jeudi 28 mars 2019

Quand les guêpes se taisent de Stéphanie Pelletier

Quand les guêpes se taisent  Stéphanie Pelletier Leméac  118 pages


Résumé:
Un recueil de nouvelles ayant pour thème le deuil et la perte.

Mon avis:
Les thèmes abordés l'ayant largement été dans d'autres contextes, ce recueil ne cherche pas à réinventer le bouton à quatre trous sur le sujet.  La beauté en est ailleurs, dans l'approche, dans le traitement et dans l'écriture soignée et souple comme l'eau de l'auteure.  Chacune des nouvelles du recueil frappe juste dans ce qu'elle exprime, tout en étant enfermé dans un écrin de mots finement ciselé.  Dans ce recueil, il y a quelques nouvelles se déroulant en région (nouvelle La Manic entre autre) et montre un portrait magnifique de ces lieux dont on parle relativement peu.  D'autres, en plein coeur de Montréal, donne le ton à une urbanité qui leur fait contraste.  Cependant, des recueils de nouvelles de ce calibre, il y en a d'autres et si l'écriture de l'auteure est magnifique, elle n'a pas une personnalité propre qui pourrait la distinguer.

Quand même, une mention spéciale à la nouvelle Les petits pois, un hommage à la résilience des personnages âgées et à Trois sous et une étincelle qui clôture le recueil, touchant texte sur les âmes soeurs littéraires.

Ma note: 4.5/5

lundi 25 mars 2019

Le grand problème de l'art

Salut!

Vous savez, dans la vie, certaines choses sont prévisibles.  Pour les 5 prochains milliards d'années, le Soleil devrait se lever demain matin, la loi de la gravité vous garder les deux pieds sur Terre (à défaut de la tête qui peut se retrouver dans la Lune) et il sera toujours plus difficile de se faire des oeufs à la coque en altitude qu'au niveau de la mer.  Ça fait parti des choses prévisibles.  D'autres aussi le sont.  Si un industriel vont présenter une nouvelle gamme de produit, il peut prévoir de quoi son produit aura l'air, souvent, il fera faire des échantillons, il évaluera ses options, prendra celle qu'il préfère et la mettra en marché.  Il saura avant de le mettre sur les tablettes de quoi aura l'air son produit.  Le grand problème de l'art, c'est que ce ne sera jamais le cas.

Pour un roman, vous pouvez avoir la meilleure idée au monde, cela ne fera pas un roman.  Pour un film, le scénario aura beau être peaufiné dans les détails, le film pourra être un flop total.  Même tout le talent d'un grand maître ne fait pas une bonne peinture.  En art, on ne peut jamais prévoir le résultat.  Tout au plus pouvons-nous l'anticiper.

Quelque soit le domaine, il y a ce qu'on peut contrôler et ce qu'on ne peut pas contrôler.  La partie que l'on contrôle est celle de la technique.  Un sculpteur doit savoir manier ses ciseaux ou sa glaise avant toute chose.  Un chanteur doit savoir utiliser sa voix et un acteur son corps.  Ça, c'est la partie qui peut être maîtrisée: tout le monde ne naît pas avec le même talent naturel, mais on peut tous travailler la partie technique.  Les prédispositions naturelles des uns et des autres feront la différence sur le temps à y consacrer et aux résultats liés à cette partie.  Mais ça n'explique pas tout.

Il y a aussi les matériaux.  De bonnes cordes vocales et un bon coffre sont indispensables à toute personne qui souhaite un jour chanter à l'opéra.  Il sera beaucoup plus ardu pour une personne ne maîtrisant pas l'écrit de devenir auteur et le meilleur cinéaste du monde qui n'a pas les moyens de ses ambitions ne pourra mener sa vision à terme.  Mais une bonne toile ne fait une grande oeuvre et la meilleure pellicule du monde ne fait pas la meilleure photographie.

Parce que l'art n'est pas que technique et matériaux.  Entre une toile d'un grand maître et une toile copiée par un amateur, il restera toujours une petite différence dans le ressenti.  Et c'est cette différence, pas toujours évidente à nommer ou à apprécier, qui fait la différence entre l'oeuvre et la copie.  C'est un petit quelque chose d'intangible qui fait ressentir quelque chose en voyant une toile, une photographie, une danseuse en plein mouvement.  Et c'est là que l'art est.

