vendredi 3 février 2012

En recevant du Typo...

Salut!

L'autre jour, je recevais une grosse quantité de Typo.  C'est une collection en format poche qui compte énormément de littérature québécoise, dont beaucoup de plumes marquantes de la seconde moitié du XXe siècle.  C'est mon boulot de recevoir les bouquins et c'est donc moi qui me suis tapée la boîte de quoi 100 titres à un exemplaire de chacun?  Ça m'a pris la journée en tout cas...  Dur, dur parfois la vie de libraire!  J'ai par contre eu du temps pour réfléchir et la question qui m'a à vraie dire titillée tout le long de cette longue réception est très simple: qu'est-ce qu'on reproche à la littérature québécoise?

Voyez, c'est que j'entends quand même beaucoup de gens dire ouvertement: je n'aime pas la littérature québécoise.  Même moi, parfois, je regarde ce qui se fait ici et je ne m'y reconnais pas le moins du monde.  Il y a quelque chose de gluant qui s'accroche à la notre littérature, comme une tare, comme un parfum qui n'est pas pour moi celui du Québec qui émane des livres d'ici.  Et pourtant, et pourtant...  Je regardais les livres étalés devant moi (hé, lui, il a même pas de code-barre, mais c'est quoi cette antiquité!) et je me disais, et pourtant, et pourtant, qu'est-ce ce qu'on a à reprocher à CETTE littérature-là.  Les plus grandes plumes y étaient (tiens, j'ignorais qu'Yves Thériault avait écrit autre chose qu'Agaguk!), des oeuvres souvent très souverainistes, reflet de l'époque où elles ont été écrites certes, mais en même temps, quelle richesse dans leurs mots!  Quelle souffle dans leur ton (Ah, non, pas Le rapport Durham!  Lui, il a juste cassé du sucre sur notre dos!)  Quelle élan dans leurs histoires quand même!

Il ne faut pas nécessairement chercher la littérature d'un peuple dans les tops des meilleurs ventes.  Ça c'est ce qui fait fonctionner l'industrie culturelle et qui permet aux grandes oeuvres de naître (Oups, non, Les fées ont soifs ça va pas en poche, ça va en théâtre), pas ce qui nourrit l'imaginaire d'un peuple à long terme.  La culture populaire de l'instant a son importance, mais ce n'est pas elle qui portent la culture sur le long terme.  Celle qui dure a demandé du temps pour mûrir avant d'être à son apogée.  (Un dictionnaire du québécois!!!!  Cool!)  Rare sont ceux qui lisent Les Plouffe ou Un homme et son péché aujourd'hui, mais pourtant, dans leur temps, ces oeuvres ont été de gros vendeurs de copie.  (Tiens, L'homme rapaillé, ça me rappelle le Cégep ça!).  D'autres oeuvres font beaucoup parler d'elles, mais ne vendent pas.  Le plus important, c'est la trace qu'elle laisse dans l'imaginaire d'un peuple (ne me dis pas qu'on va enfin avoir un exemplaire de Maria Chapdelaine en stock!).  En littérature, le long terme compte souvent plus que le court terme et la résonance dans les esprits plus que les prix littéraires.  (Si ça continue comme ça, la section poésie va déborder!)

Alors, qu'a-t-on à reprocher à notre littérature?  Je crois que le principal défaut que l'on peut lui faire est de nous montrer un miroir qu'on aimerait parfois mieux ignorer.  (ah oui, ce bouquin-là, je l'avais déjà commandé pour M. S***, ça doit être super intéressant!)  Notre littérature nous représente, avec nos rêves, nos faiblesses et nos défaites et nos victoires (pouah, Angéline de Montbrun, ils sortent vraiment des trucs des boules à mites!).  On aimerait peut-être être mieux, avoir une littérature de grandeur, mais elle pourrait être grandiloquente.  On a une littérature forte pourtant, forte de sa colère (Gilbert La Roque, un grand auteur québécois?  Mais pourquoi j'en aie jamais entendu parler?), forte de ses espoirs, forte de ses réussites, de ses suffisances, de ses faiblesses, de ses failles, de ses entêtements et de sa droiture.  Elle est comme nous, grandit comme nous et pourtant reste un miroir un peu distant, décalé, qui nous permet de mieux nous regarder pour mieux nous comprendre (Hein, savait pas que La cordonnière était sorti en poche!)

Lire notre littérature nous aide à nous connaître, à nous reconnaître et à avancer dans la voie que nous choisissons.  Et après tout, quelle littérature est-elle prophète en son pays!  (La facture balance, les étiquettes sont sorties, ne reste qu'à les mettre sur les bons livres, cadeau à vous de trouver chacune des bonnes étiquettes pour chacun des 100 livres mes chères collègues de la fin de semaine, moi, je file me reposer!). 

@+ Prospéryne

11 commentaires:

ClaudeL a dit…

En tout cas je ne sais pas (bien oui, je sais) si la littérature québécoise est intéressante, mais je sais qu'il y a des billets de libraire intéressants: dans l'art de raconter, dans le rythme.

À part la Cordonnière, on dirait des livres ;a l'étude au cégep.

