Les Annales du Disque-Monde Trois Soeurcières Terry Pratchett L'Atalante 314 pages
jeudi 21 juillet 2022
Les Annales du Disque-Monde: Trois soeurcières de Terry Pratchett
lundi 18 juillet 2022
Même Shakespeare n'a pas écrit que de grandes oeuvres...
Salut!
J'entends souvent dire que le niveau des livres a aujourd'hui baissé par rapport à avant. Que l'on ne produit plus de chefs-d'œuvre, que la littérature se résume aujourd'hui à ce qui se vend, que les auteur.e.s ne sont plus capable d'écrire de grandes épopées comme dans le temps, etc, etc.
Du bon gros fumier bien odorant!
Primo, les auteur.e.s du passé n'ont pas vécu aujourd'hui et seraient peut-être bien capable d'écrire leurs grands classiques à notre époque. Vous verriez Tolstoï écrire Guerre et Paix à l'heure de Twitter? Ou Dumas commenter l'actualité sur le catalogue de visage entre deux chapitres des Trois mousquetaires? Sans compter que la société, le monde ont changé! Don Quichotte chasserait sans doute aujourd'hui les éoliennes bien plus que les moulins à vent! L'imaginaire des gens a changé et c'est tant mieux. On ne peut plus faire comme les grand.e.s auteur.e.s du passé et c'est tant mieux. Proust ferait sans doute des phrases plus courtes aujourd'hui, mais justement parce qu'il a vécu à une autre époque, on ne peut qu'apprécier la différence entre son oeuvre et notre réalité contemporaine.
Deuzio, l'effet d'entonnoir, qui fait que pas mal de romans, de poèmes, de pièces de théâtre sont aujourd'hui disparus du paysage. Vous voulez un exemple? Qui a écrit les Joyeuses commères de Windsor? Une idée? Non? Bon, ok, si vous avez fait un lien avec le titre de ce billet, vous avez peut-être fait un lien avec Shakespeare et je vous dis bravo! C'est l'une de ses pièces les moins connues et pas pour rien: c'est l'une des moins bonnes aussi. On est loin d'Hamlet ou de Roméo et Juliette mettons. Et justement, cette pièce est tombée dans l'oubli. Tant mieux!
Aujourd'hui, quand on publie un livre, qu'il soit excellent ou digne du recyclage, ils figurent côte à côte sur les tablettes des librairies. Tout le monde ou part presque au pied d'égalité. Je dis presque parce que si vous avez réussi à vous faire publier dans une grande maison d'édition, vous partez quand même avec une longueur d'avance, mais tout le monde a une chance de briller. Avancez de seulement trois petits mois et un premier écrémage a déjà eu lieu. Avancez de six et certains livres ne sont déjà plus là. Le destin de ces livres est déjà presque joué dans un grand nombre de cas: on n'en entendra plus parler, bien souvent et parfois, malheureusement. Un an après la date de publication, des livres sont déjà passés au pilon, disparus de l'horizon, pour de bonnes et parfois, de mauvaises raisons.
Imaginer cinq ans. Imaginer dix ans. Imaginer un siècle!
Ce qui m'amène à tertio: certaines oeuvres passent l'épreuve du temps et continuent à vivre parce qu'on continue à les lire. Certes, les oeuvres mal écrites passent mal la rampe, mais prenons la grande majorité. Leurs thèmes peuvent être universels, bien présentés et malgré la distance des années, continuer à toucher les gens. Elles passent l'épreuve du temps pas tant parce qu'elles sont si bonnes, pas tant parce qu'elles sont exceptionnelles, mais bien parce qu'on continue de les lire. Et parfois pour des raisons qui ont moins à voir avec leurs qualités intrinsèques que du contexte dans lequel elles sont nées. Car, on touche ici à quelque chose de profondément subjectif: qui décide de ce qui est bon ou non? Qui décide de ce qui vaut la peine d'être lu cinq ans, dix ans, un siècle après sa parution? C'est là que l'hypothèse de «dans le temps, on faisait mieux!» prend le bord. Parce que de merveilleux textes ont sombré dans l'oubli.
Catherine Bernard a été l'une des grandes autrices de théâtre de la fin du 17e siècle. Avez-vous déjà entendu parler d'elle? Non? Bizarre hein? Une femme qui en son temps a fait vibrer les foules avec ses tragédies, qui a été complètement oubliée depuis. Au premier plan de son vivant, accusée après sa mort de ne pas vraiment avoir été l'auteure de ses textes par nul autre que... Voltaire . Parce qu'il avait titré une de ses pièces du même nom qu'elle, Brutus, il a laissé courir la rumeur qu'elle n'avait pas vraiment écrit la sienne pour la discréditer! Et si on avait retenu le Brutus de Catherine Bernard au lieu du Brutus de Voltaire, quel serait le paysage littéraire de notre époque? Ceci n'est qu'un exemple de ce qui a pu mener un texte vers la porte de sortie de l'histoire qui n'a rien à voir avec le texte lui-même. Si on avait préféré les contes de la Baronne d'Aulnois à ceux de Perreault? Si on avait privilégié les textes de Wilkie Collins à ceux de Charles Dickens? Multiplier ça par des dizaines, des centaines, que dis-je des milliers d'exemples. Il y a des choix qui ont été faits pour nous, parfois des siècles avant notre naissance, par des gens qui n'avaient pas notre sensibilité, nos goûts et notre appréciation de la littérature.