Sauf que même le plus grand des artistes ne peut pas prévoir le résultat, ni le garantir.  Un grand metteur en scène peut dire qu'il fera une pièce avec 30 acteurs sur scène, mais garantir la chimie du spectacle, non.  L'art est toujours créé et recréé à chaque fois que l'on entre en contact avec lui.  C'est ce qui en fait son infinie difficulté: il est ardu à saisir et volatile dans son expression.  C'est aussi ce qui en fait son infinie beauté.  Surtout que l'art, c'est quelque chose d'éternellement sur le fil, entre la réussite et l'échec.  Pas étonnant que les artistes aiment souvent le danger: l'art se vit en équilibre sur la brèche, pas dans le confort des habitudes.  Artistiquement parlant bien sûr.

C'est ça le grand problème de l'art.  On ne peut jamais prévoir là où il va atterrir.  Ce n'est pas prévisible comme un produit industriel.  C'est en faisant de l'art qu'on le crée et pas autrement.

@+ Mariane

lundi 18 mars 2019

Rentrer dans les petites cases

Salut!

L'autre jour, j'ai fait lire un de mes textes à une amie.  L'amie en question a un bac en littérature.  Commentant mon texte, elle me dit:

-C'est un bon fantasy ton texte, mais c'est pas assez pour être de la fantasy.

-Mais non, c'est un fantastique, ça se passe dans notre monde.

-Ça ne peut pas être un fantastique, il n'y a pas d'élément de doute.

On avait toutes les deux raisons, dépendant de l'angle que l'on choisissait.  La fantasy est souvent plus connu pour ses oeuvres montrant un monde complètement différent où les éléments de surnaturels (magie, créatures fantastiques, etc) sont couramment acceptées comme étant vraie et tout à fait plausible.  Le fantastique, quand à lui, se passerait dans notre monde, mais un ou des éléments perturbateurs, qui ne sont pas considérés comme réalistes, deviennent réels et faisant partie d'une réalité qui coexiste avec le monde tel qu'on le connaît en ce moment.  Ce ou ces éléments sont souvent cachés et mystérieux au départ.

Dans le cadre de ma nouvelle, mon amie avait raison parce que l'élément surnaturel dedans était admis sans le moindre doute par la narratrice.  Par contre, j'avais aussi raison, parce que l'histoire se passe dans notre réalité et que c'est simplement la narratrice qui l'accepte cet élément, sans que cela devienne courant ou normal.  On avait toutes les deux raisons, dépendant des critères que l'on utilisait.

Le problème n'était pas le texte, mais les critères.  Parce qu'on a tendance à vouloir faire entrer les choses dans des petites cases, les classer.  De voir que tout est ordonné, bien à sa place, a quelque chose de rassurant.  Je me rappelle bien à cet égard ma vie de libraire: tomber sur un livre qui n'entrait dans aucune de nos catégories de classement entraînait des discussions sur où on allait le placer au juste.  Parce que même si en apparence, c'était une question anodine, ça ne l'était pas: un livre mal classé avait très peu de chance d'être trouvé par un client.  Personne n'avait le temps de regarder livre par livre dans la librairie pour trouver ce qu'il cherchait.  D'où la nécessité d'un système de classement.

Sauf que s'il y a bien un truc qui ne marche pas avec l'art, c'est bien de fonctionner avec des critères.  Personne n'écrit en cochant de petites cases pour s'assurer que son texte répond bien à toutes les exigences de tel ou tel genre.  Ben non!  On écrit comme ça sort et au pire, on ajustera.  D'autant plus qu'historiquement, bien des textes qui ont fait date sont justement ceux qui ont fait éclaté les codes des différents genres.  C'est un cauchemar pour les personnes qui sont chargées du classement par la suite, mais c'est une nécessité pour les artistes.  La créativité a besoin de réinventer, réinterpréter, renouveler sans cesse pour demeurer pertinente et intéressante.  Pas d'une grille d'analyse pour savoir à l'avance où le livre va se classer selon le code Dewey!

Ce qui fait que les critères et les règles ont leur utilité, mais pas nécessaire au moment de la création.  Ce sont les textes qui font les codes du genre et non l'inverse.

