lundi 26 septembre 2022

Des politiciens et des livres

 Salut,

Ça m'a frappé en 2015, mais ça aurait sans doute dû me frapper avant: Justin Trudeau avait sorti son autobiographie quelques mois avant les élections.  Remarquez qu'il n'était pas le premier politicien à avoir fait cet exercice. Pauline Marois, François Legault et nombre d'autres sont passés par la case «livre» avant d'accéder au pouvoir. Mais pourquoi donc?

Bon, il faut le dire, si je parle de politicien.ne.s du XXIe siècle, la tendance n'est pas récente. Des politicien.ne.s petit.e.s et grand.e.s s'y sont essayé. Et déjà Jules César s'adonnait à un genre proche il y a deux mille ans: le livre comme porte ouverte vers une carrière politique. Dans celui-ci, la personne qui désire le pouvoir se présente, a le temps d'exprimer ses idées et de montrer sa valeur. Militaire dans le cas de Jules César. Sa détermination et les valeurs qui l'animent au travers de sa vie dans le cas de Winston Churchill.

Et bien oui, même Churchill a publié ses mémoires dans le but de se faire du capital politique. On l'oublie, mais le vieux lion, vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, a eu ses moments difficiles en politique et il a lui aussi publié ses mémoires au début des années 1930 pour se refaire un nom. Des mémoires très intéressantes au demeurant, bien que fondamentalement ancrées dans le colonialisme de l'Empire britannique d'alors. Mais pourquoi a-t-il écrit ses mémoires à ce moment de sa vie? Churchill a vécu des moments de dépression tout au long de sa vie et le début des années 1930, qui correspond à une période noire de sa vie, tant au niveau personnel qu'au niveau politique qu'au niveau... financier. On l'oublie parfois, mais l'essentiel des finances de Winston Churchill lui provenait de sa plume! Pas étonnant qu'il ait gagné le Prix Nobel de littérature et non celui de la Paix qu'il désirait tant!

Le livre, surtout l'autobiographie hagiographique comme moyen de relancer une carrière politique? Ou pour se faire connaître de la population dont on souhaite le vote? Un peu des deux à chaque fois, il faut l'avouer. Le livre politique se présente souvent comme le premier et fini facilement comme le second. Il faut le dire, le livre a beaucoup d'avantages. Contrairement à l'entrevue, il ne contient pas de déclarations échappées: tout a été minutieusement révisé avant publication. Il ne contient pas non plus de scandales retentissants parce que justement, il est écrit par la personne qui désire présenter une image d'elle-même flatteuse. Et surtout, c'est un excellent véhicule pour se faire bien paraître. Même à l'ère du numérique, le livre garde une aura de crédibilité que des millions de tweets n'ont pas. La preuve? Même le fils de Donald Trump a écrit un livre! 

Dans un livre, la personne de pouvoir contrôle le message. Le politicien ou la politicienne (on se rappellera que Nathalie Normandeau a publié un livre pour laver sa réputation) peut se permettre d'exposer sa vision des choses sans risquer d'être contredit.e et de créer un narratif le représentant. Pour les personnes qui prendront la peine de lire le livre, c'est aussi une façon d'avoir un contact direct avec un ou une élu.e qu'ils n'auraient pas autrement. C'est également une excellente façon de promouvoir ses idées, de créer un impact et bon, disons-le aussi, de rallier ses troupes en prévision des campagnes électorales. Parce que le livre crée un sentiment de proximité entre l'auteur et le lecteur, on sera plus attentif au discours d'un politicien dont on aura lu le livre, parce qu'on pourra aller au-delà du bref commentaire dans les médias ou du tweet dans les médias sociaux.

Enfin, c'est l'idée. Sauf que certains ont plus de talents que d'autres dans ce domaine.

@+ Mariane

lundi 12 septembre 2022

La monarchie des contes de fées

 Salut!

