Quand on regarde une belle manucure, on voit des ongles parfaitement bien faits, surtout s'ils ont été faits par un.e professionnel.le. C'est chatoyant, c'est brillant et on s'habitue à imaginer les mains d'une personne comme ça, avec ce petit surplus qui rend les ongles si attirants et si beaux à regarder. Si les mains n'ont pas ce petit quelque chose de plus, elles peuvent paraître fades: elles ne le sont pas, mais on les remarque moins, c'est plus ordinaire, plus courant. Je lève très haut la main parmi les représentants de cette partie de l'humanité. Mais entre les deux, il y a quelque chose de pire: c'est le vernis qui s'écaille, qui se brise, qui laisse voir qu'en dessous, les ongles sont tout à fait ordinaires. On peut vouloir attirer l'attention par ses jolis ongles, mais s'ils ne sont pas parfaits, les imperfections sauteront vite aux yeux. Parce que le vernis est fait pour être voyant, ces imperfections seront jugées encore plus sévèrement.
lundi 28 juin 2021
Le vernis qui s'écaille
Quand on regarde une belle manucure, on voit des ongles parfaitement bien faits, surtout s'ils ont été faits par un.e professionnel.le. C'est chatoyant, c'est brillant et on s'habitue à imaginer les mains d'une personne comme ça, avec ce petit surplus qui rend les ongles si attirants et si beaux à regarder. Si les mains n'ont pas ce petit quelque chose de plus, elles peuvent paraître fades: elles ne le sont pas, mais on les remarque moins, c'est plus ordinaire, plus courant. Je lève très haut la main parmi les représentants de cette partie de l'humanité. Mais entre les deux, il y a quelque chose de pire: c'est le vernis qui s'écaille, qui se brise, qui laisse voir qu'en dessous, les ongles sont tout à fait ordinaires. On peut vouloir attirer l'attention par ses jolis ongles, mais s'ils ne sont pas parfaits, les imperfections sauteront vite aux yeux. Parce que le vernis est fait pour être voyant, ces imperfections seront jugées encore plus sévèrement.
lundi 21 juin 2021
Le fantastique, sans doute
Salut!
Tzevan est né en Bulgarie en 1939 et est mort à Paris en 2017, étant au passage le mari de Nancy Huston pendant plus de trois décennies. Ce type a été un universitaire très impliqué dans le milieu littéraire et un de ses livres a marqué les genres de l'imaginaire. Mais bref, même si je vous dis, ça ne vous dit probablement rien. Je vais vous donner son nom de famille, ça devrait plus clair: Todorov. Et là, dans la tête des amateurs des littératures de l'imaginaire, un déclic s'est fait: ah oui, mais c'est ce Todorov-là, le gars qui a théorisé sur les genres de l'imaginaire. Il se peut que quelques personnes aient des jurons en tête. C'est que notre grand ami Todorov les a aussi figé dans une espèce de carcan. La science-fiction, la fantasy... et le fantastique.
À vraie dire, surtout le fantastique.
Parce que Todorov est fan du doute. Ce qui fait la définition du fantastique, ce n'est pas le fait que le surnaturel inonde notre bon vieux monde pépère, ni que des créatures qui ne respectent aucune des lois de la physique ou de la chimie existent, ni que dans une histoire un cellulaire et une baguette magique puissent se côtoyer. Bon, ok, les cellulaires n'existent que depuis peu de temps au fond, mauvais exemple. Disons, les voitures côtoient les baguettes magiques. Nope, rien de tout ça. Ce qui définit le fantastique, c'est le doute par rapport aux phénomènes surnaturels.
Me semble que j'entends le Horla de Maupassant ricaner...
Parce que ça fait très 19e siècle cette définition.
Je me rappelle quand j'étais en librairie comment on classait les livres: si ça se passe dans un autre monde, c'était de la fantasy, dans le nôtre du fantastique. Aucun doute à avoir, la ligne était nette. Cette définition ferait sûrement friser les cheveux de quelques spécialistes, mais elle avait le grand avantage d'être simple et précise. Ainsi donc, la grande vague de la bit-lit se trouvait dans la section fantastique, même si les personnages n'avaient aucun doute sur le fait que les vampires, les loups-garous, les changelings, les démons ou n'importe quelle autre créature qualifiée communément de fantastique fasse partie du quotidien des personnages. Que l'histoire se passe à New York, Los Angeles ou Toronto (oui, je suis tombée sur une série qui se passait à Toronto à l'époque. Et même sur une qui se passait à Longueuil!), si ça se passe dans notre monde, c'est du fantastique. Mais aussitôt que l'on est ailleurs, on tombe dans le fantasy.
