Salut!
J'ai déjà fait il y a un certain temps un billet sur les triangles amoureux. Dire que je ne les aime pas vraiment, dire que ça fait cliché, dire que je trouve que c'est un truc narratif que je commence à trouver éculé sont tous des trucs que j'ai déjà dit et sont des euphémismes. Surtout dans les séries pour ados. Sauf que récemment, j'ai lu et vu d'autres modèles qui me font disons, réfléchir.
L'idée du triangle amoureux, est que devant deux possibilités, une personne doit faire un choix. Un vrai choix. Renoncer à une personne et en choisir une autre. Ça finit bien la plupart du temps, mais d'un autre côté, ce qui est ici mis en valeur, c'est le couple standard, le modèle unique du deux personnes ensemble, le plus souvent hétérosexuel. C'est LE modèle qui prévaut par excellence, LA façon de voir l'amour. Comme si tout autre façon n'existait pas.
Il y a quelques mois, j'ai vu l'épisode final de l'excellent série Sense8. Pour ceux qui ne connaîtrait pas, en résumant beaucoup, c'est l'histoire de huit personnes, sans aucun lien apparent, vivant dans des pays différents et ayant des histoires de vies différentes qui se retrouvent liées et peuvent intervenir physiquement dans la vie des autres, leur donnant ainsi la capacité de changer de place avec un membre de leur cercle (les huit de base, on apprend dans la série qu'ils sont loin d'être seuls dans leur cas). Deux des membres du cercle, Kala et Wolfang finissent par tomber amoureux, mais Kala est mariée. Si son mariage est loin d'être parfait, elle n'est pas prête à renoncer à cette vie qui est plus proche de ses valeurs et de son milieu social (elle est issue d'une famille unie de la classe moyenne indienne) pour vivre aux côtés de Wolfang, qui est un voleur lié au crime organisé berlinois. La solution viendra d'un personnage qui lui dira que comme elle a la possibilité d'être physiquement à deux endroits à la fois, pourquoi choisirait-elle? Bien sûr, les deux hommes de sa vie voit bien la situation et chacun à leur façon et pour leurs propres raisons, ils acceptent de faire tous les deux partie de sa vie. Kala ne fait pas un choix entre deux personnes, elle assume le fait d'aimer les deux hommes, qui chacun à leur façon, composent une partie importante de ce qu'elle est. Elle choisit de ne pas avoir à sacrifier une des deux personnes auquel elle tient.
L'autre exemple qui me vient en tête est celui du film que j'ai vu récemment, Professor Marston and the Wonder Woman. L'histoire commence à la fin des années 20, alors que William Moulton Marston, professeur de psychologie à Radcliffe College, futur auteur de Wonder Woman, et sa femme Elizabeth Marston, elle aussi doctorante en psychologie, rencontrent une jeune étudiante qui deviendra leur assistante de recherche, Olive Byrne. Sauf que voilà, dans leur cas, l'amour prend de drôles de hasards parce qu'ils tombent tous les trois amoureux les uns des autres. Ils se choisissent mutuellement. Après plusieurs hésitations, incompréhensions, ajustements et disputes, ils finissent, contre vents et marées, de vivre ensemble, à trois et de partager cet amour. Dans leur cas, la relation est aussi forte entre William et Elizabeth, Elizabeth et Olive et William et Olive. C'est vraiment un trio amoureux. Ce n'est donc pas un choix entre deux personnes, mais un choix commun entre trois personnes.
Tout ça pour dire que ce ne sont que deux exemples parmi de nombreux autres que je n'aie sans doute pas autant remarqué, mais l'essentiel de ma réflexion tient là: et si ce n'est pas un choix entre deux potentiels partenaires, pas un triangle amoureux sur qui pèse le poids d'un choix pour une seule des personnes et qui fera forcément un perdant, ce sera autre chose. D'autres décisions, d'autres modèles peuvent surgir. Je trouve depuis longtemps que le triangle amoureux, aussi efficace soit-il au point de vue narratif, est un détour dramatique qui commence à sentir la poussière. Ce ne serait donc plus seulement un choix entre lui (ou elle) et lui (ou elle), donc plus un choix binaire, mais plutôt une multitude de choix possibles. Ça ouvre de nombreuses portes au niveau des situations possibles, mais ça oblige aussi à penser en dehors de la boîte du couple hétéro standard. Et de l'imaginaire de contes de fées qui vient avec! Je ne crois pas que celui-ci soit nécessairement mort, ni que les triangles amoureux vont disparaître, mais que ça remettre en cause les vieux schémas me semble une bonne chose. Parce que je suis tannée de voir des séries s'éterniser juste pour maintenir le suspense de savoir qui va finir avec qui.
@+ Mariane
4 commentaires:
Lol! En effet, des solutions créatives au triangle amoureux, ça redonnerait un peu de rebond à ce ressort narratif distendu. Mais...
Ben la plupart du temps les triangles amoureux se trouvent sous la plume d'auteurs américains ou Français. Deux pays où le couple gay et le couple non monogame ne passent pas très bien. (Enfin, la France accepte bien l'équation un homme, deux femmes - sous la forme "une épouse et une maîtresse" - mais pas une femme deux hommes) Donc les chances que les auteurs les mettent en scène sont minces.
Deuxièmement, le triangle amoureux est un ressort classique de la littérature pour ado et jeune adulte. Pourquoi? Parce que c'est à cet âge-là qu'on risque le plus fortement d'être déchiré entre deux intérêts amoureux. Et, dans la majorité des cas, le jeune veut choisir (n'oublions que 80% de la population est hétéro et aime/recherche le modèle monogame). Je dirais même que, dans une certaine mesure, il doit choisir. Parce que faire des choix à cet âge, ça fait partie de l'apprentissage de la vie.
Bref, t'imagine le scandale si tous les auteurs se mettaient en même temps à prôner les couples non hétéro et non monogame? :p
Cela dit... t'es ptêt juste plus le public visé par ces romans-là. Y'a nettement moins de triangle amoureux en SFF pour adultes :p
Je retiens un truc important de ton long et très pertinent commentaire: je ne suis plus le public cible des séries pour ados!!!! :P
Ceci dit, je ne prônerais pas des couples non-hétéro et non-monogames à tout crin. Il me semble juste que ça ferait une variation au cliché éculé. Mais je suis d'accord avec toi, peu de chances que les auteurs français et américains s'y mettent, l'un est trop pris dans son cliché de la maîtresse et l'autre fait preuve de beaucoup trop de pudibonderie!
@Prospéryne : lol! Oui, désolée de t'annoncer ça aussi dûrement, mais... t'as plus 15 ans. :p
Même à 15 ans, ça me tapait sur les nerfs, c'est pas trop grave! :P
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