jeudi 31 mars 2022

Casse-Noisette et le roi des souris de E.T.A Hoffmann

 Casse-Noisette et le roi des souris  E.T.A. Hoffmann (lu en version numérique)


Résumé:

C'est la veille de Noël et Marie et son frère Fritz ont été obligés de rester dans leur salle de jeux pendant que le reste de la maison s'anime.  Quand ils en sortent, un grand sapin trône dans le salon.  Les convives pour le repas de Noël arrivent, mais pour les enfants un seul invité compte: leur parrain Drosselmayer, conseiller municipal de la ville.  L'homme aux multiples talents crée des automates et chaque année, il se surpasse pour les épater.  Cette année-là, Marie reçoit un casse-noisette.  Son frère Fritz s'amuse à lui faire casser des noix trop dures et le casse-noisette est brisé.  Marie le met alors dans l'armoire à jouet, bien installé dans un lit.  Cependant, inquiète, elle se lève et va vérifier que tout va bien pour lui.  L'horloge de la salle de jeux (autrefois réparée par Drosselmayer) sonne étrangement et les aiguilles arrêtent de bouger tandis que les jouets s'animent, prêts à affronter la grande menace qui surgit de tous les interstices du plancher: l'armée des souris est venue leur faire la guerre!

Mon avis:

Je suis depuis ma tendre enfance une fan finie absolue de la musique de Tchaïkovski et de lire le conte original dont est issu l'un de ses plus célèbres ballets me remplissait de joie.  Première constatation, le célèbre compositeur russe ne s'est pas inspiré de cette version pour écrire son ballet.  Deuxième constatation, cette version est un peu plus sombre que celle qui anime nos mois de décembre depuis des lustres. Troisième constatation, le droit d'auteur au XIXe siècle n'est pas celui du XXe, ni du XXIe: Alexandre Dumas s'est inspiré des grandes lignes du conte d'Hoffmann pour écrire la version qui a servi à Tchaïkovski... sans trop le mentionner, apparemment.  Quatrième constatation, cette version est beaucoup plus proche du fantastique qui fera les beaux jours des Maupassant, Poe et autres grands du genre au XIXe siècle.  Bref, ça vaut la peine de lire ce conte pour ce qu'il est et non pour toutes les modifications que ses nombreuses versions subséquentes ont apportées.

L'atmosphère du conte est à cheval entre le fantastique et le réel, comme un pied dans un rêve et l'autre dans l'éveil.  La frontière est volontairement brouillée: les événements fantastiques du récit sont-ils le fruit de l'esprit endormi de Marie ou sont-ils la réalité?  Et quel rôle joue Drosselmayer, celui d'un guide dans les aventures de la petite fille ou d'un simple observateur de ses aventures?  Les deux sont possibles.  C'est sur cette fine ligne que joue le texte et c'est très bien fait.

Marie est une petite fille qui n'a pas beaucoup de personnalité, mais sur lequel repose quand même le récit.  Elle est naïve et est facilement éblouie, mais a un coeur d'or: un archétype féminin donc, plus qu'un personnage, mais comme on est dans un conte, ça passe.  Elle prend grand-soin de son Casse-Noisette lorsqu'il est brisé, ce qui mènera à la suite de ses aventures.  Elle n'y prend pas une part active, sauf au moment où elle lance un coussin au Roi des souris pour sauver son Casse-Noisette.

Le conte n'a pas été écrit pour des enfants et certains éléments sont plus sombres, mais il n'y a rien pour effrayer un petit lecteur moderne.  Par contre, il faudra prévoir plusieurs jours de lecture parce que le récit est assez long.  Il y a quelques longueurs, surtout dans la dernière partie, mais rien de majeur.  Le style par contre est celui d'un texte du début du XIXe siècle: un peu vieillot par moment.  N'empêche, certains éléments, comme les automates de Drosselmayer sont fascinants et donnent une idée de l'imaginaire débridé de l'auteur.  Il a d'ailleurs écrit un autre conte, lui aussi adapté en ballet, où il pousse encore plus loin ses idées dans le domaine.

La dernière partie, assez longue et surtout descriptive est consacré au voyage de Marie et Casse-Noisette au pays des poupées et des bonbons et n'est pas fait pour les gens au régime: les descriptions de friandises, plus alléchantes les unes que les autres durent des pages et des pages.  On a l'eau à la bouche à la lecture.

