refait surface, un peu malgré lui. À Paris, alors qu'il débarque de son Amérique encore puritaine, un milieu gai qu'il fréquente sans vraiment s'y mêler a compris ce qu'il est. Il ne veut pas l'admettre, mais eux le sentent. C'est là, un soir, qu'il rencontre Giovanni. Ce coup de foudre sera aussi un dur coup dans sa vie, parce que dès lors, il ne peut plus nier ce qu'il s'efforce de refouler depuis si longtemps. Les conséquences de cet amour seront funestes, mais c'est surtout sur ce qu'elles révèlent à David qui seront atroces: sa haine de soi internalisée depuis tant d'années, ne disparaît pas en claquant des doigts.

La chambre de Giovanni, lieu de leurs amours, est à la fois un révélateur et une prison, car c'est pour la durée de son séjour dans cette chambre que David aimera Giovanni. Mais il ne veut pas d'un engagement, pas d'un séjour à long terme, déchiré entre ce que son coeur lui dicte et ce que son esprit a assimilé. Le narrateur est David et on sent à travers le récit les immenses conséquences que le déni face à son homosexualité ont sur sa vie, sur son mal de vivre. Mais aussi les pressions internalisées de la société, une certaine vision de la virilité qui le coupe de son être et le pousse à prendre des décisions qui ne peuvent que le faire souffrir. Quand Giovanni essaie d'agrandir la minuscule pièce en voulant réduire l'épaisseur des murs, on sent qu'il essaie de créer de l'espace pour que David s'y sente bien. Mais David voit cela comme une futilité. Il est incapable de s'imaginer vivre dans cette pièce à long terme, il ne la supporte presque pas et tout ce que son amant fait pour essayer de le convaincre de rester ne servira à rien. Histoire tragique, classique, d'un homme qui, incapable de s'aimer lui-même est aussi incapable d'aimer les autres.

La plongée dans le milieu gai de Paris est aussi intéressante. Certes, les hommes ne sont pas tous tendres les uns envers les autres. Beaucoup de jugements et pas mal de bavardages alimentent les nuits dans un bar clandestin où tous peuvent enfin être eux-mêmes. Mais la liberté d'être et d'exister qu'ils ont à cet endroit est magnifique. Attention à ceux qui voudront lire le livre aujourd'hui, de nombreux mots sont maintenant considérés comme inacceptables sont utilisées sans le moindre problème de la part de tous les personnages. Certains personnages sont très archétypaux, mais aucun n'est en carton: leurs psychés, les débats intérieurs qui les animent, les sacrifices, la souffrance, les jeux de pouvoir mêmes sont finement dessinés.

La mort de Giovanni clôt le livre. Ce n'est pas une surprise, c'est annoncé dès le début. Mais l'impact de cette mort sur David est sans doute la partie la plus douloureuse et la plus tragique, car elle aurait pu être évitée s'il avait accepté de s'aimer lui-même tel qu'il est.