vendredi 28 novembre 2014

La petite révolution de Boum


La petite révolution Boum  Collection Anticyclone  Front Froid  92 pages


Résumé:
Florence est une petite fille des rues, quelque part dans une dictature.  Sa vie est faite de survie avec d'autres gamins.  Son seul petit plaisir est d'aller chez un antiquaire écouter un vieux disque de Boris Vian, Le Déserteur.  Mais lorsque la révolution, la vraie, frappe à sa porte, écoutera-t-elle les paroles pacifistes de Vian ou prendra-t-elle le chemin du combat?

Mon avis:
Une petite fille, vivant sous une dictature, tentant de survivre entourée d'une poignée de proches qui ne vivent pas mieux qu'elle.  Qui ne comprend pas touts les enjeux qui l'entourent et avance dans la vie avec ce mélange de touchante naïveté et de conscience de la dureté du monde qui sont le fait des enfants qui ne comptent que sur eux-mêmes.  On comprend son dilemme face à l'affrontement, elle qui aime tant la chanson Le Déserteur et qui pourtant est entourée de gens qui veulent faire la guerre.  La passion pour la révolution qui l'embrase soudain aussi.  Les dessins rendent d'ailleurs justice à sa candeur, elle qui ressemble à une poupée avec son visage rond et ses grandes joues marquée d'un cercle.   Les autres personnages sont plus allongés, plus étirés, plus marqués par la vie aussi d'une certaine façon.  Les arrières-plans nous plongent facilement dans l'atmosphère étouffante d'une dictature, qui pourrait être ici ou ailleurs, peu importe au fond.  Le récit est centrée sur cette petite Florence qui affronte le monde du haut de sa dégaine et c'est un choix heureux.  Le récit est un peu court, mais bien centré sur l'essentiel.  Il n'y a pas de temps morts ou de surplus.  La place est laissée à l'émotion.  Et aussi à la musique de Boris Vian.  Une belle réussite.

Ma note: 4.25/5

mercredi 26 novembre 2014

Commerce et littérature

Salut!

Si vous suivez le moindrement l'actualité, vous vous rendrez compte que souvent ces temps-ci les mots «monde du livre» riment bien souvent ces temps-ci avec «difficultés».  Financières on s'entend.  J'ai beau retourner la chose dans tous les sens, je vois deux problèmes avec cette ritournelle.

Le premier et bien, c'est que la littérature n'est pas en danger.  Alors, ça non!  Depuis une dizaine d'années, il me semble que l'on a jamais eu autant de livres, de bons livres, autant en terme de qualité que de quantité.  Des auteurs créatifs, des éditeurs audacieux, des livres surprenants, enlevant, fascinants, en voulez-vous en v'là!  Le monde littéraire pullule de bons livres, est capable de mettre ses auteurs de l'avant et de produire des oeuvres de haute qualité.  La littérature en danger?  Je ne pense pas, mais pas du tout.  Le problème, parce qu'il y en a un, est au niveau du tiroir-caisse.  Que voulez-vous, on touche ici à une problématique qui touche l'intégralité du domaine des arts et de la culture: il faut que les gens puissent en vivre.  Et c'est là que le bât blesse.  Si vous entendez parler des difficultés du monde du livre, on ne vous parle absolument pas des problèmes créatifs.  On vous parle de difficultés financières liées aux ventes des livres et de rien d'autre.

Les gens confondent souvent production littéraire et commerce de livre.  Ils sont dépendant l'un de l'autre, même si ce ne sont pas les mêmes personnes qui le font.  Entendons-nous, les auteurs qui comme Kafka écrivent de nuit et travaillent le jour ne sont pas légions, ce genre de vie étant plutôt monastique.  Alors, les auteurs doivent pouvoir vivre des revenus de leurs oeuvres pour pouvoir s'y consacrer.  De là, la nécessité de vendre et comme souvent, ils n'ont pas le temps de vendre eux-mêmes, le métier de libraire.  Même chose avec les autres considérations d'ordre pratique comme les éditeurs et les distributeurs.  Chacun son métier.    Cependant, si quelqu'un se consacre entièrement ou du moins, la majorité de son temps, à un travail, il doit s'attendre à en tirer assez de revenus pour en vivre.  Donc, il faut que les ventes soient suffisantes pour que tout le monde puisse en vivre.  Donc, le problème est là: les ventes sont en baisse.

Ceci étant dit, ce n'est pas que cela le milieu du livre!!!  Et ne parler que des chiffres, c'est se mettre la tête dans le sable: oui, c'est dur, oui, il faudrait une réaction pour corriger le tir, oui, il est grand temps qu'on le fasse, mais bordel, ça ne résume pas tout ce qui se brasse là-dedans!!!  Mettre toujours l'accent sur les problèmes ne me semble pas une solution pour encourager les gens à aller voir derrière le voile.  On parle trop des problèmes (réels!) et pas assez des réussites, de ces auteurs qui vivent de leur plume, de ces éditeurs qui connaissent le succès, de ses librairies qui n'hésitent pas à innover et à sortir des sentiers battus.  Peut-être parce qu'il y en a trop, tellement qu'on ne les remarque plus.  Au-delà des difficultés, des faillites, des fermetures et des jours maigres, il y a une vitalité bien présente, bien vivante, une énergie qui ne ne demande qu'à être déployée.  Des gens motivés, il y en a beaucoup.  Les chiffres grugent leur énergie, mais pas leur coeur au ventre.

Pour que la littérature fleurisse, il faut que ses auteurs soient payés et à un juste prix.  Rien n'est parfait dans l'industrie du livre au Québec, mais elle existe et il est plus facile de construire à partir de ce qui existe plutôt qu'à partir de rien.  Il faudrait juste commencer à parler de ce qui va bien plutôt que de ce qui va mal, ça serait mieux pour tout le monde.  Les gens veulent aller vers ce qui va bien, pas vers ce qui décline parce que la littérature au Québec, elle continue de se vendre et de générer des profits, année après année.

@+ Mariane

mardi 25 novembre 2014

Les pièces détachées de David Turgeon et Vincent Girard

Les pièces détachées  David Turgeon et Vincent Girard  La mauvaise tête  144 pages



Résumé:
Laura est une jeune musicienne de 19 ans.  Étudiante à Montréal, vivant à Repentigny, elle a grandit auprès d'un père détaché de lui-même et des autres, lui causant à elle-même de sérieux problèmes d'attachements.  Alors que son père s'apprête à devenir de nouveau papa, elle-même emménage en ville.

