lundi 30 juillet 2018

Aborder un rêve profond du bout de ses pattes de chat

Salut!

Il y a une partie de moi qui tremble un peu en écrivant ses mots.  Mes petits coussinets de chat effleurent un terrain où je ne suis pas encore à l'aise.  Même si ce dont je vais parler relève de l'évidence pour certains, j'approche d'une zone qui est à la fois très sensible et très profonde, alors permettez que j'y aille doucement.

J'ai récemment fait du ménage dans des paperasses vieilles de plusieurs années.  J'ai retrouvé un cartable plein de textes que j'avais écrit.  Certains datent de plus de vingt ans.  J'ai rougi un peu en les relisant: que de naïveté dans ces textes!  Mais surtout, ça m'a remis en lumière une chose que je fais depuis une éternité: écrire.  Et prendre des notes pour des projets qui sont souvent restés à l'état de projets.  Mine de rien, j'en aie quand même pas mal, à l'étroit dans de vieux cartables d'école qui date du secondaire (j'étais très précautionneuse avec mes cartables!), d'autres qui sont autant de fichiers informatiques qui traînent dans mon ordi et qui forment une longue chaîne depuis mon tout premier ordinateur qui lui, doit bien dater d'il y a vingt ans.  Je pense surtout à ce qui pourrait être une petite nouvelle, écrit sur du vieux papier à bretelle, ce qui vous dit à quel point il est vieux!  Un souvenir.  Je ne me souvenais même pas de l'avoir gardé.  Écrit oui, mais je pensais que cela c'était perdu au fil de mes déménagements.  Celui-là, je le relis et je me dis encore, hé, il y a quelque chose là!  Mais entre écrire un texte et penser au mot qui désigne la personne qui écrit et l'appliquer à moi-même, il y a là un gouffre immense.

Je regarde les auteurs que je connais autour de moi et il y a en moi une partie d'admiration et une pointe d'envie.  Pas que je sois jalouse, c'est un sentiment que je ressens rarement, mais plutôt, un comment font-ils?  Pas comment font-ils pour s'asseoir et pondre des histoires si magnifiques, mais plutôt, comment font-ils pour assumer leur rêve?  Devant tout le monde?  Sans gêne?  Ce rêve-là est tellement profond et puissant en moi que de le faire sortir, c'est quelque chose de si terriblement intime que je n'ai jamais osé en parler.  Je me contentais d'y penser, d'accumuler des idées sur des bouts de papier, de remplir des cahiers de notes et de garnir mon ordinateur de fichiers aux noms pour moi plein d'histoires, de personnages et d'aventures.  Je n'en aie pas fait lire à beaucoup de gens autour de moi, surtout à ma famille.  Mais voilà, la vérité, c'est que j'écris depuis des années et que moi aussi, je rêve de publier, de raconter mes histoires.  Pas de façon constante, il y a eu de longues périodes où je n'ai touché à rien, plutôt en y allant plutôt par à-coup et en prenant de longues pauses, mais c'est toujours resté là, dans un racoin.

Pourquoi ne pas le faire?  Pourquoi ne pas écrire, ne pas oser sortir mes histoires, ne pas prendre le risque?  La réponse est à la fois simple et complexe: c'est que ça part de tellement loin et c'est tellement profond que c'est difficile à laisser sortir.  La peur joue un rôle c'est sûr.  Et quand on a peur, on a parfois tendance à mettre un bouchon sur certaines choses.  Ça a été mon cas.  Pendant très très très longtemps.  Parce que ça me faisait peur, je n'osais pas et parce que je n'osais pas, ça entretenait ma peur.

Je dis ça et je suis sûre que plusieurs personnes ont un petit hochement de tête en se disant: ah, on le savait bien qu'elle écrivait!  On le savait bien que ça viendrait!  Et bien, moi, je ne le savais pas.  Ou plutôt, je n'en étais pas sûre.  C'est lors d'une conversation avec un auteur que je connais que je me suis rendue compte que ce que je croyais être mon petit secret était en fait un secret de Polichinelle.  Quand, après six détours langagiers, j'ai enfin dit que j'avais commencé à écrire et que cette fois, j'espérais que ce soit pour de vrai, il a juste secoué la tête et m'a lancé une phrase qui m'est rentrée dedans comme une tonne de brique: «On le savait Mariane, la question de savoir si tu allais écrire un jour n'était pas si, mais quand.»  Ouch!  Ah oui?  À ce point-là?  On m'a posé la question à de multiples reprises et je répondais à côté, pas encore capable de l'assumer.  «Et toi Mariane, tu écris?»  «Un jour peut-être!» je répondais.  Et je repoussais le moment de l'annonce.  Pas parce que je n'en avais pas envie, mais parce que j'avais peur de mon propre rêve et de sa puissance.  Aussi étrange que ça puisse paraître, c'est la plus pure vérité.  Me mettre au clavier, écrire oui, ça je m'en savais capable, mais me dire auteure un jour?  Ça c'était une étape que je n'étais pas prête à franchir.

De près ou de loin, j'ai toujours eu un pied dans le monde du livre, depuis aussi loin que je me souvienne.  Toute petite, j'arpentais la bibliothèque avec une joie inégalée.  À l'université, je hantais la librairie de la Coop.  Lors de mon bref passage dans l'enseignement, j'ai une fois accordé presque plus d'énergie à un projet de recherche de livres qu'à ma préparation de cours (je n'ai pas duré dans ce métier non plus!).  Ensuite, est venue la merveilleuse période de la librairie.  Pas au niveau financier, mais au niveau des expériences et des apprentissages, oui.  Au lieu d'écrire mes propres textes, j'ai défendu ceux des autres et souvent avec passion.  Peut-être une façon de vivre mon rêve par procuration.  Par contre, je suis très heureuse d'être passée par là.  Ça m'a appris les dessous du monde du livre, qui fait quoi, comment, où et pourquoi et ça m'a donné une vision assez juste de ce que ça pouvait vouloir dire, être auteure au Québec.  Je n'ai donc pas développé d'attentes irréalistes, même si presque au même moment, J.K. Rowling devenait la première milliardaire du monde du livre et que tout le monde se disait soudain que c'était possible.

