Salut,
Ça m'a frappé en 2015, mais ça aurait sans doute dû me frapper avant: Justin Trudeau avait sorti son autobiographie quelques mois avant les élections. Remarquez qu'il n'était pas le premier politicien à avoir fait cet exercice. Pauline Marois, François Legault et nombre d'autres sont passés par la case «livre» avant d'accéder au pouvoir. Mais pourquoi donc?
Bon, il faut le dire, si je parle de politicien.ne.s du XXIe siècle, la tendance n'est pas récente. Des politicien.ne.s petit.e.s et grand.e.s s'y sont essayé. Et déjà Jules César s'adonnait à un genre proche il y a deux mille ans: le livre comme porte ouverte vers une carrière politique. Dans celui-ci, la personne qui désire le pouvoir se présente, a le temps d'exprimer ses idées et de montrer sa valeur. Militaire dans le cas de Jules César. Sa détermination et les valeurs qui l'animent au travers de sa vie dans le cas de Winston Churchill.
Et bien oui, même Churchill a publié ses mémoires dans le but de se faire du capital politique. On l'oublie, mais le vieux lion, vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, a eu ses moments difficiles en politique et il a lui aussi publié ses mémoires au début des années 1930 pour se refaire un nom. Des mémoires très intéressantes au demeurant, bien que fondamentalement ancrées dans le colonialisme de l'Empire britannique d'alors. Mais pourquoi a-t-il écrit ses mémoires à ce moment de sa vie? Churchill a vécu des moments de dépression tout au long de sa vie et le début des années 1930, qui correspond à une période noire de sa vie, tant au niveau personnel qu'au niveau politique qu'au niveau... financier. On l'oublie parfois, mais l'essentiel des finances de Winston Churchill lui provenait de sa plume! Pas étonnant qu'il ait gagné le Prix Nobel de littérature et non celui de la Paix qu'il désirait tant!
Le livre, surtout l'autobiographie hagiographique comme moyen de relancer une carrière politique? Ou pour se faire connaître de la population dont on souhaite le vote? Un peu des deux à chaque fois, il faut l'avouer. Le livre politique se présente souvent comme le premier et fini facilement comme le second. Il faut le dire, le livre a beaucoup d'avantages. Contrairement à l'entrevue, il ne contient pas de déclarations échappées: tout a été minutieusement révisé avant publication. Il ne contient pas non plus de scandales retentissants parce que justement, il est écrit par la personne qui désire présenter une image d'elle-même flatteuse. Et surtout, c'est un excellent véhicule pour se faire bien paraître. Même à l'ère du numérique, le livre garde une aura de crédibilité que des millions de tweets n'ont pas. La preuve? Même le fils de Donald Trump a écrit un livre!
Dans un livre, la personne de pouvoir contrôle le message. Le politicien ou la politicienne (on se rappellera que Nathalie Normandeau a publié un livre pour laver sa réputation) peut se permettre d'exposer sa vision des choses sans risquer d'être contredit.e et de créer un narratif le représentant. Pour les personnes qui prendront la peine de lire le livre, c'est aussi une façon d'avoir un contact direct avec un ou une élu.e qu'ils n'auraient pas autrement. C'est également une excellente façon de promouvoir ses idées, de créer un impact et bon, disons-le aussi, de rallier ses troupes en prévision des campagnes électorales. Parce que le livre crée un sentiment de proximité entre l'auteur et le lecteur, on sera plus attentif au discours d'un politicien dont on aura lu le livre, parce qu'on pourra aller au-delà du bref commentaire dans les médias ou du tweet dans les médias sociaux.
Enfin, c'est l'idée. Sauf que certains ont plus de talents que d'autres dans ce domaine.
@+ Mariane