jeudi 27 avril 2023

Pol Polaire: 1- Coup de chaleur de Caroline Soucy

 Pol Polaire tome 1 Coup de chaleur! Scénario et dessins Caroline Soucy Glénat 46 pages


Résumé:

Pol Polaire est un ours polaire qui vit au Pôle Nord. Depuis la disparition de sa douce Lili, il s'occupe seul de leurs jumeaux, Léo et Léa. Toutefois, Pol est sans doute le pire chasseur du monde et il aimerait bien mieux rêvasser à amour disparu que s'occuper de ses deux oursons débordants d'imagination. Aidé de son frère Bob, le patenteux du coin qui récupère tout ce qu'il peut provenant des humains et de la phoquesse Brigitte qui s'amuse à lui lancer des poissons à la figure, il réussit à nourrir et à prendre soin de ses jumeaux. Enfin, pas sans quelques catastrophes!


Mon avis:

Cette bande dessinée se veut un divertissement amusant, mais qui offre dans un second degré une réflexion intéressante, entre autres sur l'effet des changements climatiques sur la faune de l'arctique. Certes, les personnages sont anthropomorphisés dans leurs comportements, mais les situations qu'ils vivent sentent le réel. Excepté l'oncle Bob et son bidouillage, bien sûr.


Pol Polaire est un père célibataire, situation impossible parce que les ours mâles ne s'occupent pas de leurs rejetons dans la nature, mais en lui se reconnaîtrons sans doute beaucoup de chefs de famille monoparentale un peu dépassés par leurs responsabilités. Les jumeaux Léo et Léa sont après tout grouillants de vie, veulent tout explorer, sont impatients, ont faim tout le temps, bref ils sont des enfants! Comme on sent très vite que le pilier de la famille était la mère, les efforts honnêtes, mais la plupart du temps peu concluants de Pol sont d'autant plus touchants. Surtout qu'il finit souvent par se mettre les pattes dans les plats. Mais il aime ses enfants et veut le mieux pour eux, c'est indéniable.


L'oncle Bob, le bricoleur patenteux du coin, qui ramasse tout ce qui vient des humains, est un personnage à la fois loufoque et juste assez réaliste pour qu'il soit adorable au lieu de ridicule. Pas très ours polaire avec sa casquette et ses lunettes, mais un soutien pour Pol et un oncle attentionné, quoique pas très orthodoxe pour ses neveux. Le voir jouer avec un drone pour détourner l’attention de scientifique un peu trop curieux est l’une des scènes qui montrent à quel point son amour des bipèdes va loin! De son côté, la phoquesse Brigitte, jamais à court d'idées pour se moquer de Pol, apporte une autre touche d'humour dans un album qui n'en manque pas.


Toutefois, la réalité des animaux dans l'Arctique, touché par les changements climatiques, est abordée. On reste dans l'humour, mais en filigrane, les éléments se multiplient: glace trop mince qui nuit à la chasse, glaciers qui se désagrègent, etc. Même certains commentaires des personnages donnent le ton, surtout ceux de Pol et de Bob qui ont connu «le monde d'avant». La dénonciation des effets du réchauffement planétaire est toute en douceur, mais est réelle.


Le dessin est intéressant, avec beaucoup d'arrondi dans les personnages. Peu de lignes droites dans cet album, sauf en ce qui a trait aux humains. L'humour est bien desservi par le trait, surtout dans les expressions faciales des personnages. On peut d'ailleurs rendre hommage à l'autrice pour sa capacité à ne pas trop rendre ses ours polaires humains: ils restent des ours qui, s'ils se dressent parfois sur deux pattes, marchent à quatre pattes et gardent les proportions de vrais ours polaires. Les paysages du Grand Nord font rêver, même si on comprend vite que c'est une terre moins sauvage et inhabitée des humains que l'on pourrait penser, entre autres à cause de tous les déchets que la mer amène jusqu'à eux.