Je ne regrette absolument pas mes cinq années en librairie.  Ce que j'y aie appris vaut à mes yeux de l'or.  C'est aussi à cette période que, de façon détournée, j'ai commencé à écrire de façon régulière.  Vous l'avez vu le résultat sur ce blogue pendant des années.  Ma période de blogueuse (j'ai parlé de cette période dans ce billet-ci) a été une période extrêmement intense de ma vie.  Celle de la librairie l'a été tout autant et elles sont arrivées en même temps.  Quand je dis intense, c'est autant en positif qu'en négatif: intense parce qu'au point de vue humain, c'est incroyablement nourrissant, énergisant et exaltant.  Par contre, il y a une partie de moi qui s'est vidée.  En quittant la librairie, j'ai aussi débranché une partie de l'alimentation qui nourrissait et le blogue et mon envie de lire.  Si je sortais de ce cadre, on aurait dit qu'il me manquait quelque chose.  Résultat, pendant plusieurs années après mon départ de la librairie, je me suis tenue éloignée des livres.  J'ai beaucoup moins lu et j'ai arrêté de bloguer.  Ça ne me ressemblais pas, j'avais toujours été une lectrice boulimique depuis ma plus tendre enfance.  J'avais sans m'en rendre compte épuisé une partie de moi-même que je pensais inépuisable.

À l'époque de la librairie est arrivé dans ma vie quelque chose qui a changé ma vie d'une façon incroyable, alors qu'au fond, je ne m'y attendais pas du tout: le jiu-jitsu brésilien.  C'est un sport de combat, mais ce qu'il m'a avant tout appris, c'est que j'avais une qualité cachée dont je ne soupçonnais pas la puissance: la ténacité.  Il m'en a fallut parce que je me suis entraînée pendant la majeure partie du temps avec des gars, souvent des gars qui font de la compétition et donc, plus fort, plus rapide et plus adroit que moi.  Mais j'ai appris à leur tenir tête, à trouver mes victoires là où elles étaient et à ne pas me décourager même si mes progrès étaient beaucoup plus lents que ce à quoi j'aurais aspiré.  J'ai pendant des mois continué alors que mon premier instinct aurait été de tout laisser tomber.  J'ai bien fait de m'accrocher: le jour où mon professeur a passé une ceinture mauve autour de ma taille, j'avais autant appris sur mon sport que sur moi-même.  Et je savais que si j'étais capable de faire preuve de constance, de ténacité et de me relever malgré les échecs et les difficultés.  Ce sont des qualités que j'avais toujours accordé aux autres, mais sans jamais m'en donner le crédit à moi-même.  Là, je ne pouvais pas le nier, c'était ma réussite à moi, le fruit de mes efforts et de ma détermination.  Ça n'est pas arrivé en un jour, mais ça m'a apporté quelque chose de profond que je garde encore précieusement en moi.  J'étais soudainement devenue consciente que j'étais moi aussi capable de faire ce que j'admirais chez les autres.

Les années ont passé, j'ai continué à fréquenter les événements littéraires, même si je lisais beaucoup moins, j'ai eu beaucoup d'autres expériences, je me suis laissée gagnée par le démon des jeux vidéos (mais quel bouffeur de temps!) et des séries télés (à peine mieux!).  Et puis un beau jour, je me suis retrouvé face à un chiffre: 35.  35 années que je suis sur Terre.  L'âge que ma mère avait le jour où elle m'a mise au monde.  Ça peut paraître bizarre, mais ce fait-là m'a fait très très mal.  Je voyais arriver la date de mon anniversaire et je paniquais.  Autant la trentaine n'avait fait que m'effleuré, autant la mi-trentaine m'est rentré dedans comme un tsunami.  J'ai vécu une difficile période de remise en question.  Je me suis rendue compte que plusieurs projets auquel une partie de moi tenais beaucoup, ne prenait pas autant de place qu'ils auraient dû.  D'autres par contre, en prenait beaucoup trop et je planifiais ma vie en fonction d'eux alors que leurs chances d'atterrissage heureux étaient plus qu'incertains.  J'ai regardé les choses en face et je me suis demandé ce que j'allais faire de ma vie.  Mon vieux rêve d'écrire est alors venu me tirer par la manche.  Je l'ai regardé et cela m'a rappelé qu'il avait toujours été là, depuis des années.  Des cartables complets sont là pour me le rappeler, des dossiers sur le bureau de mon ordinateur, des fichiers à la tonne.  Et des idées, des dizaines et des dizaines d'idées, d'histoires, de personnages et de péripéties.  Alors, je me suis assise et j'ai écrit.  Et c'est merveilleux de le faire.

Sauf que je n'ai pas vingt ans.  J'en aie 35.  J'ai énormément lu, j'ai travaillé dans le milieu du livre et quelque part, je sais où je m'en vais.  Mes années de blogue au compteur aident aussi beaucoup.  Sans m'en rendre compte, même si je cachais mon rêve en dessous d'une pile d'autres choses, ce que j'avais besoin pour pouvoir écrire s'est développé en moi: c'est l'habitude de la constance avec le jiu, c'est ce que j'ai appris sur la fiction en fréquentant des auteurs et ce que j'ai appris sur comment on fabrique un livre en travaillant dans une librairie.  Ajoutez à ça l'expérience de la vie qui fait que bien des choses sont plus compréhensibles, émotionnellement parlant, à 35 ans qu'à 20 ans et je découvre que ma vie a bien fait les choses et s'est chargée de garnir mon coffre à outil pendant que j'avais l'esprit ailleurs.

