lundi 27 août 2018

Réflexion d'une lectrice-cycliste

Salut!

Depuis le début de l'été, quand viens le temps d'aller à la bibliothèque, j'enfourche mon vélo.  Oui, mon vélo, cette créature qui a longtemps hanté mon locker en pièces quasi-détachées a finalement retrouvé la forme (merci au réparateur de vélo!).  Ce qui m'a permis de vérifier une grande vérité: le vélo, même si tu n'en fais pas pendant des années, ça ne se perd pas!

J'enfourche donc mon vélo pour faire le trajet jusqu'à la bibliothèque.  Une petite quinzaine de minutes!  Ce qui est cool, c'est qu'une longue piste cyclable m'y mène presque tout droit.  Vous savez, le genre qui est séparé de la rue par une belle plaque d'herbe verte (ou jaune, ça dépend!)?  Ce genre-là oui!  Pour la moitié du trajet, je suis sur ce genre de piste, le reste étant un fait d'une bande blanche peinturée au sol avec les petits piquets noirs pour la séparer de la route.  C'est presque aussi bien à part que je dois partager cet espace avec les &%(*%?% d'autobus qui me coupent la route.  Bref, je me glisse sur la piste cyclable, mon sac à dos plein de livres sur les épaules et je pédale gaiement.

C'est agréable d'avoir une si belle piste cyclable.  Sauf que je trouve parfois qu'elle se transforme en parcours à obstacle.  Premièrement, même si c'est une piste cyclable, il y a un certains nombres de personnes qui ne semblent pas avoir pigé.  Je ne pense pas ici seulement aux automobilistes qui s'immobilisent dessus pour s'engager dans la circulation, non.  Je pense à tous ces piétons, pourtant doté d'un joli trottoir à moins de deux mètres, qui circulent en mini-troupeau sur la piste cyclable...  Il me faut leur signaler ma présence pour qu'ils s'écartent.  C'est sans compter aussi sur les gens qui attendent l'autobus...  planté en plein milieu.  Alors qu'il y a un large trottoir et un abri-bus de chaque côté de la piste.  Et je ne vous parle pas des chérubins qui roulent en tricycle à 3km/h en faisant une pause aux cinq mètres pour admirer les brins d'herbes, suivi de près par leur patient papa.

Bref, je roule en vélo, sur une piste cyclable.  Piste cyclable qui croise bien évidemment d'autres rues puisqu'elle en suit une.  Il me faut alors être très prudente!  Parce que si je circule en sens contraire du trafic, les conducteurs tournant à gauche oublient souvent qu'il y a une piste cyclable et je dois anticiper leur mouvement.  Surtout que certains ont tendance à tourner sur les chapeaux de roue!  Si je circule dans le même sens que le trafic, c'est moins pire, mais la prudence reste de mise.  Surtout qu'en cas d'impact et bien, je n'ai pas de cabine de protection, ni de ceinture de sécurité: c'est moi qui risque de manger l'impact mettons.  Les plus gentils mettent les freins.  Les caves me klaxonnent.  Comme si les campagnes de la SAAQ n'existaient pas.  Je suis aussi automobiliste, je sais que des caves sur deux roues à pédales, ça existe!  Mais je n'en fais pas parti.  D'ailleurs, un merci à toutes les automobilistes anonymes qui le savent et qui me respectent quand je suis sur deux roues.  Quand aux autres, aller vous faire f***

Il y a aussi les autres cyclistes.  La plupart sont charmants.  On se croise simplement sur la piste et on poursuit chacun notre chemin.  Certains par contre, semblent être de nationalité britannique.  Que voulez-vous, mêmes seuls sur la piste, ils roulent toujours dans la voie de gauche.  Il y a aussi ses cyclistes grisonnants qui me doublent les doigts dans le nez alors que je pédale comme une malade...  Bon, je ne ferais pas de commentaires sur celle-là...

Bref, je vais à la bibliothèque à vélo.  Et je compte bien le faire jusqu'à ce que la température soit moins clémente.  Ça fait faire de l'exercice à la lectrice que je suis.  Et ça l'alimente en très bonnes lectures! :)

@+ Mariane

lundi 20 août 2018

Homo Homini Lupus est

Salut!

Cette phrase est une citation latine que nous a souvent dit notre père, à Frérot et à moi.  Mon père a fait son cours classique à l'époque où faire des études supérieures signifiait se frotter au latin et au grec.  Il nous a souvent régalé d'histoires de la période de ses études, ainsi que de citations grecques et latines.  Ces citations sont un régal pour se faire l'oreille à la petite musique d'une autre langue, mais aussi pour accéder à une sagesse datant d'une autre époque.

