mardi 31 décembre 2019

Bilan culturel 2019

Salut!

Ben oui, une autre année s'en est allée!  Pleine de richesses et d'expériences encore une fois!

Films vus dans les salles obscures:
-Une femme d'exception par Mimi Leder: Sur la vie de Ruth Bader Ginsburg.  Intéressant, mais pas brillant.
-Capitaine Marvel par Anna Boden et Ryan Fleck:  Capitaine América peut aller se rhabiller!  Mais c'est surtout la puissance du message qui est lancé à travers le film que j'ai le plus aimé.
-Avengers: Endgame par Anthony et Joe Russo: Un peu déçue je dirais.  J'ai aimé, mais le scénario était décousu.
-L'inquiétante absence par Félix Brassard et Amir Belkaim: Documentaire sur la place du cinéma de genre au Québec.  Nécessaire, mais on aurait dit qu'à part un tour d'horizon, les documentaristes ne savait pas exactement de quoi ils voulaient parler.
-Le grand bain par Gilles Lelouch: Comédie française sur une équipe de nage synchronisée masculine.  Drôle, mais pas à se tordre de rire.
-Worlds of Ursula K. Le Guin par Arwen Curry: Excellent film que j'ai beaucoup apprécié, même si je ne connais pas encore l'oeuvre de cette grande dame de la SF.
-Cats par Tom Hooper: Loin d'être l'échec total annoncé par les critiques!  Perso, j'ai beaucoup aimé et ça a peu à voir avec le fait que ça parle de chats.  Le mélange entre les différents types de danse et de chants était super!

En rattrapage (donc vu en dehors des salles obscures):
-First Man de Damien Chazel: Ouf, un vrai bloc de glace ce Neil Armstrong.  Et pour une fois, ce n'était pas moi qui mettait sans arrête le DVD sur pause pour expliquer un détail ou un autre, c'était Frérot, un geek de l'histoire de l'exploration spatiale.

Séries télés (J'avoue que j'ai passé beaucoup de temps là-dessus cette année!)
-Bletchley circle saison 2: Vraiment pas aussi bonne que la première, mais ça se laissait bien regarder.
-Dr Who, Saison 1 à 7: Je n'avais jamais regardé un seul épisode avant cette année alors dans l'ordre, Fantastique!, Allons-y! et Géronimo!!!!!  Et la suite pour 2020.  J'ai juste pris une petite pause en décembre.
-His dark materials, Saison 1: Dieu que je l'attendais cette série!  C'est très bien comme adaptation.  Stratosphérique?  Non, mais un bon boulot bien fait.
-The Crown Saison 3: C'est sidérant à quel point on se fait vite au changement des acteurs.  On dirait presque que ce sont les personnages qui ont changé de corps tellement la transition est fluide.  Pour le reste, une belle poursuite sur sa lancée.

Pièce de théâtre:  Encore une riche année!
-Électre à l'Espace Go: C'est du théâtre grec classique, donc, peut-être pas mon style préféré, mais une très belle adaptation, ancrée dans notre modernité.
-Parce que la nuit à l'Espace Go: Pièce hommage à Patty Smith.  Excellente performance de tous les acteurs qui jouent à tour de rôle, tous, la célèbre chanteuse, hommes comme femmes.
-Muliats à la Salle Pauline-Julien: Pièce sur le contact entre Premières Nations et Blancs, dénonçant les préjugés et les erreurs.  Avec des passages en innu.  Une excellente pièce, qui dénonce, mais explique et fait aussi comprendre.
-La face cachée de la lune chez Duceppe: Un monument du théâtre québécois.  Une utilisation géniale de la scène et de l'espace scénique.  Mais la pièce en elle-même est d'un ennui...
-La récréation de Mozart (théâtre jeunesse): J'ai rempli mes devoirs de tante et j'ai emmené Neveu voir cette pièce.  Il a bien aimé!
-Tshishikushkuen de Natasha Kanapé-Fontaine à La Chapelle: Poésie, dénonciation, rage, mais aussi beauté et sensibilité.  Un objet que j'ai eu du mal à appréhender.
-Le meilleur des mondes au Théâtre Denise-Pelletier: Wow!  Juste trop wow!  Mise en scène géniale, acteurs superbes...  On sort de cette pièce en ce demandant comment au juste on peut continuer à être dans le système...

Musique:  Un peu moins cette année
-Tchaïkovsky par l'Orchestre Métropolitain:  Un soliste encore vert, mais une cheffe qui savait mener son orchestre de main de maître!
-Musique de fils: Génial! par l'Orchestre métropolitain: Superbe, avec des solistes impeccables et à l'animation, un Martin Carli bien en phase avec son sujet.
-Carmen à l'opéra de Montréal: Je voulais essayer l'opéra au moins une fois dans ma vie.  C'est fait.  Je n'y retournerais pas!

Musée: Maigre année...
-Musée des sciences et technologies à Ottawa.  Très beau musée, super interactif et vraiment intéressant.
-Thierry Mugler Couturissime au MBAM: Créativité vous avez dit?  On ne parle plus de vêtements, mais de sculpture en tissus!
-Poisons et Le cabinet des curiosités au Musée des civilisations à Québec: Les deux valaient le détour dans la vielle capitale.

Dans le domaine du tout ce qui reste:
-Congrès Boréal 2019: Un bon Congrès encore cette année et le site était superbe!
-Manawan: Je n'ai pas été en Europe cette année, mais j'ai été passer une fin de semaine complète dans une communauté atikamekw à 4h de route de Montréal.  Dépaysant, super intéressant, en plein nature, avec des paysages, tellement wow!
-Atelier sur les plantes médicinales autochtones: La ville de Montréal offre tout le temps des trucs intéressants qui sont gratuits.  Celui-là faisait parti du lot.
-Contes et légendes abénakis au Musée des Abénakis: Seule regret de cette magnifique soirée, le ciel était couvert de nuages et le temps menaçait, alors on a pas pu avoir ces magnifiques histoires autour du feu.  
-Fabrication de paniers en frêne au Musée des Abénakis: Je ne regarderais plus jamais les paniers de la même façon.  C'est un art de faire ça!
-Salon du livre de Montréal 2019: Un classique qui ne se démode pas!
Avec bien sûr les classiques lancements de Brins d'éternité deux fois par année.
Et deux ateliers d'écriture aussi cette année.  Pas toujours faciles ces ateliers, mais ils permettent tellement d'apprendre!

Et maintenant, les livres!
Très peu de coup de coeur en 2019.  Il faut dire que j'ai lu une bonne partie de l'année pour le GDLQ et que ça a influencé mes lectures.  Beaucoup, beaucoup de livres ont frôlé le coup de coeur, beaucoup de 4.75/5 entre autre...  Mais un seul vrai coup de coeur.
Ashini d'Yves Thériault

Bref, une autre belle année qui vient de s'écouler!

Et des résolutions pour 2020?  J'ai décidé de ne pas en prendre.  Je veux me laisser inspirer parce que la vie met sur mon chemin.  J'ai bien hâte des découvertes que je vais y faire!

@+ Mariane

mardi 24 décembre 2019

L'art délicat de mettre des livres sous le sapin ou Pourquoi bordel je ne suis pas Islandaise?

Salut!

Je me rappelle, durant mes années en librairie, à quel point les gens qui veulent offrir un livre en cadeau sont parfois idiot:

-Bonjour, je voudrais offrir un livre à un(e) ami(e)/un parent/un collègue/ce que vous voulez.

-Très bien, qu'est-ce qu'il/elle aime lire?

La plupart des gens avaient un embryon de réponse.  La personne aime le polar, tel auteur, un livre sur les oiseaux, sur la Deuxième Guerre mondiale, etc.  Cela me guidait en tant que libraire et la plupart des gens partaient satisfaits, mais il y avait ces quelques cas où la réponse était:

-Euh, je sais pas, moi, un livre?

La libraire essaie dans ses moments d'éviter à ses yeux d'aller faire un tour dans la stratosphère et d'expliquer.

«-Un livre, c'est comme un bon vin, un parfum, un bouquet de fleurs, une manucure.  Il y a autant de possibilités que de gens capable de les apprécier.  C'est de trouver le bon livre pour la bonne personne qui est l'art du libraire.

Pour ça, il faut que le libraire connaissent ses livres, connaissent leurs contenus, aillent au delà de ses goûts personnels.  Les libraires ne peuvent pas tout lire, mais souvent, ils en savent un bout sur presque tous les livres en magasin.  C'est leur travail, mais c'est aussi une passion, celle d'être capable de faire des liens entre les livres et les lecteurs.