Cette année, en soufflant mes 35 chandelles, j'ai souhaité avoir un texte publié en 2018.  C'était un objectif que je me mettais.  Un souhait.  Ensuite, j'ai rouvert mon ordi et j'ai travaillé.  J'ai écrit des textes, certains qui vont sans doute aller rejoindre mon cartable d'écolière et d'autres qui ont peut-être un potentiel, mais je suis fière de me dire que là, je travaille vraiment.  Que je fais vraiment le boulot d'une écrivaine.  Après avoir reporté mon rêve aux calendes grecques pendant des années, là, je le réalisais.  Au moins la première partie, celle sur laquelle je peux avoir du contrôle, celle que je peux faire par moi-même.  J'ai travaillé et je continue à le faire et c'est quelque chose de vraiment jouissif que de le faire!  C'est libérateur et c'est exaltant, même si mes anciennes craintes reviennent me visiter souvent.  Ok, très souvent même.  Aie-je le droit de me dire auteure alors que je n'ai rien publié de façon officielle?  Quelle est la différence avec avant, l'époque où je disais «Un jour peut-être!» et aujourd'hui?  J'ai envoyé des textes à des revues?  Aucun n'a encore été accepté au moment où j'écris ces lignes en tout cas, ce qui me met en plein syndrome de l'impostrice: peut-on se dire auteure si on a rien publié?  Écrivaine, peut-être, écrire est gratuit et chacun est libre d'écrire!  Mais Auteure?

Au dernier Boréal, j'étais encore en plein maëlstrom de l'impostrice.  Doublé du fait que je me suis inscrite à un atelier d'écriture pour la toute première fois de ma vie.  J'ai mal dormi durant les trois journées qui ont précédé, je suis arrivée là tendue comme une corde de violon et j'ai à peine osé lever la main quand l'animatrice a posé la question à savoir si on écrivait ou non.  J'étais entourée de jeunes au début de la vingtaine, pleins de sève et pétillants de volonté et moi, je me présentais là avec mon rêve écrit sur une feuille jaunie et toute craquelée à force d'avoir passé du temps plié en quatre au fond de ma poche.  Ça ne s'est pas trop mal passé, mais j'ai eu en quelque sorte une révélation: je suis assise entre deux chaises.  Je ne suis pas complètement une débutante, mais il me manque des bases communes à pas mal tous les auteurs.  Mon ego a fait un boucan d'enfer pendant quelques minutes, mais une autre chose que le jiu m'a appris à faire, c'est de le foutre à la porte de mes pensées assez vite.  Je savais que j'avais du pain sur la planche, mais au moins, j'avais une idée un peu plus claire du boulot à accomplir.

Le samedi, j'ai osé participer au concours d'écriture sur place.  Je ne l'avais jamais fait.   Je n'avais jamais osé le faire plutôt.  Beaucoup trop peur de révéler mon secret pour ça!  En prévision du concours, j'ai attrapé une pile de feuilles volantes qui traînait chez moi.  C'est en m'asseyant pour écrire que je me suis rendue compte qu'elles étaient toutes jaunies, mais tant pis, c'est ce que j'avais emporté.  J'ai essayé d'écrire, mais ça ''bloquait''.  Rien ne sortait.  Alors, j'ai pris un truc développé au cours des derniers mois, j'ai fait du brainstorm sur la page en la couvrant de gribouillis que personne d'autre que moi ne pourrait relire et ensuite, j'ai pondu mon texte en un temps record.  J'ai scellé mon enveloppe et je l'ai remise.  Je n'y ai pas repensé sauf pour une chose: j'étais vraiment contente de l'avoir fait.  C'était ma première participation après tout et je n'avais absolument aucune attente.  Dire que j'ai osé parler de mon rêve d'être auteure durant cette fin de semaine est très exagéré.  J'en aie parlé à quelques personnes que je connais depuis assez longtemps pour être en confiance, mais en parler à tout le monde ou de manière ouverte était encore au-dessus de mes forces.  Même quand j'en parlais, c'était avec timidité et je devais prendre sur moi pour ouvrir la bouche.  Il est très dur de se défaire de certaines habitudes...

La fin de semaine a continué sur les chapeaux de roue, comme c'est tout à fait normal lors d'un Boréal.  Le dimanche après-midi est arrivé et mes réserves d'énergie étaient très basses après trois jours de congrès (et l'absence de sommeil dans les trois jours qui l'avaient précédé!).  Quand est arrivé l'heure de nommer les gagnants au concours d'écriture sur place, j'étais dans le fond de la salle, assise sur un des bancs de côté, avec mes cernes jusqu'au milieu des joues.  Sauf que quand Julie Martel s'est levée, j'ai cru apercevoir dans ses mains d'horribles feuilles jaunies...  Je crois que mes battements de coeur auraient pu à se moment-là être mesurés sur l'échelle de Richter.  Non, ça ne se pouvait pas, j'avais écrit ce texte super vite et c'était ma première participation en plus, c'était impossible!  Et puis, elle a eu un petit mot pour dire qu'il y avait deux gagnants ex-aequo et elle a nommé mon nom.  Je me souviens d'avoir porté ma main à ma bouche et d'avoir entendu deux longues secondes de silence, mais ça c'est sans doute mon imagination.  Durant ces deux secondes-là, une partie de moi s'est mis à courir de joie dans ma tête et restait persuadée que ça ne se pouvait pas.  Et puis, tout le monde m'a regardé et s'est mis à applaudir!  Je me suis levée dans un état complètement second.  J'avais les larmes aux yeux en arrivant en avant.  C'est peut-être rien gagner un concours d'écriture pour certaines personnes, mais à ce moment-là, pour moi, ça valait plus que des millions.  Je me souviens que pas mal tout le monde est venu me féliciter ensuite, mais à ce moment-là, mon cerveau était complètement en mode survoltage et donc, en y repensant, je regrette d'avoir dû écourter certaines discussions et j'espère sincèrement que j'ai pas dit trop de conneries!

