lundi 28 octobre 2019

Il faut avoir les mots pour le dire

Salut!

Ma grand-mère paternelle a mis au monde neuf enfants.  Avec toute cette petite bande à nourrir, laver, envoyer à l'école et la montagne de reprisage et de couture que cela représentait, il évident qu'elle n'a pas eu le temps de tout faire.  Alors, aussi bizarre que cela puisse paraître, personne n'a appris à mon père les couleurs.  Ok, rouge, bleu, vert, jaune, il connaît et il comprend.  Mais si vous lui dite pêche, ocre, safran, framboise ou turquoise, oubliez-ça, il est perdu.  C'est en grand partie pour ça que ma mère a toujours eu le poste de décoratrice en chef de la maison.  Elle donnait les échantillons à mon père avec un x sur la bonne couleur,  il allait chercher la peinture et il se chargeait du reste.  S'il ne connaît pas ses couleurs, mon père est un artiste pour les étaler sur les murs.

J'ai repensé à ça quand j'ai écouté une récente entrevue de Francine Ruel.  Elle a écrit un roman qui parle de la chute de son fils dans l'itinérance.  Une situation d'une tristesse infinie, qu'elle a transformé en un livre.  Un lecteur lui a dit qu'il avait vécu la même chose, mais qu'elle avait les mots pour le dire.  Parce qu'elle les avait elle, ces mots-là, elle lui a permis, à lui, de savoir nommer, parler de ce qu'il vivait.  Et c'est vrai que ça compte.  Avoir les mots, pouvoir dire, exprimer, mettre le doigt sur quelque chose, une émotion, une réalité, une sensation, c'est à la fois exquis et libérateur.  Essentiel aussi, parfois.  Ne pas pouvoir le faire, c'est comme avoir une prison.

Quand on s'exprime dans une langue seconde, surtout au début, on l'expérimente de façon assez brutale.  On a l'image en tête, on a la volonté, mais le mot, le bon mot?  Il fuit, nous oblige à prendre une pause en plein milieu d'une phrase, tandis que notre interlocuteur, patient ou non, nous regarde patiner mentalement dans toutes les directions pour trouver le Saint-Graal nous permettant de compléter notre phrase de façon juste.  Parce qu'apprendre une nouvelle langue, c'est apprendre aussi une quantité importante de nouveaux mots, même après plusieurs années, on peut encore tomber sur une situation ou un mot nous manque.

Quand j'écris, il m'arrive de m'arrêter en plein milieu d'une phrase pour chercher le mot juste.  Souvent, celui-ci me fuit, ou j'ai un mot en anglais dans la tête à la place.  Et je regarde mon écran d'ordi d'un air vague ou dans le dictionnaire des synonymes en rejetant les mots les uns après les autres qui sont à la fois si près, si près, mais en même temps, non, ce n'est pas exactement, je n'ai pas le mot.  C'est frustrant, c'est enrageant...

C'est toutes ces petits réflexions qui me font comprendre l'importance de maîtriser une langue, de savoir s'en servir et de pouvoir l'utiliser pour s'exprimer.  Ce n'est pas qu'un outil, c'est une base de vie.  Le comprendre me rend plus empathique avec les gens dont c'est la langue seconde, ou qui n'ont pas eu la chance d'apprendre assez de mots pour savoir s'exprimer.  Les parois de certaines prisons ne sont pas faites de métal, mais bien de l'absence de mots pour être capable de nous faire comprendre, mais ça reste quand même des prisons.

@+ Mariane

jeudi 24 octobre 2019

Les ananas de la colère de Cathon

Les ananas de la colère  Cathon  Pow Pow  132 pages


Résumé:
Marie-Pomme est barmaid à L'Ananas d'or dans le quartier hawaïen de Trois-Rivières.  C'est une fan inconditionnelle des aventures de Shirley McNuffles, brillante détective qui, telle une Agatha Christie a résolu d'innombrables enquêtes dans ses livres.  Sauf que lorsque la mort frappe sa voisine et que la police de Trois-Rivières est toute entière partie à l'épluchette annuelle des policiers du Québec, Marie-Pomme se décide à mener l'enquête elle-même!

Mon avis:
On est dans le kitsch assumé, voulu et appuyé, mais c'est tout simplement génial. L'histoire se passe à Trois-Rivières, un Trois-Rivières complètement métamorphosé en royaume de l'ananas, du tikki et du musée de la barbotte.  L'effet drôle et décalé est maintenu avec constance tout au long de l'album, ce qui donne une couleur et une personnalité désopilante au tout.