Ensuite, ils doivent trouver ce qu'aime le lecteur.  Des indices, des petits bouts, d'autres livres lus ou aimés, des idées, le libraire commence à partir de ça et fait des propositions, propositions qui évoluent selon les réactions et les commentaires de la personne qui veut offrir un livre.  Ce n'est pas simple, ni facile à expédier.  Ça demande de la recherche, du temps et des connaissances précises des deux côtés.  Dans ce cas seulement, le bon choix peut survenir.

Toutefois, c'est délicat et ça demande du doigté.  Si le lecteur aime le policier, il est fort possible qu'il adorera un bon polar scandinave, mais restera froid devant Louise Penny.  Tous les sagas de fantasy ne sont pas si semblable que ça les unes des autres.  Un livre de recettes d'accord, mais encore faut-il savoir si un livre de pâtes conviendra mieux qu'un livre sur les sushis.  Et là-dedans, on risque toujours de se tromper.

Mettre un livre sous le sapin reste un art délicat, mais comme toutes les formes d'arts, quand c'est réussi, quel merveille de savoir que les yeux du lecteur brilleront de joie en déballant son livre et qu'il ou elle passera des heures de bonheur avec lui.»

OK, j'ai jamais dit ça à aucun de mes clients.  Pressés comme ils le sont, ils se seraient enfui après la première phrase.

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J'en avais déjà entendu parlé, mais il me semblait que c'était trop beau pour être vrai, une rumeur, une chose tellement farfelue et fantaisiste que ça tenait plus du conte de fée que de la réalité.  Mais c'est vrai.  Archi-vrai, super vrai.  En Islande, la veille de Noël, la tradition est d'offrir des livres et de... lire.  On s'offre d'ailleurs beaucoup de livres en cadeau, une tradition datant de la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Donc, vous voyez le portrait.  Après un bon souper, la petite famille s'installe autour du sapin pour découvrir leurs nouveaux livres, s'extasier des bons choix (j'espère qu'ils ont d'aussi bons libraires en Islande qu'au Québec), avant de s'installer, tout le monde, sans doute avec des chocolats chauds ou des verres de vins pour les adultes et de plonger, chacun le nez dans leur livres...

Le Paradis...

Je ne sais pas pourquoi on a pas une telle tradition ici, je ne vois aucune raison.  C'est une façon super simple et pourtant tellement brillante de partager l'amour de la lecture, d'encourager les auteurs et les éditeurs, de couper avec la continuité des jours et des fêtes, de prendre du temps...  De laisser de côté cellulaire, télévision et ordinateur le temps de quelques heures.  De prendre du temps pour lire alors que la plupart des lecteurs se plaignent de ne jamais en avoir assez.

Bref, je me demande vraiment quand je vois cette tradition pourquoi au juste ne suis-je pas islandaise...

@+ Mariane

jeudi 19 décembre 2019

Le dernier-héraut-mage: 1- La proie de la magie de Mercedes Lackey

Le dernier héraut-mage  tome 1  La proie de la magie  Mercedes Lackey  Milady  Lu dans l'édition intégrale de la trilogie, p. 1 à 426


Résumé:
L'avenir de Vanyel Ashkevron était tout tracé: reprendre le domaine de son père, Seigneur de Forst Reach, devenir un guerrier, être un homme...  Mais le jeune homme est rebelle: il préfère la musique aux armes, la souplesse et la rapidité à la force brute, les hommes aux femmes...  Envoyé auprès de sa tante, Héraut-mage, dans la capitale, sujet aux intrigues et aux tentations, Vanyel y découvrira l'amour, mais aussi autre chose, cette chose qu'il cherchait à fuir : le devoir.

Mons avis:
Pour qui n'est pas familier avec l'univers de Mercedes Lackey, l'auteure ne prend pas beaucoup de temps pour expliquer son univers comme tel.  On peut le lire de façon indépendante, mais pour quiconque a déjà lu d'autres tomes, les liens sont plus faciles à faire.  Le tout premier tome de cet univers, après tout, ne commençait-il pas par Talia lisant le récit de la mort héroïque du Héraut-Mage Vanyel, le principal protagoniste de cette trilogie?  Un antépisode donc, mais qui nous ramène aussi à une période de l'histoire de Valdémar plus primitive, où les hérauts existent déjà, mais où la magie est toujours présente.

L'auteure manie avec doigté l'art de prendre beaucoup de temps pour raconter certains passages avant d'accélérer pour nous garder littéralement rivé au livre.  Ainsi en est-il de la première partie, décrivant longuement le sort de Vanyel à Forst Reach et à quel point il y est un adolescent malheureux.  Son départ pour Haven emmènera de nombreux changements dans sa vie, entre autre la découverte de son homosexualité.  Puis à un certain point, on accélère encore vers la finale.  Ainsi en est-il de la presque totalité du livre: une grande précision, voire une sentimentalité dans certains moments, un grand flou dans d'autres, suivi d'une accélération.  Pourtant, sans tout le temps à placer les émotions de Vanyel, la finale n'aurait pas autant de force.

Une chose est sûre, les nuances émotionnelles que vit Vanyel sont soigneusement détaillées.  On se reconnaît dans ce personnage mal dans sa peau et on l'accompagne dans les difficiles épreuves qu'il traversera.  Par contre, à un certain point, on peut trouver que l'auteure en beurre pas mal épais.  Toutes ces épreuves sur un seul être humain?  En si peu de temps?  Mouais...

L'écriture n'est pas très riche et bon, la principale qualité de l'auteure n'est pas son style qui est assez fade.  Mais elle est une très bonne raconteuse d'histoire, qui nous donne envie de continuer auprès de ses personnages, qui s'ils sont au départ archétypaux, sont capables d'évolution sans que cela fasse niais.  Même ceux qu'elle s'amuse presque à torturer pour mieux nous les rendre humain et proches.  Et l'univers qu'elle a su créer est riche de tellement de nuances que l'on voit dans peu d'univers de fantasy que l'on accroche. Quoique ce tome-ci, et je dirais même cette trilogie-ci, est réservée aux fans déjà conquis.

Ma note: 3.5/5

lundi 16 décembre 2019

De la bulle

Salut!

Il y a deux semaines, j'ai publié un effet sur la théorie du ruissellement, théorie qui veut, au niveau littéraire, que le contact d'une oeuvre d'un genre particulier permettent  d'entrer en contact avec le genre en général et de découler vers les autres oeuvres qui le composent en prenant comme exemple, le fameux effet Harry Potter.  Comme le faisait si justement remarquer une charmante amie blogueuse dans les commentaires (si tu te reconnais Gen, c'est normal), l'effet de ruissellement ne se remarque pas très souvent.  C'est une vue de l'esprit, inspirée d'une théorie économique qui n'a jamais connu beaucoup de succès dans la réalité.  Cependant, en relisant mon billet et les commentaires, j'ai repensé un détail qui ne m'avait pas surprise lors de sa rédaction: j'y aborde par la bande le sujet des bulles, un autre phénomène qui touche pas mal le monde du livre, mais aussi le monde dans son ensemble.

Une bulle, c'est un univers en soi, un univers complet qui se nourrit de lui-même.  Vous aimez tel genre de littérature?  Le propre d'un bulle c'est de vous ramenez sans cesse à cela, sans cesse à ce genre, avec de subtiles variations qui vous donnent l'impression que quelque chose a changé, mais dans le fond, rien.  Et vous avez l'impression de découvrir, d'évoluer, alors que dans le fin fond... non.  Je parle de littérature parce que c'est ce que je connais de mieux, mais cela s'applique à tous les domaines et en particulier, aux idées en politique.

Le propre d'une bulle est de ne pas savoir que l'on est dans une bulle.  Je cite directement d'un film que j'ai vu il y a quelques années, The big short sur la crise financière de 2008.  L'action du film prend place avant la fameuse crise financière et montre combien les gens qui y participent n'ont au fond aucune idée dans quoi ils vivent.  Ils y participent sans en être conscient.  Ainsi en est-il de bien des domaines.

Dans le fond, mes lectrices invétérées de Barbara Cartland, à la belle époque où j'étais libraire, étaient dans une bulle.  Je les plaignais d'une certaine façon.  J'avais un peu pitié d'elles.  Elles n'étaient pas conscientes de ce qu'elles vivaient, dans la bulle dans lequel leur univers littéraire était restreint.  Comment auraient-elles pu?  À part moi, de l'autre côté du comptoir qui commandait leurs livres et les leur donnaient une fois arrivés, quel contact avaient-elles avec d'autres livres, avec d'autres genres?  Presque pas.  Qui auraient pu les faire sortir de leur bulle?  Je les aies souvent dénoncées, sans aller plus au fond du concept: tout était fait, pensé et conçu pour les garder dans leur bulle.  Il aurait fallu un effort de leur part pour en sortir.  Parfois un effort violent.