Depuis, j'ai eu des nouvelles de Solaris pour la publication et s'est mise en branle une petite mécanique qui me semble à la fois merveilleuse, familière et complètement déroutante, parce que cette fois, elle s'applique à moi.  Mon nom paraîtra sur une couverture pour la première fois bientôt.  La voici d'ailleurs, la fameuse couverture:


Je n'avais jamais vraiment réalisé que gagner le Concours d'écriture sur place équivalait à avoir son nom sur la couverture de Solaris, ni que cela impliquait un contrat de publication en bon et due forme.  Là s'arrête les connaissances théoriques de la libraire et commence les connaissances pratiques de l'auteure!  J'ai encore du mal avec le mot, mais je m'y habitue, doucement, par étape.  Et je continue d'écrire.  J'espère avoir d'autres textes publiés, j'espère même écrire un jour un roman entier et j'y travaille!  J'aborde ce nouvel univers du haut de mes coussinets de chat et finalement, une fois la porte franchie, il est moins effrayant que ce que je pensais.

Ce qui fait que je me le permets, en finissant:

Mariane Cayer, auteure

jeudi 26 juillet 2018

1491 de Charles C. Mann

1491: Nouvelles révélations sur les Amériques avant Christophe Colomb  Charles C. Mann  Albin Michel 468 pages


Résumé:
L'Histoire officielle des Amériques, plus souvent qu'autrement écrite par les Européens, raconte que l'Amérique d'avant Christophe Colomb était un territoire quasi-vierge, habité par quelques groupes de chasseurs-cueilleurs et en grande partie inhabitée.  Bousculant les clichés, détruisant les mythes et remettant les pendules à l'heure à de nombreux sujets, l'auteur nous présente une toute autre Amérique: vibrante de vie et de civilisations, ayant dompté son territoire, capables d'innombrables innovations et pétillante de créativité, l'Amérique de 1491 présente un tout autre portrait.  Nourris d'innombrables références de recherches universitaires et ne faisant pas l'impasse sur les débats entre les chercheurs, l'auteur nous présente une Amérique inconnue, fascinante et oh combien plus vaste et plus développée que l'Histoire officielle ne nous l'a appris.  

Mon avis:
Ce livre, je le mets dans la courte liste des livres que dans ma vie, j'ai dévoré, qui m'ont jeté par terre, m'ont ouvert les yeux et dont je ressors l'esprit frémissant d'idées nouvelles et de connaissances inconnues.  Charles C. Mann nous présente une Amérique foisonnante et fascinante et surtout très différente.  Sous sa plume, on découvre d'innombrables civilisations qui ont laissé de multiples traces dans le paysage.  Parfois, il faut avoir l'oeil pour les découvrir, mais ces traces sont partout!

Le point de génie de son ouvrage est qu'au lieu de nous présenter les unes après les autres les dizaines de civilisations et de cultures qui ont peuplé le continent, il fonctionne par thématique.  Vous voulez connaître la philosophie en Amérique avant l'arrivée de Colomb? Bienvenue chez les Aztèques où des écoles de philosophie que n'aurait pas renié Socrate fleurissaient.  Vous préférez entendre parler du développement des civilisations?  On vous emmène faire un tour dans les différents foyers de l'époque, autant en méso-amérique (Olmèques) qu'en Amérique du Sud (Norte Chico).  Vous voulez connaître le développement des systèmes d'écritures, des mathématiques, du calendrier?  Les Mayas vous saluent!  Domestication du maïs, aménagement du territoire, structure politique, implantation de l'être humain dans ce vaste territoire, nommez-les, on passe presque à travers tout!  

Le récit ayant été écrit par un journaliste et non par un historien, on suit avant tout un esprit curieux de tout qui a soif de découverte.  Il nous emmène avec lui sur les traces de ce qu'il reste des civilisations dont il parle, mais de façon tellement fluide que le gros des informations pointues et complexe de son livre sont traitées se lisent presque comme un roman.  Il nous emmène avec lui sur les lieux originaux et fait énormément de liens avec le présent.  Autre point important, si, comme tous les auteurs d'essais, il défend une thèse, mais il a l'honnêteté de nommer tous les scientifiques consultés, ainsi que leurs détracteurs, en citant les arguments pour et contre.  Il ne cache jamais à quel enseigne il loge, mais il prend soin d'expliquer le revers de la médaille et pourquoi certaines personnes font le choix de défendre des opinions contraires à la sienne.  D'ailleurs, tout est basé sur des recherches d'un bout à l'autre du livre.  Faire la liste des spécialistes impliqués seraient trop longue, mais l'archéologie en occupe une grande part et d'autres techniques plus récentes également.  Même les recherches ADN s'y retrouvent!  La part du travail de l'auteur a été de rassembler l'incroyable masse des données et de de lui donner une ligne directrice.  Tout le reste était déjà sous nos yeux.

Sincèrement, moi qui a étudié l'histoire jusqu'au niveau universitaire et qui a pas mal lu au cours des années, j'ai appris énormément de choses!  Ce qui marque, ce n'est d'ailleurs pas tant le fait que tout ces éléments nous soient présentés, mais bien la perspective dans lequel ils le sont.  Celle qui dit que loin d'être inactif ou idiot, les premiers habitants des Amériques étaient des gens intelligents, innovateurs et inventifs... mais avec leurs propres paramètres, qui n'était pas ceux des Eurasiens ou des Africains qui vivaient en contact plus ou moins étroit depuis des siècles.  Ils ont créé leurs propres modes de fonctionnement.  Ce qui fait que bien de leurs découvertes et de leurs innovations n'ont pas été comprises par les Européens et donc, perdues.  D'ailleurs, le sentiment général en refermant le livre est: quel gâchis...  Déjà que les premiers contacts avec l'Amérique ont littéralement changé le court de l'Histoire mondiale, on ne peut que se demander ce qui serait advenu si les épidémies qui ont suivi et le comportement de pilleurs des Européens n'avaient pas eu lieu.  Parce que des merveilles de l'Amérique en 1491, des pans entiers sont disparus de l'histoire de l'humanité.