Traduite en français, la phrase dit littéralement, L'homme est un loup pour l'homme, ce qui peut être interprété par L'homme est le pire ennemi de l'homme.  Par cette phrase, son auteur voulait dire que l'être humain, par son essence, était aussi son pire ennemi, de lui-même, mais aussi de ses semblables.  Quand on regarde tout au long de l'histoire de l'humanité, on ne peut s'empêcher de se dire qu'il n'avait pas tort.  Massacres, guerres, meurtres, viols, mutilations, esclavage, vols, la trame des événements parle de violence, parle de tout le mal que peuvent se faire des êtres humains entre eux.  Quand on regarde les livres d'histoires, le sang coule à chaque chapitre...

C'est comme quand on se fait raconter une histoire.  Souvent, ce qui nous accroche, les grands moments, sont ceux d'affrontements: c'est la confrontation finale au tribunal dans le film, c'est la scène de bataille dans la série télé, c'est la dispute violente entre les amoureux dans un Harlequin: ce sont ces moments qui marquent, ceux que l'on retient ceux dont on reparle en sortant du cinéma ou en fermant le bouquin.  L'Histoire étant avant tout la suite de multiples histoires que se rappelle les humains sur leur passé, il est normal que les événements dont on garde le plus la mémoire soient ceux-là: on garde la mémoire des événements qui marquent.  Et bien souvent, les événements qui marquent font suite à un conflit.

Le conflit...  Dans la fiction, c'est un outil précieux.  Le conflit fait avancer un récit.  C'est parce que nous voulons que nos personnages préférés gagnent que l'on suit leurs aventures.  C'est parce qu'ils ont des ennemis et vivent des épreuves que l'on s'accroche à leurs histoires.  C'est parce qu'il y a de la tension que l'on ne lâche pas le livre ou la télé et qu'on reste bien assis sur son siège au cinéma.  Le conflit crée tout ça.

Sauf que... le conflit n'est pas tout.  S'il y a un conflit, il y a aussi, pas très loin, de la collaboration.  S'il y a une guerre, il y aura des soldats qui feront front commun et iront se battre ensemble.  Ils collaborent.  S'il y a une révolte contre un gouvernement oppressif, personne dans son coin ne vaincra.  Les gens vont se rassembler pour lutter.  Ils collaborent.  Si on veut construire une cathédrale ou un château, il faut que les gens travaillent ensemble.  Ils collaborent.  Si une catastrophe naturelle survient, il y aura toujours quelqu'un pour chercher dans les décombres voir s'il reste des survivants, au lieu que tous prennent leurs jambes à leurs cous.  Les gens collaborent.

La vérité est que même si nos livres d'Histoire sont remplis de conflits, ils sont aussi remplis d'histoires d'alliance, de buts communs, de collaboration et d'entraide.  Il ne s'agit pas que de combattre, il s'agit aussi de travailler ensemble pour améliorer la vie de la majorité.

Sauf qu'il faut bien le dire, la collaboration n'est pas ce qui fait les meilleures histoires.  Elles en font de bonnes certes, mais leurs récits sont moins prenants, moins enlevant.  Il peut y avoir des conflits au sein des collaborations, mais moins que si un ennemi est clair et précis et qu'on mobilise nos énergies pour lutter contre celui-ci.  Cependant, mine de rien, l'histoire de l'humanité est bien plus fait de collaboration que de conflits.  Simplement, collaborer fait moins de bruit.

En ce sens, l'homme est bien un loup pour l'homme.  Parce que comme les loups, les humains ont compris depuis longtemps que de chasser en équipe est plus efficace que de chasser seul.

@+ Mariane

jeudi 16 août 2018

L'indien généreux de Louise Côté, Louis Tardivel et Denis Vaugeois

L'Indien généreux: Ce que le monde doit aux Amériques  Louise Côté  Louis Tardivel  Denis Vaugeois  290 pages


Résumé:
1492 a été la découverte d'un nouveau continent, mais aussi et avant tout, l'arrivée d'une foule de nouveaux produits et de nouveaux mots qui ont circulé depuis les Amériques, jusqu'à l'Europe, l'Afrique et l'Asie.  Ce livre souhaite montrer l'immense apport matériel des Amériques au reste du monde.