La fin du conte ramène le personnage de Casse-Noisette dans la réalité, brisant un sort et malgré son très jeune âge (7 ans à peine!), Casse-Noisette et Marie convolent en justes noces pour devenir les roi et reine du royaume des poupées et des bonbons.  C'est le seul endroit du récit qui laisse poindre que tout n'était pas dans l'imagination de la petite fille, mais l'ombre de Drosselmayer reste très présente, alors le lecteur se pose la question: vérité ou surnaturel?  Encore là, le conte n'est pas tout à fait clair, même si on souhaite bien à Marie son royaume, son prince Casse-Noisette et son royaume de bonbons.

Ma note: 4/5

lundi 28 mars 2022

Lectrice masochiste

 Salut!

Ça ne m'arrive que quelques fois par année sans doute, mais je tombe sur un livre que je trouve... difficile, ou plate, ou qui me fait sortir de mes gonds...  Neuf fois sur dix, je le mets de côté et basta.  Mais la dixième fois...  je persiste.  Et je me fais souvent un point d'honneur de finir ce foutu bouquin.

Les raisons sont multiples: je veux pouvoir copieusement descendre le livre dans une critique, je veux savoir la fin, même si tellement de choses me font hurler, je m'obstine purement et simplement... Bref, je suis une lectrice masochiste.  Je m'assume.  Je peux lire jusqu'à la dernière page un livre que je déteste par pur esprit d'obstination.

Sauf que je dois, en cours de lecture, laisser un peu sortir la broue qui me monte au toupet: je vais pester, rager, chialer contre le livre.  Si je vous croise au moment où je lis un de ces livres, il se peut que je vous en parle en fulminant.  Et à ceux qui me disent dans ces moments-là: «Mais... tu pourrais le laisser tomber?», je réponds invariablement: «Non, lui, je vais le finir!».  Et je le fais.

Lire est une activité qui se doit d'être agréable, disons la plupart du temps.  On peut parfois se taper des livres qui nous déplaisent parce que l'on doit le faire, quand ce sont des lectures obligatoires ou pour le travail. Choisir de lire jusqu'au bout une oeuvre qui nous déplaît est donc quelque chose de contre nature, mais j'ai appris une chose avec le temps: ce sont souvent des lectures qui malgré tout, nous apportent quelque chose.

Souvent, c'est parce que si on le déteste, c'est parce qu'on a quelque chose à apprendre de ce livre.  J'ai détesté Kamouraska d'Anne Hébert.  Le personnage principal me tapait sur les nerfs.  J'ai détesté l'histoire, j'ai détesté l'intrigue et les personnages.  C'est en lisant la toute dernière page du livre que j'ai accroché et d'un seul coup, j'ai vu toute l'histoire de ce livre d'un oeil différent.  Et j'ai compris ce qui me tapait sur les nerfs.  Je trouvais le personnage faux. Je trouvais qu'elle vivait sa vie comme à côté d'elle, comme si elle était incapable d'être elle-même.  Et la fin, la toute fin du livre, m'a appris que c'était le cas.  L'aurais-je compris si je n'avais pas été au bout de cette lecture?

À l'inverse, il m'arrive de repenser à un livre que j'ai (figurativement) pitché par la fenêtre tellement il m'horripilait.  Des personnages, des situations, des manières d'écrire.  Je n'ai pas été jusqu'au bout.  Tiens, L'homme-ouragan de Lucie Dufresne. J'ai détesté le personnage principal de ce livre au point de le haïr!  Un être misogyne, imbu de lui-même, uniquement préoccupé par sa propre ascension, incapable d'apprendre de ses erreurs.  Je l'ai haï, c'est pas peu dire!  Ce qui me tracasse en y repensant par contre, c'est à quel point ne pas faire le cheminement complet de ce personnage m'a peut-être privé de comprendre quelque chose.  Je pourrais peut-être aller chercher le livre à la bibliothèque, mais j'ai trop de mauvais souvenirs de lecture pour ça!

Bref, je suis (parfois, mais pas toujours) une lectrice masochiste qui termine des livres qui lui font réviser son vocabulaire religieux en cours de lecture.  C'est parfois utile de le faire.  Mais pas tout le temps!