Des textes publiés aujourd'hui sortiront quelques textes qui sauront faire leur chemin dans la durée. D'autres seront redécouverts plus tard. D'autres ne seront que des étoiles filantes dans le ciel littéraire. Comme certaines pièces de Shakespeare.
@+ Mariane
lundi 4 juillet 2022
Dénoncer le présent, imaginer l'avenir
Salut,
J'ai lu il y a plusieurs années un roman de fantasy où, il y avait un couple lesbien. C'est surtout le fait que pour les autres personnages du roman, ce couple était tout ce qu'il y a de plus normal qui m'a frappé: deux femmes qui s'aiment et qui partagent un lien puissant. Voilà tout. Encore plus surprenant pour moi, c'est la date de rédaction du roman: 1987. Certes, ce n'est pas si ancien et les mouvements LGBT étaient déjà actifs depuis un long moment. Mais c'est la première fois que personnellement, j'ai vu un couple homosexuel dans un livre de l'imaginaire traité comme si c'était la chose la plus normale du monde. Mais il y avait plus dans ce livre: des femmes aux postes de pouvoir, des gens de religions différentes qui coexistaient sans problème et autres inversement des genres: un cuisinier au lieu d'une cuisinière, une maîtresse d'armes au lieu d'un maître d'armes, etc.
Ce n'est qu'un exemple, évidemment, mais souvent, je remarque dans les genres de l'imaginaire, et particulièrement en science-fiction, une tendance: celle de créer l'avenir tel voudrait qu'il le soit. Les femmes occupent des postes de pouvoir dans Star Trek, les personnages LGBTQ2S et les couples mixtes dans Doctor Who, les scientifiques de renoms noirs dans The Expanse, etc. Bref, on corrige ce que l'on dénonce aujourd'hui comme étant des aspects problématiques de la société. On crée dans la fiction l'avenir dont on rêve.
D'un autre côté, je suis aussi en contact avec de la fiction produite aujourd'hui qui dénonce des situations actuelles, réelles: le sexisme, le racisme, le suprémacisme, l'homophobie, contre les religions autres que la nôtre (et ce, peu importe ce qu'elle est au départ!), etc. Parfois en allant fouiller le passé pour en dégager les racines (LoveCraft Coutnry, Underground Railroad) ou en dénonçant le présent (X-Men et TrueBlood comme métaphore de l'homosexualité, entres autres).
Les littératures de l'imaginaire sont un immense terrain de jeu pour qui veut créer un univers différent. Rien ne nous oblige à respecter les grandes tendances de notre monde, les schémas inconscients, les biais que nous avons tous, plus ou moins consciemment. On peut y dénoncer ce que l'on voit dans notre société, mettre une loupe dessus, parfois en utilisant une métaphore ou encore carrément, imaginer ce qui pourrait être si on avait passé par-dessus ce fait de société. Bref, on dénonce le présent ou on imagine l'avenir.
Il n'y a pas d'oppositions entre les deux: l'un comme l'autre sont des facettes d'une même médaille. La plupart du temps, ce sont des personnes qui sont conscientes de ces problématiques qui les mettent en scène dans la fiction. Aujourd'hui, pas mal tout ce qui promeut l'inclusion et la diversité est affublé du mot woke même si dans les faits, c'est beaucoup plus complexe que ça. C'est surtout parce que les littératures de l'imaginaire et ses dérivés dont ils sont souvent adaptés (films, séries télé), ont souvent été un reflet des sociétés dont elles ont été issues. La série Star Trek a été pionnière en mettant une femme noire dans un poste d'officier, égale en importance et en qualification des autres officiers à bord, mais elle l'a fait en pleine lutte pour les droits civiques des afro-américains. La série imaginait l'avenir. Moins de 15 ans plus tard, Kindred d'Octavia E Butler dénonçait le présent des afro-américains et montrait comment ce phénomène prenait racine dans le passé. Les deux sont également importants pour comprendre le lourd héritage des afro-américains, mais aussi pour montrer une facette de ce que pourrait être leur avenir.
Pour moi, il ne s'agit pas de moyens qui s'opposent. Bon, ma nature foncièrement optimiste n'est pas du genre à préférer les histoires qui dénoncent, même si je les sais absolument nécessaires: il faut parler de ce qui se passe ici et maintenant. Même si on en parle sous forme de métaphore, on dénonce quand même et c'est très important de le faire. Mais j'aime aussi imaginer l'avenir. Parce que justement, cela crée des modèles inspirants, des manières d'être différentes. On ne fait pas que dénoncer, on crée de nouvelles manières d'être et d'agir, ce qui est tout aussi important.
@+ Mariane