Et pourtant... La librairie, avec la bibliothèque, est un des rares endroits où la bulle peut être percée de nos jours.  On parle du web comme de la panacée, mais les algorithmes auront tôt fait de vous orienté vers un livre ou vers un autre, selon votre historique de recherche.  La librairie et la bibliothèque, sont des lieux qui ont une certaine radicalité contre l'ordre des préférences.  Certes les présentoirs sont pleins de nouveautés, mais sur les rayons, Alexandre Dumas côtoie Marguerite Duras qui a écrit un siècle après lui.  Margo Vargas Llosa ne sera pas loin de Jules Verne et occasionnellement, Stephen King pourra reluquer Sophie Kinsella.  L'ordre alphabétique se fout de la popularité ou de la pérennité voire même du genre.  Sans compter que passé l'effet de nouveauté, un livre aussi populaire que Le Secret sera placé à côté d'un obscur ouvrage du même genre.

Alors la bulle?  Je dirais que d'être conscient d'être dans une bulle aide.  D'être conscient que les bulles existent aussi.  Mais rien n'est parfait.  Le mieux est d'être capable d'aller vers ce qui nous confronte, ce qui nous pousse à nous remettre en question, à ce qui nous est étranger, à apprendre de tout ça et à l'intégrer à notre vie.  Quitte à l'inconfort que cela amène.

Mais dans notre univers où on nous oriente toujours vers ce que nous aimons déjà, qui en est vraiment capable?

@+ Mariane

jeudi 12 décembre 2019

1493 de Charles C. Mann

1493 Comment la découverte de l'Amérique a transformé le monde  Charles C. Mann  Albin Michel 535 pages


Résumé:
Dans son livre précédent, 1491, l'auteur faisait un portrait de l'Amérique d'avant Colomb, des multiples peuples qui la composaient, de la politique, de la science, des techniques agricoles et j'en passe qui parsemaient cet immense continent.  Dans cet opus-ci, il s'intéresse à l'après et aux conséquences immenses qu'ont eu les contacts à de nombreux niveaux.  Comment les plantes de l'Amérique ont voyagé partout, sortant autant les Chinois du XVIe siècle que le Irlandais du XVIIe de la famine.  Comment le caoutchouc a servi de support à la révolution industrielle.  Comment l'argent du Potosì a entraîner des bouleversements monétaires autant en Europe qu'en Asie et aussi, comment l'immense brassage génétique qu'a entraîné l'esclavage a transformé le monde entier.

Mon avis:
Idées reçues, attachez vos tuques!  Comme avec le premier tome, l'auteur nous amène un peu partout, loin des discours académiques, très près des problèmes concrets issus de l'héritage de l'arrivée de Colomb en Amérique, tout est étant richement documenté (la bibliographie de son ouvrage fait plus de cinquante pages).  Ajouter à cela un talent de conteur à mille lieux des ouvrages scientifiques poussiéreux, et vous avez un livre qui est avant tout une aventure, une aventure autant humaine que biologique.

L'auteur défend une thèse, simple, mais redoutablement efficace:  du contact avec l'Amérique a émergé un nouveau monde, un monde complètement nouveau, qu'il nomme l'ère de l'Homogénocène: l'ère où toutes les parties de la planète sont reliés les unes aux autres, par des liens complexes, parfois même sans le savoir, mais avec des impacts importants loin de leur lieu de départ.  À partir de là, il commence à défiler les exemples, comme un long fil.  L'argumentation est extrêmement logique et sort des sentiers battus.  Sauf qu'elle est nourrie de tellement d'exemples qu'on ressort du livre, sinon convaincu, du moins, appelé à reconsidérer bien des certitudes.

Comme pour 1491, l'auteur, au lieu d'essayer de tout raconter, opte pour des exemples choisis, les mieux documentés souvent, à partir duquel il monte son argumentation, utilisant ces exemples pour ratisser plus large.  Il le dit d'ailleurs dans l'introduction, il a fait des choix, mais ses choix sont pertinents.  Ainsi, s'il traite des maladies introduites en Amérique par le contact avec les Européens, il ne traite en profondeur que de la malaria et de la fièvre jaune alors qu'elles ont été beaucoup plus nombreuses.  Ce procédé permet de ne garder que les exemples ayant le plus d'impact pour soutenir sa thèse, mais d'un autre côté, elle permet d'éviter le piège de l'érudition trop pointue et garde le texte très accessible.  Le texte étant d'ailleurs nourri de références et d'histoires concrètes, on est très impliqué dans celui-ci.

Puisant autant dans les documents historiques, dans les dernières recherches scientifiques que dans ses voyages sur les lieux mêmes des événements, nourris d'anecdotes avec les gens y habitant toujours, l'auteur nous permet de voir les impacts de ce qu'il raconte, entre autre, les immenses impacts écologiques qu'ont entraînés la culture du maïs en Chine ou de la canne à sucre dans les Caraïbes.  Le nombre de catastrophe écologique citées dans ce livre est effarant.  On dirait que malgré les siècles, l'être humain apprend peu et continue de jouer à l'apprenti sorcier avec la nature.  Avec des résultats souvent catastrophiques!  Sauf qu'en filigrane se dessine une autre réalité qu'il n'aborde que très peu, mais qui reste présente: désormais, peu importe où sur la planète, les actions des uns ont des impacts partout sur les autres.  Ce qui fait réfléchir sur les racines de la crise écologique actuelle.

Si le livre reste un tour de force et un livre à lire, vraiment, je l'ai trouvé un peu moins fascinant que le premier opus.  De un, l'auteur pousse une thèse de façon beaucoup plus marquée et c'est un peu agaçant.  De l'autre, même tout le talent de conteur de l'auteur ne peuvent rendre certains passages aussi intéressants que d'autres.  J'avoue sans problèmes que moi et le système monétaire chinois du XVIe siècle n'avons pas fait bon ménage...

Ce sont de biens minces défauts et je recommande chaudement cette lecture!

Ma note: 4.75/5

lundi 9 décembre 2019

La si pratique prophétie

Salut!

Depuis quelques temps, sous l'influence néfaste d'un ami prêteur de dvd en série, je me suis mise à écouter Dr Who.  Je devais bien être la seul fan de SFF au Québec à ne pas les avoir écouter, mais qu'importe, je suis en train de me rattraper et assez vite en prime.  J'ai donc enfilé les sept premières saisons au cours des derniers mois (de la série depuis 2005, je précise).  Et vous savez quoi?  Cette série parle d'un être capable de voyager à travers l'espace et le temps et le grand dénouement de la saison 4 se base sur... une prophétie!  Wow!

Non, mais quelle originalité!  Une prophétie comme dans le plus banal des récits de fantasy, comme celle qui pousse le héros à se mettre en quête, celle qui fait que tout va se finir comme on l'a dit au début, comme si tout était planifié d'avance!  La prophétie est la pirouette scénaristique ou narrative par excellence.  Vous n'avez qu'à dire que ça va arriver et pouf, comme par magie, ça arrive!  Et les lecteurs ou les auditeurs sont pendus à votre intrigue, sachant que ça va arriver, mais sans savoir comment.  Drôlement pratique non?  Ça paraît, à posteriori, de justifier un truc bizarre parce qu'il fallait bien que ça arrive pour que tout finisse au bon moment non?  Ben oui, c'est normal, on vous l'avait dit que ça finirait comme ça!

Les prophéties sont partout de nos jours.  On les retrouve dans la fantasy, dont elles sont souvent un élément principal, un moteur de l'intrigue bien souvent.  Combien d'histoires du genre commencent par une prophétie à accomplir qui touche le héros/l'héroïne?  Même chose dans le fantastique souvent.  J'en aie même vu dans la science-fiction, à l'occasion.  Pourquoi cette tendance?

On dirait que c'est à la fois une amorce facile (c'est suite à une prophétie que tout se met en branle) et aussi, une façon de fuir en avant (on se dirige vers une fin déjà annoncée).  Quelque part, il me semble que ça parle beaucoup sur notre époque.  On a peur de l'avenir, on ne sait pas ce qu'il va arriver, alors quoi de plus rassurant que de lire une histoire dont on sait déjà comment elle va finir?  La fin, l'arrivée, est connue.  Pas d'angoisse sur trop d'option, sur un monde ouvert, sur un monde où les décisions influenceront réellement l'avenir et où tous auront à faire face aux conséquences de leurs actes parce que ces conséquences proviendront de leurs décisions et non de l'action d'une prophétie ou de dieux ou de peu importe quoi.  C'est l'angoisse de faire des choix qui est supprimée.

