Vent d'est vent d'ouest Pearl Buck Le livre de poche 314 pages
Résumé:
Chine, début du XXe siècle. La narratrice vient de se marier avec celui auquel elle fût promise avant sa naissance. Mais cet étrange mari a vécu en Occident et s'oppose désormais aux traditions chinoises hérités de ses ancêtres. Sa jeune épouse qui est incapable de gagner son affection, finit par délaisser l'art de la séduction transmis par sa mère pour adopter les méthodes modernes. Si cela finit par réunir les deux époux, un obstacle plus grand attend la jeune femme: son frère, qui a lui aussi étudié en Occident, s'oppose à la volonté de son père d'épouser sa promise et souhaite unir sa vie avec une femme occidentale.
Mon avis:
Je retrouve Pearl Buck des années après l'avoir lue pour la première fois, à l'adolescence. C'est l'un des quelques romans que je n'avais pas lu d'elle et c'est aussi paradoxalement son premier.
L'un des détails surprenant de ce livre est qu'aucun des personnages n'est nommé. L'histoire est racontée par la narratrice à une amie très proche, comme si elle lui écrivait des lettres, mais la nature de leur relation n'est jamais détaillée. Le reste des personnages est nommé par leur fonction dans sa vie: son père, sa mère, son frère, son mari, etc. Cela crée un effet à la fois intemporel (même si l'on se doit que l'histoire se déroule au début du XXe siècle) et qui pourrait être transposé à toutes les époques: parce que la trame du livre, c'est celle du choc des cultures et des générations, bien plus que l'histoire d'individus.
Le roman est divisé en deux parties. La première est celle du choc du mariage de la narratrice avec son mari: lorsqu'elle découvre que son éducation, cet art de la séduction qu'on enseigne aux jeunes filles chinoises, ne sert à rien avec son époux qui a des attentes différentes de celles qu'on lui a appris. Un choc qu'elle vit difficilement, mais ses efforts pour s'adapter finissent par payer et l'amour naît entre les deux époux. Cependant, son mari lui ouvre les portes du monde (avec une bonne dose de mecsplication pour le.la lecteur.rice moderne, mais bon!) et avec les connaissances viennent les remises en question. Elle est constamment confrontée à la différence entre le monde de la maison de ses parents et celui de la maison de son époux.
Lorsqu'arrive la nouvelle du mariage de son frère avec une occidentale, en deuxième partie du livre, le choc est brutal. Sa mère en particulier, ne peut accepter cette union avec cette femme qu'elle détestera dès le premier instant. Non pas pour la personne en particulier, mais pour la chaîne de transmission qu'elle rompt. En refusant le mariage auquel il était promis, le frère de la narratrice empêche sa mère d'accomplir le but ultime de sa propre vie: transmettre à la génération suivante ce qu'elle-même a hérité de ses ancêtres. Entre les deux, le choc sera violent, titanesque même.
Mais cette violence des sentiments est toujours exprimée avec une extrême retenue, voir une pudeur. L'écriture de l'auteure est complètement dépourvu de pathos, tout, même les émotions les plus violentes sont décrites avec une douceur surprenante. La narratrice raconte, prend peu part aux événements quand ils ne la concernent pas elle-même. Elle est témoin du choc des titans entre son frère et sa mère, mais ne peut pas ou ne sait pas comment intervenir. Elle est impuissante face aux événements et s'en veut de l'être.
On en apprend beaucoup sur la Chine dans ce livre, avec ses traditions, ses coutumes, ses lois non-écrites, son sens des convenances et de la politesse raffiné, mais contraignant pour les individus. C'est le regard aiguisé d'une observatrice sur un milieu qu'elle connaît bien. Dans les gestes, la façon de raconter, l'atmosphère, on est plongé dans un monde bien loin du nôtre.
Un livre qui avec une écriture tout en douceur et avec une grande pudeur nous soulève le voile du choc immense des cultures qu'ont connus les dernières générations de la Chine avant l'arrivée des communistes. Un regard sur un monde qui n'existe plus, mais qu'elle détaille avec la délicatesse d'un éventail.
Ma note: 4.25/5