Les libraires étant avant tout pratico-pratiques, il n'y a pas grand support théorique à cette définition, mais c'était celle dans laquelle la plupart de notre clientèle se retrouvait. Donc, on l'utilisait. Le glissement entre l'importance du doute et la présence du surnaturel dans notre propre monde s'est fait à un moment ou à un autre, faisant en sorte que par une espèce de transition, la majorité des lecteur.rice.s a finit par donner une définition très loin d'être universitaire, mais qui semble convenir à peu près à tout le monde. La pertinence de la théorie de Todorov soulevait pas mal de doutes dans notre système de classement. C'est dans le cas des ouvrages où le doute sur le surnaturel était permis que l'on se grattait la tête: littérature générale ou fantastique?
Le travail universitaire en littérature a toute sa pertinence. Les universitaires savent parfaitement décortiquer des éléments qui passent loin au-dessus de la tête de la plupart des gens. Mais ils sont aussi prisonniers de paramètres qui passent, la plupart du temps, largement au-dessus de la tête de la plupart des gens. Ainsi en est-il allé de la définition du fantastique pour le grand public. Ce qui ne veut pas dire qu'un ouvrage comme celui de Todorov n'a pas sa pertinence. Mais que le sens commun est loin des bancs des études studieuses. Je n'ai aucun doute sur le fait que les définitions générales des genres peuvent évoluer et même qu'on sortira peut-être un jour du trio Sf-fantastique-fantasy.
En attendant, je doute de la pertinence du doute comme seul critère.
@+ Mariane
jeudi 17 juin 2021
Les constellées de Daniel Grenier
Les constellées Daniel Grenier Collection Bonzaï Marchand de feuilles 603 pages
Résumé:
Durant une année entière, Daniel Grenier a relevé le défi lancé par son éditrice de ne lire que des livres écrits par des femmes et de tenir un journal de lecture racontant ses découvertes et ses réflexions. Pendant un an donc, et à coup de thématique (le corps, les autrices autochtones, le genre, etc), l'auteur explore, se remet en question, découvre et nous fait par la même occasion connaître toute une littérature foisonnante de plumes féminines, connues ou moins connues.
Mon avis:
Je suis entrée dans ce livre sans trop d'attentes, surtout curieuse et ma foi, quel choc! Pas parce que c'est particulièrement bien écrit (même si c'est le cas), mais par l'ampleur de la démarche de lecteur dans lequel l'auteur s'est lancé. Il ratisse large, mais en le faisant, ne se contente pas de lire, il tente de comprendre. C'est pourquoi ses lectures sont attentives, analytiques: il ne les survole pas, ne tente pas de lire au hasard, son parcours est choisi et réfléchi. Ce qui le rend d'autant plus intéressant.
L'auteur a choisi d'orienter ses lectures par thème: le corps, l'essai, l'autofiction, les autrices autochtones, etc. Chacun est l'occasion de creuser le sujet et de confronter le point de vue de différentes autrices. Ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant, c'est qu'il met en lumière des autrices proches du point de vue de leurs écrits, mais qui peuvent avoir des points de vue très opposés. Et c'est leurs textes qu'il questionne avant tout et surtout, s'il aborde leur vie, il ne lit pas leurs oeuvres à la lumière de celle-ci, mais bien pour enrichir son point de vue de lecteur.
Et il y a l'ampleur du sujet. Loin de se contenter de lire des autrices connues, l'auteur prend le temps de gratter, de lire et de se renseigner sur leurs contemporaines, de faire des liens entre les sororités de plumes. Le portrait qu'il en dresse fait montre de l'immensité de l'oubli dans lequel de nombreuses écrivaines ont basculé et sa façon de raconter nous montre qu'il ne s'agit pas de cas isolés: des mouvements complets sont tombés dans les oubliettes de l'histoire littéraire. Attendez-vous donc à pas mal de découvertes! Quand on ajoute à ça la qualité de la réflexion faite sur les textes, ça ne donne que plus de valeur et d'intérêt à sa démarche.
Le texte est particulièrement dense. Tout à la fois, il explique, réfléchi, questionne et cite les textes lus. Il faut parfois s'accrocher à certains chapitres ou à certaines autrices qui attirent moins notre attention, mais son travail est fouillé et soigné d'un bout à l'autre. Un mini-point négatif: l'auteur lit couramment l'anglais et les citations de textes provenant de la langue de Shakespeare ne sont pas traduites. Et certains textes sont écrits dans un anglais plus proche de l'argot, ce qui ne les met pas à la portée de tout le monde. Je comprends la démarche, mais traduire les extraits et les mettre en lien sur le site web de la maison d'édition aurait été une façon de rendre ces textes plus accessibles. Néanmoins, je suis heureuse du choix fait par l'auteur, car il permet de largement donner la parole aux autrices elles-mêmes.
