lundi 10 février 2020

De la géographie: L'emboîtement des échelles

Salut!

Savez-vous ce qu'est l'emboîtement des échelles?  Ok, je me lance dans ce sujet comme premier de ma série de billets ayant pour thème la géographie.  Mine de rien, c'est un des outils de base de la géographie, humaine en particulier.  Parce qu'on ne peut pas tout comprendre en regardant tout sur le même plan.  En variant les échelles, on peut étudier des constantes et des différences.  Les historiens ont leur ligne du temps, les géographes ont leur emboîtement des échelles.  Voici donc un des outils de base du métier de géographe, avec lequel on apprend très vite à jouer d'ailleurs!

L'emboîtement des échelles c'est un principe de la géographie humaine qui dit que les différences sont beaucoup plus importantes quand on se rapproche et qu'elle sont moins importantes quand on s'éloigne.  Ah tiens, un exemple vaut tout.  Prenez une photo aérienne de la cour arrière d'une maison de banlieue.  Il y a une piscine, un jardin, un gazébo et un barbecue.  Jusque-là, rien que du normal.  Si je monte un peu plus haut dans le ciel, et que je vois les cours arrières de quatre maisons, je vois des différences: bon, tout le monde a une piscine, mais elle ne sont plus toutes de la même taille.  Celui-ci n'a pas de jardin, celui-là a un arbre qui cache la moitié de sa cours, l'autre a un spa en plus d'une piscine.  Si j'agrandis au pâté de maison, l'importance des arbres et des jardins va s'atténuer et on va plutôt remarquer la régularité des taches bleus dans les cours plutôt que la différence des tailles de celles-ci.  Si je m'éloigne encore et que je regarde le quartier au complet, toutes les maisons auront plus de ressemblances que de différences, mais si je compare cette photo avec celle d'un quartier moins favorisé, les différences sauteront aux yeux: l'absence de piscine, l'espace moindre entre les maisons, l'absence d'arbre, les rues moins larges.  Top!  Vous avez pigé.

Si on vous parle d'un pays que vous n'avez jamais visité, par exemple, la Turquie, on va vous parler d'abord des constantes qui se retrouvent à travers le pays.  Telle forme d'architecture, telle façon d'aménager les routes, tel bâtiment se retrouvera forcément au centre de tous les villages, etc.  Si vous quittez la Turquie pour arriver en Grèce, la différence vous sautera aux yeux, mais vous oublierez aussi très vite que dans tel petit village turc, les routes étaient différentes, que dans telle grande ville, le bâtiment principal n'était pas tout à fait au centre et que de l'ouest à l'est, l'architecture n'est vraiment pas la même.  Mais d'un oeil extérieur, l'unité sera plus importante que les différences.  Sauf que si je mets une loupe sur deux petits villages frontaliers à un jet de pierre l'un de l'autre, l'un grec, l'autre turc, on y trouvera plus de ressemblance que de différences.  C'est en s'y intéressant de près que l'on pourra voir les détails et comprendre les liens de ceux-ci avec le milieu environnant.  Les deux villages seront donc influencé par A- Le territoire qu'ils habitent et B- La société auquel ils appartiennent.  Les deux doivent être pris en compte pour bien interpréter l'occupation de leur environnement par ces deux groupes.  Car dans la géographie humaine, tout part de la façon dont l'humain interagit avec son territoire.

C'est souvent utilisé en fiction.  Et oui, un principe de géographie humaine!  Je soupçonne la plupart des auteurs de les utiliser de façon inconsciente par contre.  Un roman qui part d'un plan large en parlant d'un pays, d'une ville, ensuite d'un quartier, pour ensuite aller se centrer sur un personnage utilise ce principe.  Par exemple, si je dis:

«Au royaume de France, la ville de Paris est la capitale scintillante qui éclaire par la lumière de son esprit tout le royaume.  Nichée sur les bords de la Seine, la cité étale ses quartiers tout autour.  Si vous descendez son cours, après la Cathédrale de Notre-Dame de Paris, passer le Pont-Neuf, le Pont des Invalides et le Pont de l'Alma, jetez un regard sur votre gauche.  Vous regardez le Champ-de-Mars, vaste étendue verte au coeur de la capitale, parc cher au coeur des Parisiens.  Installé au bout du parc le plus près du fleuve, un petit personnage regarde les lieux.  Cet homme s'appelle Gustave Eiffel et en regardant alternativement le sol et le ciel, il imagine l'immense structure qu'il s'apprête à construire à cet endroit.»

Le paragraphe que je viens d'écrire résume parfaitement le principe de l'emboîtement des échelles: partir du plus large vers le plus petit.  Au plus large, la France, le pays au complet peut paraître pareil d'un bout à l'autre.  Dès qu'on s'approche, les différences apparaissent et on finit par trouver des détails qui sont uniques à Paris.  Plus on est loin, plus on peut inclure de grands ensembles dans le même bateau sans que personne n'y trouve à redire.  Plus on s'approche par contre et plus les différences apparaissent.

Prenez n'importe quel royaume de fantasy: il ne sera jamais uniforme d'un bout à l'autre.  De très loin, par exemple, de la carte couvrant la totalité du royaume semble montrer une grande unité, surtout si on le compare au royaume voisin.  Le pays est semblable d'un bout à l'autre.  Par contre, si on met une loupe dans la ville et une loupe dans la campagne, on trouvera des différences: densité des bâtiments, espace réservé aux végétaux, présence ou non de bâtiments de ferme, routes pavées ou non...  Et on pourra aussi trouver des ressemblances.  Dans la manière de construire et de disposer les bâtiments (par exemple, dans les pays de culture arabe, les cours sont au centre de la maison, alors que dans les maisons occidentales, elles sont plutôt à l'extérieur).  Les routes auront toutes des ronds-points comme en France ou des angles droits comme aux États-Unis.  Certains bâtiments officiels auront la même allure partout.  Ce seront les ressemblances, qui, si on met la loupe sur le royaume voisin dans des zones comparables, sauteront aux yeux comme une différence.  On percevra alors une unité selon les royaumes, parce que les sociétés qui les habitent y auront imprimé leurs marques.  Par contre, si je mets la loupe sur des villages montagneux de parts et d'autres de la frontière de ces deux royaumes, je risque de trouver plus de ressemblances entre eux qu'avec les villes ou la campagne de ces deux pays respectifs: ceci tout simplement parce que le territoire aura une empreinte plus forte sur eux qu'eux sur le territoire.

Bref, l'emboîtement des échelles, c'est d'être capable de ne pas réduire l'analyse de la géographie à ce qu'on a sous le nez.  Il faut être capable d'aller voir plus grand ou plus petit pour pouvoir faire des comparaisons et mieux comprendre le portrait d'ensemble.

@+ Mariane

2 commentaires:

Gen a dit…

Hum... Quand tu dis "la plupart des auteurs de fantasy utilisent le principe de la géographie humaine sans s'en apercevoir", on parle des bons, hein? Parce que des royaumes parfaitement uniformes d'un bout à l'autre avec coupure nette à la frontière, on en a vu quelques-uns... (Mais on nommera pas de noms :p )

Et sinon... super intéressant!!!

Prospéryne a dit…

Très sincèrement Gen, une première version de ce billet incluait un lien vers une carte d'une auteure québécoise qui a justement TOTALEMENT IGNORÉ ce concept. Ce que ça donne? L'impression d'un royaume de gamin ou en carton-pâte. Bref, c'est nul!

(j'ai enlevé le lien parce que je trouvais que ça ne fonctionnait plus avec le reste du billet et pour aucune autre raison)