Casse-Noisette et le roi des souris E.T.A. Hoffmann (lu en version numérique)
C'est la veille de Noël et Marie et son frère Fritz ont été obligés de rester dans leur salle de jeux pendant que le reste de la maison s'anime. Quand ils en sortent, un grand sapin trône dans le salon. Les convives pour le repas de Noël arrivent, mais pour les enfants un seul invité compte: leur parrain Drosselmayer, conseiller municipal de la ville. L'homme aux multiples talents crée des automates et chaque année, il se surpasse pour les épater. Cette année-là, Marie reçoit un casse-noisette. Son frère Fritz s'amuse à lui faire casser des noix trop dures et le casse-noisette est brisé. Marie le met alors dans l'armoire à jouet, bien installé dans un lit. Cependant, inquiète, elle se lève et va vérifier que tout va bien pour lui. L'horloge de la salle de jeux (autrefois réparée par Drosselmayer) sonne étrangement et les aiguilles arrêtent de bouger tandis que les jouets s'animent, prêts à affronter la grande menace qui surgit de tous les interstices du plancher: l'armée des souris est venue leur faire la guerre!
Mon avis:
Je suis depuis ma tendre enfance une fan finie absolue de la musique de Tchaïkovski et de lire le conte original dont est issu l'un de ses plus célèbres ballets me remplissait de joie. Première constatation, le célèbre compositeur russe ne s'est pas inspiré de cette version pour écrire son ballet. Deuxième constatation, cette version est un peu plus sombre que celle qui anime nos mois de décembre depuis des lustres. Troisième constatation, le droit d'auteur au XIXe siècle n'est pas celui du XXe, ni du XXIe: Alexandre Dumas s'est inspiré des grandes lignes du conte d'Hoffmann pour écrire la version qui a servi à Tchaïkovski... sans trop le mentionner, apparemment. Quatrième constatation, cette version est beaucoup plus proche du fantastique qui fera les beaux jours des Maupassant, Poe et autres grands du genre au XIXe siècle. Bref, ça vaut la peine de lire ce conte pour ce qu'il est et non pour toutes les modifications que ses nombreuses versions subséquentes ont apportées.
L'atmosphère du conte est à cheval entre le fantastique et le réel, comme un pied dans un rêve et l'autre dans l'éveil. La frontière est volontairement brouillée: les événements fantastiques du récit sont-ils le fruit de l'esprit endormi de Marie ou sont-ils la réalité? Et quel rôle joue Drosselmayer, celui d'un guide dans les aventures de la petite fille ou d'un simple observateur de ses aventures? Les deux sont possibles. C'est sur cette fine ligne que joue le texte et c'est très bien fait.
Marie est une petite fille qui n'a pas beaucoup de personnalité, mais sur lequel repose quand même le récit. Elle est naïve et est facilement éblouie, mais a un coeur d'or: un archétype féminin donc, plus qu'un personnage, mais comme on est dans un conte, ça passe. Elle prend grand-soin de son Casse-Noisette lorsqu'il est brisé, ce qui mènera à la suite de ses aventures. Elle n'y prend pas une part active, sauf au moment où elle lance un coussin au Roi des souris pour sauver son Casse-Noisette.
Le conte n'a pas été écrit pour des enfants et certains éléments sont plus sombres, mais il n'y a rien pour effrayer un petit lecteur moderne. Par contre, il faudra prévoir plusieurs jours de lecture parce que le récit est assez long. Il y a quelques longueurs, surtout dans la dernière partie, mais rien de majeur. Le style par contre est celui d'un texte du début du XIXe siècle: un peu vieillot par moment. N'empêche, certains éléments, comme les automates de Drosselmayer sont fascinants et donnent une idée de l'imaginaire débridé de l'auteur. Il a d'ailleurs écrit un autre conte, lui aussi adapté en ballet, où il pousse encore plus loin ses idées dans le domaine.
La dernière partie, assez longue et surtout descriptive est consacré au voyage de Marie et Casse-Noisette au pays des poupées et des bonbons et n'est pas fait pour les gens au régime: les descriptions de friandises, plus alléchantes les unes que les autres durent des pages et des pages. On a l'eau à la bouche à la lecture.
La fin du conte ramène le personnage de Casse-Noisette dans la réalité, brisant un sort et malgré son très jeune âge (7 ans à peine!), Casse-Noisette et Marie convolent en justes noces pour devenir les roi et reine du royaume des poupées et des bonbons. C'est le seul endroit du récit qui laisse poindre que tout n'était pas dans l'imagination de la petite fille, mais l'ombre de Drosselmayer reste très présente, alors le lecteur se pose la question: vérité ou surnaturel? Encore là, le conte n'est pas tout à fait clair, même si on souhaite bien à Marie son royaume, son prince Casse-Noisette et son royaume de bonbons.
Ma note: 4/5