Mon avis:
Écrit sous la forme d'un dictionnaire, ce livre est un résumé certes bref, mais déjà oh combien parlant de ce que le contact avec les Amériques a apporté à l'ensemble des habitants de la planète, en spécifiant leurs origines et leurs impacts.  Du nord au sud, de nombreux objets, animaux et plantes sont ainsi nommées et expliquées.  Chaque description n'est pas très longue en soi, mais le tout permet de faire un tour d'horizon très complet.  L'origine des mots et leur petite histoire est racontée aussi bien que possible, incluant leur passage via une autre langue avant de rejoindre la langue française.  Le livre datant de 1992, certains mots semblent sortis de l'usage courant, mais dans l'ensemble, cela reste très pertinent.  Certains encarts dans le texte, qui permettent de détailler plus une situation ou un produit ayant eu un impact particulier (comme les épidémies, le maïs, le caoutchouc ou l'esclavage), sont très intéressant, parce qu'ils permettent d'aller au-delà de l'énumération.  Ce livre est facile d'accès, facile à lire et bourré d'informations, mais il a aussi le défaut de ses qualités: on en voudrait plus parce que l'on a qu'une impression d'introduction à un très vaste univers, sans aller plus loin.

Ma note: 4.5/5

lundi 13 août 2018

Hommage à mon partner de débat

Salut Frérot!

Oui, c'est à toi que je m'adresse.  À toi oui!  À toi qui lit mon blogue et m'en parle au téléphone, mais qui ne laisse pas de commentaires en bas de mes billets.  À toi qui est la troisième personne à m'avoir poussé à développer mes idées (faut pas trop enlever de mérite à Papa et Maman quand même!).  À toi avec qui je m'obstine depuis des années: Hommage à toi.

Non, mais, faut le dire, ça forge le caractère d'avoir un grand frère.  On est en mode débat depuis des années.  Les premiers portaient sur des sujets de la plus haute importance comme, qui s'assoit sur le siège du passager quand Papa ou Maman ne sont pas là ou encore qui prend le dernier pop-sicle dans la boîte?  Ou encore, qui prend un bâtonnet de poisson de plus quand on finit par un nombre impair?  Maman nous a appris à séparer le dernier bâtonnet en deux si on le voulait tous les deux.  C'était un peu plus compliqué avec les pop-sicle.

On a grandit, tu es entré au secondaire, dans la cours des grands et je te piquais sans vergogne tes manuels d'histoire et tes BDs.  J'avoue, je n'ai pas été une petite soeur facile tout le temps.  Surtout à l'époque où tu es eu ton propre ordi et pas moi.  Encore plus après que tu m'aies fait découvrir les jeux vidéos.  J'avoue, le partage du temps à Command & Conquer  et Red Alert n'a pas toujours été facile, pas plus le partage de la console de Nintendo.  Mais on a tous les deux survécus à notre enfance et à notre adolescence sous le même toit!

L'âge adulte est venu, avec ses joies et ses déceptions.  Tu es devenu Papa à ton tour, d'un petit garçon adorable à qui tu as transmis le virus des jeux vidéos et auquel je m'obstine à transmettre le virus de la lecture.  J'avoue que ta collaboration sur ce point est exemplaire.  Non, mais, quel Papa prends encore le temps de nos jours de lire l'intégrale de Tintin et d'Astérix avec un gamin de l'ère du numérique?  Tu me rends extrêmement fière d'être ta petite soeur dans ces cas-là!  Et aussi parce que mes efforts n'ont pas été vains...

Mais surtout, surtout, avec les années, nos deux intelligences se sont aiguisées.  Nos talents d'orateurs également.  La masse de données dans lequel nos cerveaux peuvent se plonger a cru de la même manière.  Et mes presque trois années de moins n'ont plus eu d'effets.  Ce qui fait que depuis plusieurs années, quand on s'assoit autour de la table du souper, les échanges volent désormais entre nous.  D'un côté à l'autre de la table, les arguments fusent! C'est comme ça depuis un moment et puis-je le dire?  J'aime ça!

Ça commence souvent avec toi.  Quand je te vois, deux doigts de chaque main sur la table, le nez en l'air et l'oeil vif, je sais que je suis mieux de me tenir pour acquis que tu as un sujet chaud en réserve et que tu es prêt à croiser le fer.  Je dois avoir moi aussi une expression à ce moment-là, mais je n'ai pas de miroir pour me regarder!  Tu lances habituellement tes premières attaques entre la soupe et le plat principal.  Ça tourne souvent autour d'un sujet d'actualité et dès que tu pars, même si je n'ai pas nécessairement le goût/l'envie/l'énergie de te suivre, tu as le don de me piquer assez pour que j'embarque et que je te réponde à la hauteur de tes piques.