Ma note: 5/5

lundi 23 juillet 2018

Démêler la fiction de la fiction

Salut!

Au tournant des années 2000, j'étais une grande fan de la série X-Files.  Je suivais avec attention les aventures de Mulder et Scully, me délectais des intrigues de la conspiration et de toute l'énergie qu'ils mettaient à la combattre.  Ce n'est que depuis quelques années qu'en y repensant, j'éprouve un malaise.  Je suivais cette émission avec attention en sachant très bien que c'était une fiction, mais quelque part, il me semble que l'insistance de la série à dire que le gouvernement est corrompu ou manipulé que la réalité n'est pas ce qu'elle semble être, a fini par ne plus être que de la fiction pour certaines personnes.  Le slogan de la série, La vérité est ailleurs, le résume bien.

Quand j'y repense, l'idée est partout dans la culture populaire américaine.  De façon pas toujours directe, mais elle est là.  C'est comme ce personnage dans le deuxième Transformers qui lance à Sam Witwicky «On nous ment!» à son arrivée à sa résidence étudiante.  Ce type de personnage revient souvent.  Il est souvent présenté comme un peu foufou, mais au final, c'est lui (oui, plus souvent lui que elle et je ne me rappelle pas d'exemple ou en plus, il n'était pas blanc) qui a raison au final.  J'avoue que ce genre de ressort dramatique est extrêmement intéressant à utiliser, mais il est aussi dangereux: si c'est toujours ce personnage qui a raison, pourquoi n'aurait-il pas aussi raison dans la vraie vie?

Seulement voilà, dans la vraie vie, l'hypothèse la plus farfelue est rarement la vraie.  Et si je ne nie pas que le contenu du bulletin d'information comporte une bonne part de relations publiques, de langue de bois de politicien/nes et même parfois, de mensonges, il y a loin de la coupe aux lèvres en disant que nous sommes manipulés par une organisation supranationale toute puissante devant lequel les gouvernements sont à genoux et qui collaborent avec des sociétés mystiques ou des extraterrestres.  Le seul hic, c'est qu'à force d'enfoncer le clou dans la fiction, on dirait que certaines personnes ne savent plus comment distinguer la fiction de la réalité...

Post-vérité a été le mot de l'année 2016 selon le dictionnaire Oxford.  Rien d'étonnant quand on connaît le discours qui a mené le candidat républicain dans le bureau ovale d'où il ne cesse depuis de contourner, manipuler et détourner les faits.  Mais surtout, il tient un discours semblable à celui de bien des films et des séries télés.  La vérité est ailleurs après tout.  Ses discours reprennent, parfois sans les nommer, des éléments qui ont fait le succès de nos soirées télés.  Et pour cause, ces fictions se sont largement inspirés des théories du complots qui fleurissaient allègrement avant l'internet, mais qui avec son développement, sont carrément devenus encore plus envahissantes que des pissenlits au printemps!  En passant par la fiction grand public, on leur a donné une légitimité et un écho qu'elle n'aurait jamais eu autrement.

Or, cela reste de la fiction non?  Et bien, pas toujours et c'est ça le problème.  Je me rappelle avoir lu un article sur les théories de la conspiration écrite par une journaliste.  Celle-ci racontait qu'elle pensait que ce n'était que du vent jusqu'à ce qu'elle parle à des citoyens d'autres pays.  Ceux-ci étaient des partisans fervents des théories du complots parce que...  et bien ce n'en était pas.  Ce gouvernement renversé par son propre peuple l'avait-il était pour cette raison?  Ou bien était-ce la CIA qui...  Prenez des dizaines d'exemple, dans des dizaines de pays et demandez-vous ensuite, pourquoi les États-Unis, le chef-lieu de toutes ces opérations, serait épargné?

Le problème dans tout ça, c'est que le terrain pour que les théories de la conspiration, fertile depuis des années, même avant le web, culmine à une époque où l'on a également jamais autant eu accès à l'information et à l'information de qualité.  Pensez-y, on a Wikipédia, toutes les banques de données universitaires et je ne sais pas trop combien de sites de données fiables, des archives et ça c'est sans compter tous les efforts de vulgarisation qui sont faits depuis des années.

Seulement voilà, la fiction a tissé une trame, une trame qui fonde la vie de bien des gens.  Si on ne m'avait pas appris avant de m'asseoir devant X-files que c'était de la télé et que c'était arrangé avec le gars des vues, si ma famille ne m'avait pas dotée d'esprit critique, aurais-je pu faire la différence?  Je me pose sérieusement la question.

La fiction sert à élargir le monde pas à le rétrécir.  La fiction sert à tester des possibles, à explorer des sentiments et à découvrir de nouveaux univers.  Entre les théories de conspiration et la fiction à la X-files, il y a tout un monde.  L'un détourne le réel, l'autre s'amuse avec lui.  Mais la fiction n'est pas la réalité.  Les théories de conspirations non plus et leur but est très éloigné de celui de la fiction.  Néanmoins, celle-ci reste la meilleure arme de l'humanité face à la réalité.  L'imagination et la créativité sont les enfants de la fiction.  Ce sont elles qui nous ont permis d'envoyer un petit robot se promener sur une autre planète, mais bien avant d'y aller, de s'imaginer, d'avoir penser que ce serait possible et de créer tout le nécessaire pour pouvoir le faire.  La fiction au service de la réalité est merveilleuse, mais la réalité au service de la fiction mène au contraire.  Car après tout, à la base de beaucoup de grandes erreurs de l'humanité, il y avait quelqu'un qui a laissé son imagination et les idées qu'elles entraînent prendre le pas sur la réalité.  Surtout quand ça concernait d'autres humains.