Mon avis:
Une tranche de vie plus qu'une histoire proprement dite.  On pénètre dans la vie de Laura, de son père, de sa mère et d'une poignée d'amis.  Des histoires d'amour, d'arrivée à l'âge adulte, d'art, mais aussi de découverte de soi.  Avec comme thème, le détachement.  Celui de son père est manifeste, visible.  Il est détaché de lui-même comme des autres. même de son enfant, même de son futur enfant.  Dur de définir une telle personnalité.  Il n'est pas méchant, mais il n'est pas capable de tracer ce petit fil entre les êtres humains.  Il ne s'y sent pas à l'aise.  Il est dans sa tête, seul endroit où il ne se sent pas vite dépassé.  Autrement, il se sent incapable, incompétent.  C'est dur.  Sa fille en souffre, bien évidemment.  Et cela se répercute sur toutes ses interactions avec les autres, même avec ce gentil disquaire qu'elle trouve quand même mignon...  Entre ses tentatives musicales, ses cours, ses amis, son euh, peut-être petit ami, sa vie est bien remplie, mais complexe, parce qu'elle a elle aussi du mal à tisser le petit lien.  Le dessin sent à la fois le griffonné sur le coin de la table et le lent travail de création.  Chaque plan est bien pensé, mais le trait reste vif et léger.  Sans doute parce que les auteurs sont deux et qu'ils ont retravaillés le travail l'un de l'autre.  Peu importe, ça garde au final une fraîcheur qui sert très bien l'histoire.  Une jolie petite pièce, simple et belle comme la vie, complexe et dure comme elle aussi.

Ma note: 4.25/5

lundi 24 novembre 2014

Les rallonges à série

Salut!

L'autre jour, j'ai entendu parler que J.K. Rowling, l'auteur des Harry Potter, écrivait des petites suites à son oeuvre, sous la forme de nouvelles sur le site Pottermore, dédié à son célèbre petit sorcier.  C'est bizarre, mais je n'ai aucun intérêt pour cette suite.  Même chose pour une éventuelle suite au cinéma ou en livre.  Certaines choses valent la peine d'avoir une fin, tout simplement.

Les rallonges de série, les tome hors-série, les antépisodes (ok, préquels si vous préférez), c'est pas nécessairement mon genre.  J'en aie déjà lu.  Ça va sûrement m'arriver encore.  Le problème n'est pas dans leur existence, mais pas du tout.  Le problème est dans leur pertinence par rapport à l'univers dans lequel ils ont été conçu.  Vouloir étirer encore et encore la sauce n'est pas nécessairement une bonne idée, tout le monde le sait.  On peut ajouter à un univers avec cohérence et respect, mais cela demande un énorme doigté et une bonne connaissance de celui-ci.  Explorer les zones d'ombre de l'histoire principale, ou encore celle de personnages secondaires au passé intéressant, peut-être une bonne idée.  Mais ça a ses limites.

J.R.R. Tolkien a conçu un très vaste univers, extrêmement cohérent.  Mais il faut le savoir, il évolue sur des milliers d'années et comporte beaucoup de personnages.  La seule trilogie du Seigneur des anneaux en est l'aboutissement, mais fait parti d'un ensemble beaucoup plus vaste.  Voilà une des raisons pour lequel l'ensemble a pu remplir des dizaines de livres!  Autrement, sans ce territoire vaste et cette durée dans le temps, même un auteur aussi débordant d'imagination aurait pu finir par tourner en rond.

Une série et bien, ça doit avoir une fin, tout simplement.  Même si ça veut dire faire un deuil de personnages et d'univers que l'on a adoré.  Chaque monde a ses limites et un seul auteur ne peut faire vivre tout ça pendant des années.  Il y a les limites de ses personnages, de son imagination, mais aussi purement et simplement de l'évolution normale des choses: on commence une série, on l'adore, on trippe.  Mais soit nous, soit l'intrigue de la série, prend une autre direction et la réaction chimique qui faisait des bulles diminue.  Ce n'est pas l'oeuvre qui est moins bonne en elle-même (quoique ça arrive souvent), mais la conjoncture qui n'est plus là.  À quoi ça sert de vouloir la prolonger indéfiniment alors?

C'est sûr que les rallonges à série sont une excellente source de revenus pour les auteurs et les éditeurs.  Les fans vont quand même se précipiter pour acheter le dernier tome.  Mais même eux peuvent finir par se lasser, surtout quand on leur dit, c'est fini! avant de ressortir un autre tome deux ans plus tard.  À la longue, c'est plus une mauvaise blague.  Alors, à moins d'avoir vraiment quelque chose de très pertinent à dire, autant laisser un univers vivre sa vie de livres sans vouloir rajouter des tonnes de suite.  L'oeuvre originale est souvent la plus forte, autant de pas la gâcher avec des suites qui ne sont pas à sa hauteur.

@+ Mariane

vendredi 21 novembre 2014

Eux de Patrick Isabelle

Eux  Patrick Isabelle  Collection jeunesse Leméac  107 pages



Résumé:
Lui, c'est une jeune qui aborde le secondaire.  Il parle en je tout au long de son histoire.  Eux, ce sont ceux qui vont l'intimider, le harceler, le brimer, ceux qui vont le pousser dans une voie sans issue.  Il nous raconte sa solitude, la solitude qui permet les premières brimades, celle-ci devenant plus faciles au fur et à mesure que la solitude s'accroît, formant un cercle vicieux qui devient de plus en plus dur.  Impuissance de l'école, impuissance des parents, absence d'amis, de personne à qui parler, de personne sur qui décharger un peu de ce poids qu'il porte et à chaque fois qu'il essaie de se défendre, eux, qui fondent sur lui, profitant de la moindre de ses faiblesses.  Jusqu'à l'explosion.