Prospéryne a dit…

@ClaudeL, Merci bien! :D
Oui, le Typo, c'est beaucoup de classique, mais c'est de recevoir tout ça d'un seul coup qui m'a fait prendre conscience de certaines choses. En tout cas, toutes les réflexions entre parenthèses sont authentiques! ;)

Gen a dit…

Trois problèmes selon moi avec la littérature, du moins si on se fie à sa réputation :

1- On nous l'a enfoncée dans la gorge au secondaire et au cégep. Pour tous ceux qui n'ont pas étudié en lettres, c'est déjà un problème.

2- Tendance trop engagée de certaines "classiques". Pour les souverainistes, c'est déprimant, parce qu'on est toujours pas un pays. Pour les non souverainistes, c'est juste agaçant.

3- Nombrillisme et misérabilisme. Tout comme certains films québécois, certains livres ont tendance à raconter avec moults détails les angoisses existencielles de "monde ordinaire" tellement ordinaire (et un peu épais) que ça en fait pas des personnages intéressants.

Tout cela, bien sûr, ce sont les idées reçues. Ce n'est pas la majorité des livres. Mais c'est cette image-là qu'il faut casser.

Jules a dit…

Ce que je n'aime pas dans la littérature québécoise, c'est de trop nous retrouver... les mêmes paysages, les mêmes rues... Moi quand je lis, j'aime être dépaysée, me sentir ailleurs, découvrir autre chose, etc. J'ai longtemps boudé la littérature québécoise, j'y reviens tranquillement par un ou deux livres pas mois. Pas plus, sinon je sature!

Prospéryne a dit…

Wow Gen! En trois points, tu résumes parfaitement mon sentiment envers la littérature québécoise, mieux que je ne l'aurais fait moi-même! Merci!

Prospéryne a dit…

@Jules, c'est souvent moi aussi ce que je cherche dans mes lectures: le dépaysement, la découverte, voir comment ça se passe ailleurs. Pas le goût de lire des histoires qui pourraient arriver à mes voisins... Je vis déjà avec eux bordel! :P

Gen a dit…

C'est pour le point soulevé par Jules et toi que je parlais de "réputation".

Tsé, on peut difficilement reprocher à Hanaken de pas être dépaysant! ;p

ClaudeL a dit…

Je viens de lire les commentaires... Ouais! Ça doit être parce que je ne l'ai pas étudiée à l'école (sauf Salut Galarneau de Jacques Godbout et Les Chambres de bois d'Anne Hébert) que je n'ai pas du tout la même conception de vous de la littérature de chez nous.
Si l'auteur québécois n'écrivait pas sur ce qu'il connaît, sur ses voisins, ses rues... si l'auteur russe non plus, si l'auteur français non plus... comment connaîtrait-on leurs cultures, leurs moeurs? Il est vrai que vous ne dites pas de ne pas l'écrire, mais vous ne trouvez pas ça intéressant ces histoires de nos grands-pères ou de nos voisins de villes, donc vous ne lisez pas. Petit problème, non?
Personnellement que ça se passe en Chine, au Japon, en Russie, dans une rue de Montréal, que ça soit arrivé en 1847, 1750 ou 1967 ou 2010, moi je lis pour les émotions, pour les relations, pour que ça me dise pourquoi on vit. C'est le style qui m'arrêtera de lire beaucoup plus que de l'origine de l'auteur.

Gen a dit…

@ClaudeL : Style, émotion, culture, oui, je suis pour.

Mais quand sur toute l'histoire racontée flotte un parfum de nostalgie de "c'était dont mieux dans ce temps là, quand le monde se parlait, quand les voisins se connaissaient", mais qu'au fond l'histoire raconte celle d'un petit village comme il y en a eu partout dans le monde, avec ses mesquineries, ses voisins qui s'espionnent, le curé qui met des bâtons dans les roues à tout le monde... Un moment donné, on se tanne.

Cela dit, j'exposais la raison pour laquelle énormément de gens n'aiment pas la littérature québécoise, pas mes idées personnelles sur la question! :p Je pense qu'il y a moyen de nous dépayser, de nous faire voyager et rêver, tout en restant au Québec ou en gardant le point de vue québécois sur une histoire.

Et je trouve l'histoire de ma grand-mère très intéressante, mais elle ne vous intéresserait pas nécessairement, vous! lol!

ClaudeL a dit…

Tout est dans le traitement, le style. Le style Michel David, moi non plus, hihi! Et pourtant je devrais être le public cible, à en croire les bibliothécaires.

C'est comme les téléréalités, certains aiment le genre Occupation double et moi, je n'ai jamais réussi à en regarder plus de trois minutes.

Prospéryne a dit…

Hum, je crois qu'il y a une grosse part du gâteau qui peut être accordée à la façon de raconter, au style de l'auteur. Si celui-ci a une façon de raconter très personnelle, même s'il raconte l'histoire de ma voisine, il va réussir à m'attirer. Mais s'il me raconte mon quotidien tel que je le vis, ça ne m'intéressera pas. Ça pourrait intéresser des Japonais ou des Marocains par contre! Tout est dans ce que l'on cherche dans un livre. Et des fois, on trouve le dépaysement dans des choses proches de nous parce qu'on les voit soudain avec un autre regard, celui de l'auteur qui sait nous rendre cette réalité différente et intéressante. Super beau débat les filles!