@+ Mariane

lundi 16 juillet 2018

Comment faire plaisir à un/e auteur/e que vous aimez?

Salut!

Je côtoie beaucoup d'auteurs/es, souvent à des événements littéraires, souvent par d'autres moyens.  J'ai vécu la vie de librairies pendant plusieurs années et j'ai même collaboré à une revue traitant de littérature.  Ça me donne souvent une bonne idée de ce qui peut faire la différence pour un/e auteur/e.  On sait que le marché de la littérature au Québec n'est pas nécessairement facile pour tous,  mais si vous aimez un/e auteur/e, voici quelques petits choses simples que vous pouvez faire pour l'aider.

1- Lisez ses livres

Ok, ça paraît peut-être niaiseux, mais c'est la base.  Les auteurs/es veulent être lus, alors, lâchez-vous lousse!  Acheter des livres, emprunter-les à la bibliothèque ou à un ami si vous êtes fauché, mais lisez-les.  Il n'y a rien de pire pour un/e auteur/e que de travailler sur un livre pendant des mois voir des années et d'ensuite, se retrouver le bec à l'eau parce que leur livre arrive au monde dans la plus parfaite indifférence.  Alors, qu'il y ait quelqu'un quelque part qui a lu le livre, c'est un sentiment rassurant et vraiment encourageant.  C'est avant tout pour ça que les auteurs écrivent, être lus!

2- Commentez les livres

Que ce soit sur votre blogue, sur le site de l'empire au sourire en coin, sur Goodreads, sur l'album de visage, dans une revue, lors d'une discussion entre amis parlez de vos lectures.  Le bouche-à-oreille est le meilleur moyen pour les auteurs de faire connaître leurs oeuvres.  Vu la portion congrue auquel en est réduite la couverture littéraire dans les médias en général, chaque mention ailleurs sur le web compte.  D'autant plus que le site de recherche en .com le plus consulté au monde se révèle très précieux quand vient le temps de faire une critique.  Alors d'en avoir une, deux ou trois, peut faire une grosse différence dans la carrière d'un livre!  Quand aux discussions entre amis, n'avez-vous jamais été tenté de lire un bouquin recommandé par un ami? ;)

3- Acheter les livres

Pourquoi je mets ce conseil en troisième?  Parce que si vous vous contentez d'acheter un livre sans le lire, ni en parler autour de vous ou sur le web, et bien...  Ça rapporte à l'auteur/e, mais sans rendre véritablement hommage à son travail!  Acheter des livres est très important, cela permet aux auteurs/es de vivre, mais un livre qui reste sur une tablette est un livre qui n'a pas réellement vécu sa vie.  Acheter est un acte important, mais la lecture l'est tout autant!

Bonus: Parler avec l'auteur/e de son livre

Je le mets en point bonus, parce que rien ne peut battre le contact avec un/e lecteur/trice avec  l'auteur que ce soit dans un sens ou dans un autre.  Aller voir les auteurs/es esseulés/es dans un Salon du livre (croyez-moi, ils vous seront reconnaissants!), prenez le temps de poser des questions, de prendre des notes, de s'intéresser au livre autant qu'à l'auteur/e.  Si vous l'avez lu, c'est encore mieux, sinon, et bien, ça peut vous permettre de faire de magnifiques découvertes!  Même si vous n'achetez rien, ça encourage énormément d'avoir de l'intérêt de la part des lecteurs.  Évidemment, les encourager en achetant est toujours énormément apprécié!  Si le livre ne vous plaît pas, il peut être un cadeau pour une autre personne dans votre entourage après tout (Perso, j'adore acheter des livres à des auteurs jeunesse inconnus au Salon du livre de Montréal et déposer le tout dans les boîtes de la lecture en cadeau!)

Voilà donc quelques petits conseils pour rendre heureux les auteurs/es que vous connaissez et aimez.  À utiliser sans modération!

@+ Mariane

lundi 9 juillet 2018

Le mythe de l'homme d'affaire

Salut à tous!

Petite constatation: j'ai récemment vu la série Iron Fist sur Netflix (bof, bof!), mettant en vedette un xième héros de bande dessinée issu de l'univers Marvel.  Celui-ci, Danny Rand, est l'héritier d'un empire financier valant des milliards de dollars, rentrant au bercail après avoir été déclaré mort dans un accident d'avion avec ses parents alors qu'il n'avait qu'une dizaine d'années.  Les premiers épisodes racontent les difficultés de son retour et surtout à se faire reconnaître de son entourage.  Sauf que même pas dix minutes après le début de l'épisode, les ressemblances avec le Batman de Christopher Nolan me paraissaient juste trop énormes pour passer inaperçu: parents morts dans sa jeunesse, disparition des radars pendant de nombreuses années, héritage d'une entreprise valant des sommes folles, etc, la liste était longue.  Certes, les deux personnages sont différents, surtout par leur caractère (et pas à l'avantage de Danny Rand!), mais le truc qui m'a chicoté ensuite c'était leur point commun: chef d'entreprise.

Minute, minute, minute! On en est rendu là?  À une époque, la personne qui détenait du pouvoir, qui était reconnu, c'était le chef de l'état non?  Le roi, le prince, le général, ceux-là étaient les bons, les leaders, les chefs.  Ceux-là étaient les personnes dignes d'admiration, les modèles.  Ou les méchants totalement repoussoirs.  Pourtant, dans la fiction contemporaine, les exemples pullulent de personnages qui sont avant tout définis par leurs réussites dans le milieu des affaires, qu'ils aient créé leur propre entreprise ou qu'il en aient hérité.  Les leaders politiques?  On les représente souvent comme étant déconnectés ou corrompus, alors que les hommes d'affaires, même s'ils n'ont de comptes à rendre à personne ou peut-être parce qu'ils n'ont de comptes à rendre à personnes prennent le haut du pavé.  Des exemples?  Iron Man quelqu'un?  Ça ne vous rappelle rien?  C'est pourtant l'archétype du multimilliardaire, un brin narcissique et égocentrique qui n'hésite pas à étaler fortune et réussite autour de lui.  On insiste à plusieurs reprises sur le fait qu'il soit riche et hommes d'affaires.  Idem pour Bruce Wayne, l'alter ego de Batman.  En dehors des supers-héros?  Le nom de Christian Grey vous dit quelque chose?  Et je ne parle même pas des multiples films, séries télés ou livres dans lequel un personnage secondaires est un riche homme d'affaire.  Rarement une femme, mais ça peut arriver.

