mercredi 12 février 2014

Personnages littéraires et historiques

Salut!

Anne d'Autriche a été une grande reine de France.  Mère de Louis XIV, régente lors de sa minorité, elle reste malgré tout totalement éclipsée par le personnage qu'Alexandre Dumas créa d'après elle.  La vraie Anne d'Autriche n'a jamais eu d'aventure avec le Duc de Buckingham, ni n'était mariée avec le Cardinal Mazarin (du moins, pour autant que l'on sache!).  Elle n'avait sans doute pas nombre des qualités et des défauts qu'on lui prête maintenant parce que le personnage des Trois Mousquetaires et de Vingt ans après les avaient.  Cependant, l'image qu'il nous reste d'elle est profondément influencée par le portrait qu'Alexandre Dumas en a fait.  La précision historique n'était pas sa principale préoccupation, il faut le dire, quoique dans les grandes lignes, il a respecté les faits.  En quatrième de couverture de La Reine Margot, un commentaire de Paul Morand résume très bien cette idée: «Ce personnage viole l'Histoire, mais les enfants qu'ils lui fait sont presque immortels.»

C'est certain que les romans historiques sont plus puissants que le radotage d'un historien lorsqu'il s'agit de laisser une trace dans la psyché d'un lecteur.  Quand on raconte les faits et qu'on s'y tient strictement, beaucoup de détails qui font l'intérêt d'un roman prennent le bord.  Malheureusement, l'inverse est aussi vrai!  Dans un de mes cours au cégep, l'une de mes profs donnaient l'exemple d'un étudiant qui l'avait contredite sur un détail historique.  Vérification faite, l'étudiant se basait sur... Les Rois Maudits de Maurice Druon.  Pour combien de personnes cette version romancée d'une période troublée de l'Histoire de France est-elle la vérité ou du moins, la bonne, celle auquel ils se réfèrent?  Sans doute beaucoup.  Trop pour quelqu'un qui s'intéresse à l'histoire de façon le moindrement sérieuse.  Il faut le dire, beaucoup de romans sont basés sur cette façon de faire du roman historique, mêlant habilement faits réels, légendes ayant un bout de vérité et pure fiction.  Cela donne certes d'excellents romans, mais déforme affreusement les faits.

En Histoire, une chose que l'on apprend vite est que celle-ci fait une large part à l'interprétation.  On fera une lecture différente des événements selon que l'on pense qu'un tel a bien fait son travail de roi et que tel autre voit dans le même roi un dictateur ou un abruti fini.  Les romans historiques suivent cette ligne.  La romancière Shan Sa a bien montré comment on peut ainsi jouer des perspectives dans son roman Impératrice, réhabilitant Wu Zetian, la seule femme de l'histoire de Chine à avoir porté le titre d'Empereur en propre.  Elle l'a rédigé en prenant le point de vue de celle-ci, alors que dans l'Histoire officielle de la Chine, cette dirigeante a pendant longtemps été condamnée comme une dictatrice cruelle, autoritaire et aux appétits sexuels incommensurables.  On peut bien avoir les faits, mais reste que la façon d'en parler a toujours son importance.  D'où l'importance de coller à ce que l'on connaît et de ne pas tomber dans l'éloge ou la diffamation.  Trop facile.  Personne n'est parfait après tout!

Fort heureusement, de nos jours, les romans historiques semblent prendre une tendance de plus en plus proche de la façon de faire des historiens, sans pour autant nier leur rôle premier, qui est de divertir.  J'ai vu plus de notes de fin de livres dans les romans des dix dernières années qu'avant.  Les auteurs y mentionnent leurs sources, clarifient des détails, montrent que même s'ils ont brodé autour des personnages réels une trame romanesque, ils essaient de rester fidèle à ceux-ci.  Très loin de Dumas qui faisaient faire des contorsions aux personnalités historiques qu'il dépeignait pour qu'ils fonctionnent avec l'idée romanesque qu'il avait!  De voir des gens qui ont réellement existé dans des romans peut nous permettre de mieux les connaître, mais aussi leur époque.  Cela nous les rend vivants, presque comme des gens que l'on pourraient croiser dans la rue et non plus lointain, auréolés par les années qui nous séparent d'eux.  Le plus bel hommage qu'on peut leur rendre est sûrement de rendre justice à la personne qu'ils étaient, tant dans la vérité historique que dans la fiction qui nous permet de nous sentir si proches d'eux.

@+! Mariane

4 commentaires:

Gen a dit…

Le problème avec les personnages historiques, c'est que même si on essaie de les intégrer dans un roman de façon "sérieuse", tôt ou tard on doit sauter des détails, en simplifier ou en tordre quelques-uns, parce qu'un auteur doit sacrifier les faits à la cohérence du récit, ce qu'un historien n'a pas à faire.

C'est pour ça que c'est écrit "roman" sur le bouquin! ;) (Et que ça prend 10 livres de référence pour écrire 500 pages au lieu de 10 livres et articles par page!!!)

Prospéryne a dit…

C'est drôle Gen, j'était sûre que tu commenterais ce billet! ;)

Gen a dit…

Je vois pas pourquoi! (Au nombre de fois où je sacre après eux dans une semaine, certains personnages historiques japonais doivent être épuisés de se retourner dans leur tombe! :p )

Prospéryne a dit…

Dans la BD Pierre Tombale qui se passe dans un cimetière, ils avait installé une dynamo sur la tombe d'un personnage historique qui n'arrêtait pas de se retourner dans sa tombe. Ça fournissait l'électricité au cimetière. (on est loin du sujet principal là! :P)