Mon avis:
Petit roman qui se lit d'une traite et qui ne peut pas laisser indifférent.  Parce qu'il montre avec une efficacité meurtrière le cercle vicieux et la puissance de l'intimidation.  L'isolement, les brimades, l'absence d'aide, de personne à qui parler.  Le narrateur réagira de façon spectaculaire, mais sa réaction n'est pas nécessairement celle d'un détraqué: c'est l'accumulation qui l'a poussé à l'acte, pas une personnalité dérangée.  S'il faut lire un livre pour décrire les ravages de l'intimidation, c'est bien celui-ci.  On n'en sort pas indemne.  J'avais le coeur qui me battait la chamade depuis la moitié du livre.  Ce qui m'a surtout chamboulée, c'est que la victime s'enferme dans le silence: il a parlé et rien n'a changé, alors pourquoi recommencer?  Pourquoi faire confiance quand on se sent trahi?  Pourquoi, si l'on se défend, on nous tape sur les doigts parce que la réaction est trop intense, dénoncerions-nous?  L'intimidation est une tare d'autant plus qu'elle est insidieuse et pas toujours visible.  Les petits jeux de pouvoirs psychologiques dont elle est fait sont magnifiquement bien décrit dans le livre.  Un livre dur, un livre nécessaire, un livre pour faire comprendre, mais pas un livre qui cherche à faire comprendre.  Il n'y a rien de didactique dans ce livre.  C'est le parfait exemple de ce que peut faire la littérature, mieux que personne d'autres: nous montrer de l'intérieur ce qui se passe dans la tête d'une personne victime d'intimidation.  Pas du tout surprise que ce livre aie gagné le Prix des libraires jeunesse 2014.

Ma note: 5/5

mardi 18 novembre 2014

Hiver nucléaire de Cab

Hiver nucléaire  Cab  Collection Anticyclone  Front froid  92 pages



Résumé:
Montréal, un peu dans l'avenir, après un accident nucléaire qui a plongé le Québec dans un hiver perpétuel.  Flavie est courrier à motoneige dans Montréal, transformée en immense dépôt à neige.  Elle remplace une amie qui veut faire la fête sur une livraison particulièrement longue: aux limites du Montréal habité, dans le Mile-End.  Sauf que dans cet hiver perpétuel, la tempête et les effets des radiations sont à prendre en compte!

Mon avis:
Un hiver nucléaire sur Montréal?  Fallait y penser!  C'est surfer sur l'éternel chialage des Québécois sur notre hiver.  Les débuts de la BD, avec le déneigeur municipal se plaignant des chutes de neige donne le ton.  Ça rappelle rien à personne ça?  Les effets des radiations sont aussi très drôle.  On passe de ratons laveurs à ratons polaires (et n'aller pas vous y frotter!), les chats deviennent polaires et nordiques (et à multiples yeux!) sans compter le reste de l'humanité, soudainement devenus... bizarre.  Le fait de se promener dans les rues montréalaises enfouies sous d'épaisses couches de neige, montrant les commerces adaptés à un hiver continu.  Les gens y chialent toujours comme l'hiver...  Cette fois, ils ont bien raison!  Les effets connexes de cet hiver nucléaire avec les giga-flocons étaient une très bonne trouvaille, bien intégrée dans le récit.  J'ai trouvé qu'il y avait quelques trous dans le scénario, je me suis posée des questions sur certains événements et leur pertinence, mais dans l'ensemble, c'est bien.  En tout cas, l'idée de base était excellente.  Le dessin avait des traits de parentés avec les vieux dessins animés des années 80 et aussi un peu des mangas avec les grands yeux et les cheveux, mais tout en ayant une personnalité propre et bien découpé.  Les arrières-plans étaient également bien travaillé, avec juste assez de précision dans les dessins pour savoir où l'on était et mais sans trop de détails pour écraser les avant-plans.  J'ai beaucoup aimé qu'à la fin, il y ait des esquisses des différents personnages à différentes étapes de création.  J'ai beaucoup aimé les chats polaires entre autre, même si je ne me risquerais pas à aller les caresser...

Ma note: 4/5

lundi 17 novembre 2014

La méconnaissance et ses conséquences

Salut!

Souvent, quand j'entends parler des journalistes, des économistes ou peu importe qui s'exprimant sur le milieu du livre, mais n'ayant pas de liens directs avec lui, je constate une chose: ils ne savent pas toujours de quoi ils parlent.  J'entends des inexactitudes à me faire écarquiller des yeux, des lieux communs sur le commerce de détails qui me sidèrent parce qu'ils ne s'appliquent pas au livre et une foule de petits détails qui me permettent de voir que les gens sensés nous informer parlent au travers de leur chapeau.  Ça doit être ainsi pour toutes les personnes connaissant de l'intérieur un domaine précis: quand on voit des néophytes en parler, les erreurs nous sautent aux yeux.

Ce qui me fait mal avec tout ça, c'est que le grand public, lui, croit ce qu'on lui raconte.  Il ne connaît pas les rouages, ne les comprend pas, ne voit pas les impacts.  Il prend ce qu'on lui raconte, tout simplement.  Et malheureusement, ce ne sont que des fragments d'une réalité beaucoup plus complexes.  Souvent, on lui dit que le milieu du livre va mal.  De magnifiques années sont derrières nous certes, mais encore faut-il dire que quand on parle que ça va mal dans le milieu du livre, on parle de la distribution bien plus que du littéraire.  La créativité du milieu du livre?  Elle n'est absolument pas en danger!  Il n'y a jamais eu autant de livres et de bons livres.  Des éditeurs créatifs, des textes magnifiques, des albums audacieux, il y en a plein.  C'est pas là qu'il est le problème.

Quand on parle des difficultés du monde du livre, on parle de difficultés au niveau économique, pas de créativité ou d'innovation.  Le problème du livre, c'est le modèle économique, pas le fait de produire ou non de bons livres (bon ça, ça peut toujours être sujet à discussion pour certaines personnes, mais ce n'est pas mon sujet).  Alors quand on parle que ça va mal dans le milieu du livre, ce n'est pas que les auteurs n'écrivent plus, ou qu'il ne se fait plus rien de bon, bien au contraire.  C'est que les livres ne se vendent plus autant et aussi bien qu'il y a quelques années.  Et qui dit baissent des ventes, dit baisse des revenus.  Pour tout le monde!  Et baisse de revenus veut dire baisse des capacités à continuer à faire un aussi bon boulot.