Ma liste de livres à lire a sérieusement pris du volume avec ce livre! On découvre une multitude de voix, qu'il met en relation entre elles pour nous faire découvrir des zones d'ombre de la littérature mondiale, des voix riches et variées.
Tout un exercice et une brique à lire, mais une traversée formidable et un livre que j'ai vraiment aimé!
Ma note: 5/5
lundi 14 juin 2021
Pourquoi mes livres traînent partout ou le paradoxe des tablettes
Salut!
Chez moi, les livres traînent un peu partout: sur la table de cuisine, sur mon bureau d'ordinateur, sur ma table basse dans le salon, en piles que j'essaie de maintenir stables, mais qui ne le sont pas toujours. Et je n'ai le réflexe de les ranger sur les tablettes de ma bibliothèque que lorsque je ne peux plus faire des piles. C'est un comportement un peu instinctif, j'ai toujours fait ça. Quand un nouveau livre arrive chez nous, il peut passer des semaines à traîner partout avant que manquant d'espace pour les empiler, je ne lui déniche un petit coin dans ma bibliothèque.
C'est avec le confinement puis mon déménagement que j'ai enfin compris pourquoi je faisais ça. Tout simplement parce que quand un livre est sur une tablette... je l'oublie. Les livres qui traînent un peu partout, je les aie sous les yeux en permanence, je les vois, les déplace parfois, ça oblige mon cerveau à prendre encore et encore conscience de leur présence. Ça me rappelle qu'ils ne sont pas encore lus. Et que je devrais bien me décider à les ouvrir. Sauf qu'en bonne lectrice-écureuil, j'ai plus souvent des livres qui rentrent que des livres qui sortent et mon rythme de lecture est assez variable depuis quelques années. D'où l'embouteillage un peu partout où ils sont visibles, autant de façon de faire, hé, tu l'as acheté il y a pas longtemps, mais tu l'as pas encore lu, c'lui-là, tu devrais t'y mettre! Oui, oui, les livres sur mes tablettes, je les vois, je sais qu'ils sont là, mais ils sont justes moins tout le temps sous mon nez. Et ça fait une différence.
Une tablette de bibliothèque, c'est fait pour le long terme. Les livres sont là pour y rester, on ne les en sort pas souvent ou plutôt, pas tous à la fois en même temps (sauf si on déménage!). C'est totalement et entièrement psychologique, mais j'ai moins tendance à aller jouer dans mes livres tablettés (ouch l'expression) que dans mes livres qui traînent partout. C'est aussi la raison pour laquelle je n'ai pas de portes en verre sur mes bibliothèques: obstacle de plus, minuscule, certes, mais réel. Cette simple vitre est un obstacle de plus entre moi et l'objet. Je préfère épousseter (même avec un chat qui perd ses poils).
Sauf que là, j'ai déménagé et donc, entièrement réarrangé mes bibliothèques. J'ai toujours classé mes bibliothèques en deux zones: l'une est consacrée aux livres lus et l'autre aux livres non lus. Dans mon ancien appartement, les livres non lus étaient situés de façon à ce que lorsque je m'asseyais sur mon divan (mon lieu de lecture favori), ils n'étaient pas visibles et les livres lus, devant moi. Je ne m'en étais jamais rendu compte avant. Donc, si je levais les yeux de mon livre ou détournait un instant le regard de l'écran de télé, je ne voyais que les livres que j'avais déjà lus. De beaux souvenirs de lectures, certes, mais justement, des livres que j'avais déjà lus. Pas besoin de me rappeler que je ne les avais pas encore lus, c'était déjà fait dans leur cas!
Et là, avec le bouleversement du déménagement et le reclassement de livres, je me suis retrouvée à avoir une bibliothèque, bien installée presque en face de mon divan, rempli des livres dont je n'ai pas encore tourné la première page. Et donc, quand je lève les yeux de mon livre, détourne un instant les yeux de mon écran de télé ou regarde simplement dans le vague, je me retrouve à regarder les livres que je n'ai pas encore lus au lieu de ceux qui le sont déjà.
Et ça fait une différence!