(Et en passant, mon texte, c'était bel et bien du fantastique ;) )

@+ Mariane

jeudi 14 mars 2019

Le secret de Mhorag: Les profondeurs du lac oublié de Martin Barry

Le Secret de Mhorag  3- Les profondeurs du lac oublié  Martin Barry  Libre expression  411 pages



Résumé:
Mhorag est de retour avec Radnagor dans le lac aux Sombres collines.  Si leurs aventures semblent terminées, il n'en est rien: alors qu'elle était prisonnière du Centre de cryptozoologie, Vangor, ennemi juré des humains, en a profité pour se transformer lui-même en humain, comme son père l'avait fait presque sept cents ans plus tôt, répandant la peste noire parmi l'humanité.  Pendant ce temps, Jet, guidé par Cormac, parviendra à dénouer l'intrigue de ses origines.

Pendant ce temps, au Moyen-Âge, Murtagh de Burca cherche à fuir son destin de seigneur du château FitzWilliam, mais le destin et les créatures lacustres auront raison de ses volontés d'indépendance.

Mon avis:
J'ai lu le premier et le deuxième tome de cette série à quelques années d'intervalle, ce qui fait que certains points m'avaient agacés à la lecture du deuxième tome, mais sans vraiment me marquer.  Là, on aurait dit que tout me sautait à la figure.  Alors je peux le dire, cette série avait le don d'être frustrante.  Je vais centrer ma critique sur le troisième tome, mais c'est applicable à l'ensemble des trois.

Il faut le dire, l'idée à la base est excellente, car dérivée du légendaire monstre du loch Ness.  L'auteur bâtit donc tout son univers en fonction de l'idée que les monstres lacustres et les serpents de mer existent.  Il fait aussi se chevaucher le présent et le passé, en alternant époque présente, où se situent les aventures de Jet et un Moyen-Âge où se déroulent les aventures des ancêtres de sa mère adoptive.  Donc l'univers a un énorme potentiel et l'auteur a su en créer un riche et débordant de détails.  Sauf que ses assises sont en argile.  Il nous parle de tellement d'éléments différents sans nous les expliquer  et en multipliant les péripéties qui n'ont pour but que de faire avancer l'histoire, sans avoir un réel impact sur les protagonistes.

Une partie de l'intrigue se passe au Moyen-Âge, mais cette période est mal maîtrisée, plus fantasmée que réaliste et ça coince beaucoup.  On a les habits du Moyen-Âge, mais pas le coeur de celle-ci, ce qui fait que ces parties sonnent surfaites.  Visiblement, l'auteur a fait quelques recherches, mais le rendu donne l'impression qu'il s'est contenté de grands angles ce qui fait tâche par rapport au présent qui est beaucoup plus concret.  Les Irlandais et les Écossais sont quasiment interchangeable et les invasions normandes, qui étaient pourtant au coeur de la vie politique de l'époque, sont traitées comme des faits tout à fait tertiaires, voir anodins.  Ce qui est fort dommage parce que cela enlève beaucoup de réalisme à cette partie.  Quand à l'épidémie de peste noire, il la déplace de dix ans dans le temps et les ficelles pour l'expliquer donnent l'impression qu'il a juste piqué un événement réel pour que ça rentre bien dans son histoire.  Enfin, point majeur: sérieux, des monstres lacustres à cette échelle et personne n'en a entendu parler autrement que dans ces légendes?  Avec la tonne de documents qui nous restent de cette époque?  Ça aurait pu se faire et même très bien, mais soit l'auteur n'a aucune idée du contexte historique, soit il ne s'est pas donné la peine.  De même, à part des cheveux et des armes typiquement médiévale, bien peu est fait pour reconstruire la société de l'époque.  Comme la maçonnerie est molle, il fallait des personnages très solides pour compenser, hors, il n'en aie rien.

Tous les personnages sont minces comme des feuilles de papier.  Ils sont la plupart du temps des personnages qui sont là pour nourrir l'histoire plus que comme de réels protagonistes.  La majorité du temps, leurs motivations sont flous, voir absentes.  Je prends Jet, pourtant le personnage principal comme exemple.  Rarement les raisons de ses actions ne sont expliquées.  On ne comprend pas pourquoi il agit d'une façon ou d'une autre, ce n'est pas relié à rien de concret.  Pourquoi s'amuser à faire de longs trajets subaquatiques avec Radnagor?  On en sait rien, ça semble un jeu entre eux, mais c'est un jeu plutôt bizarre auquel il ne semble pas prendre tant plaisir que ça, mais qui, oh coïncidence, se révélera très pratique pour planter une partie de l'intrigue...  Je donne cet exemple, mais le roman est pratiquement constitué d'un empilage de ces événements pseudo-fortuit.  À la fin, on a les dents usées à force d'avoir grincé.  Le choix du narrateur est d'ailleurs peu au service de l'histoire à de nombreuses reprises: soit les personnages entretiennent un monologue intérieur beaucoup trop bavard, soit on les voit d'un peu de vue extérieur qui n'est pas instructif sur eux et nous laisse dans le brouillard sur certaines de leurs décisions.  L'auteur se permet aussi à plusieurs reprises de faire l'économie de la présentation de leurs décisions pour montrer les actions qui se retrouvent donc à être... euh bizarres!  En fait, il n'y a que deux personnages qui sont clairs et auquel, on s'attache, justement parce que leurs motivations et leurs actions sont clairement expliquées.  Et ce sont deux personnages secondaires qui sont des oiseaux...  C'est dire!