Quand on vous dit, ça va mal quelque part, à répétition, vous vous en détournez.  Vous vous dites, mais alors, ça descend, donc, c'est fini non?  Surtout quand ça fait des années.  Et ça fait des années que l'on parle que le milieu du livre va mal.  Le problème étant que dans les faits, l'aspect commercial et financier va plus ou moins bien, mais le reste est fait de succès!  Il y a de vraies belles histoires dans le milieu du livre, mais on en parle pas assez et ça reste dans un certain circuit, plus ou moins fermé.  Les plus grandes réussites ne sont pas celles dont on parle dans les journaux, ce sont des échecs, des faillites, des mauvaises nouvelles.  Rien pour montrer le côté positif de la médaille et donner un élan.  C'est même dur pour le moral, bien souvent.    

Alors, quoi?  Personnellement, je me dis que Monsieur-Madama-Tout-le-monde n'a pas nécessairement besoin de connaître tout le système de distribution du livre, mais il faudrait au moins faire le ménage dans quelques trucs.  Oui, la concurrence des Wal-Mart et autre fait mal.  Oui, le livre numérique se développe et vient chercher des parts de marché.  Oui, le réseau traditionnel risque de connaître des années encore difficile.  Par contre, ce qui est certain, c'est que les livres produits ici, le talent et la créativité, la qualité aussi est au rendez-vous.  L'industrie du livre, ce ne sont pas que des chiffres, ce sont aussi des succès.  Et il serait largement temps de parler davantage de ce qui est positif plutôt que de ce qui est négatif.  Parce qu'on dirait que pour le grand public, si on continue à tenir le même discours, le milieu du livre au complet est perdu alors que c'est loin d'être le cas.

@+ Mariane

vendredi 14 novembre 2014

Ru de Kim Thuy

Ru  Kim Thuy  Alexandre Stanké  168 minutes



Résumé:
La vie d'une enfant vietnamienne, depuis son enfance dans une famille aisée, à la fin de la guerre civile, à l'arrivée dans une contrée étrangère et aux questionnements de l'immigrante face à son identité.

Mon avis:
J'ai lu le livre de Kim Thùy en audio, lu par l'auteure elle-même.  Je crois que beaucoup de mes commentaires vont autant porter sur le livre que le Cd lui-même!  L'écriture de Kim Thùy est je l'avoue très surprenante, comme détachée d'elle-même et des événements.  Elle peut raconter l'éclat d'un souvenir d'enfance et une agression sexuelle sur le même ton.  Tout y passe, tout est égal, la beauté comme l'horreur, la dureté comme la solidarité.  C'est sa vie qu'elle raconte dans ce livre, sa vie de petite fille dans le Vietnam de l'après-guerre civile où la paix n'était qu'un couvercle mis sur la poursuite d'une autre guerre plus larvée.  Le départ avec les boat-people, la dureté de la vie dans les camps de réfugiés.  l'arrivée au Québec, pays de neige et de froid.  L'intégration, mais aussi le retour au pays, des années plus tard et la réflexion sur la distance prise avec l'immigration sur sa propre culture.  Ce n'est pas un roman à proprement parler, plutôt une série de souvenirs racontés avec précision et une espèce de détachement qui finit par être un style littéraire en lui-même.  Elle sait en tout cas admirablement rendre la force des émotions et des événements... chez les autres, mais pas en elle-même.  Le Cd audio m'a fait un peu grincer des dents.  Premièrement, entre chaque «chapitre», il y avait un temps mort sonore d'environ 30 secondes (je le sais, j'ai vérifié à chaque fois!) qui me faisait hésité sur le bon fonctionnement de mon lecteur CD ou du CD lui-même.  La pause était trop longue, on décrochait à chaque fois.  Le ton pris par l'auteure pour lire son propre texte était d'une grande justesse, simple, sans fioriture, elle lisait simplement, sans mettre beaucoup d'émotions, mais justement le texte n'appelait pas à ce genre, donc, cela tombait très juste.  Par contre, il y avait un côté hachuré, comme si le texte avait été enregistré par courte séquence et joint ensemble ensuite (ce que laisse penser les coupures dans le son en arrière-plan).  Moins bon.  De même, elle reprenait certaines phrases où elle avait eu une petite hésitation, mais on laissait les deux phrases sur le disque (!!!).  Je n'avais jamais vu ça!  Je pensais que c'était dans le texte, mais à la longue, je me suis aperçue que non.  Bizarre.  Un livre excellent, mais pas un livre audio à la hauteur du livre,

Ma note: 3.75/5

jeudi 13 novembre 2014

L'eau et les livres

Salut!

S'il y a bien une chose que je ne comprendrais jamais, ce sont les gens qui lisent dans leur bain.  Ok, j'admets, de l'extérieur, ça peut avoir l'air invitant: se prélasser dans l'eau chaude, relax, la tête dans le livre et le corps en train de décompresser.  Le grand risque cependant, se résume en un mot: splouch!!!

J'ai la HANTISE des livres mouillés!  Ok, je l'avoue, j'ai déjà (par inadvertance) échappé un livre dans un seau d'eau et n'aie retrouvé là qu'après 24 heures.  Un livre de la bibliothèque en plus et un intégral, genre de livre qui coûte la peau des fesses...  Je l'avais littéralement passé au fer à repasser en espérant enlever toute l'humidité qu'il y avait dedans.  Peine perdue, j'ai dû le payer...  Bouhouhou!!!  Il était littéralement boursouflé, déformé, sa reliure gonflée.  On pouvait encore le lire, mais bordel qu'il était laid!  Détruit par l'eau ce livre.  Le pire, c'est que comme je l'avais payé, la bibliothèque me l'a laissé.  J'ai fini par le donner (parce que j'aimais l'histoire) à quelqu'un en m'excusant affreusement de l'était du livre.  Bon, j'ai fait une heureuse au moins!

L'eau est le pire ennemi des livres.  Papier seulement vous vous dites!  Ahahah!  (Rire maléfique!)  Pas seulement!  Vous voudriez échapper votre IPad ou votre liseuse dans l'eau vous?  Non, évidemment.  Ce serait aussi pire que si un tuyau d'eau brisait chez le voisin au-dessus.  Une bibliothèque gâchée.  D'un seul coup.  De quoi pleurer!  (Ah non, ça ajouterait de l'eau!)

