mardi 2 avril 2013

L'édition sans éditeur d'André Schiffrin

L'édition sans éditeurs  André Schiffrin  La Fabrique  94 pages


Résumé:
L'édition, métier traditionnellement familial et se développant sur le long terme, a subi d'innombrables métamorphoses au cours du XXe siècle, plus particulièrement après la Seconde Guerre mondiale.  L'argent certes, mais aussi un profond changement idéologique qui limite la propagation d'idées différentes.  C'est l'histoire d'un éditeur qui a vu de près ces changements, autant du point de vue de sa famille que de son propre travail qui est raconté ici.

Mon avis:
J'ai découvert André Schiffrin par les hasards de mes cours universitaires, comme de nombreux autres auteurs d'essais.  Le prof nous avait fait lire L'argent et les mots, en nous disant: tout Schiffrin est à lire.  Voilà maintenant chose faite, même si je regrette maintenant d'avoir lu les trois livres en ordre inverse de publication.  Parce que dans ce premier opus, publié originalement en 1999, on fait l'histoire de l'édition au XXe siècle et on y comprend comment on en est rendu là, aujourd'hui.  On voit le labeur de milliers d'éditeurs qui se sont dévoués pour faire leur travail de passeur de culture et de connaissance, faisant découvrir de grands auteurs, des idées nouvelles par le biais des essais, ne prenant pas les masses pour des écervelés sans tête.  Certains étaient plus commerciaux certes, mais l'équilibre arrivait à tenir.  Les éditeurs faisaient de maigres profits, mais ils réussissaient à faire rouler leurs entreprises et à créer des catalogue de fonds impressionnants faisant durer les ventes pendant des années.  Équilibre rompu quand les éditeurs ont été intégrés au sein de grands groupes de divertissement et les ont obligés à avoir comme principal objectif le profit.  La qualité?  Si elle n'est pas rentable, non.  Et ainsi de montrer la destruction d'une industrie solidement implantée dans le paysage américain.  Mais aussi ses effets pervers: les idées nouvelles?  Le livre ne se vendra pas, non.  Les nouveaux auteurs?  Trop dur de les lancer, non.  La poésie, l'histoire de l'art, la philosophie?  Sous prétexte que plus personne ne lit ça, non. (idée contredite par les maisons d'éditions indépendantes et spécialisées qui vendent pourtant très bien ce genre de livres!)  La démonstration est convaincante, surtout lorsque l'on comprend les larges pans du lectorat qui sont laissé de côté, les opinions différentes qui tombent dans l'oubli au profit d'idées de droites (plus profitables!), la culture avec un grand C qui est négligée...  Au moment où le livre a été écrit, il est était minuit moins une et la situation a terriblement empirée depuis.  N'empêche, c'est extrêmement intéressant à lire.  On suit certes André Schiffrin dans une partie de son parcours, mais il montre plus son expérience personnelle en lien avec celle de l'industrie que comme un exemple complet.  Il cite de nombreux éditeurs, collègues à qui est arrivé la même chose que lui, de grandes maisons d'éditions au passé glorieux qui sont tombés à cause d'attentes financières irréalistes, comment tout un pan de la culture a sombré.  Bon, comment dire, ce livre est à lire et comme il n'est pas long, pas de raisons de s'en sauver! :P  Sauf peut-être celle de la difficulté à mettre la patte dessus, ce qui est dommage!

Ma note: 4.5/5

2 commentaires:

ClaudeL a dit…

Toujours un peu irritant de se savoir manipulé: le lecteur décide-t-il de ce qu'il lit? Pas facile dans le monde de la rentabilité et de l'argent d'avoir un esprit libre et de ne pas trop se faire imposer ce qu'on doit penser, lire, manger, etc.

Prospéryne a dit…

@ClaudeL, en effet pas facile, la seule garantie est de garder un esprit critique, mais c'est comme un muscle ce truc-là: il faut l'utiliser pour le développer!