Salut,
J'étais dans un lancement de livres l'autre jour (joie retrouvée après deux ans de disette pandémique) lorsque l'auteur, interrogé sur ses sources par un historien, a tout simplement avoué que les sources historiques étaient peu nombreuses, mais que les légendes abondaient sur le sujet. Il a alors lancé une phrase qui m'a fait réfléchir: «Les légendes font de la mauvaise Histoire, mais de très bons livres.»
Je suis tout à fait d'accord avec ce que l'auteur a dit, mais surtout parce que cette phrase résume si bien: les légendes et l'Histoire ont une base en commun, mais divergent profondément sur à peu près tout le reste.
L'Histoire est basée sur l'étude des traces du passé, avec ses méthodes et ses techniques. Non, on ne s'improvise pas historien ou historienne et non, on ne peut pas faire de l'Histoire sérieusement sans un sacré travail derrière. Entre chercher des documents d'époques, les trouver, les analyser, les faire parler, appuyer tout ce que l'on avance sur ces sources, interpréter les faits pour qu'ils nous informent sur le passé sans tomber dans le farfelu ou se laisser emporter par des chimères ou nos biais conscients ou inconscients, ça demande une grande somme de travail et surtout, de rigueur. Et le résultat? Il peut être aussi obscur et pointu que grand public et convivial, dépendant de qui le produit et du public visé.
Mais surtout, l'Histoire se base sur des faits vérifiables et prouvés.
Les légendes n'ont aucunement ce problème.
Par définition, une légende n'a pas besoin d'être prouvée au départ. Elle peut être grandiose, improbable, obscure ou perdue dans les limbes du temps. Sauf qu'elle reposera, à différents degrés, sur un fait. Souvent lointain, pris isolément d'un contexte plus large, mais un fait tout de même. Oui, le roi Arthur aurait bel et bien existé, mais son royaume et sa cour ont sûrement été à des années-lumière de ce qui est représenté dans les mythes arthuriens. Oui, les Templiers ont bel et bien existé, mais la malédiction du dernier de ses grands maîtres, Jacques Maulay, sur les rois de France... ne l'est sans doute pas. Mais reste qu'une légende repose sur une possibilité, aussi mince soit-elle, qu'elle soit vraie. Et il faut avouer que les légendes sont pas mal plus emballantes et vendeuses que l'Histoire, qui n'ose jamais faire un seul pas de côté sur ce qu'elle ne peut pas prouver.
Quand on arrive au niveau de la fiction, les livres historiques demandent donc une quantité de recherche faramineuse et une grande minutie à leurs patients rédacteurices. Car écrire un roman historique est un travail de moine, excusez-moi l'expression. Parce que la plus petite erreur peut leur être remise sous le nez. Je me rappelle une anecdote racontée par Michel David qui s'était fait dire par un lecteur que son personnage préféré était celui du nageur. Michel David essayait en vain de se rappeler d'un personnage de nageur dans son oeuvre quand le lecteur lui a dit qu'un de ceux-ci traversait à un moment un pont qui a été construit un an après dans la réalité!
Mais les légendes... Tant que l'histoire que l'on raconte se tient, on se fout de l'Histoire avec un grand H. Tout est permis. Les dates perdent de leur importance, les grands personnages historiques peuvent dire des choses qu'ils n'ont jamais dites historiquement parlant et de simples événements anodins devenir de superbes revirements. Mais surtout, on peut se permettre d'inventer autre chose, un monde différent.. sur les bases de quelque chose de réel, donc de quelque chose qui aurait pu arriver dans notre propre monde et qui est parfois peut-être même arrivé, mais on ne sait pas, on n'a pas de preuve, sauf que peut-être... Quelle merveille pour celui ou celle qui prend la plume!
Dans l'oeil du public non averti, l'Histoire et la légende sont d'ailleurs bien proches. Malheureusement. L'un comme l'autre peuvent être la source de merveilleux livres. Sauf qu'il faut bien avouer que seule l'Histoire a le mérite d'être vraie.
@+ Mariane