Salut!
Alors qu'il y a un an à peine, on parlait du livre numérique comme étant quelque chose d'émergent, maintenant, on est en plein dedans. Essayer de trouver un site de lecteur ou de nouvelles sur les livres qui ne parlent pas au moins une fois par semaine du livre numérique et je vous lève mon chapeau! Il faut dire que ses partisans sont particulièrement convaincus! Je trouve que le discours de certains d'entre eux est revanchard par rapport au livre papier traditionnel, mais peut-être que ce n'est qu'une impression de ma part. Je n'ai pas encore fait le saut vers le numérique et à vraie dire, ma bibliothèque est encore beaucoup trop pleine pour que j'y songe simplement parce que ce serait des tonnes de papier gaspillé! Et je ne suis pas encore complètement convaincue par le livre numérique. Il a ses avantages et ses inconvénients. La liste ici montre où j'en suis dans ce dossier que j'ai commencé à suivre de beaucoup plus près depuis quelques mois. Je peux changer de discours très rapidement, avec toutes les choses que je découvre sur le livre numérique chaque jour, mon opinion est emmenée à évoluer très rapidement sur le sujet.
La technologie:
Ça peut être paradoxal, mais je crois qu'en ce moment, la technologie même est le talon d'Achille du livre numérique. C'est sa grande faiblesse, son plus gros défaut. Quand je lis des articles sur les nouvelles liseuses, je me perds dans les détails: Android, E-Ink, avec Wi-fi, sans Wi-fi, technologie e-reader, marque concurrente, technologie sous brevet de l'un ou de l'autre et j'en passe. Personnellement, ça m'enrage d'avoir à faire face à tout ça. Disons-le honnêtement, je suis une lectrice, pas une geek. Ce que je veux, c'est lire un livre, pas me perdre dans des technologies sans fin qui m'enlèvent le goût de lire parce qu'il y a trop d'intermédiaire entre moi et le texte souhaité! De plus, les questions de DRM (Digital Right Management) me perturbent gravement. Si je m'achète une liseuse qui n'est pas un Kindle, serais-je privée d'une bonne partie de certains catalogues à cause d'incompatibilité de technologie? C'est assez perturbant de se poser la question et ça inquiète la lectrice que je suis. Qu'on le veuille ou non, la bonne vieille invention de Gutenberg a l'immense avantage sur le numérique d'être universelle. On connaît la langue écrite? Quel que soit le format, on pourra lire le texte, l'emporter avec soit et en profiter à peu près partout où le soleil brille, pas besoin de prise de courant à proximité (quoique j'ai entendu dire que l'autonomie de certaines liseuses pouvaient faire oublier qu'elles fonctionnent avec une batterie). Pour moi, on en est qu'aux balbutiements du livre numérique, pas à son plein essor. Et on est donc obligé de fonctionner un peu dans le vague en investissant dans des appareils qui auront une durée de vie très limitée. Ça me rappelle la bataille VHS/Beta qui a fait rage quand j'étais jeune ou encore plus récemment HD/DVD et BlueRay. Une technologie va finir par l'emporter et à ce moment-là, ça vaudra la peine d'acheter, mais en attendant, on prend des risques à chaque fois. Et comme elle évolue à la vitesse de l'éclair, on a jamais la certitude de la durée de vie de ce qu'on achète, alors que certains des livres que je possède ont une bonne cinquantaine d'années d'existence et sont pourtant toujours prêt à l'emploi sur demande!
Le coût:
Là-dessus, clair avantage au livre papier encore une fois. J'en entends pousser des hauts cris, mais non, le livre numérique coûte moins cher! Euh, non, pas vraiment, il faut être un très gros lecteur pour que ça soit rentable. Prenons le simple coût d'achat d'une liseuse. Parmi les modèles que j'ai vu, la majorité tournait autour de 150$ et encore, on parle ici de liseuse, pas de tablettes! Pour le même prix, vous avez droit à 5 livres en grand format et une dizaine de livre format poche. Et encore là, vous n'avez pas encore le moindre livre dans votre liseuse! Le coût est encore trop élevé pour le moment. Comme pour la technologie, c'est temporaire, je suis sûre que tout ça va se balancer, pas tant en faisant baisser le coût des livres numériques que celui des liseuses. N'empêche en attendant, lire numérique, à moins d'être un très gros lecteur, revient plus cher que lire papier. Le seul grand avantage qu'il y a à lire numérique dans ce domaine, c'est l'accessibilité à des catalogues complets de livres libres de droits. Mais à voir les combats de Disney et le cas HathiTrust, on peut se demander quel est la véritable valeur de ces catalogues et aussi leur avenir. Cependant, il est vrai que l'on peut maintenant se taper l'intégral d'Alexandre Dumas et de Jules Verne gratuitement sur le net et que là-dessus, c'est un net avantage.