Ok, ça peut être vraiment cool une prophétie pour faire avancer l'action, mais est-ce toujours nécessaire?  J'en doute.  Il n'y en a pas dans tout le Seigneur des Anneaux, ni dans Star Trek.  Certes, il y en a eu une dans Harry Potter, mais elle arrive à la fin du cinquième tome et elle sert à expliquer le passé autant qu'à éclairer l'avenir.  Pas de prophétie non plus dans Games of Thrones et Hunger Games, mais les destins des personnages n'en étaient pas pour autant moins intéressant.

Je n'ai rien contre les prophéties comme tel.  C'est un excellent outil narratif, mais il est à utiliser avec précaution.  On peut très bien savoir l'avenir sans avoir de direction précise à suivre.  Lyra, l'héroïne d'À la croisée des mondes accompli son destin sans même savoir qu'il est le sien.  Comme de quoi, on a pas besoin d'être nécessairement guidé pour avoir un destin intéressant.

Personnellement, je préfère les histoires où les héros doivent tracer leur propre chemin, doivent trouver leurs propres solutions, trouver leur propre avenir et décider ce qu'ils en feront.  C'est une question de goût sans doute.  Je trouve ça plus intéressant que de penser que quelqu'un, quelque part a décidé de la fin de l'histoire avant même qu'elle ne commence.

@+ Mariane

jeudi 5 décembre 2019

Monstress: Awakening de Marjorie Liu et Sana Takeda

Monstress  tome 1  Awakening  Scénario de Marjorie Liu  Dessins de Sana Takeda  Images comics  Non-paginé


Résumé:
Maika Halfwolf est une arcanique, une race issue d'un croisement entre les humains et une ancienne race.  Contrairement aux autres membres de son peuple, elle a une apparence entièrement humaine, à l'exception de son bras gauche, amputé.  Maika cherche quelque chose et se laisse même vendre comme esclave pour l'obtenir.  Seulement, les personnes qu'elle croit être ses pires ennemis sont autant à l'extérieur d'elle qu'à l'intérieur.

Mon avis:
Décoiffant.  Tant par le style narratif très proche des comics de super-héros (que je n'ai guère lu, je le confesse) que par un esthétique qui lui propre, à cheval entre les traditions graphiques issues de l'Asie et d'autres traditions, dans un mélange surprenant, mais dont le résultat est se démarque au niveau du dessin.  La dessinatrice a su créer un univers hautement cohérent, tout en étant totalement unique.  Un exploit à lui seul.

L'histoire de Maika se révèle par couche.  L'histoire commence au moment où elle est vendue aux enchères comme esclave, une situation qui s'avérera volontaire par la suite.  Car Maika cherche quelque chose.  Qui plus est, une part d'elle-même lui échappe.  Cette double situation, qui la confronte sans cesse à elle-même, la suit tout au long du récit.  Le récit est donc une double quête, extérieure d'abord, puis intérieure, qui se mélangent et se répondent tout au long de l'intrigue.

L'univers dans lequel cette histoire se déroule étant un matriarcat, on est au départ un peu surprise par la quantité de personnages féminins, mais ce n'est que justice: on est tellement habituées à l'inverse!  Les hommes sont relégués à des rôles secondaires, voire tertiaires, laissant toute la place à de riches personnages féminins, nuancés et crédibles, Maika au premier rang.  Aucun d'eux n'est d'ailleurs sexualisé à outrance.  Cela ne correspondrait pas à cet univers.  Et il y a bien sûr les non-humains, à premier chef les chats à multiples queues...  Comment pourrais-je seulement résister à ce genre de récit où des chats jouent un rôle principal?

Ce n'est que le premier tome, mais tant par son intrigue, nuancée et complexe, que par par son esthétique, ce livre révolutionne bien des choses.  Intriguant à souhait.  J'ai hâte de connaître la suite.

Ma note: 4.5/5

lundi 2 décembre 2019

La théorie du ruissellement

Salut!

Je m'en rappelle comme si c'était hier.  J'étais à mon tout premier Boréal, à mon tout premier atelier à vie.  C'était en 2011.  J'étais à cet atelier parce que parmi les panélistes, il y avait une écrivaine dont j'avais tellement aimé les livres que je lui vouais intérieurement un mini-culte et que je n'arrivais pas à croire que j'étais dans la même pièce qu'elle: Élisabeth Vonarburg.  Le sujet de l'atelier?  La fantasy au Québec après Harry Potter.  Au bout de quelques minutes, j'ai regardé autour de moi en me demandant pourquoi personne ne réagissait à ses propos que je trouvais plutôt... tranchants.  Je sais aujourd'hui pourquoi personne n'a réagit, mais je me rappelle aussi des propos d'Élisabeth: si la vague Potter avait suscité un énorme enthousiasme dans le milieu, on dirait qu'elle a passé par-dessus la tête du milieu de la SFFQ sans attirer les lecteurs qui avaient pourtant trippé sur les aventures d'Harry, Ron et Hermione.

C'est l'une des façons dont se répand les genres dans la population: un livre peut faire le pont entre la littérature générale et la littérature de niche permettre aux lecteurs de ruisseler naturellement vers ce genre, d'entrer en contact avec lui et de le découvrir.  Ça s'est déjà vu, entre autre avec le roman policier et le roman d'horreur.  Des auteurs plus accessibles servent de porte d'entrée avec le genre, qui est ensuite exploré plus largement.

Mais ce ne sont pas tous les succès qui permettent ce genre de transfert.  Loin de là.  Découvrir Harry Potter n'a pas emmené des hordes de lecteurs vers les récits de fantastique, le Seigneur des Anneaux n'a pas entraîner les dévoreurs de livres vers d'autres séries du genre et les Hunger Games de ce monde n'y ont pas plus réussi.  Pourquoi donc?

J'y vois trois grandes raisons: ben, de un, souvent l'oeuvre grand public se démarque de beaucoup de ce qui se fait déjà dans le genre.  Harry Potter a rebrassé certains concepts et pour un lecteur qui n'y connaissait rien, ça sonnait nouveau.  Donc, c'était facile pour un lecteur néophyte de se dire qu'il lisait un livre révolutionnaire... même si un lecteur du genre pouvait y voir plein de liens avec des autres précédentes, possiblement même les inspirations de l'auteure.  L'aspect «nouveau» de certaines oeuvres les rend plus facile à accepter pour le grand public.  Car après tout, on ne lit pas une oeuvre de genre hein, on lit quelque chose qui vient d'être inventé!

De deux, aussitôt qu'une oeuvre a du succès, les maisons d'éditions se dépêchent d'inonder le marché de clones plus ou moins réussi.  Après Fascination, combien d'histoires de vampires aie-je vu débouler sur les tablettes de ma librairies.  Ça en était au point ou entre libraires, on se lançait un regard entendu dès qu'une quatrième de couverture mentionnait le mot vampire.  Peu de chance alors de se rendre jusqu'au corpus.  Au contraire, on dilue l'effet d'entraînement de la nouveauté qui pourrait ruisseler vers d'autres oeuvres en la gardant bien captive de livres publiés dans la foulée.  Quelle dommage pour d'autres livres qui le mériteraient pourtant tellement!

De trois et bien...  Beaucoup de gens lisent ce qui est à la mode et uniquement ce qui est à la mode.  Alors, si la vague part dans une direction, ils vont lire l'oeuvre en question et en rester là, jusqu'à l'arrivée de la prochaine vague qui les emmènera vers d'autres lectures, parfois en lien, parfois pas du tout.  C'est alors très dur de créer le lien nécessaire entre le genre et l'oeuvre porteuse, parce que justement, l'oeuvre porteuse crée sa propre niche qui une fois remplie coule ailleurs que de là où elle a jaillit.

Alors la théorie du ruissellement?  Jusqu'à un certain point, ça marche.  Mais à quel point il faut avoir des attentes quand une oeuvre d'un genre particulier résonne dans le grand public?  Je crois qu'il faut avoir des attentes très réalistes: non, une oeuvre populaire, adaptée au cinéma, lu par des dizaines de milliers de lecteurs ne transformera un genre précis en littérature grand public en quelques années.  Ça peut, mais ce n'est pas une courroie de transmission automatique.