La reine Élisabeth II est morte jeudi dernier. Je dis ça juste au cas où vous ne seriez pas au courant. Quelle étrange institution dans notre monde moderne que cette monarchie, d'autant plus qu'elle n'a plus la moindre autorité. Anachronique, certes, mais aussi rassurante dans un sens parce que si bien des choses changent, si notre monde peut prendre toutes les directions, elle est toujours là, inutile dans les faits, sauf pour faire un lien entre le passé et le présent. 

Qu'on le veuille ou non, la monarchie est profondément ancrée dans notre psyché. Même ma filleule de deux ans a compris c'était quoi une princesse, c'est dire combien ça commence tôt! Des contes de fées aux romans de fantasy l'institution est partout. La figure du monarque est celle de l'autorité, souvent sage, parfois cruelle, mais toujours enveloppée d'un voile de mystère. Un roi ou une reine ne sont pas seulement une personne, ils sont une fonction et cette fonction est à vie : ce n'est pas comme les présidents américains qui doivent quitter le pouvoir au bout de huit ans ou les premiers ministres qui peuvent occuper ce poste encore moins longtemps. La monarchie est dans une autre sphère. En démocratie, le peuple peut mettre dehors un dirigeant. Rare sont les peuples qui ont renversés leurs souverains dans l'histoire. Des frondes menées par les puissants ont eu lieu et comment! Mais leurs tentatives ont été plus souvent couronnées de succès (scusez-là!) que celle des peuples que gouvernaient ces souverains. Et habituellement, ça n'a pas très bien fini pour ces têtes couronnées. Pensez à Charles 1er d'Angleterre et à Louis XVI de France...

C'est surtout une façon de forger notre rapport à l'autorité. Un roi (ou une reine) a typiquement tous les pouvoirs, c'est présenté ainsi, mais dans la réalité, ils sont aussi prisonniers que les autres dirigeants : ils doivent respecter des règles et jouir de l'appui de larges pans de leurs populations pour maintenir leur pouvoir. Car non, les souverains ne peuvent pas tout faire. Ils ont des gens à leur service, par choix ou par contrainte, et c'est à eux de faire respecter l'autorité royale. Le roi, lui, doit surtout se faire respecter de ceux qui se chargent pour lui de faire respecter son autorité: ministre, vassaux, ducs, etc. La plupart des rois détrônés l'ont été dans l'histoire par ces seconds, bien plus que par leurs peuples. 

La reine Élizabeth n'avait aucun pouvoir dans les faits (et le roi Charles n'en aura pas plus). Elle était une monarque constitutionnelle, qui règne, mais qui ne gouverne pas. Elle n'avait rien d'une reine de contes de fées en dehors des attributs extérieurs: couronne, robes, palais, serviteurs en livrés, service aux petits soins, etc. Et pourtant, il y a quelque chose qui dépasse les apparences dans ce qu'elle a été. Bien que de nombreuses critiques (dont beaucoup de très valables) sont faites envers le coût de la monarchie, on ne peut pas dire que la reine n'a pas accompli sa part du contrat, se pliant sans rechiner à une vie bourrées de contraintes et en faisant payer le prix de l'institution à tous ses proches. Même dans son grand âge, elle a continué à remplir ses devoirs, aussi peu utiles parfois soit-il, comme couper des rubans, prononcer des discours ou assister à des dîners.

C'est peut-être de ça que la monarchie tire son attrait. Les individus qui sont l'institution, qui font l'institution, aussi factuellement inutile soit-elle au XXIe siècle, le font entièrement, totalement, payant le prix dans leur vie personnelle des sourires en public et des diadèmes. On peut leur reprocher bien des choses, mais pas de ne pas prendre au sérieux leur rôle et de ne pas y consacrer leur vie. C'est sans doute pour cela que des séries comme The Crown ont réussi à attirer un aussi large public : la fascination vient de comment un individu peut-il exister en étant en même temps une institution? Et ce, pour toute une vie? Pas de retraite pour les souverains, ils doivent tenir, personnellement, tout supporter, résister pour faire passer l'institution au travers des écueils d'un règne. 

Et cela, que ce soit en fiction ou dans la réalité, a fasciné, fascine et fascinera toujours les peuples.

@+ Mariane