Marie-Pomme est un personnage délicieusement décalée entre son travail de barmaid qu'elle fait à moitié (ses daiquiris ne font pas l'unanimité) et sa passion dévorante pour Shirley McNuffles.  C'est d'ailleurs cette passion qui la poussera à reprendre l'enquête que la police de Trois-Rivières délaisse sérieusement pour cause de sous-effectif dû à une méga-épluchette de blé d'Inde.  Avec sa vivacité, sa perspicacité trempée dans l'ananas et sa connaissance approfondie de la faune trifluvienne (et une alliance avec des jumelles amateures de bowling), Marie-Pomme résoudra l'enquête, évidemment tirée par les cheveux, du meurtre de sa voisine de palier.  Mais justement parce que tout est exagéré dans cette histoire, on adore la conclusion!

Les dessins sont un hommage au kitsch, au tikki et à Trois-Rivières et par la bande, à la culture populaire québécoise, parce que l'auteure entremêle les deux avec un grand doigté.  Des éléments du décor proprement hawaïen sont entremêlée avec des éléments très québécois, comme les langues de porc dans le vinaigre au bar ou le musée de la barbotte!

Bref, on est dans la folie, dans le décalé, mais tout se tient dans cette histoire.  Pour l'apprécier à sa juste valeur, prévoir un bon daiquiris en lisant!

Ma note: 4.75/5

lundi 21 octobre 2019

Je lis des vieux trucs...

Salut!

Une PAL est une merveille, mais aussi une assurance: celle qu'on ne manquera jamais de livres à lire.  Cela est formidable, mais aussi pernicieux.  À la belle époque où j'étais libraire, je lisais en grand majorité de la nouveauté.  Un livre arrivait sur les rayons et zou, il filait dans ma PAL pour être lu le plus vite possible!  Sauf que ça n'arrivait pas tout le temps.  Et que les livres s'accumulaient tranquillement sur mes tablettes, de plus en plus nombreux avec les années.  Avec mon départ de la librairie, l'afflux de nouveautés s'est tarie, certes, mais pas l'accumulation inévitable, ni la liste de titres que j'avais pris en note en cinq ans (*raclement de gorge* il s'en est accumulé autant dedans depuis que j'ai quitté la librairie.)

Bref, j'ai chez moi une tonne de livres qui ne sont pas lus, sans compter ceux que j'avais acheté dans des bouquineries, qui m'ont été donné en cadeau, que j'ai attrapé à gauche et à droite, dont j'ignore la provenance (inquiétant ça...) ou tout simplement ceux de ma LAL que j'ai pris en note il y a longtemps en me promettant de les lire.  Tout ces livres, je les aie parce que je voulais les lire.  Bon, avec les années, j'en aie mis quelques-uns de côté parce que l'envie était passée, mais d'autres, en les voyant sur les tablettes, je ne peux m'empêcher de penser: ah, toi, ton tour est pour bientôt, ça fait trop longtemps que tu es là!  Le problème étant que je dis souvent ça aux mêmes livres...

Bref, j'ai beaucoup de livres!  Et beaucoup de choses à lire alors que le flot des nouveautés n'arrête pas!  Cependant, je ne perds pas nécessairement le goût de lire les livres que j'ai noté, alors j'en viens à constater une réalité très simple: je lis surtout des vieux trucs...

Pas dans le sens de vieux livres poussiéreux fleurant la moisissure et ayant traversé les siècles, alors ça non!  (Quoique pour certains dans ma bibliothèque...)  Mais non, je dis je lis des vieux trucs dans le sens que je ne suis plus du tout à jour dans les nouveautés et que la majorité des livres que je lis sont parus depuis plusieurs années, voir une décennie.  Je crois que je n'ai critiqué qu'une poignée d'oeuvres de moins d'un an depuis mon retour à la vie de blogueuse.  Est-ce que je lis de mauvais livres?  Non, pas du tout!

Cependant, je constate un schisme entre moi et d'autres lecteurs plus à l'affût.  Je ne suis plus autant au courant des parutions et je rattrape souvent plus de livres que je n'en lis de nouveau.  Même si certains livres me tentent vraiment quand je les déposes sur mes tablettes de bibliothèque...

:/

Après mon retour à la vie de blogueuse, cette constatation m'a un temps fait remettre en question la pertinence de continuer à faire de la critique.  Si je ne critique que des vieilleries sorties il y a cinq ans ou dix ans, étais-ce une bonne idée de continuer à le faire?  J'ai jonglé un moment avec cette question.  Et puis, je me suis dit que la principale raison pour lequel je le faisais, c'était que j'aimais ça.  Alors j'ai continué, tout simplement, même si l'idée a continué à me trotter dans la tête.