@+ Mariane

jeudi 24 mars 2022

Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell

 Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell  Gallimard Folio tome 1 701 pages, tome 2 705 pages



Résumé:

1861: Scarlett O'Hara a 16 ans et est la reine du comté de Clayton, en Géorgie.  Fille de propriétaire de plantation et d'esclaves, elle a été élevée comme une femme du sud: elle est belle, mais modeste en apparence et polie à souhait.  Sa mère et sa Mama ont veillé à camoufler son caractère bouillant. Car Scarlett n'est pas une demoiselle sage et délicate. Elle est volontaire, déterminée et n'hésite pas à manipuler ceux qui l'entourent pour arriver à ses fins.  Elle a d'ailleurs tous les jeunes hommes du comté à ses pieds. Tous, sauf Ashley Wilkes.  Le jour où Scarlett apprend qu'il a l'intention d'annoncer ses fiançailles avec sa cousine, elle se résout à lui avouer son amour, dans une mise en scène destinée à le faire plier. Lorsqu'il décline son affection, elle cède à la rage, mais malheureusement, un témoin a tout entendu: Rhett Butler, un paria de la bonne société, un homme que l'on n'invite pas aux mondanités, car il traîne une réputation de scandale.  Peu après, un messager arrive, annonçant le début de la Guerre de Sécession.  Affolée à l'idée que Rhett parle, Scarlett accepte la demande en mariage du frère de la fiancée d'Ashley.

Mon avis:

Que dire de ce livre...  Bon, commençons par parler de la longueur.  C'est long, 1400 pages.  Une sacrée brique à traverser.  Oui, il y a des longueurs à certains moments, mais malgré tout, le rythme est assez soutenu.  C'est juste que l'histoire traverse douze années de la vie de Scarlett et douze années lourdement chargées de l'histoire des États-Unis.  L'auteure se permet d'ailleurs quelques fois de longs paragraphes pour nous raconter l'atmosphère, les événements, petits et grands, qui ont lieu tout au long de la guerre et de la décennie qui a suivi.  Il y a donc beaucoup d'anecdotes tout au long du récit, ce qui  à la fois agaçant et intéressant,  parce que ça rallonge le récit, mais aussi parce que ça donne à celui-ci un ton résolument réaliste.

Le personnage de Scarlett en lui-même est tout un numéro.  Une femme volontaire, orageuse, qui fonce tête baissée, n'écoute pas les préjugés de son époque et fait en sorte d'obtenir ce qu'elle veut.  Éduquée dans la tradition du sois belle et tais-toi, dans lequel les jeunes filles doivent être de délicates fleurs qui doivent avant tout faire un bon mariage, elle n'hésitera pas à bafouer les règles apprises dans l'enfance pour entrer de plain-pied dans le monde nouveau d'après la guerre. Elle est consciente que son éducation ne l'a pas préparée à faire face au monde qu'elle affronte: tant pis, elle inventera, foncera, quitte au scandale. Ce n'est pas un personnage qui est aimable et je comprends certains lecteurs de l'avoir détesté.  Son total aveuglement par rapport à ses propres sentiments, mais aussi face à ceux des autres la rend antipathique et donne à plus d'une occasion l'envie de l'attraper par le chignon du cou et de lui dire Hé, ho! Tu ne vois pas ça?  Ça crève les yeux pourtant. Cependant, elle a une psychologie complexe et cohérente tout au long du roman et c'est vraiment un personnage féminin fort, avec ses forces et ses faiblesses. 

Autour d'elle tourne une galerie de personnages aussi colorés que divers, au premier chef Rhett Buttler, le paria de la bonne société qui prend un plaisir fou à mettre Scarlett en rogne.  C'est la seule et unique personne dans son entourage qu'elle est incapable de manipuler et malgré les événements, ils reviennent toujours l'un vers l'autre, comme attirés par un aimant.  Pour le lecteur moderne, beaucoup d'éléments de leur relation sont toxiques à souhait et l'un comme l'autre ont leurs torts. Si le roman est souvent présenté comme une romance entre eux, je ne partage pas cette opinion: le roman raconte la vie de Scarlett avant tout et il s'avère que Rhett en est une partie importante.  Autour d'eux, Mélanie, la femme d'Ashley, bonne et généreuse, quoique capable de discernement face à Scarlett, son époux, Ashley, un être faible qui ne sait pas faire face aux bouleversements de la guerre, son père, force de la nature qui ne se remettra pas de la mort de sa femme, sa femme, la mère de Scarlett, dont le lecteur saura beaucoup plus sur elle que sa propre fille, les habitants d'Atlanta, tous avec leurs personnalités, leur passé, leurs préjugés. Il y a là une superbe galerie, où chacun a un rôle à jouer dans la vie de la protagoniste principale.  Ils ne sont pas des pions, ils existent et donnent au roman, une impression de réalisme et de pittoresque.