Tu te souviens de notre première discussion autour d'Uber?  On était dans un restaurant à Trois-Rivières, de retour d'un quelconque événement ayant eu lieu dans la parenté.  Ti-Coco était assis entre nous.  Tu m'as lancé plusieurs perches avant que je ne morde, mais quand j'ai mordu, ça a donné un match épique!  J'étais tannée et fatiguée, mais ça n'a jamais eu de lien avec mes capacités à te sortir des contre-exemples et à répliquer aux tiens!  Avoue, tu adores ça quand je te fais face et que j'accumule les arguments contraire à tes vues!  En face de nous, les parents nous regardaient comme on regarde un match de final à Roland-Garros, en regardant à gauche et à droite en alternance. Ils avaient l'air de se demander si c'était vraiment eux qui avaient élevés ces deux phénomènes-là!  Les répliques fusaient de parts et d'autres de la tête de Ti-Coco qui n'en avaient que pour sa portion de crème glacée.  Cette scène-là, on l'a vécu à de multiples reprises.  Un point important: même si on est souvent d'avis totalement contraire, on a toujours eu en commun le fair-play de se dire en pleine face que l'autre a un bon argument et la capacité d'adapter nos visions du monde en conséquence.

Tu es un libertarien à tendance de droite et un gars d'affaire.  Je suis une néo-gauchiste féministe et branchée sur les enjeux sociaux de l'heure.  Bref, on crèche pas à la même école.  N'empêche, c'est à toi que je pense quand je veux parler d'une nouvelle idée.  J'avoue, nos chaînes de courriels enchaînant les commentaires de chroniqueurs et d'articles me font parfois lever les yeux au ciel par rapport aux conneries commentaires de certaines personnes.  Mais d'en parler avec toi, même si tes réponses m'énervent parfois, m'obligent à lever les yeux de ce que je connais et à regarder un point de vue différent.  Et ça, même si ça me tape sur les nerfs, c'est souvent enrichissant.

D'autant plus qu'on est pas du genre ni l'un, ni l'autre à se contenter d'arguments lancés en l'air.  Je sais que l'un comme l'autre, on est les seuls à avoir jamais arrêter le film de Captain America en plein milieu du DVD pour fouiller sur Wikipédia savoir si la ligne de front du film fittait avec les dates des lignes de front de la Deuxième Guerre mondiale.  Après avoir confirmé que non, on s'est rappelé ensuite que l'on écoutait un film de Marvel...  Ça c'est sans compter le nombre de fois ou en plein milieu d'un échange épique, l'un ou l'autre lance le mot-clé: «Vérifie!».  Vérifie les dates d'entrée en fonction de tous les présidents américains depuis la Première Guerre mondiale.  Vérifie c'était quand les dates des différentes républiques françaises (ouille!), vérifie si tel ou tel détail est vrai ou non.  Cellulaire en main, on se renseigne et on vérifie.  On est tous les deux du genre à argumenter sur des faits, pas sur des trucs en l'air.  Et j'adore ça!

Tu es mon partner de débat préféré.  Même si tu me fais suer souvent, c'est de la bonne sueur intellectuelle.  C'est pourquoi, même avec tes défauts, je t'aime Frérot!

Mariane

P.S. Il faudrait par contre que tu sois capable d'avouer plus souvent que c'est MOI qui a raison :P

jeudi 9 août 2018

Les Innovateurs de Walter Isaacson

Les Innovateurs  Comment un groupe de génies, hackers et geeks ont fait la révolution numérique  Le livre de poche  860 pages


Résumé:
Depuis la première personne à avoir pensé un algorithme au XIXe siècle, jusqu'à l'avènement de Wikipédia et de Google, l'histoire des multiples histoires qui ont permis l'avènement de la révolution numérique.

Mon avis:
Bon, première chose à souligner, j'ai mis près d'un an à lire ce livre.  Je l'ai commencé l'été dernier!  Cependant, je ne pense pas que cela ait nuit comme tel à ma lecture.  Ce genre de bouquin super dense gagne à être lu petit peu par petit peu.