J'en aie discuté une fois autour d'une bonne bière avec un ami.  Il m'a alors fait une remarque intéressante: même si je critique de vieux trucs, c'est souvent LA critique sur le web pour certains livres.  Pas pour tous, mais pour certains oui.  Pas une raison de me motiver à peaufiner davantage mes critiques cependant, je le fais dès le départ, mais ça m'a fait réfléchir.  J'ai ensuite pensé que certains livres parus il y a dix ans, s'ils sont excellents, vont sortir du néant de l'oubli existentiel dans lequel reposent ils après quelques mois ou quelques années grâce à ma critique.  Une façon comme une autre de garder des titres vivants qui autrement ne bénéficieraient plus d'aucune visibilité.  Et puis, je me suis dit qu'il y a sans doute quelques étudiants en littérature ou quelques curieux qui font de la recherche sur des livres qui vont être heureux de trouver une réponse à leurs questionnements en lisant mes avis sur des bouquins moins récents.  Surtout que je ne fais pas des avis de trois lignes sur un site de vente, mais bien des textes que j'essaie de rendre le plus clair possible.  Ça m'a un peu rassurée de penser à tout ça.  Et puis, en plus, j'aime ça faire de la critique de livres, pourquoi m'en priver!

Alors bref, voilà, je lis de vieux trucs.  Ne vous inquiétez pas, les livres à la mode, les livres qui sortent ces temps-ci et que je trouve vraiment intéressant, je les aies notés, je vais les lire!

...dans quelques années! ;)

@+ Mariane

mardi 15 octobre 2019

L'effet d'entraînement

Salut!

Depuis un certain temps, je remarque que quand la violence éclate dans la réalité, automatiquement, on braque les projecteurs vers la violence fictive, celle qui règne dans les jeux vidéos et les films d'actions.  Cette violence-là, elle est banalisée, voire acceptée dans notre vie quotidienne, on la consomme, on va la voir au cinéma, on la joue sur notre écran, on la lit dans des romans.  Ce n'est que lors d'un événement tragique dans la vraie vie qu'on la dénonce.  Autrement, qui en parle vraiment?

D'ailleurs, on la dénonce lors d'une fusillade, par exemple, pour dire que le problème vient de là.  Que c'est à cause de toute cette violence que l'on voit à l'écran (surtout, c'est moins présent en littérature) que les gens deviennent fous.  Que cela créé un effet d'entraînement, qu'il faut bannir la violence à la télé, au cinéma, dans les jeux vidéos et dans les livres etc, etc.

Je ne dirais pas que la violence vue à l'écran est à banaliser.  Ni que cela n'a pas pu jouer un rôle à un niveau ou à un autre dans le passage à l'acte de certaines personnes.  Cependant, si on regarde la situation de façon objective, ben, c'est loin d'être si sûr que ça: des millions et des millions de personnes consomment ces oeuvres de fictions et seule une pincée d'entre eux passent à l'acte.  D'ailleurs, quand ils le font, qui sont leurs modèles?  John Wick, Rambo ou d'autres personnes, bien réelles, qui l'ont fait avant eux?  Et quels sont leurs motivations?  Reproduire des idées de mondes fictifs ou vouloir pousser leurs idées politiques... bien réelles?

D'ailleurs, si l'effet d'entraînement entre la fiction et la réalité était si fort, ça ferait que pas mal de jeunes voudraient vivre leur propre version de la quête de Frodon pour détruire l'anneau ou se monteraient des équipes de quidditch.  Hum, ok, tout ça existe?  D'accord!  Mais les gens qui le font, le font-ils en pensant que cela est la réalité ou juste pour pousser plus loin l'expérience de la fiction?  Je plaide coupable la première, j'ai revêtu armure et maquillage pour me réincarner en gobeline le temps de quelques fins de semaine.  Est-ce que j'ai aimé?  Oui!  (Sauf pour les normes d'hygiène en vigueur...)  Est-ce que j'ai pensé que tout ça était réel?  Pas le moins du monde!  Y'a que Don Quichotte pour prendre des moulins à vents pour des monstres...

