La route de Chlifa Michèle Marineau Collection Titan+ Québec Amérique 249 pages
Karim est un personnage qui dans un premier temps est hostile à tous les contacts humains. Il repousse les gens, ne veut se mêler de rien et couve en lui une profonde colère. On le sait par les extraits de son journal qui montre le regard qu'il porte sur les autres, plein de jugement et de hargne. Alors que le roman commence en janvier, un retour en arrière survient environ au tiers du livre et soudain, on se retrouve à Beyrouth sous les bombes et Karim n'est pas encore cet être en colère et fermé à tout qu'il sera en janvier à son arrivée à l'école au Québec. Cette technique, de nous montrer le résultat pour ensuite nous montrer la cause, est intéressante parce qu'à rebours, on comprend Karim, mais sans le juger et on laisse dès le départ découvrir le personnage pour lui-même.
Dans cette partie libanaise du texte, on fait la connaissance de Maha, encore une enfant, qui à 12 ans, prend la vie à bras le corps après la mort de sa famille dans un bombardement. Elle prend soin de son petit frère Jad, un bébé de six mois, avec une constance et une affection qui force l'admiration. Mais attention, Maha n'est pas un ange! Colérique, d'humeur changeante, têtue et volontaire, Maha ne laisse pas grand monde lui piler sur les pieds et décide elle-même de la direction qu'elle va prendre. Karim décide de la suivre à la fois parce qu'il veut la protéger, mais aussi en souvenir de Nada. La relation entre les deux est complexe, souvent difficile, surtout que contrairement à Karim, on ne saura jamais les pensées de Maha.
La route de Chlifa du titre, c'est la route que vont emprunter les deux adolescents et le bébé entre Beyrouth et le village de Chlifa. Un voyage à pied dans les monts Liban, avec le danger constant de tomber sur quelqu'un dans ce pays déchiré par la guerre. Même si c'est secondaire à l'intrigue, le danger, le fait que tout le monde puisse devenir un ennemi un jour est en trame de fond. Mais leur voyage est surtout une confrontation entre les deux adolescents, qui se disputent, se réconcilient, se comprennent, se parlent et tissent un lien, un lien qu'ils ne prévoyaient pas. C'est tout le déchirement que ce qui finit par arriver à la fin du récit, quoique j'ai trouvé que cet événement tombait un peu trop à pic vu la lente montée du reste du récit. La source de la colère contenue de Karim se trouve là. Et le lecteurice ne peut que la comprendre.
Un récit qui nous promène dans les montagnes russes émotionnelles de la guerre et de l'adolescence, mais aussi, à un certain point, dans celles de l'après. Autant de la résilience face aux traumatismes que de ce qui arrive quand on grandit tout simplement.