Parce que j'ai un constant rappel des dizaines (ok, centaines) d'histoires que je n'ai pas encore lues directement sous mon nez et qu'ils reviennent souvent dans mon champ de vision, ça me donne encore plus envie de me lever, d'aller les chercher et de les lire. Que ça fasse un bail que je les aie ou juste quelques mois. C'est le pouvoir d'avoir quelque chose sous les yeux, de le voir en quelque sorte, qui fait la différence.
Cependant, cette découverte n'a pas changé mes vieilles habitudes: j'ai encore des livres qui traînent partout. Et bon, je ne pense pas que ça va changer de sitôt.
@+ Mariane
lundi 7 juin 2021
Réinventer le passé
Salut!
Récemment, j'ai écouté une série télé diffusée sur AppleTV, Dickinson sur la vie de la poétesse américaine Emily Dickinson. C'est donc une série d'époque, mais avec une ''twist'' très moderne: les costumes sont d'époques, les normes sociales, les caractères, l'arrière-monde le sont aussi. Mais dans le traitement des personnages, dans les réactions de ceux-ci, on apporte une touche très moderne. Ainsi, Emily y est queer et féministe, revendique souvent, est amoureuse de sa belle-soeur (leur vie intime est clairement évoquée) et a souvent des réactions qui appartiennent clairement plus au registre du 21e siècle au 19e. En écho, la trame sonore est bourrée de tubes d'aujourd'hui et les personnages, entre deux danses guindées, peuvent se permettre des mouvements de twerk en robes à crinolines.
De la façon dont c'est fait, on comprend très vite que l'on est dans une réinvention du passé, dans un passé que l'on imagine, plutôt que celui, se voulant plus réaliste que de nombreuses séries télés et films sur le 19e siècle qu'on nous présente depuis quelques décennies. Et pourtant, ça marche! Le spectateur.trice fait la différence entre ce qui appartient au fantasme moderne et à la réalité. À la fois parce que c'est assez évident et parce que c'est voulu ainsi.
Ça me fait penser à une autre série en jupons et corsets que j'ai vu à la fin de 2020: Bridgerton. Celle-ci était plus proche du traitement habituelle pour cette époque (accent mis sur la course au mariage, commérage, importance des convenances, etc), mais s'attaquait plus frontalement que Dickinson à la problématique de la diversité à l'écran. La moitié de la noblesse, même la reine, avec la peau noire? Pas de problème! Et passé la surprise initiale, on s'y fait très rapidement. D'un seul coup, les domestiques blancs pour un duc noir, des couples interraciaux, les relations de pouvoir inversées entre les différentes couleurs de peau... existent sont acceptées, normales, circulez, y'a rien à voir. Une idée du 21e siècle qui vient se greffer sur un contexte historique, mais en tord les codes et les représentations pour réinventer ces histoires et leur donner une touche de modernité qui les rendent immédiatement plus contemporaines.
Je donne des exemples issus des séries télés, mais la littérature fait la même chose depuis des décennies. Le steam punk est en soi un genre où on réinvente l'époque victorienne. Si les femmes y sont souvent aussi corsetées que sous le véritable règne de la reine Victoria, mais elles peuvent y être bien d'autres choses que préoccupées à faire un bon mariage, mères au foyer ou préoccupées par les commérages en buvant une tasse de thé. Toutes les uchronies touchent un peu à cette idée, mais certaines embrassent plus l'idée de réinvention. Et chaque époque réinvente en tenant compte de ce qui l'agite: de nos jours, c'est la diversité, de couleur de peau autant que d'orientation sexuelle ou de genre, qui importe.
Car la réinvention du passé dans la fiction est peut-être une façon de faire oublier les laideurs que l'on y voit trop souvent: le 19e siècle a été le siècle de l'esclavage, de la colonisation et du sexisme, toutes choses que notre époque combat, mais que les livres d'histoire nous ramènent en plein visage comme étant notre passé. En le réinventant, en lui donnant un autre visage, mais inventé, même fictif, on essaie un peu de corriger nos erreurs et de le transformer pour qu'il soit plus semblable à ce que l'on aimerait qu'il soit aujourd'hui. Réinventer le passé en fiction pour se construire un passé imaginaire plus près de ce que l'on aimerait qu'il soit.
La fiction le permet alors pourquoi pas? Parce que créer des images du passé plus proche de ce qu'on aimerait qu'il soit, plutôt que comme il a été, nous permet aussi d'imaginer une société plus juste pour l'avenir. Ce n'est pas parfait, ça ne règle rien, mais ça permet d'ancrer dans les esprits des images différentes et quelque part, c'est peut-être ainsi que l'on réussira à construire un avenir loin des images figées de notre réel passé.
@+ Mariane