Ce qu'il raconte?  La lente évolution, innovation par innovation et découverte par découverte de ce qui a mené à la révolution numérique.  Cependant, l'auteur ne fait pas que dresser une histoire comme on en a souvent vu: il s'intéresse plutôt à ce qui, au cours de l'histoire, a pu permettre l'émergence des idées et des technologies et le pourquoi on les a adoptées.  Sincèrement, c'est là que le livre prend tout son intérêt, car au lieu de nous raconter le quand, il s'attarde à essayer de comprendre le pourquoi et le comment et d'en tirer de grandes règles pour expliquer comment l'innovation s'installe et se développe.  L'auteur défend donc une thèse tout au long, c'est que les conditions de l'innovation ne sont pas le fruit du hasard, mais plutôt que l'on peut les provoquer en rassemblant les bonnes personnes et les bonnes personnalités au bon endroit et dans les bonnes conditions.  Presque toutes les histoires racontées dans le livre appuient cette idée ou montrent ce qui arrive quand les conditions ne sont pas réunies.

Pour le faire, il commence à la base: la personnalité et le cheminement des multiples individus qui ont fait la révolution numérique.  Cela peut paraître banal comme méthode, mais il s'attarde aux grands traits de personnalités, positifs comme négatifs de chacun des individus de l'histoire qu'il raconte.  Sa démonstration permet de voir que loin de favoriser les génies solitaires qui inventent tout dans le fond de leur chambre au sous-sol de leurs parents (quoique!), les innovateurs ont avant tout été ceux qui travaillaient en équipe, le plus souvent en tandem ou en trio et qui étaient capables d'échanger leurs idées avec d'autres personnes de façon collégiale.  Qu'aurait été Apple si Steve Jobs n'avait pas rencontré Steve Wosniak?  Qu'aurait fait Bill Gates s'il n'avait pas connu Paul Allen?  Ce ne sont que deux exemples, le livre regorge de ces histoires de collaboration!  Ce qui a deux conséquences: d'une part, chaque nouvel intervenant est introduit par une courte bibliographie résumant son parcours personnel et scolaire, ainsi que sa personnalité et quelques anecdotes permettant de l'illustrer.  D'autre part, si on lit le livre sur une courte période de temps, on finit par avoir l'impression de lire un catalogue de personnalités.  D'où l'avantage de prendre son temps en lisant ce livre!

Autre point, il montre que les meilleurs idées au monde ne suffisent pas.  Il leur faut quelqu'un pour leur donner leur place au soleil et les faire se développer.  L'auteur, un américain, fait évidemment la démonstration que l'esprit d'entreprise (le chapitre sur le capital risque et les start-up est très intéressant à ce sujet) compte pour beaucoup dans le développement des innovations et que ce ne sont pas nécessairement les meilleures qui triomphent, mais bien celles qui ont réussi à se tailler une place sur la marché.  Cette façon de faire est présentée comme étant positive.  Je ne juge pas, mais je souligne.  Pour ce faire, l'auteur n'hésite pas à mettre en valeur les paires qui joignent les idées et les découvertes avec les visionnaires, l'exemple le plus facile à citer étant évidemment le tandem Jobs/Wozniak.  Cependant, il ne s'arrête pas là et montre que le rôle des institutions, universitaires autant que gouvernementales, ont tout autant son rôle à jouer.  Il cite comme exemple de lieux d'innovations les laboratoires Bell dans les années 1930, le campus de l'université Stanford dans les années 50 et le fameux Xerox Parc dans les années 1970: des lieux ouverts, où se menaient de front plusieurs projets de recherches, mais conçus pour favoriser les échanges impromptus et les conversations croisées entre spécialistes.  Cela mènera au développement des ordinateurs, des transistors et de la fameuse interface graphique du MacIntosh.  

D'un autre côté, l'auteur n'hésite pas à aller voir loin au-delà des grands noms et à parler des petits mains qui ont appuyé la grande roue sans toujours en recevoir le mérite.  Le rôle des femmes et leur apport réel est souligné.  Certes, Ada Lovelace¸ la première personne à avoir formulé l'idée qu'une machine pouvait être autre chose qu'une grosse calculatrice et donc, en toute logique, la mère de la révolution numérique (même si sa contribution réelle fût limitée) prend beaucoup de place, mais les Grace Hooper, Jean Jenning et toutes ces autres programmeuses anonymes sont reconnues pour leur juste travail: pendant que les ingénieurs réfléchissaient, elles étaient celles qui faisaient fonctionner les machines!  L'ENIAC n'auraient pas pu exister sans leur apport.  Il cite aussi un grand nombre d'ingénieurs, d'inventeurs, d'hommes d'affaires et de patenteurs qui ont tous amené leur pierre à l'édifice, que leur contribution ait été reconnu ou non à leur époque.  On comprend alors que la révolution numérique a été une route longue parsemée de faux départ, d'idées brillantes non-réalisées, parfois de vols d'innovations et d'innombrables conflits de personnalités.  Une aventure humaine quoi!

