lundi 29 janvier 2024

Quand l'auteurice se masturbe avec son univers...

 Salut!

Je sais que le titre de ce billet est un brin provocateur, mais ce billet n'a aucune connotation sexuelle ;)

Il y a quelques années, je lisais un livre de science-fiction et je me suis rendu compte que tout à coup, l'un des personnages se mettait à réfléchir tout haut à des concepts importants reliés à l'intrigue. Et de se demander, presque en passant, si le fait qu'un personnage soit chose x était l'équivalent d'être chose Y dans leur univers ou être chose était très important. J'ai dû me faire une entorse aux yeux tellement je les ai roulés à ce moment-là. Pas que ça n'avait aucun rapport avec l'histoire ni parce que c'était exagéré. Non, c'est juste que l'auteurice était ici plus en train de se parler à elle-même qu'autre chose. Ce point de chose X ou chose Y n'avait strictement aucun rapport avec l'intrigue à ce moment-là. J'avais l'image mentale de cette auteurice en train de se poser cette question à ce moment de son processus d'écriture et de se demander si tel élément de son univers fonctionnait avec tel autre élément et quels seraient les possibilités, si...

J'ai toute de suite eu l'impression que l'auteurice était en train de se masturber avec son univers.

Pas au sens sexuel du terme bien sûr, mais au sens que l'auteurice se faisait plaisir avec cet exercice où, par le biais d'un personnage, elle s'interrogeait sur les concepts qu'elle avait mis en place dans son univers. Bref, j'avais plutôt l'impression d'être en train de prendre sur le vif un intense moment de plaisir intellectuel par une écrivaine qui réfléchissait à l'univers qu'elle avait mis en place plutôt qu'un moment particulièrement bien écrit au bénéfice de la lectrice que j'étais. 

Ça m'a donné l'impression gênante de surprendre un moment qui ne m'était pas du tout destiné...

Soyons clair: pour quelqu'un qui passe des centaines, sinon des milliers d'heures à construire un univers de science-fiction complexe, vif, à imaginer des peuples, des rites, des technologies et qui ensuite met des personnages en action dans celui-ci, qui souvent vont eux-mêmes s'interroger sur leur univers et le remettre en question ou encore en repousser les limites... la tentation doit finir par s'installer à un moment ou à un autre de mettre un peu de ses réflexions personnelles, un peu de son jus de cerveau dans ses écrits. Le hic c'est: est-ce que j'ai besoin de ça comme lectrice?

Et je parle bien de concepts ici. Frodon ne perd pas de temps à se demander pourquoi il est au Troisième Âge de son univers, simplement parce que c'est un concept acquis et compris par lui. Et il ne passe pas plus de temps à s'interroger à savoir ce qui marquerait le début du Quatrième Âge, parce que pardi, si nous sommes au Troisième Âge, c'est qu'il y en a eu un Premier et un Second et donc, qu'un jour, il y en aura forcément un Quatrième et au fond, est-ce que de détruire l'Anneau sera l'événement qui nous fera entrer dans le Quatrième Âge? J'imagine la tête de Sam, penchée sur un chaudron en train de préparer leur souper, une pipe à la bouche, si Frodon tenait un tel discours... Ce n'est pas pertinent à leur histoire, à ce qu'ils vivent. Le pouvoir de l'anneau l'est et donc, si Frodon s'interroge sur celui-ci, c'est tout à fait correct, car le concept du pouvoir qui corrompt forme la trame de l'intrigue et ça, c'est légitime de s'y intéresser.

Bref, faire jouer mentalement avec les concepts de son univers peut être une bonne chose si ça sert à l'intrigue. Ça a sa place dans ce cas! Autrement, auteurice, allez faire ça dans votre chambre, tout seul... Je ne veux pas le savoir...

@+ Mariane

lundi 15 janvier 2024

Je n'ai plus autant de temps pour lire

 Salut!

J'ai reçu des amis récemment pour un petit souper. L'un de mes invités, qui en était à sa première visite chez nous, a minutieusement fait le tour de mes bibliothèques. On a ça en commun: lui aussi adore la littérature. Il regardait les livres les uns après les autres et me lançait des «Ah, oui, ça, c'est super bon!» ou des «As-tu aimé celui-ci? J'hésite à lire cet auteur» à chaque demi-tablette. Plus tard, en mangeant, alors que la discussion tournait autour de la littérature encore une fois, il a secoué la tête pour m'avouer que même s'il aime toujours autant ça, il n'a pas terminé beaucoup de livres récemment et qu'il n'a plus beaucoup de temps pour lire.

Il faut dire, il est papa d'une petite fille débordante d'énergie et lui et sa conjointe ont des vies riches en activités. Mais il y a autre chose aussi, autre chose que j'ai constaté moi-même et que j'ai vu chez plusieurs personnes: ce n'est pas que l'on aime plus lire, c'est plutôt que la lecture ne prend plus la même place dans nos vies et finit par être délaissée. Pas par manque d'amour, mais simplement parce que d'autres activités, d'autres intérêts prennent de la place et bon, on est tous obligé de payer les factures et pour cela, d'avoir un boulot. Ceci fait lentement dériver la lecture comme loisir et comme centre d'intérêt du haut de la page qu'il occupait durant notre jeunesse à une place beaucoup plus basse dans nos priorités.