L'auteur multiplie tout au long les allusions aux nombreux loch écossais et irlandais, mais le problème, c'est qu'en nous lançant toutes ces informations, il oublie que chacun d'entre eux doit avoir une personnalité, une caractéristique pour être retenu facilement par le lecteur.  À part le loch Ness (pour des raisons évidentes) et le lac aux sombres collines (demeure de Mhorag et Radnagor), on a plus l'impression d'une enfilade de noms pris sur une carte que d'un réel investissement dans le territoire.  Idem pour la plupart des lieux non-lacustres mentionnés qui sont décrits de façon trop vague pour laisser une trace dans l'esprit.  Je peux multiplier les exemples, mais ça ne serait pas pertinent.  Le problème s'applique aussi à plusieurs personnages dont on a du mal à avoir une image claire.

Si rendu à ce point de ma critique, vous vous demandez pourquoi je l'ai lu jusqu'au bout, vous êtes tout à fait sain d'esprit.  La réponse est simple; parce qu'il y a quand même de bons moments de lecture.

L'auteur a une bonne maîtrise des scènes de batailles (il y en a plusieurs) et maîtrise quand même l'art de nous donner envie de tourner la page, même si c'est parfois en soupirant devant un détour d'intrigue improbable.  Des personnages très secondaires ayant un peu plus d'épaisseur (dont Korax, un crave message de la doyenne de Ness) sont attachants et nous poussent à savoir ce qui va leur arriver.  Pour le reste...  Je crois que je suis un brin maso...

Ma note: 2.75/5

lundi 11 mars 2019

Le choix entre lui (ou elle) et lui (ou elle)

Salut!

J'ai déjà fait il y a un certain temps un billet sur les triangles amoureux.  Dire que je ne les aime pas vraiment, dire que ça fait cliché, dire que je trouve que c'est un truc narratif que je commence à trouver éculé sont tous des trucs que j'ai déjà dit et sont des euphémismes.  Surtout dans les séries pour ados.  Sauf que récemment, j'ai lu et vu d'autres modèles qui me font disons, réfléchir.

L'idée du triangle amoureux, est que devant deux possibilités, une personne doit faire un choix.  Un vrai choix.  Renoncer à une personne et en choisir une autre.  Ça finit bien la plupart du temps, mais d'un autre côté, ce qui est ici mis en valeur, c'est le couple standard, le modèle unique du deux personnes ensemble, le plus souvent hétérosexuel.  C'est LE modèle qui prévaut par excellence, LA façon de voir l'amour.  Comme si tout autre façon n'existait pas.

Il y a quelques mois, j'ai vu l'épisode final de l'excellent série Sense8.  Pour ceux qui ne connaîtrait pas, en résumant beaucoup, c'est l'histoire de huit personnes, sans aucun lien apparent, vivant dans des pays différents et ayant des histoires de vies différentes qui se retrouvent liées et peuvent intervenir physiquement dans la vie des autres, leur donnant ainsi la capacité de changer de place avec un membre de leur cercle (les huit de base, on apprend dans la série qu'ils sont loin d'être seuls dans leur cas).  Deux des membres du cercle, Kala et Wolfang finissent par tomber amoureux, mais Kala est mariée.  Si son mariage est loin d'être parfait, elle n'est pas prête à renoncer à cette vie qui est plus proche de ses valeurs et de son milieu social (elle est issue d'une famille unie de la classe moyenne indienne) pour vivre aux côtés de Wolfang, qui est un voleur lié au crime organisé berlinois.  La solution viendra d'un personnage qui lui dira que comme elle a la possibilité d'être physiquement à deux endroits à la fois, pourquoi choisirait-elle?  Bien sûr, les deux hommes de sa vie voit bien la situation et chacun à leur façon et pour leurs propres raisons, ils acceptent de faire tous les deux partie de sa vie.  Kala ne fait pas un choix entre deux personnes, elle assume le fait d'aimer les deux hommes, qui chacun à leur façon, composent une partie importante de ce qu'elle est.  Elle choisit de ne pas avoir à sacrifier une des deux personnes auquel elle tient.