Sauf et c'est là le grave problème de ce roman, les personnages noirs, d'abord esclaves, puis affranchis.  Le mot en n** est régulièrement utilisé pour les décrire (la traduction que j'ai lue date de 1937, mais le mot figure dans le roman en version originale) et si tous les personnages blancs ont une personnalité et une profondeur, la plupart des personnages noirs sont caricaturaux, stupides ou paresseux. La traduction les affuble en plus d'une incapacité à prononcer les r, qu'ils soient esclaves dans la maison ou travailleurs dans les champs, ce qui est complètement illogique. Certes, le roman fait le portrait d'une époque, mais l'auteure force le trait pour que ses personnages correspondent aux préjugés plus qu'à la réalité.  Il y a quelques éclairs qui montrent qu'autre chose est possible, mais c'est superficiel.

Une chose qui m'a frappé cependant à la lecture, c'est à quel point les relations raciales, certes, hiérarchisées et à l'avantage d'un seul groupe, existaient.  Les deux groupes se parlaient, coexistaient, alors que pour les personnes du Nord qui débarquent à la fin de la guerre, les noirs sont des gens qu'ils ne veulent pas fréquenter et surtout pas dans leurs maisons. Comme de quoi le racisme peut prendre bien des formes.

Portrait d'une personne, d'une époque et d'un moment charnière de l'histoire des États-Unis, le livre garde quand même une grande valeur tant au point de vue littéraire que comme roman historique.  Une grande épopée, menée par un personnage riche qui était digne d'un tel roman.

Ma note: 4.5/5   

lundi 21 mars 2022

Inspiré par un rêve

Salut,

Stephenie Meyer, l'auteure de la série Fascination a raconté qu'elle s'était inspirée d'un rêve pour écrire sa saga racontant l'histoire d'amour entre un vampire et une humaine. Certes, son exemple est célèbre, mais elle n'est pas la seule. Nombre d'écrivains se sont inspirés des élucubrations nocturnes de leur inconscient comme source d'inspiration. Parfois, c'est un fragment, parfois un personnage, parfois une ambiance ou une scène.  La matière de base est là.

Ce n'est pas surprenant quand on pense que notre cerveau est, durant le sommeil, libéré de notre conscient. Celui-ci dirige souvent nos pensées, les limitant et les associant selon certaines structures qui sont propres à chaque individu.  Durant le sommeil, cette barrière tombe.  C'est pourquoi on peut rêver de chutes de bananes au lieu de pluie ou d'édifices construits en papier. Notre conscient sait que c'est impossible, mais notre inconscient, lui, s'en fout éperdument.  Dans un rêve, vous pouvez rencontrer Albert Einstein prenant le thé avec Anne Boleyn, revoir un parent décédé dans sa prime jeunesse, visiter une ville qui n'existe pas ou qui a été détruite depuis longtemps.  Il n'y a pas de règles, pas de contraintes et pas de jugement.  Sauf celui qui nous vient à l'esprit le lendemain matin en se disant que l'on fait vraiment des rêves bizarres...

C'est justement cette absence de contraintes qui finit par faire s'entrechoquer des idées.  Si quelque chose vous traîne dans la tête, dans un rêve, il peut se mêler avec un élément complètement nouveau.  Vous pouvez rêver que les arbres fruitiers produisent de l'électricité ou que les robots deviennent fous des vidéos de chats.  C'est fou, c'est dingue, ça ne rime à rien en lui-même. Mais c'est là qu'arrive le cerveau d'écrivain: un.e auteur.e peut en faire quelque chose. Non, les arbres fruitiers ne produisent pas d'électricité dans la vraie vie et les robots n'en ont rien à foutre des vidéos de chat, contrairement à moi.  Mais il y a là des possibles pour la fiction.  Et créer, broder sur ces possibles devient le jeu de la personne qui tient la plume.

Et les exemples sont infinis. Joyce Carol Oates a rêvé d'une femme qui avait trop de maquillage et en a fait un roman. Elle a saisi dans son rêve une essence, un concept, quelque chose qu'elle a ensuite passé à la moulinette de son conscient, allant ensuite piger dans ce qu'elle connaissait et ce qui l'intriguait dans le monde pour en faire une histoire.  Le choc des idées éparses avait eu lieu dans son inconscient, mais la matière littéraire était née du travail qu'elle avait fait ensuite.  On a beau avoir une bonne idée, le résultat sera parfois très éloigné de ce dont on a rêvé et c'est très bien ainsi.  Rares sont ceux, qui comme H.P. Lovecraft ont rêvé d'une histoire qui n'a presque pas eu de modification pour être publiée.  Le rêve est une source d'inspiration, pas une contrainte.