Et les méchants?  Les James Bond depuis les années 1990 ont mis en vedette un certain nombre de gens d'affaires corrompus en vilain dans leur film, l'un des plus marquants étant certainement Elliott Carver dans Demain ne meurt jamais.  Un autre exemple est  Richmond Valentine du film Kingsmen: Services secrets.  Leur point commun? Mégalomanie, volonté de dominer le monde... et utilisation de toutes leurs ressources, financières et techniques, pour atteindre leurs buts.  C'est souvent exagéré et caricatural, mais reste que l'on est passé du méchant chef d'un état à un méchant qui n'est pas lié à une structure étatique, mais international, qui s'infiltre partout, se glisse partout et est au fond... très proche de nous.

Tous ces personnages nous emmènent dans un univers feutrés de bureaux en hauts de grands édifices, de luxes, de raffinement et où les guerres, même si elles ne font pas de morts ou de blessés, restent extrêmement violentes.  Par le biais de la fiction, on entre dans leurs univers et l'on comprend les codes de ces univers, les relations de pouvoirs qui s'y jouent.  Même si tout cela est ultra-fermé (les milliardaires-PDG ne sont qu'une poignée d'être humains sur terre), la fiction nous permet d'y prendre pied et comme c'est quelque chose de réel, d'y prendre un peu place.  Certes, la plupart des milliardaires ne se déguisent pas en chauve-souris pour combattre le crime la nuit (loin de là!), mais donne l'impression que ceux-ci ont naturellement des pouvoirs au-dessus du commun des mortels, même plus que les gouvernements en place dans certains cas.  Ah oui et autre point à noter, on les voit rarement faire véritablement des affaires, leur statut compte plus que leur travail.

Je pensais à cela lorsque j'ai vu le résultat des élections américaines de 2016.  L'homme qui a remplacé Barrack Obama à la tête des États-Unis correspond à cet archétype de l'homme d'affaires dont nous parle la fiction: riche, puissant, ne rendant de comptes qu'à lui-même, sauveur en quelque sorte.  Je m'interroge en voyant ça: et si la fiction nous avait préparé à voir ce genre d'individus au pouvoir?  Si les esprits avaient été préparés à cette idée, sans faire la distinction en ce qui concerne la réalité et l'imaginaire, comme si les qualités des super-héros homme d'affaires s'appliquaient à tous sans distinction?  Alors, facteur parmi beaucoup d'autres il faut l'avouer, mais le terrain a été préparé.  En ce sens, il y a un lien entre l'actuel président des États-Unis et Iron Man.  Je ne suis pas sûre que ce soit quelque chose de bien.

@+ Mariane

jeudi 5 juillet 2018

Maternité La face cachée du sexisme de Marilyse Hamelin

Maternité, La face cachée du sexisme  Marilyse Hamelin  Collection Présent  Boréa;  184 pages


Résumé:
Même si l'égalité homme-femme a fait des bonds de géants depuis quelques décennies, il reste un point où malgré tous les efforts, les progrès sont lents: la sphère privée et au centre de celle-ci, la parentalité.  Malgré tous les efforts, les campagnes de sensibilisation et les mesures adoptées, la mère est toujours considérée comme le «parent par défaut», celle qui sait quoi faire pour s'occuper des enfants, responsable de l'organisation du foyer et qui doit faire le tout avec le sourire et dans la bonne humeur.  Seulement, une majorité de femmes travaillent aujourd'hui à l'extérieur du foyer, mettant le modèle à mal sans que la base de celui-ci ait été remise en question.  Ce qui cause un déséquilibre, un sexisme mal nommé, auquel s'attaque l'auteure dans ce livre.

Mon avis:
Il faut parfois des livres pour jeter un pavé dans la marre et ébranler les idées reçues.  Celui-ci s'inscrit dans cette veine, mais il prêche beaucoup plus aux non-convertis qu'aux personnes déjà sensibilisées.  Le livre est, comme tout bon essai, un long argumentaire en faveur de la thèse qu'elle défend, soit que la parentalité est, pour un grand nombre de raisons, plus ou moins culturelles et plus ou moins ancrées dans notre psychée, encore bien plus le fardeau des femmes que des hommes.  Ce livre va sonner comme un éveil des consciences pour qui est moins au courant des enjeux féministes.  La démonstration est bien argumentée, dotée de nombreux exemples et de témoignages éclairants (paritaires, je tiens à le souligner, autant d'hommes que de femmes ont témoignés de leur expérience pour cet ouvrage).  Elle déplace le centre du débat de la maternité (associé aux femmes uniquement), à la parentalité (concernant les deux parents de façon égale).  La question des congés parentaux, centrale à son ouvrage y est décortiquée et l'influence des idées reçues sur la maternité et la paternité également.  Le partage des responsabilités ménagères y obtient aussi une petite place, un peu maigre à mon goût, mais quand même assez importante.  Le livre n'a aucun défaut majeur, mais il a constitué pour la lectrice déjà au courant des enjeux que je suis une excellente révision sur le sujet plus qu'un apport réel aux débats.  Pour quiconque n'est pas au courant des enjeux par contre, cet ouvrage est à mettre entre toutes les mains (surtout celles des futurs pères!).  Agréable à lire, bien argumenté, c'est un essai grand public qui réussit très bien l'objectif fixé, soit de brasser les idées reçues sans tomber dans le préchi-précha et qui démontre avec l'aide d'exemple concrets qu'autre chose de mieux est possible et souhaitable.