Même si l'eau ne détrempe pas les livres, elle déforme les pages, fait gondoler les couverture et ruine les reliure.  Que ce soit parce que votre bouteille d'eau se renverse dessus ou que vous faites une brève ballade sous la pluie, l'eau laisse sa marque.  En ce sens, l'eau est sans doute le plus grand ennemi des livres, enfin, si on tient à les garder plus ou moins intact.  Son principal concurrent est appelé sac à main bien souvent...

C'est facile à oublier, mais un livre, c'est fait de papier et le papier, ça absorbe l'eau.  De plus, comme le livre est complet, imprimé et relié, on ne pourra pas le faire revenir à sa forme originale.  Ce n'est pas comme en usine, où la pâte de bois (ou de papier recyclé) est travaillé pour obtenir de grandes pages sans aucun gondolement.  Les moyens y sont, pas dans la panique à la maison pour votre livre détrempé (en passant, le fer à repasser, ça marche pas...)

Alors, lire dans mon bain?  Non.  Je préfère enroulée dans une couverture.  Le bain, on garde ça pour la détente.  Et de toutes façons, comme je n'ai qu'un bain-douche, il me faut faire de l'origami avec mon propre corps pour rentrer dedans au complet, c'est pas aussi confortable que ça pourrait paraître...

@+ Mariane

mercredi 12 novembre 2014

La rage de vivre d'Emmanuel Lauzon

La rage de vivre  Emmanuel Lauzon  Collection Tabou  Édition De Mortagne  239 pages


Résumé:
À l'âge de huit ans, Vincent a été diagnostiqué avec un Trouble de Déficit d'attention avec Hyperactivité (TDAH).  Malgré les difficultés, il a réussi à traverser son primaire sans redoubler.  Les choses se compliquent avec l'arrivée au secondaire.  Les amis, les relations avec les autres, et cette foutue impulsivité qui fait franchir de ses lèvres des mots qu'il n'aurait pas dû dire...  Les échecs répétés, les déceptions causées à ses parents font monter en lui une rage, une rage qui lui apprendra beaucoup de choses: parce que Vincent a la rage de vivre.

Résumé:
Un bon roman, mais un peu trop je-vais-vous-montrer-comment-ça-se-passe-dans-la-tête-d'un-ado-TDAH à mon goût.  Le roman était un peu trop didactique, la suite des événements trop linéaires et on sentait que certaines personnes arrivaient sur son chemin, en positif ou en négatif, pour permettre à l'auteur d'expliquer un point relié à cette maladie.  Par contre, cela permettait à l'auteur d'entrer dans la tête de son personnage principal, pour expliquer de l'intérieur comment ça se passe.  Et aussi de montrer que la part de la personnalité et de la maladie dans les réactions des jeunes.  Vincent, le personnage principal affronte beaucoup de situations très difficiles et il y réagit normalement, pas en héros de bande dessinée.  Il lui faudra du temps, du support de ses parents, la découverte de vrais amis, l'appui de travailleurs sociaux et surtout, d'apprendre de la vie elle-même avant de réussir.  J'ai trouvé à un moment donné qu'il était peut-être un peu trop obsédé par les femmes (mais bon, je suis une fille...  Les gars sont-ils vraiment comme ça à l'adolescence???).  La découverte de la danse et de la musique underground et toutes ces expériences illicites à son âge, mais qui lui permettront de grandir était bien décrite.  Ce livre est tout autant le récit d'un adolescent TDAH que d'un adolescent qui passe à travers de grandes difficultés et s'en sort.  Il permet de rappeler également, qu'avant d'être une maladie, ces adolescents sont avant tout des personnes, qui l'ont plus dur, mais des personnes quand même.

Ma note: 3.75/5

mardi 11 novembre 2014

Les niveaux de lecture

Salut!

Je me rappelle, il y a quelques années, avoir lu dans un livre un passage où les mots et les images évoquées pouvaient avoir deux signification très différente.  Il s'agit du Livres des choses perdues de John Connolly, un roman que j'avais adoré.  L'enfant qui lisait ce livre (techniquement, le livre était destiné autant aux enfants qu'aux adultes) y voyait une scène où un enfant était dans une sale situation, mais sans comprendre ce qui se passait.  Un adulte lisant le livre y comprenait que l'auteur y parlait d'une agression sexuelle.  Les mots, la manière de les exprimer, tout avait été soigneusement choisi pour produire cette dualité: Même texte, deux niveaux de lecture complètement différents.

Certains textes pouvant être lus autant par les adultes que par les enfants ont souvent ce principe caché, comme des poupées russes.  On cache une idée du texte dans un passage dont le sens peut être interprété différemment selon que l'on connaisse ou non la situation auquel on fait allusion.  Les enfants ont moins de connaissances générales sur le monde dans lequel il évolue, il va rater des des références, des allusions, des messages.  L'adulte, lui, les verra.  L'enfant lit le texte qu'il a sous les yeux, sans comprendre les enjeux plus généraux qui l'entourent.

Cela peut valoir pour de petites choses, comme le passage du Livre des choses perdues ou d'ensemble beaucoup plus vaste.  La série À la croisée des mondes de Philip Pullman est, si on y est attentif, une critique virulente de la religion et de ses institutions.  Pourtant, un enfant qui lit la trilogie ne comprendra pas nécessairement la critique, emporté par l'histoire de Lyra et Will.  C'est quand l'on regarde les thèmes, la façon dont l'histoire est traitée, les allusions (royaume des cieux, le fruit rouge, les anges) que l'on comprend tout.  À la base, on a une excellente histoire, c'est certain, mais la critique portée par l'intrigue va beaucoup plus loin.  Cependant, un enfant n'a pas les connaissances et la compréhension nécessaire pour voir la critique.  Même moi, qui était adulte au moment de la lecture, je n'ai pas vu passer tous les éléments, sauf les plus évident.  C'est en la faisant trotter dans ma tête par la suite que j'ai vu toutes les allusions.

La même chose m'est arrivée avec les Chroniques de Narnia.  C.S. Lewis, au contraire de Pullman, était un croyant convaincu.  Cela se ressent à la lecture de ses célèbres Chroniques.  Aslan, figure christique s'il en est une, représente bien la vision du monde de l'auteur.  D'ailleurs, les Chroniques ne sont qu'une petite partie de son oeuvre comparé aux livres qu'il a écrit sur la religion chrétienne et qui font qu'il est encore très connu et reconnu dans certains cercles.