Je crois que les oeuvres de moyenne portée sont plus efficace pour faire ce transfert.  Elles bénéficient moins d'un effet de mode et sont moins entourées d'un aura qui les mets à distance des autres oeuvres proches.  J'ai vu certaines séries plus marginales avoir un effet d'entraînement considérable à comparer à certaines séries ultra-populaire.  Parce qu'elles étaient moins intimidantes.  Parce qu'elle se laissaient découvrir plus qu'elle s'imposaient.  Et comme les lecteurs découvraient des pépites, ils voulaient en découvrir d'autres.  Le bruit de fond de l'oeuvre populaire n'était pas présent pour leur nuire dans leurs recherches.  Il n'y avait pas de bandeau de Harry Potter sur d'autres oeuvres pour les attirer, ils ont fait leurs propres recherches et ont trouvé.

C'est ce que je crois qui manque le plus aux oeuvres ultra-populaires de genre, l'absence de recherche.  Quel que soit la qualité de l'oeuvre, elle devient un tout cuit dans la bouche.  Ça ne pousse pas à chercher autre chose.  Et comme les lecteurs ne cherchent pas, ils manquent des univers entiers qui auraient pu leur plaire.

@+ Mariane

jeudi 28 novembre 2019

Le sorceleur: 1- Le dernier voeu de Andrzej Spokowski

Le Sorceleur  tome 1  Le dernier voeu  Andrzej Sapkowski  Milady  382 pages


Résumé:
Geralt de Riv est un sorceleur, un spécialiste des monstres magiques, un mercenaire qui ne combat que pour l'argent.  Enlevé à sa famille dans son jeune âge, il a été transformé par un traitement cruel afin d'améliorer ses sens et sa rapidité.  Dans son monde, où les humains ont colonisé une terre autrefois peuplée d'elfes, de nains et d'autres créatures magiques innombrables, il est un errant, payé au travail accompli, souvent craint, parfois méprisé.  Au fil de ses aventures, il ne cherche au fond qu'une seule chose: son humanité perdue.

Mon avis:
C'est... différent.  À la fois dans la manière de raconter, dans les sujets, dans la façon dont l'auteur a choisi de cadrer son héros.  Geralt de Riv n'est pas un homme bon ou mauvais.  Il fait ce qu'il a à faire et entend être payé pour.  Il ne s'implique d'ailleurs jamais dans les causes pour lequel il a des contrats.  C'est la totale antithèse du héros défenseur d'un idéal.  On pourrait donc le croire cynique ou désabusée, mais c'est simplement que sa propre quête est personnelle et non collective.  Il ne cherche à sauver personne d'autre que lui-même.  Et il vit quête au travers de ses aventures, elle n'en constitue pas le coeur.

Le livre se tient aussi à distance des grands canons de la fantasy par sa structure.  Il n'y a pas de véritable début ou de fin à l'histoire parce que le récit est constitué d'une série de nouvelles entrecoupés par une autre raconté entre les autres épisodes qui constitue un peu le fil rouge, très mince certes, du livre.  C'est à la fois efficace et surprenant, parce que ça sort le lecteur de sa zone de confort.  Le récit n'offre d'ailleurs pas vraiment de ligne chronologique, ou du moins, bien peu de repères.  Oubliez donc les grandes envolées vers la fin, on est pas dans ce registre.  Le récit prend très peu d'essor au fil des pages.  La tension monte et descend lors des combats, mais sans porter une grande histoire qui nous ferait dévorer les dernières pages.  Les scènes de combat sont nombreuses et très bien décrites.  Je n'ai pas trouvé l'info, mais il ne serait pas surprenant si l'auteur était lui-même un adepte de l'escrime tellement les détails des combats sont précis.

Autre chose, le récit est différent par le choix des créatures que Geralt combat, mais aussi par le choix du vocabulaire utilisé.  Le récit tire ses racines des contes et légendes de l'Europe de l'est et non de celui de l'ouest comme on est habitué et cela donne une saveur différente au récit.  Le rythme, les enjeux, les créatures magiques, la façon de raconter, tout a une texture légèrement différente.  D'ailleurs, je me demande à quel point la traduction du polonais a eu ici de l'influence sur le texte.  Je vais rester avec ma question, je n'ai aucune notion du polonais!

Sans être passionnant, c'est intéressant et c'est une porte ouverte vers un autre genre d'univers.  Quand à lire la suite, pas sûre.

Ma note: 3.75/5

lundi 25 novembre 2019

Ce n'est pas nécessaire de tout dire

Salut!

L'autre jour, un ami me décrivait une scène d'une série télé que je n'avais pas vue.  Et là, il me dit:

-Et tel personnage prend une décision importante et ça a tel effet.

-Ok, mais comment elle l'a pris.

-Ben euh.

Il y avait un regard perdu qui accompagnait cette déclaration.

-Ben on le voit pas vraiment.

-Mais comment tu sais qu'elle prend cette décision?

Un autre regard perdu m'a renseigné sur un point important: il ne le savait vraiment pas.  Plus tard, j'ai regardé un extrait de l'épisode en question.  Et en effet, on ne voyait pas LA scène de la prise de décision, mais même sans avoir vu tout l'épisode, je pouvais comprendre que le personnage l'avait prise, pourquoi et à quel moment, sans même l'avoir vu.  Parce que d'autres indices me laissaient voir la décision prise, parce que l'ensemble parlait beaucoup mieux que les détails, cette scène-là n'était pas nécessaire et on pouvait très bien comprendre qu'elle se soit passée sans qu'on la voit.

Mettre un tel truc en pratique à l'écrit est un autre défi, mais ça reste possible.  Après tout, ça fait des siècles que les écrivains prennent des raccourcis du genre, elle chevaucha toute la nuit et vit à l'aube les portes de la ville ou il passa l'après-midi à faire du ménage et alla se coucher avec un appart impeccable.  (Moi faire ici une inversion des genres?  Mais non voyons...)  Sauf que ça va un peu plus loin.

On a tous lu une scène dans un livre où la décision ou l'action d'un personnage nous apparaissaient clairement même si on n'avait rien vu de celle-ci.  Du genre, l'allié se présente à la scène finale vêtu des mêmes vêtements que l'antagoniste, montrant son changement d'allégeance.   On a pas vu ce retournement, mais on en comprend les conséquences en un claquement de doigt.  Ainsi, on s'économise des pages de verbiage et on entre directement au coeur de l'action.  Les conséquences deviennent plus importantes que les causes, car ce sont celles-ci souvent qui alimentent la suite de l'histoire.

Il faut en savoir assez pour être guidé dans l'intrigue, mais les zones d'ombres, les trous, le lecteur peut apprendre à les combler par lui-même.  C'est un art, un véritable art que d'y arriver.  Si le contexte est familier au lecteur, on peut laisser des trous qu'il comblera facilement.  Pas besoin de décrire en détail le fonctionnement d'une élection dans un pays démocratique pour un contemporain.  Mais le triomphe d'un empereur romain, lui?  Comment on le décrit?  Faire une ellipse est une solution dans ces moments, mais il faut quand même faire sentir l'émotion pour faire passer ce que l'on souhaite.  Pour qu'on en comprenne le sens, il faut que le lecteur comprenne les codes de ce dont on parle.

Et voilà l'important: la mise en contexte.  Si on le connaît, si on connaît les personnages, d'où ils viennent, quelle est leur personnalité, on peut se permettre de sauter des moments de l'intrigue, de ne pas les raconter, mais de sauter directement aux autres éléments.  Parce que l'on peut déduire et comprendre sans tout se faire expliquer.  Prendre le lecteur par la main au début, lui donner tout plein d'information, mais ensuite, être capable de le laisser marcher par lui-même à certains moments.  Cela permet aussi de résumer en une phrase, en un regard, en un geste une situation, une décision ou un retournement.  Je le répète, c'est un art.

Mais quels résultats fabuleux quand on y arrive!

@+ Mariane

jeudi 21 novembre 2019

Chroniques d'une fille indigne: J'ai vraiment des parents de base de Caroline Allard et Francis Desharnais

Chroniques d'une fille indigne: J'ai vraiment des parents de base  Textes de Caroline Allard Dessins de Francis Desharnais  Collection Carnets  Hamac  150 pages


Résumé:
Lalie est une petite fille débordante d'imagination, comme le sont tous les enfants du monde évidemment.  Mais elle a une maman qui s'identifie comme Mère Indigne.. et qui a tenu un blogue célèbre sur ses frasques de vie de maman.  Voici donc la Fille Indigne et une chose est certaine, c'est qu'elle a de qui tenir!

Mon avis:
La thématique des idées saugrenues et des remarques incroyables des enfants n'est pas nouvelle, cependant on peut donner le mérite à cette BD de le faire avec une grande efficacité.  Il y a du métier dans la façon de présenter les histoires et de les raconter.  On sent l'expérience acquise par les Chroniques d'une mère indigne dans le récit, quoique le personnage principal ne soit plus le même.