Un aspect qui m'a un peu fait grincé des dents à la longue, c'est que l'ensemble du livre est très américano-centré.  Aucune mention des découvertes informatiques faites ailleurs qu'en Amérique à quelques exceptions près.  Il ne pouvait évidemment pas faire l'impasse sur Alan Turing ou encore Linus Torvalds!  Cependant, à leurs humbles exceptions, presque tous les autres intervenants sont citoyen américain ou naturalisés américains.  On ne peut reprocher à l'auteur d'avoir fait un travail minutieux de recherche, mais on peut lui faire remarquer que d'autres foyers d'innovations étaient certainement situés en dehors des frontières des États-Unis d'Amérique!  Il ne les mentionne tout simplement pas passé les années 1950.

Le résultat est une somme d'érudition, mais aussi de réflexion, qui se lit tout d'une même d'une manière extrêmement fluide.  Ce n'est pas un livre destiné aux initiés, mais à faire de nous des initiés.  Quand on sait d'où proviennent les sources des outils que l'on utilise aujourd'hui de façon quotidienne, on est plus aptes à les comprendre et à mieux appréhender leurs capacités, leurs défauts et leurs limites.  Quand on comprend le chemin qu'en moins d'un siècle on a parcouru collectivement, on ne peut qu'être admiratif et en même temps, réaliste.  La conclusion du livre est d'ailleurs aussi intéressante que le livre en lui-même.  Les derniers chapitres sont consacrés au développement des blogger, Wikipédia et Google de ce monde, (des outils qui sont, mines de rien, collaboratifs!) il était tout naturel qu'il se tourne vers l'avenir.  Et l'avenir selon l'auteur n'est pas celui d'un livre d'horreur de science-fiction où la machine prendrait la place de l'être humain, mais plutôt, dans ce qui a fait la force de la révolution numérique: la collaboration, chacun emmenant ses forces dans l'échange en s'appuyant sur celle des autres.  Vu ainsi, la collaboration humain-machine a de belles années devant elle, l'un emmenant son incroyable capacité à traiter des données et l'autre, ce qui a toujours fait sa force: sa créativité.

Ma note: 4.75/5

lundi 6 août 2018

Pourquoi toujours une prostituée?

Salut!

À force d'écouter la télévision, de regarder des films et de lire des romans, peu importe le genre et peu importe l'époque où a lieu le récit, je me rends compte que presque tout le temps, partout, il y a un personnage qui revient tout le temps: celui de la prostituée.  La fameuse prostituée.  Qu'elle soit chic, le fasse à cause de la pauvreté, par choix, qu'elle soit belle ou non, qu'elle aie un rôle principal ou secondaire, voir même de pure figuration, rare sont les oeuvres de fiction qui ne fassent pas le détour par cette case.

Quand j'ai entendu parler du dernier film de Denys Arcand, j'ai soupiré en entendant le rôle qu'il réservait à l'animatrice et chroniqueuse Maripier Morin.  Encore une prostituée!  Dans l'histoire qu'il raconte, c'est éminemment justifiable: son personnage principal entre en possession d'une grosse somme d'argent qu'il ne peut dépenser ouvertement pour ne pas se faire repérer, mais il est très parlant que la seule dépense d'importance qu'il s'accorde est justement de payer pour des services sexuels.  Avec une très jolie femme, clairement identifiée comme l'escorte la plus chère en ville.  Certes l'éventail des possibilités dans sa situation est limité, mais pourtant, l'absence de réactions face à son choix me semble parlant: aucun des commentaires que j'ai lu ou entendu sur le sujet ne soulevait la moindre objection.  En somme, c'était normal, circuler!  Sans entrer dans un débat sur la moralité ou l'absence de moralité du personnage masculin et sur son choix, je trouve que le scénariste a suivi une ligne facile dans l'esprit de beaucoup de membres de notre société et a renforcé cette idée par le fait même: la sexualité d'une femme peut être à vendre et l'argent peut y donner accès.