Quand j'étais jeune,  je pouvais passer des après-midi complets à lire. J'étais complètement dans mon livre, dans l'histoire. J'oubliais l'heure, j'oubliais de faire ce que ma mère m'avait demandé de faire (à son grand désespoir). Il n'y avait que deux choses pour me faire lâcher mon livre: l'obligation de vider ma vessie et de remplir mon estomac! Ma vie d'adulte est très différente. Mes obligations sont plus nombreuses et les fois où je peux passer des après-midi complets à lire sont un luxe . Personne ne fera le souper pour moi maintenant, ni le lavage! Dire que j'aime moins lire, surtout un livre dans lequel je plonge à fond, est faux. Cependant, le temps de qualité pour s'y consacrer n'est plus là et donc, j'ai plus tendance à repousser pour avoir du temps. Ce qui réduit encore mon temps de lecture...

J'ai moi-même constaté le phénomène. Moi qui ai déjà dévoré une bonne centaine de livres par année, je n'ai lu qu'une dizaine de livres en 2022 et à peine le double en 2023, alors que je me promettais pourtant de prendre plus de temps pour lire. C'est là que j'ai commencé à réfléchir à cette notion de temps de qualité pour lire. Parce que je veux me plonger dans mes livres, pas en lire quelques pages à la sauvette. Je veux faire de mon temps de lecture un moment important. Le hic, c'est que d'attendre que ce temps de qualité arrive finit par m'éloigner de la lecture parce que moins de moments de qualité = moins de temps pour se plonger dans un livre et moins de temps pour se plonger dans un livre = l'envie de lire diminue parce que justement, on a moins notre petite dose du plaisir que donne la lecture

Lire doit redevenir pour moi une habitude, quelque chose d'ancré dans un quotidien et non plus quelque chose qui arrive quand j'ai le temps. J'ai donc décidé en 2024 de me fixer un objectif (pas une résolution hein, c'est connu, on ne tient jamais ses résolutions du Nouvel An! :P ): lire au moins 5 pages par jour. 5 pages est assez pour dire que l'on a avancé un petit peu une intrigue, suivi une péripétie et si la journée a été trop chargée, ce n'est pas non plus trop long à lire. Juste pour me dire que je réintègre la lecture dans mon quotidien. Jusqu'à maintenant, ça fonctionne et je commence même à simplement avoir le goût de m'asseoir et de lire.

Et vous, comment sont vos habitudes de lecture en 2024?

@+ Mariane

jeudi 11 janvier 2024

Fifi Brindacier d'Astrid Lindgren

 Fifi Brindacier  Astrid Lindgren  Folio junior 139 pages


Résumé:

Un beau matin, une petite fille débarque dans une petite ville suédoise tranquille. Elle a les cheveux roux qui tiennent en deux tresses de chaque côté de sa tête, des souliers beaucoup trop grands, un petit singe appelé M. Nilsson et est dotée d'une force extraordinaire. Ses jeunes voisins, Tommy et Annika, deux enfants tout ce qu'il y a de plus normaux, se lient d'amitié avec cette étrange Fifi Brindacier, qui vit seule dans sa villa, marche sur les mains et se couche à l'heure qu'elle veut. Car pour Fifi, chaque jour est une nouvelle aventure. Certes, elle ne comprend rien au monde des adultes et n'en fait qu'à sa tête, mais avec elle, qu'est-ce qu'on s'amuse!

Mon avis:

Pas pour rien que cette petite fille autoproclamée la petite fille la plus forte du monde a conquis les coeurs de milliers d'enfants à travers le monde. Impertinente, naïve, courageuse, rebelle au grand coeur, elle n'en fait qu'à sa tête et suit sa propre logique, qui malheureusement, se met souvent en travers de celle des adultes qui croisent son chemin.

Ses aventures, hilarantes au passage, la mettent souvent en contradiction avec les gens de la petite ville de Suède où elle s'installe. Ses deux voisins, Tommy et Annika, autant des faire-valoir que des contrepoints à son imagination débordante, mettent en relief sa différence avec les gens du coin. Car différente, Fifi l'est, mais ça ne la gêne absolument pas. Elle fait ce qu'elle veut, quand elle veut. Que ce soit apprendre la polka passer minuit (et entraîner deux voleurs dans une danse qu'ils regrettent aussitôt!), dormir la tête sous les couvertures et les orteils sur l'oreiller, laver les planchers en transformant les éponges en patin à roulettes, Fifi est libre des contraintes habituelles des enfants de son époque. Le choc qu'elle éprouve parfois en les découvrant est partagé par le lecteur qui fronce des sourcils en se disant: ah oui, mais pourquoi les enfants doivent faire ça au juste? 

D'ailleurs, si elle est rebelle face aux adultes, Fifi n'est jamais méchante face aux enfants. Elle défend ceux qui sont victimes d'intimidation, s'amuse avec les autres et ne s'en prend jamais, au grand jamais à eux. Elle ne les pousse pas non plus à entrer dans sa rébellion, elle les laisse libres de leurs choix, incluant d'obéir à leurs parents, d'aller à l'école et de faire attention de ne pas salir leurs vêtements.

Le livre se lit en une douzaine de chapitres indépendants qui sont autant d'aventures de Fifi et ses amis. Les chapitres peuvent se lire un par soir pour qui voudrait faire la lecture à ses enfants avant l'heure du coucher. Si certaines situations ont mal vieilli (le livre a été publié en 1945 quand même), d'autres sont toujours aussi délicieusement au goût du jour. 

Le livre est aussi intéressant pour l'adulte que pour l'enfant. Dans certaines réactions de la petite fille, on peut lire les réflexions d'une autrice qui a toujours eu un parti pris pour les enfants. Au travers du personnage de Fifi, c'est la société suédoise au complet qui est remise en question et particulièrement le sort réservé aux enfants.  Même si le contexte a beaucoup changé, son regard reste très pertinent.

À mettre entre les mains des enfants et des parents, même mieux, à lire ensemble!