Les deux séries peuvent se lire de façon totalement indépendante aux idées de leurs auteurs.  D'ailleurs, je les aies d'abord et avant tout aimée pour leurs qualités littéraires!  Les thèses défendues par leurs auteurs face à la religion sont une forme de sous-texte.  Cela parcours l'histoire, la transporte, la fait vivre, la transforme, mais on a pas nécessairement besoin d'être conscient de cette réalité pour suivre l'histoire.  Ainsi, on trouve deux niveaux de lecture complètement différents dans le même livre.  Et cela pourrait aller plus loin encore, les niveaux de lecture étant comme les poupées russes: ils s'emboîtent les uns dans les autres.

Il n'est cependant souvent pas nécessaire de comprendre tous les niveaux de lecture d'une oeuvre pour l'apprécier à la sa juste valeur.  J'ai ici parlé d'oeuvres destinées à la jeunesse, mais cela peut être la même chose avec des oeuvres pour adultes.  Et la relecture de certaines oeuvres peut aussi permettre de comprendre certains passages parce qu'entre temps, on a appris de nouvelles choses qui nous permettent de comprendre davantage l'intrigue.

@+ Mariane

lundi 10 novembre 2014

Des bonbons et des méchants de Robert Soulières

Des bonbons et des méchants  Robert Soulières  Collection Ma petite vache a mal aux pattes  Soulières éditeur  37 pages


Résumé:
Robert a une idée géniale pour l'Halloween: avec ses copains Pierre et Luc, ils vont faire une immense razzia de bonbons... en détroussant les petits de troisième année des leurs!  Bien mal acquis ne profite jamais dit pourtant souvent sa mère.  Il va avoir une occasion en or de vérifier le proverbe.

Mon avis:
Un petit roman d'Halloween très court, pour les jeunes lecteurs qui abordent un «vrai» livre pour la première fois.  Une histoire toute simple: celle de trois gamins qui volent, mais qui est pris qui croyaient prendre!  On croise dans cette histoire des pirates, des voleurs, beaucoup de friandises et des policiers somme toute très futés (et qui aiment les bonbons!)!  L'histoire est simple, mais pas simpliste, c'est qui est la marque d'un très bon auteur jeunesse.  Robert Soulières étant l'une de nos grandes pointures dans le domaine, on sent l'expérience dans ce petit opus.  À mettre dans toutes les petites mains pour leur rappeler que les bonbons, ils sont toujours meilleurs quand on les a mérité!

Ma note: 4.5/5

vendredi 7 novembre 2014

La trace de l'escargot de Benoît Bouthillette

La trace de l'escargot  Benoît Bouthillette  JCL



Résumé:
Benjamin Sioui est inspecteur à la Police de Montréal.  On l'appelle sur un cas de meurtre, soigneusement mis en scène: une reproduction d'un tableau de l'artiste Francis Bacon.  Troisième meurtre ainsi signé depuis six ans, une défaite personnelle pour l'Inspecteur.  Sauf que cette fois-ci, n'est pas comme les autres.  Alors même que l'enquête est en cours, l'affaire dérape et des détails s'échappent, laissant présager un tueur malade, mais méticuleux.  Ce roman est aussi une plongée dans le Montréal de nuit, marginal, en même temps que les arts émergents et la scène underground, le tout entièrement vu depuis la tête de l'Inspecteur Sioui, un amérindien vivant en ville, peintre à ses heures, cocaïnomane et surtout, artiste dans l'âme.

Mon avis:
Imaginez un roman complet où l'on vous promène dans l'esprit de quelqu'un, avec toutes les petites pensées surgies dans l'instant, les jugements, les réparties mentales que l'on envoie, les réflexions.  Et bien, ce roman est exactement ça, c'est une longue promenade dans les pensée de l'Inspecteur Benjamin Sioui.  C'est parfois difficile à suivre, parce que l'on suit très exactement sa pensée et elle est changeante.  En plus, on a affaire à une enquête criminelle où l'on essaie de trouver le coupable et bon, comme la majorité des dialogues de font à l'intérieur de ce long monologue intérieur, c'est parfois mêlant de faire la part des choses entre ce qui lui est intérieur et ce qui se passe en-dehors.  Sauf lorsqu'il s'agit de Laetitia.  L'incarnation de LA femme à ses yeux.  On comprend les sentiments du personnage, mais quelque part, ça me tapait un peu sur les nerfs à la longue, cette interminable litanie d'éloges.  L'aime-t-il elle, ou aime-t-il l'effet d'être amoureux d'elle?  Question que je laisse à l'auteur.  La traque étant entièrement représentée à travers son esprit, j'avais du mal à replacer certains éléments en cours d'enquête.  Le rythme d'ailleurs est représentatif du titre: escargot.  Non, ce n'est pas un page turner, mais c'est une belle exploration dans la pensée de quelqu'un.  Un roman policier différent.  Il faut aimer, ce n'est pas nécessairement facile à aborder.  Personnellement, j'ai plus ou moins aimé, sauf le côté accès sur l'art qui était vraiment intéressant.

M anote: 3.25/5

jeudi 6 novembre 2014

L'histoire au lieu de l'Histoire

Salut!

Souvent, quand on lit un roman historique, l'auteur donne une petite twist aux événements.  Juste un peu.  Pas beaucoup la plupart du temps, mais...  Rendre un personnage plus fort, lui faire faire une petite gaffe, changer un peu son caractère ou l'interprétation de ses actes, ajouter une justification qui est loin d'être ...  Pas grand chose, mais...  Des fois, c'est suffisant entre un personnage historique plate à mort et du panache.  C'est rendre une histoire autrement triste heureuse.  C'est une tonne de petits détails, qui ne rendent absolument pas justice à la vérité, mais!  Bon, des fois, on aimerait mieux que ce soit cette vérité-là qui soit la bonne.  On aimerait mieux l'histoire à l'Histoire.

Je suis la première à déblatérer contre les écrivains qui prennent trop de distances avec la vérité.  Si, si!  Si vous ne me croyez pas, demandez à certaines personnes les commentaires que j'ai fait en regardant 10 000 ans BC.  J'ai hurlé pendant la moitié du film contre les absurdités du scénario...  faisant se tordre de rire mes amis.  Ouais, j'avoue, trop transformer l'Histoire me fait grincer des dents.