Lalie est donc une petite fille indigne et elle nous le démontrera de toutes les façons possible au cours de cet album, mais de façon désopilante.  Ses répliques sont nombreuses, ses réflexions sont au quart de tour et sa logique enfantine à toute épreuve.  La présentation de la BD privilégie d'ailleurs ses répliques à ses actions.  Certaines planches sont exactement pareilles, seule les dialogues avec sa mère changent, mais elles restent aussi efficace à chaque fois.

Les dessins sont simples et respectent le cadrage des strips classiques.  D'ailleurs, il n'y a pas de récit à proprement parler dans cette BD, plutôt une succession de petits événements.  S'ils sont décrits comme étant rigoureusement vrais, on peut se dire que cette Lalie ne doit pas être reposante!  Dans le genre, je crois qu'on peut parler d'un opus très réussi et très divertissant, sans être révolutionnaire.

Ma note: 3.75/5

lundi 18 novembre 2019

Et dix ans plus tard...

Salut!

Il y a dix ans, j'ai participé avec mon chapeau de libraire à une rencontre sur l'avenir du livre.  Je suis sortie de cette rencontre ébranlée, épuisée et confuse.  Tous ces gens étaient des professionnels des communications, du numérique, du 2.0.  Ils voyaient l'avenir grand.  Très grand!  Livres numériques, site de réseautage pour lecteur, liseuse électronique, et j'en passe.  Je me suis rendue compte après coup que j'étais une des rares dans la salle à être une professionnelle du livre, qui en vivait et travaillait dans le domaine.  Tous les autres étaient des professionnels d'autres domaines, qui s'intéressaient pour cette journée au livre.  Ils le connaissaient mal.

Pour eux, le livre papier et la librairie, c'était du passé.  C'était en train de mourir, fini, nada.  Ils étaient 100% pour le livre numérique, qui allait révolutionner le monde du livre, là, là!  En dix ans me disaient-ils, en substance et en groupe, mon métier allait faire parti du domaine des choses disparues, tout le monde allait acheter ses livres sur Internet, on allait faire nos choix en conséquences des opinions émis sur les sites de vente et de nos amis et le livre papier allait être relégué aux musées et bla et bla...

Pas d'accord que je leur répondais.  Vous ne connaissez pas le milieu du livre, vous ne connaissez pas tant que ça les lecteurs en général, vous connaissez uniquement ce que vous disent vos proches, vos amis, votre milieu de travail.  La révolution est loin d'être à nos portes.  Les gens sont plus attachés aux livres papiers que vous ne le pensez.  Le livre numérique va faire partie de l'offre, mais est-ce que ça va être un rouleau compresseur qui va tout chambouler?  Non.  C'est plus tard que j'ai compris à quel point ces personnes étaient dans une bulle numérique...  L'expression ne pouvait être mieux appropriée à leur cas.

On a rit de moi (surtout sur Twitter, je pensais que les gens sur place prenaient des notes avec leurs portables, que j'ai été naïve!), mais dix ans plus tard... qui a raison?  Les gens consomment des livres numériques et des livres papiers, les librairies, après une période sombre à la fin des années 2000 reprennent du service et il y a plein de nouveaux points de vente qui ouvrent.  L'expertise des libraires est, sinon reconnue, du moins appréciée et présente dans les médias de plusieurs façons.  Et le livre numérique, cet eldorado où tous les auteurs pourraient publier, enfin libéré des contraintes des affreux éditeurs?  Oh, il y a eu quelques histoires de succès (permettez ici que je pleure abondamment en pensant à Fifty Shades of Grey), mais pour des milliers d'appelés, noyés dans la masse, combien d'élus réussissent à faire mieux que les auteurs édités?

Je me méfiais à l'époque de ces augures qui prédisaient la fin des librairies et du livre papier.  Je les laisse encore braire.  Je ne crois pas à l'effondrement du secteur comme celui du disque ou du dvd, même si c'était le prochain à passer à la trappe si on était logique.  Des morceaux de l'industrie sont certes partis à la dérive, comme les encyclopédies, remplacées par les Cd-Rom, puis par Wikipédia.  Mais la littérature, dans sa forme romanesque, se consomme encore largement sous forme papier.  Les livres de recettes se vendent encore comme des petits cupcakes frais même si toutes les recettes se trouvent en un clic sur internet.  Et n'importe quel politicien/polémiste/penseur qui veut se prendre au sérieux ne se contentera pas de publier chroniques et billets dans les journaux, il passera à un moment ou à un autre par la case livre et pas livre électronique.  L'objet garde encore sa force sur ce point.

Certes, le numérique fascine encore et toujours (j'en aie une preuve personnelle sous la forme d'un billet que j'ai publié aux tous débuts de ce blogue qui reste l'un des plus lus chaque jour, même encore aujourd'hui!) et c'est une chose que je comprends parfaitement.  L'avenir et ses miroitements attirent toujours.  Être dans le vent, suivre le mouvement, ne pas rater le train font parti de la vie.  Les choses changent!  Il ne faut pas se scléroser!  Croire que sa vision du monde correspondra à demain?  C'est une toute autre chose.

Nul ne peut prédire l'avenir.  On le voit souvent à travers nos propres yeux, nos propres perceptions.  Néanmoins, je pense que mon petit doigt m'a dit la vérité en sortant ce jour-là: tu n'étais pas avec des gens du livre Mariane.  Ce n'était pas les meilleurs pour comprendre son avenir.  La majeure partie de ceux qui étaient sur place n'étaient pas tant des lecteurs que des trippeux de technologies dans leur bulle.  Et même eux, n'avaient pas vu l'arrivée de Netflix et de Spotify.  Comme de quoi, nul n'est prophète en son domaine!

@+ Mariane

jeudi 14 novembre 2019

Shuni de Naomi Fontaine

Shuni  Naomi Fontaine  Mémoire d'encrier  149 pages


Résumé:
Par fragments courts, l'auteure adresse une longue lettre à son amie Julie, qui va bientôt s'installer sur sa réserve natale, auprès de son peuple.  Elle lui parle du passé, du présent, de l'avenir, de colonisation, de contacts entre les peuples, de réconciliation à venir et de sa culture, de son fils, des siens.

Mon avis:
L'auteure privilégie en tous temps la forme courte pour ce livre.  Les chapitres font une ou deux pages, rarement plus que quatre, comme si de cette façon, elle avait imposé son souffle au récit.  Inspiration, expiration.  Le rythme est d'ailleurs assez lent, posé.  On ne lit pas ce livre pour l'intrigue, mais pour le voyage qu'elle nous propose.  La forme de chapitre court invite d'ailleurs à en profiter lentement.  On lit un chapitre, on peut déposer le livre pour y revenir plus tard ou encore en lire un autre.  Elle ne nous dicte pas de rester accrocher à son texte, mais à en profiter librement.

Dans ce récit, elle nous parle.  Elle nous parle de son père, mort avant sa naissance.  Elle nous parle de sa communauté, des gens qui la composent et des difficultés auquel ils font face.  Elle nous parle de l'importance des liens, des relations.  Elle nous parle de son fils, qu'elle adore.  De ses voyages à l'étranger, que son statut d'auteure lui permet grâce à de nombreuses invitations.  Elle nous parle de sa langue et de son rapport avec le français, malgré tout la langue qu'elle maîtrise le mieux.  Elle nous parle des aînés et de ce qu'ils ont connu, bref elle nous parle de la vie, de sa vie, mais toujours en s'adressant à cette amie, Julie, qui va bientôt s'installer parmi les siens.  C'est super intéressant pour une non-autochtones, parce que cela entrouve une porte dans un univers que l'on connaît peu et mal.  Elle le fait sans jugement.  Parfois, on sent sa colère, sa fragilité, mais partout aussi, on sent sa force, celle tranquille de la rivière et des montagnes, pas celle des armes et de la domination.

Son écriture me donne l'impression d'une doudou, d'une couverture toute douce qui nous enveloppe et nous garde au chaud.  Il n'y a pas d'aspérité, ça le claque pas, même quand elle dénonce des injustices criantes.  Reflet de sa culture ou de sa personnalité?  Je ne sais pas, sans doute un peu des deux.  Ce qu'elle réussit à faire en tout cas est magnifique.

Ma note: 4.75/5

lundi 11 novembre 2019

Des histoires de science

Salut!

C'est une tradition personnelle, mais j'achète pas mal tout le temps des livres à mon père pour son anniversaire et pour Noël.  Parce que voyez-vous, il ne porte pas de cravates, ma mère le fournit très bien en chaussettes et euh, ben, les chocolats sont exclus étant donné qu'il doit faire attention à son taux de sucre.  Alors, les livres, c'est génial.  Mais ce que mon papa aime par-dessus tout, ce sont les bouquins sur la science.  Il n'est pas très roman à la base.  Alors, des fois je triche un peu et je lui achète des romans sur la science.