Je ne pense pas que la violence dans la fiction soit tant que ça la source de la violence dans le réelle, mais elle remplit un grand rôle pour celle-ci: la catharsis.  Allons, qui n'est jamais sorti du cinéma après un film de Marvel ou de Michael Bay plein d'enthousiasme, le coeur léger et l'esprit bien alerte... sans que jamais personne ne soit tenté de grimper sur une moto pour se jeter du haut d'un immeuble?  On l'a vu, on s'est imprégné de cette force, de cette énergie... sans la vivre soi-même.  La plupart des gens ne peuvent pas soulever des marteaux qui génèrent des éclairs, ne tueront jamais personne, ni ne se promèneront dans un quartier en ruine en tirant sur tout le monde.  Mais à travers un personnage, on l'aura un peu vécu.  D'ailleurs, c'est le but de la fiction: nous faire entrer dans le monde des personnages que l'on suit, nous faire comprendre leurs émotions, leurs défis.  Leur excitation face au danger aussi.

Bien sûr, la fiction A un impact sur la réalité, sur la façon dont elle modèle notre imaginaire.  C'est bien pour cette raison que l'on se bat pour qu'elle soit plus représentative et plus inclusive!  Elle a le pouvoir de donner des modèles, d'inciter des actions, mais aussi de montrer ce que l'on ne voudrait pas voir et de permettre de vivre des émotions qui nous seraient autrement interdites, de faire des gestes que jamais on ne ferait dans notre vie quotidienne.  C'est une façon d'explorer nos zones d'ombres tout autant que nos zones de lumière.

En fait, je ne pense pas que la violence dans la fiction soit la cause de la violence dans la réalité, tant qu'il soit clair ce qui relève de l'un et de l'autre.  Ce quand la ligne entre les deux se brouillent que je suis inquiète.

@+ Mariane

jeudi 10 octobre 2019

#bébéatrice de Béatrice Lepage et Éric Godin

#bébéatrice  Béatrice Lepage  dessins d'Éric Godin  Éditions La Presse  61 pages


Résumé:
Recueil illustré des meilleurs mots d'enfants de la fille de Guy A. Lepage, Béatrice.

Mon avis:
Évidemment, ce genre de bande dessinée basée sur les mots d'enfants est avant tout cute.  Et on en aurait peut-être pas fait un livre si son célèbre Papa n'avait pas partagé tous ces jolis mots sur son compte twitter (d'où le # du titre).  N'empêche, c'est une bd plutôt sympathique.

Comme tous les enfants, Bébéatrice est dotée d'une imagination débordante et fait des liens là où les adultes ne verraient que du feu.  Un dessinateur plutôt doué a illustré les scènes de l'univers de Bébéatrice, ce qui nous donne une porte d'entrée sur son univers.  On reconnaît évidemment son papa, mais pas tel que son image publique ne nous le fait paraître.  Ici, il est le complice et le personnage secondaire de la vie de cette turbulente et imaginative petite fille.

Le dessin, volontairement caricatural, épouse très bien la vision du monde que les répliques de Bébéatrice nous laissent voir.  On est à hauteur d'enfant et c'est vraiment drôle.  En quelques traits, peu de décor et beaucoup d'expressions faciales parentales de stupéfaction, on comprend très vite que la vie en compagnie de cette petite fille n'est pas de tout repos.

Mais il y a deux limites à ce livre: de un, des anecdotes d'enfant, c'est mignon, mais les unes à la suite des autres, ça devient un tantinet redondant.  De deux, aurait-on vraiment fait un livre de ce genre si elle avait eu un autre papa?

Mignon, donc, pas rien de vraiment incontournable.

Ma note: 3.75/5

lundi 7 octobre 2019

De la lenteur

Salut!

Je me souviens d'une fois, quand j'étais à l'université, j'avais lu un livre en une journée.  J'avais pris mon livre le matin pour l'emmener lire dans le train et de fil en aiguille, je l'avais lu dans la journée.  Je veux dire, au complet, d'une couverture à l'autre.  Voyant qu'il avançait bien, je m'en étais même fait un défi!  Je me rappelle lire les dernières pages en accéléré pendant que le train arrivait en gare (je prenais le train de banlieue à l'époque).  Bref, j'ai lu ce livre en une seule journée.  Sauf que je ne me rappelle plus ni le titre, ni de quoi il parlait, vaguement de la couverture et encore, à peine.  J'ai lu ce livre trop vite.

Récemment, je lisais une bande dessinée.  J'attendais des amis qui venaient chez moi et avec qui j'avais rendez-vous.  Ils étaient légèrement en retard.  Je lisais ma BD un poil stressée en guettant leur arrivé.  J'ai posé cette BD quand elle a été finie, mais je savais que j'allais devoir la relire parce que... je l'ai lu trop vite.