Mais des fois...  Ok, je sais que ce n'est pas tout à fait exact.  Je peux même en redire beaucoup.  Mais c'est si bien fait.  Cela est tellement cohérent dans le reste de l'intrigue, ça s'insère bien dans le contexte de l'époque, tout cadre, tout fonctionne, alors, oui, je peux, tout en sachant que ce n'est pas la vérité, que cela s'écarte de ce que je tolère normalement, oublier tout ça et me laisser seulement emporter par l'histoire sans penser à l'Histoire.  La soeur de Mozart en était un bon exemple.  Je savais, pour avoir lu plusieurs résumés de sa vie que la version offerte par Rita Charbonnier, sans être bonbon, offrait une bien plus belle fin que la vraie vie à Nannerl.  Mais elle était si belle cette fin, une femme qui au travers des contraintes liée à son sexe réussissait à se trouver et à trouver une forme de bonheur, pas celui rose bonbon d'Hollywood, mais le sien.  C'était beau, tout simplement, une réussite autant littéraire que de reconstruction historique, même si ça ne respectait pas parfaitement les faits.

Je crois, non, je sais, que tout bon roman historique trahit en partie la vérité.  Parce que la vie n'est jamais écrite comme dans un roman.  Même si le livre permet de s'allonger un peu plus qu'un film, il reste que des scènes très romanesques peuvent très bien ne jamais avoir eu lieu ou d'autres sont répartis dans le temps.  À certains moments, on pourrait même penser que la réalité est plus invraisemblable que la fiction.  Parce qu'elle est mieux présentée, selon des schémas plus connus, plus sécurisants.  Mais la réalité, surtout lorsque l'on parle de l'Histoire, c'est qu'elle a ses lois propres et se fout de celle de l'écriture narrative.  D'ailleurs, le travail des historiens a bien peu à voir avec celui des romanciers en tant que tel.  Leur boulot est de trouver les faits et de les interpréter, pas de refaire revivre devant nous une personne morte depuis parfois des décennies, ou même qui n'a jamais vraiment existé, mais qui nous paraît si réelle.

Le roman a un pouvoir d'évocation énorme et parfois, on se dit que l'on aimerait mieux que ce soit cette version qui soit la bonne plutôt que celle des manuels d'histoire.  Ce n'est souvent pas le cas, mais bon, parfois, peut-on dans sa tête, préférer l'histoire à l'Histoire?

@+ Mariane

mercredi 5 novembre 2014

Dédé de Raymond Paquin

Dédé  Raymond Paquin  Quitte ou double



Résumé:
Raymond Paquin a été le gérant des Colocs durant la majeure partie de l'épopée de ce groupe mythique.  Ce livre, c'est un portrait de l'homme qu'il a connu, soutenu, enduré, fait sué.  Un gars que l'aura du suicide marque, mais aussi celui d'un p'tit gars du Lac St-Jean qui a su faire vibrer le coeur de bien des Québécois avant d'aller vivre sa vie d'oiseau.

Mon avis:
Je ne suis pas impartiale face à Dédé Fortin et je n'ai aucune honte à le dire: les Colocs, c'est la trame sonore de mon adolescence.  J'ai trippé sur Julie, La rue principale, Tassez-vous de d'là et les autres.  J'ai trippé sur le film réalisé en 2009.  J'ai su le jour même pour son suicide, en secondaire V, en pleine heure du midi, à la cafétéria.  Quelque part, il est parti avec un petit morceau de cette innocence qui est le coeur de l'adolescence.  Je me souviens du passage de Dédé et Mike Sawatsky au show pour les sinistrés du Saguenay en 1996, où ils avaient brassé la cage en chantant Passe-moé la puck, une tache au milieu des balades sur la solidarité qui ponctuaient le spectacle.  Mais une tâche qui sonnait juste.  Il ne sert à rien de se lamenter, il faut agir.  Dédé, c'était ça, une énergie qui faisait tache, qui englobait, qui prenait tout et donnait tout à la fois.  Le portrait qu'en trace Raymond Paquin n'en est que plus juste, parce qu'il montre justement ce Dédé, obsessif, anxieux, peureux, généreux, excessif en tout.  Il ne cache pas les difficultés qu'il y avait à vivre et à traiter avec un tel être jusqu'au-boutiste.  Ce n'est pas une biographie au sens premier du terme, c'est bien davantage un portrait, un hommage à une personne disparue.  Y aurait-il autant eu de raisons de faire un tel portrait si le 8 mai 2000, André Fortin ne s'était pas donné la mort?  Sans doute non et toute la biographie est entaché du regret que vive toutes les personnes qui ont connu un suicidé: celui de ne pas avoir su voir, celui de ne pas avoir su agir.  L'écriture est simple, essentiellement descriptive, mais réussi très bien à rendre la personnalité complexe et éclatée de Dédé Fortin et aussi à rendre l'ambiance un peu folle qui a entourée le destin des Colocs.  C'est un livre hommage je le répète et donc forcément partial, mais en même temps, honnête dans la vision que son gérant avait de la personne qu'était Dédé Fortin.  J'ai beaucoup aimé qu'il parsème son texte d'extrait de la musique des Colocs, de poèmes de Mishima, bref de l'univers dans lequel baignait Dédé.  Des mots qui sonnent bien souvent prophétique quand on sait lire entre les lignes, mais qui comme le dit si bien l'auteur n'est pas été suffisant pour tirer la sonnette d'alarme.

Ma note: 4.5/5

mardi 4 novembre 2014

Les blogues qui deviennent livres

Salut!

L'autre jour, en librairie, je tombe sur un signet d'un livre, le Pharmachien pour être plus précise.  J'ai ri.  Parce que je connais assez bien, ayant à plusieurs reprises consultés le blogue dont le livre est tiré.  Ce n'est d'ailleurs pas le premier que je vois transformé en livre.  L'un des premiers blogues publiés en livre dont j'ai entendu parlé était celui de celle que tout le Québec connaît maintenant par son délicieux surnom de Mère Indigne.  À sa sortie, nombreux ont été les sceptiques: pourquoi payer pour quelque chose que l'on pouvait trouver tout à fait gratuitement sur le Web?  De là vient une contradiction de toute adaptation d'un blogue en format papier: non mais, dites-moi pourquoi les gens paieraient pour le livre?