Je ne peux pas dire que l'album soit un coup de coeur, mais je ne suis pas le public cible non plus. C'est un album bien équilibré, qui réussit son objectif de faire rire et d’instruire avec talent et que je recommande pour les moins de 10 ans. Par contre, les lecteurs adultes ne seront sans doute pas passionnés autant que les enfants.

jeudi 13 avril 2023

Mon année martienne de Farah Alibay

 Mon année martienne Farah Alibay Éditions de l'Homme 221 pages


Résumé:

Au printemps 2021, le monde entier faisait la connaissance d'une sympathique ingénieure de la NASA aux cheveux teints en rouge en l'honneur de l'atterrissage de l'astromobile Perseverance. Le Québec, pour sa part, découvre stupéfait que ladite ingénieure parle français avec un accent d'ici et avait comme héroïne d'enfance Passe-Partout! Qui est donc cette fille qui de Joliette à Cambridge jusqu'au prestigieux Jet Propulsion Laboratory a su faire son chemin en tant que femme queer racisée dans un milieu d'hommes blancs?

Mon avis:

L'histoire de Farah Alibay a de quoi faire rêver: fille d'immigrants de Madagascar ayant choisi le Québec comme terre d'accueil en raison de la langue française, étudiante à Cambridge, puis au MIT, avant de rejoindre le Jet Propulsion Laboratory où elle se retrouve à gérer des équipes d'ingénieurs responsables des missions sur Mars, le parcours de la trentenaire tient du conte de fées, mais cache un travail acharné. Si l'on se doute qu'elle a été aidée à rédiger cette autobiographie (car enfin, on ne peut pas avoir tous les talents!) ça ne gâche rien au plaisir de la lecture: on entend sa voix dans son récit.

Ce qui est admirable, c'est la façon très simple et très terre à terre d'aborder les choses. Elle ne cache ni ses angoisses, ni ses doutes, ni les innombrables efforts qu'elle a dû déployer pour atteindre ses buts. Le portrait qu'elle trace d'elle-même est celui d'une fille qui n'avait pas tous les atouts dans sa manche et  qui n'était pas une surdouée au départ. Elle avait des aptitudes, il est vrai, mais quand elle raconte ses années à Cambridge, il est clair que ce ne sont pas celles-ci qui l'ont menée là où elle en est. De plus, même si ce n'est pas le coeur de son récit, elle aborde avec beaucoup de franchise et de simplicité l'impact qu'a eu dans sa vie la couleur de sa peau et son orientation sexuelle. Elle est un modèle, par ce qu'elle est et par son travail, mais elle n'a pas cherché à le devenir. Toutefois, elle semble très consciente de l'importance de cette partie de sa vie.

Le récit est simple et alterne entre les différentes étapes de la mission de Perseverance et sa propre vie, depuis celle de ses ancêtres, qui ont quitté l'Inde pour s'établir à Madagascar et d'où sont partis ses grands-parents pour venir s'établir au Québec jusqu'à sa propre vie. Les parallèles entre les deux sont nombreux, mais les deux récits finissent par se confondre dans les derniers chapitres. Néanmoins, si elle est très précise sur certains sujets, elle reste très vague sur d'autres. Ainsi, aucun nom n'apparaît dans le livre, que ce soit celui de ses amies au secondaire, des professeurs qui l'ont guidée et inspirée et ceux de ses collègues de travail à la NASA. C'est assez étrange comme manière de procéder. Si l'on comprend qu'elle voulait protéger certaines personnes, c'est une façon bizarre de procéder puisqu'elle montre des photos des mêmes personnes dans la section centrale du livre. 

Le livre reste une excellente page turner: on a envie de savoir la suite, que ce soit celle de la petite Farah ou celle de la mission Perseverance, perturbée lors d'une certaine pandémie. L'humain et le scientifique s'imbriquent, s'entremêlent pour raconter une excellente histoire. Surtout raconté de cette façon, c'est le genre d'histoire que l'on voudrait voir au cinéma ou en série télé. En attendant, le livre est excellent à lire!