La première fois que cela m'avait frappée, c'est dans une série télévisée, Défiance, une série post-apocalyptique où suite à une invasion, les humains ont appris à cohabiter en relative harmonie avec une alliance de races extra-terrestres.  L'un des personnages durant la saison 1 est la tenancière du bordel local.  Le personnage n'est pas du genre à se laisser parler sur les pieds, elle sait s'imposer si le besoin est et qui défend les femmes qui travaillent pour elle avec aplomb.  Pas une femme soumise donc.  Mais néanmoins une femme à la sexualité disponible moyennant finance.  Encore.  Une autre...  Encore là, ça peut se justifier avec le contexte et le personnage en lui-même n'a aucun problème avec la façon dont elle gagne sa vie.  Néanmoins, je dois avouer que ça reste dans le domaine du cliché et toutes les situations qui en découlent reste à l'avenant.  C'est comme si on avait mis ce personnage-là pour créer une cascades de situations bien connues, confortables pour l'auditeur, plutôt que de chercher à créer du nouveau.  On est pourtant dans un contexte de science-fiction...

D'autant plus que hé, bien, comment dire...  Ce sont presque toujours des femmes qui incarnent ces personnages?  Pensez à la prostitution que vous avez vu dans la fiction et demandez-vous, sincèrement, combien de personnage de prostitué vous avez vu.  Et si votre regard a oublié de remarqué que je n'ai volontairement pas mis de e suite à prostitué dans ma dernière phrase, c'est une preuve que notre regard est grandement habitué à voir ce métier au féminin... et sa clientèle masculine.  Poser la question, c'est y répondre: nommez-moi tous les personnages féminins que vous connaissez qui exercent ce métier dans la fiction.  Nommez-moi maintenant les personnages masculins pratiquant la même profession...  Vous constatez une différence?

C'est là que l'on entre dans le domaine du cliché si bien implanté qu'il en devient invisible.  On est habitué à ce cliché, on le connaît et il est utile en fiction parce qu'il permet de paramétrer certains détails de l'histoire sans avoir à faire beaucoup de mises en contexte.  Vous ajoutez un détail et on fait de cette femme un personnage prisonnier de sa condition à cause de sa pauvreté.  Pouf un autre et elle devient une femme de luxe.  Dans tous les cas ou presque, dans la fiction, sauf si elle est contrainte, la femme fait ce métier par choix et y prend du plaisir.  Ce qui n'est loin d'être systématique dans la réalité.

Ce qui m'intéresse ici, ce n'est pas tous les tenants et les aboutissants du travail du sexe: c'est ce qu'il représente dans la fiction.  Parce que c'est omniprésent dans énormément d’œuvres, avec à côté, le cliché de la strip-teaseuse.  Est-ce que parce que la personnage qui écrit ce genre de personnages est plus souvent... un homme?  Peut-être!  Mais ce n'est pas exclusif.  Il y a plus à chercher du côté de ce que cela représente que de qui l'a écrit.

Que représente la prostituée?  Il y a à la fois, la disponibilité, la facilité et la fascination.  Mais aussi un côté à la fois de mépris et de dégoût.  C'est pour ce mélange que la prostituée ne peut être interchangeable avec une femme à la sexualité libérée: il y a une différence entre un service reçu contre rémunération et une relation entamée sur la base de désirs réciproques. De plus, le catalogue des situations qui peuvent être utilisées avec ce genre de personnages est particulièrement bien garni.  Bourrés de clichés, mais bien garni.  C'est facile à utiliser, c'est facile à comprendre pour le lecteur ou la lectrice et ça résonne très loin dans notre psyché.

Peut-être trop loin, c'est ça le problème.  Dans cette facilité qui est à la fois un préjugé, un fantasme et un élément de rejet.  L'utiliser et le sur-utiliser réactualise sans cesse de vieilles idées sur la sexualité respective des hommes et des femmes.  C'est pourquoi son abondance dans les œuvres de fiction me dérange.  Pas que je plaide pour les en faire disparaître, ce serait de la censure et il faut l'avouer, ça reste un type de personnage que l'on peut légitimement utiliser.  Non, je pense qu'il faudrait juste remettre en question son usage tellement courant qu'il en est invisible et se demander si c'est bien nécessaire à chaque fois.

@+ Mariane

jeudi 2 août 2018

Structura Maxima d'Olivier Paquet

Structura Maxima  Olivier Paquet  Collection La dentelle du cygne  L'Atalante  360 pages


Résumé:
Dans la Structure, c'est l'heure des choix: à dix-sept ans, Jehan s'apprête à tourner le dos aux Vapeuriers, maîtres du Mélange et de l'énergie qu'elle procure pour les Poutrelliers, maîtres des poutrelles qui soutiennent la Structure.  Ce qui est un rejet de la voie tracée pour lui est aussi une révolte envers le système qui a laissé son père Victor gravement brûlé suite à un accident.  Celui-ci, Grand-Maître de la Vapeur, voit un jeu subtil se développer parmi les différentes communautés de la Structure.  Les uns et les autres s'arment, inspirés par des textes anciens, le Poesia pour les Vapeuriers et les Évangiles pour les Poutrelliers.  Dans ce monde parfaitement clos, la tension monte...

