Salut!
Il y a quelques mois, j'ai fait le ménage de boîtes de souvenirs que j'avais pour faire de la place. J'avais dedans des travaux d'arts plastiques qui dataient du primaire, des dépliants d'événements auquel j'avais participé et pas mal de bouts de papiers épars: coupures de journaux, vieilles lettres d'amies, etc. Et au milieu de ses papiers, je suis tombée sur une feuille. C'était une main en noir imprimée sur une feuille blanche, le genre d'impression que l'on faisait dans les années 1990 avec une photocopieuse. Et sur la paume, en blanc éclatant, ces simples mots: Le tour est joué, Momo.
Ceci m'a ramené en un instant trente ans en arrière et j'ai frissonné d'une terreur ancienne, puis, un instant après, j'ai ri. Ce bout de papier datait de l'année où j'avais fait un camp de jour au Cégep de ma localité. J'avais une dizaine d'années tout au plus. C'était organisé par les étudiants et bien sûr, on était groupé par âges. Le camp était d'une durée de deux semaines et durant tout ce temps, un mystérieux Momo s'amusait à nous pourrir la vie. On trouvait des messages dans nos boîtes à lunch, dans les dossards emmêlés dont on se servait pour jouer en équipe, dans nos sacs quand on sortait de la piscine. J'avais peur. Pas que cela finisse mal (qu'est-ce qui pouvait bien m'arriver de mal dans le camp de jour d'un cégep de banlieue?), mais peur de l'inconnu, peur de l'incertitude. Qui était donc ce mystérieux Momo et pourquoi s'amusait-il à nous persécuter de ses tours? Finalement, c'était juste le groupe le plus âgé qui s'était amusé à nous tourmenter. Il y a eu le dernier jour du camp une petite cérémonie où ils ont été dévoilés. Rien de méchant donc.
Mais juste de revoir les mots en blanc sur la paume noire m'a fait remonter trente ans d'un coup en arrière et m'a ramené dans le corps de cette petit fille sans doute un peu trop crédule qui avait terriblement peur. J'en ai parlé à mon frère qui a participé au même camp de jour et lui aussi s'en rappelait encore. Lui aussi, se rappelait la peur. Il avait pourtant trois ans de plus que moi à l'époque. Les mots, l'image avait le même effet sur nous deux. Et encore, ce ne sont que des mots qui sont liés à une anecdote relativement inoffensive de notre jeunesse. Rien de grave, donc.
Pour d'autres personnes, c'est plus grave. La simple évocation d'un nom peut rappeler un traumatisme quand il s'agit d'une personnalité publique. Je suis sûre que les victimes d'Harvey Weinstein devaient frissonner en entendant son nom. Ou celles de Gilbert Rozon, plus près de nous. Les noms sont des mots après tout. Comme les autres mots, ils sont reliés à des images, à des sons, à des impressions, à des émotions. Et c'est tout ce bagage qu'ils font ressurgir quand ils sont évoqués. Pour d'autres personnes, c'est un mot qui est tout banal, comme une marque de commerce, qui les ramène à de mauvais souvenirs, le nom d'une ville qu'ils associent à une mauvaise expérience, une expression au sens détourné qui les ramène dans un passé désagréable.
La littérature d'horreur se sert amplement de ce truc. Ce n'est pas simplement de parler de choses horribles qui fait un roman d'horreur, c'est de savoir utiliser les mots et leur bagage, voire de créer un tel bagage pour plonger le lecteurice dans un état où les mots vont le plongent dans un délicieux état de terreur. Quand c'est bien fait, c'est diablement efficace, parfois même sans que l'on s'en rendent compte, plongé comme on l'est dans l'expérience de lecture.
Les mots traînent dans leurs sillages plus que leur sens premier. Et c'est pourquoi simplement de les dire peut nous faire frissonner d'horreur.
@+! Mariane
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