Et pourtant, on ne peut nier que la formule a de l'avenir parce que de plus en plus de blogues trouvent leur équivalent sur papier.  Et ça va dans toutes les directions: de la blogueuse et spécialiste des médias sociaux Michelle Blanc qui pond un livre très sérieux sur la façon dont Facebook et cie transforme notre vie aux aventures délirantes d'une mère avec son enfant et les décorations d'anniversaire en passant par les blogues de science, de cuisine ou même de bande dessinée.  Je ne cite ici que des blogues québécois, mais la même chose est arrivée ailleurs.  Tellement que c'est souvent à la lecture que je me rends compte que c'était avant tout un blogue.

La différence?  Et bien, il y a un certain manque d'unité né du fait que les textes sont écrits de façon séparés dans le temps et que l'auteur évolue entre les différents billets.  Un peu comme des lettres, mais comme le blogue est un outil fondamentalement vivant, en constante évolution, au plus près de la personne qui l'écrit au jour le jour, ça se ressent encore plus à la lecture.  Ce n'est pas conçu ou pensé pour être lu d'un seul coup, mais bien au jour le jour.  Quand on écrit un billet, on le fait sur le coup du moment, influencé par un paquet de trucs et souvent, on ne peut pas corriger tant que ça nos idées.  Le blogue est un outil est extrêmement vivant et on réagit à travers lui en allant en avant, pas en faisant des allers et retours.  Contrairement à la rédaction d'un livre qui se construit d'après une idée de base que l'on développe en chapitre, le blogue est fait de chapitres sans nécessairement être relié à une idée de base.  En ce sens, c'est bien plus proche d'un recueil de chroniques que d'un autre genre de livres.

Alors, pourquoi publier des blogues?  Une partie de la réponse vient au fait que les gens connaissant le blogue de plus ou moins, ils ont davantage tendance à s'y intéresser une fois le livre publié.  Le blogue sert ici d'appel, de façon de tisser ce petit fil de l'émotion qui va nous pousser à ensuite aller encourager tel ou tel livre et son auteur.  Le blogue sert à déblayer le chemin.  On ne part pas de zéro pour développer un auteur.  Les gens une petite idée en partant.  Ça aide pour faire connaître le livre et puis, si ensuite vous avez envie d'en connaître un peu plus, un petit tour sur le blogue peut aider non?  Et puis, l'auteur l'a déjà écrit, c'est d'autant plus facile pour un éditeur de prendre une décision à son sujet!

De toutes façons, rare sont ceux qui vont se taper un blogue complet à l'écran.  Sur une tablette, peut-être, mais le format n'est pas conçu pour des heures de lecture.  Les billets sur le web sont brefs, conçus pour être lus à la pièce et non pas à la file.  Le livre permet une expérience de lecture plus agréable, en même temps que de corriger toutes les petites erreurs (orthographes, syntaxes, mise en page, photo dans le cas des blogues culinaires) que le rythme de publication ne permet souvent pas d'ajuster.  La transformation en livre d'un blogue n'est pas un simple copier-coller: il y a plus que ça derrière.  Est-ce un aboutissement?  Pour moi, plutôt une seconde vie je dirais.  De toutes façons, je ne pense pas que les auteurs de blogues visent au départ que leurs idées deviennent ensuite un livre.  Ce n'est pas l'idée de base derrière un blogue.

Maintenant, est-ce que l'idée de ce billet m'est passé par la tête le jour où je me suis demandé si mon propre blogue pourrait être un jour transformé en livre?  Oui, tout à fait.  :)  Est-ce que j'ai reçu une offre?  Absolument pas, mais s'il y a des éditeurs intéressés, mon courriel est dans la colonne de droite! :P

@+ Mariane

lundi 3 novembre 2014

Les belles-soeurs de Michel Tremblay

Les Belles-Soeurs  Michel Tremblay  Collection Théâtre  Leméac  151 pages



Résumé:
Germaine Lauzon a gagné un million de timbre-prime dans un concours.  Pour les coller dans les livrets, elle invite soeurs, belle-soeurs et voisines à un party de collage de timbres.  La soirée ne se passera pas comme prévu.

Mon avis:
Qui n'a jamais entendu parlé de cette pièce de Michel Tremblay, la plus marquante de ses oeuvres?  Beaucoup de gens, la plupart ayant en même temps entendu parler du scandale que la pièce a fait au moment de sa parution parce que les personnages y parlaient le joual, une langue française fourchue, tordue, celle qui prend place dans la bouche des classes ouvrières, mais qui dans celle des personnages de l'auteur, devient une forme d'expression complète, entière.  Une langue avec ses propres codes.  On en oublie combien elle est décriée dans certaines occasions, tellement elle est bien utilisée dans cette pièce.  À travers elle, on ressent les émotions de ces femmes, mères, épouses, réduites à leur rôle, bien souvent engluées dans des émotions qu'elles ne peuvent exprimer faute de mots pour le faire.  Une telle a découvert le plaisir à 55 ans en sortant dans les bars, l'autre doit subir la libido débordante de son mari, une autre est enceinte sans être mariée, une autre a pensé avoir trouvé la liberté dans une vie sortant du cadre traditionnel.  Toutes à un moment donné nous livre ce qui les ronge de l'intérieur.  Derrière le vernis des apparences apparaît une véritable détresse et une volonté farouche de ne pas laisser voir cette faiblesse aux autres, de maintenir le masque, on comprend qu'au fond, elles sont plus semblables qu'elles ne veulent l'admettre, montant en épingle de petites différences pour se maintenir à flot les unes face aux autres.  La langue écrite de cette pièce rend hommage à la langue parlée et est par ce fait même un peu ardue à aborder.  Il faut lire certains extraits à voix haute pour les comprendre, pour en extraire toute la saveur.  Ce n'est pas un texte facile à aborder et on se surprend à se demander comment serait rendue la pièce en vrai en la lisant.  Certes, les didascalies aident, mais ce n'est pas une pièce que l'on doit lire, mais bien que l'on doit entendre.  Les extraits des nombreuses critiques de l'époque en fin de texte donne une idée de la résonance de la pièce à sa sortie, en plein milieu de la Révolution tranquille.  Éclairant pour le lecteur qui veut aller plus loin que la simple lecture du texte de la pièce mythique.

Ma note: 4/5