lundi 29 juillet 2019

Corps musclés et regards scintillants

Salut!

En lisant un livre l'autre jour, je me suis surprise à pousser un immense soupir intérieur en lisant un passage.  Instantanément, je me suis arrêtée.  Pourquoi donc cette réaction?  Qu'est-ce qui me tapait sur les nerfs en moins de trois-quarts de seconde en lisant ce passage?

Je vous le résume.  Un homme rencontre une femme pour la première fois.  Elle s'arrange pour qu'il marche devant elle.  Pendant ce temps, elle en profite pour regarder ses fesses musclées, parle au passage du charme de ses cheveux en bataille et souligne son regard bleu.  De braise évidemment.  Quand lui parle d'elle, il souligne les courbes de ses formes, sa poitrine généreuse, son regard émeraude éploré et...  Ok j'arrête ça là.  Principe de base: les descriptions sont centrées sur le physique des personnages.  On fait l'éloge de la beauté plastique des personnages et de l'attirance qu'elle génère.  Mais dans l'extrait que je paraphrase, c'est surtout le côté physique qui ressort et l'attirance suit, car le sous-entendu est bien, comment peut-on ne pas être attiré par la beauté?  L'auteure dont je parle (et dont je n'ai pas critiqué le livre, tout simplement parce que je ne l'ai pas fini!) est une débutante et a mis dans cette scène ce qu'elle a retenu de ses sûrement nombreuses lectures: la beauté physique.

C'est le moteur de base de nombreuses romances.  Les personnages n'ont que très exceptionnellement des défauts et la plupart du temps du côté des hommes, du genre une cicatrice bien placée qui souligne son caractère viril.  Les femmes sont toujours minces, avec des poitrines tout droit sorti de chez le chirurgien plastique et leur chevelure est abondante.  Côté émotionnel, habituellement, deux choses peuvent se produire.  D'un côté, l'irritation, soit le fait que les deux personnages se tapent royalement sur les nerfs ou alors là, c'est les jambes qui ramollissent, le cerveau qui quitte son état normal, la bouche dont sort des trucs dingues, etc, etc, tant que ça soit beurré très épais.

C'est justement là que la différence entre une romance et un manque d'expérience entre en ligne de compte.  Un(e) auteur(e) de romance utilisera cette beauté pour nourrir l'attirance entre les personnages, parce que c'est l'attirance qui est le coeur de l'intrigue, pas la beauté.  Si le livre multipliera les rappels de la beauté physique, c'est avant tout un outil pour nourrir la relation entre les personnages, relation qui est basée sur l'attirance.  Après tout, si la personne est magnifique, mais qu'il n'y a pas de déclic, il n'y a pas d'histoire.  Un rappel à la couleurs des yeux ou des cheveux sera une façon de renouer avec ce qui a fait jaillir des étincelles au départ.  Sauf qu'autre chose va lier les protagonistes: des épreuves, des doutes, des disputes, des événements externes...  La manière dont la relation a commencé aura un impact sur la suite de l'histoire.  Le physique est l'étincelle, ce qui embrase le feu de foyer est ailleurs.  Il faut d'ailleurs un certain talent et un certain doigté pour qu'une telle scène ne sonne pas creux.  Je donne ça aux auteur(e)s de romances.

Mais pour un auteur débutant...  Comment dire.  On dirait que ce qu'ils ont retenus de leurs lectures dans le domaine de la romance est uniquement ces descriptions et les sensations qu'ils ont ressentis en les lisant.  C'est vrai que ça peut être grisant, ces descriptions de corps magnifiques...  Et ils pensent que cela suffit.  Ce n'est pas le cas.  Ils ne voient pas le sous-texte, l'ambiance, l'importance accordée aux relations, aux sensations.  Parce qu'un personnage est beau ou belle, c'est normal que l'autre tombe sous le charme...  C'est loin d'être aussi facile que ça!  Ces superbes descriptions tombent dans le vide parce que liées à des morceaux de carton en terme de personnages.  C'est peut-être beau du carton-pâte, mais ça ne tient pas très longtemps l'illusion!

Voilà comment on en arrive à lire dans un livre une scène qui, centrée sur le physique des personnages en ignorant leur psychologie, manque sa cible et termine en queue de poisson qui tombe sur les nerfs plus qu'autre chose.  En frôlant même le ridicule.

Vraiment, si vous aimez les descriptions de corps musclés et de regards scintillants, vaut mieux qu'ils s'appliquent à une personnalité tout aussi brillante.

@+ Mariane

6 commentaires:

Gen a dit…

Lolol! Excellente analyse! Ça m'a toujours fait rire les descriptions de physique et de linge qui sont plaquées sur le texte. Ça en prend plus que ça pour susciter de l'émotion.

Prospéryne a dit…

Les descriptions physiques devraient être là pour nourrir l'émotion plus que de par elle-même. Parce qu'après tout, quelque chose qui ne suscite aucune émotion est-il vraiment beau?

Alain a dit…

J'ai l'impression que c'est un sujet où la maturité comme auteur exige de la maturité comme individu. Une personne superficielle qui n'est attiré que par la beauté physique aura de la difficulté à décrire une scène romantique qui n'est pas basée sur l'objectification.

Prospéryne a dit…

Ou quelqu'un qui n'est marqué que par cet aspect des scènes le reproduira sans comprendre que quelque chose d'autre la sous-tend. Ça prend un lecteur/auteur aguerri pour le remarquer.

Gen a dit…

Il y a une question de gêne et d'honnêteté aussi. Pour bien décrire ce qui attire personnage A chez personne B, souvent faut se demander "qu'est-ce qui m'attire MOI et pourquoi?" et puis partir de là pour bâtir une description (qui ne sera ptêt pas, au final, proche de ce qui nous attire nous, mais qui aura le même mécanisme). Or, beaucoup d'auteurs sont gênés d'aller gratter là-dedans, de parler de ce qui les attire. Ou alors ils ont peur que s'ils écrivent un personnage fétichiste des pieds, on pense qu'ils ont eux-mêmes ce fétiche!

Prospéryne a dit…

Tu n'as pas tort, mais ce n'est pas tout le monde qui a cette réflexion. Certaines personnes reproduisent ce qu'elles ont vu ou lu sans comprendre les racines et les mécanismes de narration. C'est de la reproduction de ce qui les a fait trippé, sans en comprendre les tenants et les aboutissants. C'est ce dont je parlais dans mon billet. Je crois que lorsque l'on commence une démarche d'auteur, ça finit par nous rattraper, un jour ou l'autre, mais on en est pas toujours conscient au début, surtout si on a pas quelqu'un pour nous guider. (le livre que je paraphrase est un autopublié)