Ma note: 4.5/5

lundi 2 juillet 2018

Principal de l'un, secondaire de l'autre

Salut!

J'ai remarqué que certains auteurs utilisent une technique bien particulière pour nourrir leurs oeuvres.  Phénomène largement influencé par les suites et re-suite et autres spin-off parfois insipide du cinéma, mais pas que.  C'est celui des personnages qui se retrouvent parfois au coeur de l'histoire... et qui laissent la première place à un autre personnage lors d'un autre livre.  Personnellement, j'adore ce procédé dans les livres.  Mais il peut être utilisé à tellement de sauces!  C'est qu'en tant que tel, c'est un procédé qui permet d'élargir l'exploration d'un univers de bien des façons.  Certains en abusent pour allonger les profits, mais c'est une mauvaise utilisation: en tant que tel, cela peut enrichir un univers bien plus qu'il n'y paraît.

Je l'avais remarqué en particulier dans le livre de Robert Silverberg, Les Monades urbaines.  Dans ce roman formé de nouvelles, tous les personnages principaux d'une nouvelle deviennent personnage secondaire dans l'une ou l'autre des suivantes, aucun n'étant à proprement parler un personnage principal de l'ensemble.  Cette situation est sûrement voulue par l'auteur qui parle sans cesse du vertige de cette société qui vit dans d'immenses tours de mille étages, chaque monade (tour) formant  des sociétés indépendantes les unes des autres.  En utilisant ce procédé, l'auteur permet de démultiplier les points de vue, mais aussi de reprendre l'idée centrale de son livre: l'individu écrasé par la masse des autres êtres vivants et de la structure physique même de la monade.  Silverberg a utilisé cet effet littéraire pour démultiplier l'effet du nombre, car ce qui concerne un individu concerne tous les habitants de la monade, tous prisonniers d'elles et pourtant, la nourrissant.  Chacun des personnages qui sont à la fois secondaires et principaux montrent l'impact de la monade sur eux: ce qu'un personnage remarque, un autre le verra aussi, mais autrement, mais les deux perceptions se complètent dans ce qu'est une monade et le fait d'y vivre.  C'est l'effet choral entre les différents personnages qui donnent l'effet voulu par l'auteur.

Dans les univers de Tolkien, les personnages d'un roman, comme par exemple, Bilbon Sacquet dans Bilbon le hobbit, deviennent les secondaires dans un autre roman, comme par exemple, dans la suite du Seigneur des anneaux.  Dans ce cas-ci, le personnage sert à alimenter une suite d'histoire qui se déroulent dans le temps.  Un personnage apparaît, prend place dans l'histoire a un impact sur l'intrigue qui va venir de par ses actions.  Bilbon quitte la Comté et vit de multiples aventures, devenant au passage porteur d'un mystérieux anneau, ce qui aura d'énormes impacts sur la vie de son neveu Frodon.  Et cela, sans que l'histoire même de Bilbon le hobbit portent des traces de ce qui allait arriver ensuite.  Un peu comme dans l'Histoire, celle avec un grand H qui nous concerne tous.  Et ainsi de suite sur ce qui peut s'étirer pendant longtemps.  Tolkien n'a-t-il pas écrit des dizaines de nouvelles, de romans et autres histoires se déroulant en Terre du milieu?  Il a donc utilisé des personnages principaux devenus secondaires pour montrer la continuité, la transmission, la suite entre les différentes histoires qu'il a écrit.  Sans compter qu'à quelques reprises, ses personnages font allusions à de lointains événements qui ont un impact sur eux... et qu'il a longuement raconté dans d'autres livres.  Un peu comme nous faisons allusion aux événements survenus au temps de nos aïeux.

Une autre façon d'utiliser le concept est celui que j'ai remarqué dans les romans de Mercedes Lackey.  Cette auteure a élaboré un univers aussi vaste que celui de Tolkien, mais dans un laps de temps considérablement plus court.  Dans la première trilogie, le personnage principal est Talia, héraut de la Reine.  Elle est entourée de nombreux personnages, dont la fille de la Reine, la princesse Elspeth.  Dans la seconde trilogie, le personnage principal est devenu Elspeth, mais Talia ne disparaît pas pour autant du portrait.  Son rôle est simplement beaucoup plus effacé, moins à l'avant-plan, mais le personnage est tout de même présent.  Idem dans la troisième série du cycle, où Elspeth elle-même est un personnage secondaire, mais où de nouveaux personnages sont à l'avant-plan, tout en lui laissant une place dans l'intrigue, de même qu'à Talia.  Vous me suivez?  Ici, c'est plus une course à relais qui est mis en place.  Chaque personnage a son moment sous les projecteurs et reste ensuite un personnage essentiel de l'histoire, mais en perdant le premier rôle.  Ainsi, tous les personnages, chacun à leur tour, deviennent principal, puis retournent secondaire.  Enfin, pas tous, mais la plupart.  Ainsi, si on a aimé le personnage de Talia, on pourra suivre son développement au fil des trilogies, même si elle n'est plus au centre de nos intérêts.  Par ce principe de relais, l'auteure crée un lien émotionnel fort au fil des histoires, mais par la bande, prépare à chaque tome la trilogie suivante.     

C'est un effet littéraire que de multiplier ainsi les personnages dans un même cycle, de leur permettre d'avoir la première place au soleil et une autre, un peu plus à l'ombre.  Cela nous permet de voir une histoire différemment, à travers les yeux de plusieurs personnes qui nous la racontent.  Comme dans la vraie vie, il n'y a jamais qu'une seule vision des événements.

@+ Mariane