L'autre exemple qui me vient en tête est celui du film que j'ai vu récemment, Professor Marston and the Wonder Woman.  L'histoire commence à la fin des années 20, alors que William Moulton Marston, professeur de psychologie à Radcliffe College, futur auteur de Wonder Woman, et sa femme Elizabeth Marston, elle aussi doctorante en psychologie, rencontrent une jeune étudiante qui deviendra leur assistante de recherche, Olive Byrne.  Sauf que voilà, dans leur cas, l'amour prend de drôles de hasards parce qu'ils tombent tous les trois amoureux les uns des autres.  Ils se choisissent mutuellement.  Après plusieurs hésitations, incompréhensions, ajustements et disputes, ils finissent, contre vents et marées, de vivre ensemble, à trois et de partager cet amour.  Dans leur cas, la relation est aussi forte entre William et Elizabeth, Elizabeth et Olive et William et Olive.  C'est vraiment un trio amoureux.  Ce n'est donc pas un choix entre deux personnes, mais un choix commun entre trois personnes.

Tout ça pour dire que ce ne sont que deux exemples parmi de nombreux autres que je n'aie sans doute pas autant remarqué, mais l'essentiel de ma réflexion tient là: et si ce n'est pas un choix entre deux potentiels partenaires, pas un triangle amoureux sur qui pèse le poids d'un choix pour une seule des personnes et qui fera forcément un perdant, ce sera autre chose.  D'autres décisions, d'autres modèles peuvent surgir.  Je trouve depuis longtemps que le triangle amoureux, aussi efficace soit-il au point de vue narratif, est un détour dramatique qui commence à sentir la poussière.  Ce ne serait donc plus seulement un choix entre lui (ou elle) et lui (ou elle), donc plus un choix binaire, mais plutôt une multitude de choix possibles.  Ça ouvre de nombreuses portes au niveau des situations possibles, mais ça oblige aussi à penser en dehors de la boîte du couple hétéro standard.  Et de l'imaginaire de contes de fées qui vient avec!  Je ne crois pas que celui-ci soit nécessairement mort, ni que les triangles amoureux vont disparaître, mais que ça remettre en cause les vieux schémas me semble une bonne chose.  Parce que je suis tannée de voir des séries s'éterniser juste pour maintenir le suspense de savoir qui va finir avec qui.

@+ Mariane

jeudi 7 mars 2019

À toi, pour toujours, ta Marie-Lou de Michel Tremblay

À toi, pour toujours, ta Marie-Lou  Michel Tremblay  Leméac  92 pages


Résumé:
Léopold et Marie-Louise, mari et femme, se disputent.  Dix ans plus tard, dans la même maison, Carmen et Manon, leurs filles, se disputent également.  Dans ce chassé-croisé entre deux époques, entre deux chicanes, reposent de grandes vérités et de sombres secrets.

Mon avis:
Lire du Michel Tremblay, c'est lire un texte qui est fait pour s'entendre plus que se lire, surtout ses pièces de théâtre.  Tout dans le texte est là pour rendre l'oralité.  L'orthographe des mots, le rythme des phrases, le rendu des dialogues, tout est là pour tendre à une représentation écrite d'une langue haute en couleur qui n'est pas fait pour l'être.  On peut en dire autant des personnages colorés qui portent le texte.  Ils sont archétypaux, mais on les montre dans leurs laideurs et non leurs beauté.  Ils en sont d'une justesse et d'une maîtrise incroyable.  On les voit littéralement.  Ce sont quatre membres d'une même famille, mais à part de vivre sous le même toit, on peut se demander ce qui les unit vraiment.  Ils sont liés, mais seuls chacun dans leurs coins, chacun dans leurs problèmes, sauf Carmen.  C'est justement ce personnage qui permet de montrer les autres tels qu'ils sont.