Ces deux exemples m'amènent à penser que la lecture nécessite une certaine lenteur.  Pour lire, il faut pouvoir se concentrer sur un livre et profiter de lui.  Ça demande de déconnecter des autres sources de distraction, de fermer la télé, de laisser l'ordi de côté et de tenir le cellulaire loin. Ça demande du temps et du temps de qualité.  Dans nos vies d'aujourd'hui, où l'on cours du boulot à nos loisirs avec plein de sources de distractions à portée de la main, lire devient quasiment un acte de résistance car il demande que l'on prenne le temps pour s'y consacrer.

L'autre jour, un dimanche matin pantouflard, j'ai laissé l'ordi éteint, je n'ai pas commencé une balado, je n'ai ouvert la télé pour regarder un film, je me suis enroulée dans une chaude couverture, une tasse de thé à portée de main et j'ai lu.  Tout simplement.  Et quelque part, j'ai eu l'impression de m'accorder un moment hors du temps.  Ça faisait un moment que je n'avais pas pris le luxe de prendre plus d'une heure le nez dans un livre, sans décrocher de mon histoire.  En fait, je me rends compte que même si je lis quand même beaucoup, je suis souvent en mode grappiller quelques instants de lecture ici et là plutôt que réellement prendre le temps.

Ceci est tout un contraste avec la belle époque de mon adolescence où je hantais le divan du salon pour des après-midi complet, indifférente à l'heure et aux jérémiades de ma mère qui trouvait que je passais beaucoup trop de temps à lire.  Je m'en foutais, mais à vrai dire, à l'époque, j'avais le temps.  Avec les années, les responsabilités, les contraintes de la vie d'adulte, les moments où je peux prendre le temps ont fondu comme neige au printemps: il en reste, mais on dirait qu'ils disparaissent plus vite que jamais!

Lire, c'est se réapproprier un rythme plus lent, même dans le plus passionnant des thrillers.  C'est aussi s'isoler des autres, ne pas partager ce plaisir de façon directe comme on le ferait en regardant une série ou un film en compagnie de quelqu'un d'autre.  C'est un petit peu égoïste, c'est tout à fait personnel et c'est très sain d'être comme ça.  C'est tout simplement de prendre un peu de temps pour soi.

@+ Mariane

jeudi 3 octobre 2019

J'aime les filles d'Obom

J'aimes les filles Obom L'Oie de Cravan  92 pages


Résumé:
Une suite d'histoires courtes sur la découverte du plaisir lesbien et des amours qui y sont liés.

Mon avis:
Petit opus ayant au centre l'amour entre femmes.  Obom nous entraîne dans les myriades d'émotions que peuvent causer ses rencontres, la découverte de l'attirance, du plaisir...  Elle touche aussi par la bande aux autres émotions qui peuvent jalonner ce parcours.  Comme il s'agit d'expériences personnelles qu'elle a recueillie auprès d'amies, évidemment, certaines histoires datent de plusieurs décennies.  On y parle donc de religion et d'une époque où l'homosexualité, surtout féminine, n'était pas acceptée, mais de façon secondaire, comme faisant parti du contexte, mais n'étant pas au coeur des relations.  Ici, l'amour entre femmes est naturel et fait parti de la vie de façon tellement fluide qu'on en vient à se demander pourquoi l'homophobie existe. 

Les histoires sont toutes courtes et on a l'impression de prendre des instantanés de vies qui n'ont ni vraiment de début ni de fin.  On passe d'ailleurs d'une histoire à l'autre en un clin d'oeil.  L'auteure a privilégiée de raconter l'instant plutôt que l'histoire et cela donne une tonalité très intéressante à l'ensemble.  

Les dessins sont assez directs pour une histoire parlant d'homosexualité, mais en aucun cas indécents ou vulgaires.  L'auteure sait tout montrer sans rien montrer de précis.  D'ailleurs, ses personnages ont tous un côté animalier.  Elle dessine des chats, des chiens, des chevaux, mais pas des êtres humains.  Cela donne un côté non-sexué aux histoires.  On entre plus dans l'émotion et dans l'érotisme que dans la pornographie.  Le dessin reste très simple, mais il ne faudrait pas y voir qu'un simple crayonnage de débutante: il y a une vraie technique derrière, c'est juste que le style de l'auteure détonne quand on regarde  d'autres bds.  

Une BD que je mettrais volontiers dans toutes les mains des personnes qui se questionnent sur l'homosexualité.

Ma note 4.5/5