Mon avis:
J'ai eu l'impression en commençant la lecture de ce livre que je montais un escalier en manquant la première marche, impression qui ne s'est presque jamais dissipée tout au long du livre.  On aurait dit qu'il me manquait des clés pour le comprendre.  Malgré tout, j'ai continué la lecture, en grande partie parce que je me disais que le brouillard finirait par se dissiper.  Ce ne fût pas le cas, mais je suis quand même contente de l'avoir lu.

L'histoire parle d'un univers clos, la Structure, où vit une population qui n'a d'autres horizons que les murs de celle-ci.  Elle est séparée en communita, essentiellement par métier.  À dix-sept ans, on choisit sa communita, ce qui mène à l'introduction du personnage de Jehan, qui fait son choix ce jour-là.  Jehan est un personnage plein de fureur et de colère contre ceux parmi lequel il a grandit, à cause de l'accident qui est arrivé à son père.  Il choisira donc le clan opposé, presque ennemi, des siens.  C'est un personnage intéressant, mais quelque chose m'a profondément agacé tout au long chez lui: ses parties sont rédigées au je et il a un niveau de vocabulaire et de réflexion qui forment un clash bien trop marquant par rapport à son âge.  Tout au contraire, son père, Victor, a gardé un esprit ouvert et sera plus capable d'évoluer tout au long du livre.  Le même accident qui provoquera tant de colère chez son fils, lui aura ouvert l'esprit.  D'ailleurs, toutes les parties des autres personnages excepté Jehan sont écrites à la troisième personne.  Cela nous permettra de connaître toute une galerie de personnages secondaires qui sont presque tous bien développés et intéressants.  Je dis presque parce que certains m'ont paru trop plaqué (Julie, cantonnée au rôle de l'amoureuse?  Il y aurait tellement eu plus à dire sur ce personnage!).

La structure est séparée en trois temps et le premier est terriblement long.  Tout aurait pu être dit en la moitié moins de pages.  Il y a beaucoup de répétitions: on le sait que Jehan est révolté!  La deuxième partie est consacrée à l'éclatement des difficultés de la structure et la troisième, qui file à une vitesse folle, est presque entièrement dédiée à la résolution.  Dans la deuxième, l'auteur montre une belle maîtrise des phénomènes politiques, de la façon d'aborder le pouvoir et de comment se jouent les jeux qui mènent aux affrontements.  Les réflexions de Victor y sont particulièrement intéressantes.  La dimension idéologique et religieuse des affrontements est tout aussi bien développée.  La partie du récit qui développe ces deux aspects est d'ailleurs ce que j'ai le mieux aimé.  L'utilisation des sens profonds des textes anciens sur le présent est aussi très bien emmené.  Petit détail qui a donné beaucoup de personnalité au texte: l'utilisation de l'italien.  Le texte est parsemé de petites phrases dans cette langue, ce qui lui donne une tonalité différente de beaucoup de texte de SF que j'ai lu et j'ai apprécié cette petite touche de vie et de couleur dans cet univers si étouffant qu'est la Structure.

Néanmoins, il y a un point négatif majeur à ce livre: je n'ai jamais été capable de voir l'univers de l'auteur.  La Structure n'était presque pas décrite et si l'univers des Vapeuriers et de leurs chaudières étaient très visuellement réussi, je n'ai presque pas réussi à comprendre l'univers des poutrelles.  D'ailleurs, celle-ci sont-elles verticales ou horizontales?  Ce n'est jamais clairement spécifié et c'est l'une des points qui m'ont un peu perdue.  D'autres part, même si l'on sait que c'est une structure fermée, j'ai constamment manquée de points de repaire pour avoir une idée de la taille de celle-ci.  Certains bâtiments semblaient demander un espace immense, mais comment en juger?

Malgré tout, l'auteur a une belle plume qui gagnerait à être plus claire, mais qui sont porteuses de belles idées.  Je n'ai probablement pas pris le meilleur livre pour le découvrir, du moins pas pour moi.  Parce que le sentiment qui domine en fermant le livre est que j'ai manqué un élément essentiel au début et que je n'ai pas pu l'apprécier pleinement à cause de ça.

Ma note: 3.25/5