La situation de base a quelque chose de tellement universelle qu'elle pourrait être transposé à peu près n'importe où dans le monde, sauf que son enrobage est tellement local qu'il est impossible que cette histoire se passe ailleurs dans dans le Montréal ouvrier des années 1960.  Le texte sent les difficultés des femmes de cette époque, la lourdeur des tabous liés à la sexualité des femmes, mais aussi le poids du travail abrutissant pour les hommes.  Le père et la mère sont le fruit d'une époque, d'une mentalité et d'un milieu social qu'ils rendent bien.  En contre-point, les deux filles, celle qui poursuit dans cette voie et celle qui s'émancipe de son milieu.

À dix ans de distance, ont lieu deux disputes qu forment le coeur de la pièce.  Comme les deux sont entremêlées (une réplique, c'est Léopold qui parle à Marie-Louise, l'autre c'est Carmen qui parle à Manon, la troisième, c'est Marie-Louise qui répond à Léopold etc...)  C'est un peu mêlant au début à la lecture, mais ça finit par se placer.  L'effet par contre, est clairement visible et je ne que m'imaginer le rendu sur scène.  C'est du grand Michel Tremblay que cette pièce, avec sa touche toute particulière.

Ma note: 4.75/5

lundi 4 mars 2019

Simenon et les 10 000 livres

Salut!

Lors d'une entrevue avec Fellini vers la fin des années 1970, Simenon, un prolifique auteur français de romans policier (l'auteur des Magret entre autre) aurait confié sur le ton de la boutade qu'il aurait couché avec 10 000 femmes dans sa vie.  Passons sur la misogynie de cette réponse et intéressons-nous au chiffre.  Il avait alors 74 ans et disons qu'il s'adonnait aux plaisirs charnels depuis l'âge précoce de 13 ans et demie.  Cela faisons donc 64 ans.  Un petit calcul mathématique m'amène à penser à environ 164 partenaires sexuelles différentes par année.  Et le type a pondu plus de 500 romans et nouvelles dans sa vie, sous vingt-sept pseudonymes.  C'est à se demander où il trouvait le temps de s'envoyer en l'air. (Entre autre!  Je me demande aussi s'il n'était pas un peu menteur également!)

Pourquoi je me souviens de ce chiffre?  À cause d'Henri Tranquille.  Si vous ne connaissez pas le personnage, c'est dans sa librairie qu'en 1948 fût lancé le Manifeste du Refus global et que ses 400 exemplaires furent mis en ventes.  Je me souviens que lors d'une entrevue peu avant sa mort, ce grand lecteur devant l'éternel avait dit qu'il avait lu dans sa vie autant de livres que Simenon avait eu de femmes dans son lit.  On arrive à 10 000 livres donc.  Sincèrement, je suis plus admirative de l'exploit de Tranquille que de celui de Simenon.

10 000 livres donc.  Le chiffre m'est resté en tête pendant longtemps.  Je suis une grande lectrice depuis toujours.  J'ai lu des centaines de livres dans ma vie.  Ce serait bien de me mettre comme objectif d'en lire 10 000 dans ma vie non?  Comme un objectif à long terme que je remplirais petit à petit.  D'autant plus que hé, je pars avec une longueur d'avance avec ma longue carrière de lectrice!

J'ai un excellent outil pour ça: des petits cahiers, dans lequel je note tous les livres que je lis depuis la fin du secondaire.  Ils sont plein de titres de livres avec leurs auteurs, bien alignés dans mes cahiers.  C'est facile de les compter!  Donc, j'arrive à un total inscrit de 1269 livres en date du 4 mars 2018 où j'écris ces lignes.  C'est quand même raisonnable non?  Un bon fond quand même!

Toute enthousiaste, je me mets à faire quelques calculs: j'ai 36 ans (et oui, suis rendue là!), j'ai une espérance de vie d'environ de 82,7 ans environ, mettons 83 ans pour faire simple.  Ce qui me laisse donc un bon 47 ans environ pour lire 8731 livres.

C'est là que ça se complique un peu.  8731 livres/ 47 ans, ça donne une moyenne de 186 livres par année...  Ouf...  Ok.  L'année où j'ai lu le plus de livres dans une année depuis que je garde des notes sur mes lectures, j'ai lu 129 livres et entendons-nous que ça a été une année de record absolu.  J'ai régulièrement dépassé la centaine, mais guère plus.  Mettons que je suis loin du compte même si je me classe malgré tout largement au-dessus de la moyenne des lecteurs.  Je pense que je vais finalement renoncer à mon objectif de 10 000...

Je vais laisser ça à Simenon et à Henri Tranquille et je vais me concentrer sur mon plaisir de lecture avant tout!

@+ Mariane