Sauf que... C'est pas si facile à trouver que ça.  Je veux dire, les bons romans de science, il n'y en a pas tant que ça.  Et c'est pas faute d'avoir cherché!  Quand j'étais libraire, j'ai beaucoup utilisé les ressources à ma disposition pour faire des recherches.  Des romans qui utilisent les codes ou pseudos-codes de la science pour nourrir des intrigues, il n'en manque pas.  C'est même à foison qu'on en retrouve!  Mais si on cherche quelque chose de plus, quelque chose qui nous ferait apprendre en même temps que ça nous divertit, quelque chose d'un peu plus fouillé, et bien, c'est pas nécessairement facile à trouver.

Ce n'est pas que la science est absente des tablettes, alors ça non.  Mais ce qui trône en tête, ce sont les livres de vulgarisation.  Ils sont nombreux, complets et facile à trouver.  La fiction scientifique par contre, elle, est soit éparpillée, soit carrément mal identifiée.  Ça n'existe pas en littérature, la catégorie roman scientifique, contrairement aux polars ou aux romans historiques.  Parce que la catégorie n'existe pas, le libraire qui doit classer un roman scientifique en magasin lèvera un sourcil en voyant atterrir le livre sur ses tablettes.  Alors, par défaut, on le placera avec les romans historiques si l'action a lieu dans le passé, avec la science-fiction si c'est de l'anticipation ou pire, avec la littérature générale si on manque d'imagination.  Ça rend la fiction scientifique beaucoup plus difficile à trouver.  Et puis, honnêtement, je ne pense pas que roman scientifique attirerait beaucoup de lecteurs...

Je vais vous parler d'une fascinante histoire concernant un virus qui progressivement entraînerait un nouveau stade d'évolution dans l'histoire de l'humanité.  Qu'avez-vous dans la tête?  Un thriller, un livre de science-fiction?  Ben, un peu des deux, même si le livre est paru dans une collection de SF.  Je parle de L'échelle de Darwin de Greg Bear, un des romans les plus scientifiques que j'ai lu.  Je l'ai fait lire à un ami microbiologiste qui m'a confirmé que le contenu était solide sur le plan scientifique même si certains détails étaient largement extrapolé (on parle bien de science-fiction ici!)

Bref, ça existe, mais c'est dur à trouver et là, mon petit hamster fait tourner sa roue pour comprendre pourquoi donc au juste?  Parce que si l'Histoire fascine, la science a tout autant de possibilité.  L'Histoire est peuplée d'histoires portées par des gens plus grands que nature, qui ont réussi l'impossible, fait des découvertes qui ont révolutionné le monde, apporté la gloire ou voué aux gémonies ceux qui les ont faites, provoquées quelques réputations refaites avec le destin injuste de leurs auteurs et chamboulé des sociétés entières.  Rien qui ne soit jamais arrivé à des scientifiques quoi!

Certes, la science peut être aride parfois et sembler un foutu truc bien trop complexe, mais c'est comme n'importe quel sujet: un bon vulgarisateur vous fera tripper sur la réaction en chaîne menant à une explosion nucléaire et vous tenir sur le bout de votre chaise en scrutant le fond d'une boîte de pétri.  Ce n'est pas le sujet, ce sont les préjugés qui l'entourent qui font mal.

Et justement, on aurait bien besoin d'auteur(e)s pour nous faire voir la science autrement, loin des génies fous et des mégalomanes au jargon complexe, surtout dans notre monde où les fausses nouvelles pullulent.  Le grand public comprend souvent mal la science car il ne saisit pas les bases de la méthode scientifique.  Quoi de mieux qu'une bonne histoire qui l'utilise pour les faire comprendre?  Parce que la science peut donner de foutus bons romans, des romans où les humains sont confrontés à plus grand qu'eux-mêmes et où les résultats peuvent changer le destin de l'humanité.  Ça demande à comprendre un autre langage, mais la fiction n'est après tout pas la mieux à même de nous le faire découvrir?  Car la fiction est aussi la manière la plus directe de relier des informations aux émotions, qui sont le langage le plus universel de l'humanité.

Et oui, même derrière tout le jargon, toutes la technicalités et tous les sarraus blancs, il y a des humains, des humains avec toutes leurs imperfections et leurs défauts, qui peuvent nous rendre la science concrète, car ce sont eux qui la font.  Et toutes les histoires reposent sur les êtres humains qui les font et les vivent.  Ce n'est pas un matériel si différent des autres.

@+ Mariane

jeudi 7 novembre 2019

Le livre des chevaliers d'Yves Meynard

Le livre des chevaliers  Yves Meynard  Alire  308 pages


Résumé:
Adelrune est un enfant trouvé, adopté par un couple sévère, observateurs scrupuleux de la Règle.  Seulement, l'enfant trouve un jour un étrange livre dans le grenier, surnommé Le livre des chevaliers.  Fasciné par les images, il fera tous les efforts pour apprendre à lire afin d'en comprendre le message.  Et une fois qu'il l'aura lu, son but sera à son tour de devenir chevalier.  Mais être chevalier sera-t-il vraiment comme il l'a imaginé?

Mon avis:
Ce livre tire visiblement son inspiration des vies de chevalier du Moyen Âge et montre l'importante que pouvait acquérir ce genre de récit.  L'auteur en reprend donc les codes et en grande partie aussi la façon de raconter.  Ce qui en fait un récit intéressant, mais pas nécessairement passionnant.

La première partie, où Adelrune est enfant et où sa vie morne et austère, dépourvue d'affection parentale (il est un enfant trouvé et on le lui rappelle constamment) est éclairée par la présence de ce livre qu'il trouve au grenier.  J'ai beaucoup aimé cette partie, parce qu'elle démontre parfaitement comme le pouvoir de la lecture peut transformer une vie.  Quand notre héros, convaincu par ses lectures décide de quitter son patelin pour entamer une aventure qui lui conférera son titre de chevalier, le récit change énormément.  Il trouve son maître et entame sa formation, qui représente au fond une partie assez courte du livre, avant de le quitter pour des aventures qui lui permettront de devenir lui-même chevalier.  C'est un schéma assez classique donc, mais en même temps, il s'en éloigne.

De un, lors de sa formation, la personnalité de son mentor est très peu explorée et son entraînement reste vaguement décrit.  On s'en remet aux connaissances du lecteur sur la chevalerie pour le déduire.  Ensuite, lors de ses aventures, Adelrune ne poursuit pas une quête classique.  Il vit une série de péripéties, qui semble avoir peu d'impact sur sa personnalité et ses capacités.  Certes, il trouve son arme, mais il ne développe que peu de liens avec elle et ne s'en sert pas souvent pour se battre.  Certes, il est nommé chevalier, mais cela a moins à voir avec ses capacités qu'avec les circonstances dans lequel il se trouve et le monarque qui le sacre.  Certes, il accomplira la quête qu'il s'était donné au départ (découvrant au passage ses origines), mais on dirait qu'il fait tout ça pour pas grand chose.  En cela, la fin donne à l'ensemble une cohérence que le reste du livre portait très peu.

L'écriture comporte peu d'envolées, reste très terre-à-terre et ne donne pas des envies chevaleresque.  On est plutôt dans le concret de la vie de chevalier avec ses erreurs et ses doutes plutôt que dans l'hagiographie, ce qui est bien, mais quand même, on ressent un petit manque parce que cela ne correspond pas aux codes du genre.  Adelrune est un personnage assez froid et peu incarné.  Il semble être là pour permettre au récit d'exister plutôt que d'en être le moteur d'action.  Encore là, l'auteur joue avec les codes du genre.  L'auteur en a le droit, mais on garde l'impression à la lecture qu'il a raté sa cible plutôt que celle d'une réinvention du genre.  Ce qui fait que j'ai trouvé la lecture à distance et non prenante.

Je ne saurais mieux résumer ce livre que comme une réinterprétation des récits de chevalerie en essayant d'en modifier les codes.  C'est intéressant comme exercice, mais pas tant comme lecture.

Ma note: 3.5/5

lundi 4 novembre 2019

Tu es des nôtres

Salut,

L'autre jour, j'ai lu une histoire sur Facebook, celle d'un enfant qui avait vu une coïncidence entre un élément d'un décor d'Halloween et un détail de l'intrigue de la saison 5 de Doctor Who (la faille, pour les initiés).  L'auteur(e) de l'anecdote, voyant que l'enfant avait fait le lien entre la faille et le motif de sa citrouille (qu'il/elle a décrit comme étant involontaire suite à une chute de la citrouille), l'a bourré de paquets de M&M.  Pourquoi?  Parce que l'enfant était dans la gang, dans le clan, dans la famille.  C'était un geek, un nerd, un fan, bref, il était des leurs.