La dématérialisation:
Question qui est je crois celle avec laquelle je suis le moins à l'aise. Quand on a dématérialisé la musique, on est passé du disque compact au MP3, cela m'a moins dérangé. Pourquoi? Parce que je ne perdais rien de mon expérience de musique, je pouvais continuer à en écouter comme avant, je pouvais même la graver sur des CDs pour pouvoir la mettre dans mon système de son, tout simplement! Avec le cinéma, la dématérialisation est plus récente, avec le streaming, plus besoin de DVD ou de cassette pour regarder un film. Même chose avec le téléchargement. J'ai mis environ 10 minutes à m'habituer à regarder un film assise à ma chaise d'ordinateur au lieu de ma télé. Le choix de films en langue française est même à la limite plus vaste que celui en DVD sur le territoire du Québec! Mais le livre! Le livre lui... Je le tiens pendant des heures dans mes mains pour pouvoir profiter de ma lecture. Il fait intrinsèquement partie de mon expérience du livre, de par sa forme, le grain de son papier, son odeur aussi parfois, quand je suis d'humeur romantique et que je le hume. Sa couverture m'attire, son épaisseur me renseigne sur le temps qu'il va me demander à lire, plein de petits détails qu'une oeuvre électronique ne peut pas me fournir visuellement à moins de rechercher cette information. Il y a un autre point: l'histoire de la musique enregistrée sur disque a moins de 100 ans et celle des films disponibles à la maison moins de 50 ans. C'est beaucoup moins implanté culturellement. Alors que le livre, lui, sous sa forme actuelle et malgré tous les changements que l'on peut y apporter grâce aux techniques d'impression moderne, a plus ou moins la même allure depuis 500 ans. Qui pense livre pense bibliothèque, et avec ça, c'est un gros pan de la culture qui se trouve tout à coup aspiré dans un petit écran de moins d'un centimètre d'épais... Oups! Changement majeur! Malgré tout, ce qui me fait le plus peur dans cette dématérialisation, c'est l'absence de pérennité. Un fichier aujourd'hui facile à ouvrir peut devenir illisible en quelques années faut des technologies nécessaires. Et imaginer l'impact pour un lecteur de perdre toute sa bibliothèque d'un seul coup! Avec la liseuse, pas besoin d'un incendie ou d'un dégât d'eau: un choc un peu trop violent, un vol ou une simple perte et vous perdez tout, d'un claquement de doigt. Je n'ose même pas imaginer ce que ça serait de perdre tous mes livres d'un seul coup sans prévenir!
La facilité de tranport:
Ouf, là, tout est à l'avantage du numérique! C'est d'ailleurs son très très grand avantage sur le livre papier. Vous partez en vacances? Vous emmenez votre liseuse et sur le bord de la plage, vous n'avez plus qu'à choisir votre livre parmi tous ceux que vous possédez. La légèreté est aussi à l'honneur, le très faible poids de la liseuse peut égaler celui de pas mal de format poche. Oui, de ce côté-là, honneur à la liseuse!
La diffusion:
Je lis souvent les mordus du numérique dire que le format numérique va démocratiser le livre, que ça va mettre tout le monde sur le même pied d'égalité et entraîner la mort ou du moins la baisse considérable du pouvoir des leaders actuels du milieu du livre. De grands rêveurs quoi! La difficulté dans le milieu du livre, ce n'est pas de vendre, c'est d'attirer l'attention du lecteur. C'est un défi encore plus grand quand on se prive des circuits traditionnels de vente du livre. Ça ne va pas améliorer les choses, ça va juste rendre le tout comme une immense foire où le lecteur perdra ses repaires. Oui, il est vrai, qu'au début, l'effet de nouveauté fera progresser les audacieux, mais à long terme, qui a le plus d'expérience dans le domaine de la diffusion du livre et de sa promotion? L'auteur et l'éditeur numérique audacieux et prêt-à-tout ou l'éditeur qui a des décennies d'expérience derrière lui et peut se payer une équipe de jeunes branchés pour combler ses lacunes web? Certes, on va faciliter la tâche des petits éditeurs qui vont pouvoir vendre leurs livres aux quatre coins du monde sans avoir sans cesse à payer de coûteux frais de poste et on va démocratiser l'accès au livre, mais au point de dire que c'est la panacée aux problèmes du système actuel? Non.
L'espace:
Encore une fois avantage au numérique! De penser que je pourrais faire tenir ma bibliothèque dans un petit bidule léger et portatif me fait prendre conscience de l'espace que requiert ma passion dans mon chez moi. Le livre numérique prend indubitablement moins de place. C'est un fait auquel il n'y a strictement rien à redire!