J'avoue que sur les bons conseils d'un proche, j'ai commencé à noter mes rêves depuis quelques mois.  De un, il est d'ores et déjà certain que j'ai un cerveau d'écrivain. De deux, la grande majorité de mes rêves sont constitués de trucs stupides qui ne valent pas la peine d'être conservés.  De trois, pourquoi y'a si peu de chats dans mes rêves???  Mais je me suis bien et bien levée un matin et j'ai jeté tout ce que je me rappelais de mon rêve à la vitesse grand V tellement j'avais peur de l'oublier.  Après avoir fini d'écrire, j'ai lâché à voix haute un F*ck, j'ai un roman!  Vais-je l'écrire?  Ça, c'est une autre histoire.

À suivre...

@+ Mariane

lundi 14 mars 2022

Bannir des livres

 Salut!

Récemment, une controverse a éclaté quand un conseil scolaire du Tennessee a écarté du programme scolaire le magnifique Maus d'Art Spiegelman pour quelques mots vulgaires et une image de femme nue.  Je n'ai pu m'empêcher de lâcher un vibrant What the f*ck! en lisant cette nouvelle.  Quelques mots vulgaires?  Les membres du comité ont-ils déjà mis les pieds dans une cour d'école de nos jours?  Leurs oreilles risquent de friser. Une femme nue? Il y a des chances que des jeunes de treize ans (âge de la majorité des jeunes qui lisaient la bande dessinée) qui ont accès à l'internet aient déjà vu bien pire! Mais par ici la sortie Maus, pourtant une oeuvre majeure sur le sujet.

Le mouvement de bannissement des livres a le vent dans les voiles ces dernières années.  Et ne soyez pas naïfs, la gauche comme la droite s'adonne à ce sport.  Combien de livres mis au pilori parce qu'elles représentaient mal certaines communautés, comme les afro-américains, les Premières Nations, les communautés LGBTQ ou certains groupes religieux?  Je ne parle pas de livres écrits il a quelques décennies, qui parfois, méritent parfaitement leur réputation (Allo Autant en emporte le vent!), mais d'oeuvres plus contemporaines, comme celles qui ont récemment été brûlées en Ontario. Parlant de brûler des livres, un pasteur encore là du Tennessee (coïncidence?) a lui aussi brûlé des livres, mais plutôt des oeuvres parlant de magie ou de surnaturel.  Bref le sujet est, sans mauvais jeu de mots, brûlant.

Quand l'affaire de Maus est sortie, mon premier réflexe a été de réfléchir.  Avais-je été moi-même déjà heureuse de voir une oeuvre bannie des bibliothèques et des librairies?  M'est alors revenue en tête l'affaire Gabriel Matzneff, dont les livres ont été retirés, puis remis sur les tablettes de la BANQ. Je n'étais pas d'accord avec la décision de les retirer. Tout le monde a le droit de se faire sa propre opinion sur un livre publié.  Publié je dis bien! J'en voulais à Gallimard, son éditeur, de l'avoir mis en marché pendant tant d'années sans sourciller ni se questionner sur le contenu des livres qu'ils mettaient à la disposition du public. Dans ce cas-là, j'étais séparée en deux: d'un côté, ma tendance naturelle à ne pas vouloir censurer et bannir un livre et de l'autre, oh, je me mettais à la place de Vanessa Springora, dont la lecture du Consentement m'a profondément remuée.  Même au nom de l'accès du public à la littérature, est-ce que je pouvais moralement soutenir la disponibilité au public d'un livre qui présente l'abus dont elle a été victime comme une grande histoire d'amour?  La vérité des uns n'est pas celle des autres.  Je crois que dans cette histoire, Springora a eu la meilleure réaction possible: elle a pris l'auteur à son propre piège et l'a, selon ses mots, enfermé dans un livre.  Mais tous ne naissent pas avec un don pour la plume.