L'écologie:
Hum, même si à première vue on pourrait donner un avantage au numérique, je dirais que sur ce point, ils sont nez à nez. Aucun avantage clair d'un côté ou de l'autre. Ok, le papier reste du papier et pour en fait, on a besoin d'arbres et pour ça, de couper des forêts. De plus, son transport est demandant en énergie et donc en carburant. L'un des principaux arguments des partisans du numérique est la plus faible pollution que celui-ci induit. Le hic, c'est si le livre numérique est oui, tout à fait moins polluant, je doute fortement qu'il en soit de même pour la liseuse! Tout gadget électronique, quel qu'il soit, est fait d'une multitude de composés plus ou moins polluant. Et quand leur fin de vie est atteinte, il n'existe aucun moyen de les recycler, du moins pour l'instant, ce qui en fait de parfait futurs hôtes des sites d'enfouissement ou tous leurs composés chimiques pourraient se révéler selon leurs vraie nature. Dans certains cas hautement polluantes malheureusement. Et comme les technologies évoluent en ce moment très rapidement, c'est autant d'appareils qui risquent de prendre le chemin du dépotoir! De son côté, le bon vieux livre se met très facilement au bac à recyclage. Alors l'un ou l'autre? Chacun a ses avantages et ses inconvénients selon que l'on regarde du côté de la production, de la durée de vie ou de la vie post-utile.
L'échange:
L'emprunteuse et la prêteuse de livres en moi se demande comment elle ferait avec le livre électronique! Bon, je n'aurais plus besoin de tenir de discours à n'en plus finir sur le soin minutieux que je porte à mes livres, mais bon, c'est simplement parce que je ne pourrais plus les prêter! Ni en emprunter! Ce qui est dommage là-dedans, c'est que dans bien des contextes, le fait que le livre soit intrinsèquement la technologie de transport de l'information permettait sa diffusion physique sans le moindre problème. Combien aie-je lu de dystopie où le fait de ne pas avoir accès aux livres physiques servait les dictatures? J'exagère bien sûr, mais la crainte derrière est réelle. Ceci n'est pas dû à la liseuse en elle-même, mais c'est une des choses qui vient avec: n'étant plus un objet physique, elle devient uniquement une fonction d'un gadget plus développé qui lui peut être contrôlé par autrui. Avec le livre électronique, l'échange est plus difficile, ce qui est réellement dommage.
Alors, voilà, c'est tout! Comme je l'ai dit, je ne suis pas convaincue encore par le livre numérique actuel. Par contre, autant je ne crois pas que le livre papier va survivre avec le modèle économique actuel, autant je sais qu'un jour, nous lirons probablement tous sur un écran, autant il y a énormément de questions qui se posent et dont les réponses ne seront pas simples tant avec les technologie qu'avec leurs impacts sociaux et économiques. Qui vivra verra et on a souvent plus de craintes devant les nouvelles technologies que leur impact réel. Reste à voir comment tout ça va évoluer.
@+ Prospéryne
11 commentaires:
Excellent topo! :) Je suis parfaitement d'accord avec tes conclusions (c'est d'ailleurs pour ça que je n'ai pas de liseuse et que je grogne contre les éditeurs qui n'offrent pas leurs livres numériques en gentils PDF pouvant être lus sur mon mini-portable!)
Par contre, comme le modèle économique actuel ne survivra peut-être pas non plus au modèle économique actuel, je n'ai vraiment aucune idée de ce qui va advenir du livre...
Gen, toi comme moi avons étudié en histoire, alors on sait que des révolutions, il y en a eu dans l'Histoire! Et que personne ne peut savoir à l'avance comment ça va finir. Alors, quel avenir pour le livre, ou plus largement pour la littérature? Aucune idée, on le saura quand la révolution sera terminée! :P En attendant, on peut s'inquiéter des dérives et essayer de voir le positif dans certaines évolutions. La seule chose qui est sûre, c'est qu'on ne peut pas arrêter la marche en avant de l'humanité.
Salut!
En temps qu'ex-libraire et que bibliovore je suis à fond pour le livre papier. vraiment j'adore ça, le poids des livres, l'acheter ou le recevoir dans la boîte aux lettres. Il ne me viendrait pas à l'esprit d'offrir un livre électronique ni d'acheter du vent le prix d'un livre de poche.
Mais j'ai cogité pendant 6 bons mois pour une liseuse et j'ai sauté le pas il y a 3 semaines. Ce que je peux te dire c'est que pour moi rien ne remplacera jamais le papier. J'ai un côté "geek" prononcé mais je suis un vrai rat de bibliothèque.