Prenons un autre exemple, Mein Kampf d'Adolf Hitler. Ce livre est un brûlot antisémite et pour en avoir lu de longs extraits, ce n'est pas un bon livre. (j'ai étudié en histoire!).  Quand on pense aux ravages qu'il a provoqués, il serait naturel de vouloir bannir ce livre des mémoires, mais justement, à cause de ce qu'il a provoqué, ne serait-il pas naturel de vouloir le lire comme moyen de prévention et de rappel?  À sa sortie dans les années 20, parce qu'il était mal écrit, on a considéré que ce livre n'aurait jamais d'importance.  L'Histoire en a décidé autrement. Doit-il pour autant rester accessible au public, surtout sachant, que même près d'un siècle après sa rédaction, certains le lisent et adhèrent à ses idées?  Qui ont fait 62 millions de victimes, dont une majorité de civils, lors du conflit le plus meurtrier que l'humanité ait connu... jusqu'à maintenant?  Il y de quoi revoir ses principes...

Je crois que, peu importe nos opinions, nos allégeances politiques, nos principes et nos valeurs, il y aura toujours un livre qui nous fera sortir de nos gonds, rager intérieurement, voir littéralement crier à la censure et au bannissement de celui-ci.  On est tou.te.s suceptibles de céder un jour à la tentation de dire: ah, mais ça non, je ne veux pas que les idées véhiculées par ce livre soient lues par d'autres!  Personne n'est à l'abri de cette tentation, parce que l'on préfère tous, et bien naturellement, que nos idées et nos valeurs l'emportent.  Sauf que celles-ci ne représentent qu'une bien petite partie des mille et une facettes de l'humanité.  Et que c'est dans la différence et dans la découverte que l'on enrichit nos vies, pour le meilleur et pour le pire.

Je suis contre le bannissement des livres, contre la censure, même s'il m'arrive souvent de regretter cette position quand on voit ce que font certains de cette liberté.

@+ Mariane

jeudi 3 mars 2022

Comment dresser votre dragon de Cressida Cowell

 Comment dresser votre dragon  Cressida Cowell Casterman poche 205 pages


Résumé:

Pour Harrold et les autres enfants de son âge, le grand jour est arrivé: ils doivent grimper une falaise, entrer dans une grotte plein de dragons endormis et... voler un oeuf.  Qu'ils devront ensuite entraîner afin d'en faire leur dragon personnel.  S'ils échouent à le faire, ils seront bannis de la tribu!  Mais le livre que vous avez entre les mains raconte une histoire très particulière, parce qu'en fait, ce n'est pas un livre ordinaire, non, c'est le premier tome des aventures d'Harrold , celui qui sera un jour appelé avec respect «celui qui murmure à l'oreille des dragons».

Mon avis:

Soyons honnêtes, l'intrigue n'a à peu près aucun lien avec l'adaptation qui en a été tirée.  Je dirais même que pour une rare fois, j'ai préféré le film au livre!  Dans le livre, la relation entre les dragons et les dragonniers est très différente: au lieu d'être ennemis, les dragons sont plus ou moins les chiens de chasse des humains et leur taille est considérablement plus petite.  Exit aussi la furie nocturne, la blessure de Krokmou et le fait de chevaucher des dragons, du moins dans le premier tome.  Par contre, la relation complexe père-fils entre Harrold et son père Stoïk y est, ainsi que la finale montrant un énorme dragon.  Pour le reste, les deux oeuvres sont aux antipodes.

Mais le livre donc.  Truffé d'illustrations, il est très facile à lire.  Le ton y est volontairement un peu grotesque pour montrer le côté rude des Vikings.  Pas de grands épanchements émotionnels non plus, mais de l'action, ça oui.  Les scènes intenses sont bien rendues et nous donnent quelques frissons en pensant à ce qui pourrait tourner mal, même si le ton général reste humoristique avant tout.

Harrold y est un personnage plutôt intello, pas spécialement fort ni courageux qui essaie de survivre dans un monde où les aptitudes physiques et les grosses voix sont plus importantes que la subtilité.  Ce qui rendra d'autant plus difficile le dressage de son dragon Krokmou, particulièrement têtu, même selon les standards de son espèce.  D'autant plus que la seule chose qui lui est enseignée pour dresser un dragon, c'est de lui crier dessus!  Aucune chance que cela fonctionne quand on a la constitution d'un cure-dent et l'autorité discutable d'un adolescent manquant de confiance en lui.

L'auteure a bourré son récit de jeux de mots et de situation drôles, ce qui m'a fait sourire à la lecture, sans toutefois rire aux éclats.  Les dialogues sont souvent écrits dans une police différente de celle du reste de l'action, ce qui donne du dynamisme au texte et permet de penser à de grosses voix vikings en le lisant.

Sincèrement, j'ai préféré le film.  Si vous l'avez vu, le livre risque de vous décevoir.

Ma note 3.25/5