Mais ma liseuse "Sweetie" je l'aime bien. J'ai pu récupérer tous les classiques français et anglophone et je peux les lire à mon rythme. C'est moins lourd qu'un gros volume d'Alexandre Dumas.
Alors j'espère que jamais le livre ne soit remplacé par un écran mais je reconnais aussi l'avantage d'une liseuse. Il faut vraiment qu'ils soient complémentaires et pas ennemis. Toutes mes amies qui ont une liseuse pense comme moi que ça doit être un complément, une facilité mais pas du tout un remplacement.
@Prospéryne : Entre Gilgamesh et l'Odyssée, je m'inquiète pas du tout pour la littérature. Par contre, le support, lui..
@Perséphone : En effet, liseuse et livre papier devraient être complémentaires. J'en reviens pas encore de voir des dictionnaires papiers et des manuels scolaires (qui doivent être révisés fréquemment) : les jeunes devraient avoir des liseuses et tout leur matériel de référence dedans. Moins de papier, moins de poids, les fichiers ne s'useraient pas... Si on trouve un système de partage viable, l'école pourrait même prêter les fichiers!
Je relirai quand j'aurais un peu plus de temps, parce que billet très détaillé, une analyse personnelle mais bien documentée.
Pour l'instant, juste dire ceci: je suis allée chercher les 20 livres auxquels j'ai droit ce matin. Deux heures de route aller, deux autres pour le retour, un demi réservoir d'essence, mais je n'échangerais pas la sensation de prendre mon livre dans mes mains, le feuilleter, regarder le dessus, le dessous, l'épine, le déposer, le reprendre, étaler les 20 livres, les photographier pour ne pas avoir à faire tout ce chemin ou économiser un peu d'essence.
Toucher, toucher feuilleter, écouter le bruit des pages rapidement tournées. Sentir aussi.
À suivre...
@Perséphone, oui, je crois que la complémentarité est la clé, je trouve que ceux qui mettent dos à dos le livre numérique et le livre papier ont tort et se perdent dans une fausse bataille. En attendant, c'est la littérature qui perd.
@Gen, oui, tout le matériel scolaire qui pourrait être remis à jour chaque année, mais pas seulement, il y a aussi les journaux! J'ai entendu dire qu'avec un abonnement, La Presse songeait à offrir d'ici quelques années une liseuse en prime. Je vote! :D Enfin, tout ce qui est à usage à court terme dans le papier pourrait très bien se retrouver en e-quelque chose et ça ne me dérangerait pas. Mais pour les trucs qui peuvent durer, ce n'est pas nécessairement avantageux.
@ClaudeL, même mon côté écolo te pardonne cette balade en auto pour pouvoir tenir ton livre dans tes mains! Ah, il faut être un fou des livres pour comprendre ce que ça fait que de tenir un livre neuf dans ses mains.
C'est vrai, la liseuse a des avantages et des inconvénients et, même en réfléchissant bien, je ne sais pas si je suis prête pour une telle expérience. J'ai tellement une relation fusionnelle, quasi amoureuse avec mes livres-papiers, que ces e-book me font bien peur ! J'ai encore le temps de voir venir les choses, avant de me décider !
@Malorie, de nombreux lecteurs, je dirais les romantiques, ont une relation charnelle avec leurs livres. J'en suis. Un écran a des avantages, mais son gros désavantage, c'est justement de nous faire perdre de contact physique si précieux. Il y en a qui ne comprennent pas, mais bon, on ne les comprend pas non plus!
moi aussi j'ai une relation charnelle avec mes livres je n'échangerai ça pour rien au monde et je suis d'accord Prospéryne les opposer c'est perdre son temps.
Concernant ton autre article (désolée de publier ici mais je réponds au deux en même temps), pour moi ceux qui sont scotchés à leur Ipad, iphone etc n'aime pas vraiment le livre qu'il y a dedans mais juste l'objet numérique et ce n'est certainement pas mon cas! Si je lis un Dumas sur une liseuse ou un livre papier le plaisir des mots restent le même, seules changent les sensations physiques.
En tout cas merci pour ces billets réfléchis et calmes (!) sur un tel sujet. Bravo!
@Perséphone, je suis parfois beaucoup en colère contre certaines données concernant le livre numérique, alors je m'efforce de trouver ce qui me met en colère: c'est ma façon de trouver ce qui me dérange et ensuite, je peux envisager les choses avec plus de sérénité. Je ne peux pas dire pour l'instant si le plaisir des mots change à la lecture numérique étant donné que je ne l'ai pas encore essayé, mais que le changement de support change les sensations physiques, j'en suis sûre! ;)
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