Dans le domaine des fandoms, l'effet de clan est très puissants.

Si je vous dit, Quidditch, polynectar, Gringotts, épouvantard ou fourchelangue, vous êtes du clan de Harry Potter.

Si je vous dit, Anneau unique, Moria, Comté, cotte de maille en mithril, vous êtes du clan du Seigneur des Anneaux.

Si je vous dit, Longue vie et Prospérité, vulcain, là où aucun homme n'est jamais allé, téléportation, vous êtes du clan Star Trek.

... et je pourrais continuer encore longtemps.

Ceux qui ont été attentifs ont remarqué que je n'ai pas prononcé le nom d'aucun personnage.  Ce ne sont pas que ceux-ci qui forment l'univers et souvent, ils sont le support qui permet de l'explorer.  On s'attache aux personnages autant qu'aux lieux qu'ils fréquentent, aux objets qu'ils utilisent  et aux concepts qu'ils côtoient dans leurs vies quotidiennes.  Tous ces éléments permettent de développer le vocabulaire de leur monde et dans ce vocabulaire, les fans se retrouvent.  (c'est lors d'une partie de quidditch, ils ont été attaqués par les Uruks de Saroumane, téléportez moi M. Scotty!).

Quand un des mots de ce vocabulaire arrive dans la conversation, deux fans d'un même univers se retrouvent, alors que ceux qui ne le connaissent pas les regardent sans comprendre.  C'est cet esprit de famille, cette fraternité de ceux qui savent qui relient les fans.  Certains sont plus fanatiques que d'autres, bien sûr, mais tous sont capable de reconnaître les leurs par la connaissance de l'univers, qui se reflètent dans les mots, dans les images.  Tout le monde ne se promènent pas avec les oreilles de M. Spock, mais Longue vie et prospérité, ça, on reconnaît.

Alors, ce petit garçon, geek même à l'Halloween, aura été reconnu facilement par ses pairs.  Il était facile de lui dire cette petite phrase qui relient les fans entre eux: tu es des nôtres. 

@+ Mariane

lundi 28 octobre 2019

Il faut avoir les mots pour le dire

Salut!

Ma grand-mère paternelle a mis au monde neuf enfants.  Avec toute cette petite bande à nourrir, laver, envoyer à l'école et la montagne de reprisage et de couture que cela représentait, il évident qu'elle n'a pas eu le temps de tout faire.  Alors, aussi bizarre que cela puisse paraître, personne n'a appris à mon père les couleurs.  Ok, rouge, bleu, vert, jaune, il connaît et il comprend.  Mais si vous lui dite pêche, ocre, safran, framboise ou turquoise, oubliez-ça, il est perdu.  C'est en grand partie pour ça que ma mère a toujours eu le poste de décoratrice en chef de la maison.  Elle donnait les échantillons à mon père avec un x sur la bonne couleur,  il allait chercher la peinture et il se chargeait du reste.  S'il ne connaît pas ses couleurs, mon père est un artiste pour les étaler sur les murs.

J'ai repensé à ça quand j'ai écouté une récente entrevue de Francine Ruel.  Elle a écrit un roman qui parle de la chute de son fils dans l'itinérance.  Une situation d'une tristesse infinie, qu'elle a transformé en un livre.  Un lecteur lui a dit qu'il avait vécu la même chose, mais qu'elle avait les mots pour le dire.  Parce qu'elle les avait elle, ces mots-là, elle lui a permis, à lui, de savoir nommer, parler de ce qu'il vivait.  Et c'est vrai que ça compte.  Avoir les mots, pouvoir dire, exprimer, mettre le doigt sur quelque chose, une émotion, une réalité, une sensation, c'est à la fois exquis et libérateur.  Essentiel aussi, parfois.  Ne pas pouvoir le faire, c'est comme avoir une prison.

Quand on s'exprime dans une langue seconde, surtout au début, on l'expérimente de façon assez brutale.  On a l'image en tête, on a la volonté, mais le mot, le bon mot?  Il fuit, nous oblige à prendre une pause en plein milieu d'une phrase, tandis que notre interlocuteur, patient ou non, nous regarde patiner mentalement dans toutes les directions pour trouver le Saint-Graal nous permettant de compléter notre phrase de façon juste.  Parce qu'apprendre une nouvelle langue, c'est apprendre aussi une quantité importante de nouveaux mots, même après plusieurs années, on peut encore tomber sur une situation ou un mot nous manque.

Quand j'écris, il m'arrive de m'arrêter en plein milieu d'une phrase pour chercher le mot juste.  Souvent, celui-ci me fuit, ou j'ai un mot en anglais dans la tête à la place.  Et je regarde mon écran d'ordi d'un air vague ou dans le dictionnaire des synonymes en rejetant les mots les uns après les autres qui sont à la fois si près, si près, mais en même temps, non, ce n'est pas exactement, je n'ai pas le mot.  C'est frustrant, c'est enrageant...

C'est toutes ces petits réflexions qui me font comprendre l'importance de maîtriser une langue, de savoir s'en servir et de pouvoir l'utiliser pour s'exprimer.  Ce n'est pas qu'un outil, c'est une base de vie.  Le comprendre me rend plus empathique avec les gens dont c'est la langue seconde, ou qui n'ont pas eu la chance d'apprendre assez de mots pour savoir s'exprimer.  Les parois de certaines prisons ne sont pas faites de métal, mais bien de l'absence de mots pour être capable de nous faire comprendre, mais ça reste quand même des prisons.

@+ Mariane

jeudi 24 octobre 2019

Les ananas de la colère de Cathon

Les ananas de la colère  Cathon  Pow Pow  132 pages


Résumé:
Marie-Pomme est barmaid à L'Ananas d'or dans le quartier hawaïen de Trois-Rivières.  C'est une fan inconditionnelle des aventures de Shirley McNuffles, brillante détective qui, telle une Agatha Christie a résolu d'innombrables enquêtes dans ses livres.  Sauf que lorsque la mort frappe sa voisine et que la police de Trois-Rivières est toute entière partie à l'épluchette annuelle des policiers du Québec, Marie-Pomme se décide à mener l'enquête elle-même!

Mon avis:
On est dans le kitsch assumé, voulu et appuyé, mais c'est tout simplement génial. L'histoire se passe à Trois-Rivières, un Trois-Rivières complètement métamorphosé en royaume de l'ananas, du tikki et du musée de la barbotte.  L'effet drôle et décalé est maintenu avec constance tout au long de l'album, ce qui donne une couleur et une personnalité désopilante au tout.

Marie-Pomme est un personnage délicieusement décalée entre son travail de barmaid qu'elle fait à moitié (ses daiquiris ne font pas l'unanimité) et sa passion dévorante pour Shirley McNuffles.  C'est d'ailleurs cette passion qui la poussera à reprendre l'enquête que la police de Trois-Rivières délaisse sérieusement pour cause de sous-effectif dû à une méga-épluchette de blé d'Inde.  Avec sa vivacité, sa perspicacité trempée dans l'ananas et sa connaissance approfondie de la faune trifluvienne (et une alliance avec des jumelles amateures de bowling), Marie-Pomme résoudra l'enquête, évidemment tirée par les cheveux, du meurtre de sa voisine de palier.  Mais justement parce que tout est exagéré dans cette histoire, on adore la conclusion!

Les dessins sont un hommage au kitsch, au tikki et à Trois-Rivières et par la bande, à la culture populaire québécoise, parce que l'auteure entremêle les deux avec un grand doigté.  Des éléments du décor proprement hawaïen sont entremêlée avec des éléments très québécois, comme les langues de porc dans le vinaigre au bar ou le musée de la barbotte!

Bref, on est dans la folie, dans le décalé, mais tout se tient dans cette histoire.  Pour l'apprécier à sa juste valeur, prévoir un bon daiquiris en lisant!

Ma note: 4.75/5

lundi 21 octobre 2019

Je lis des vieux trucs...

Salut!

Une PAL est une merveille, mais aussi une assurance: celle qu'on ne manquera jamais de livres à lire.  Cela est formidable, mais aussi pernicieux.  À la belle époque où j'étais libraire, je lisais en grand majorité de la nouveauté.  Un livre arrivait sur les rayons et zou, il filait dans ma PAL pour être lu le plus vite possible!  Sauf que ça n'arrivait pas tout le temps.  Et que les livres s'accumulaient tranquillement sur mes tablettes, de plus en plus nombreux avec les années.  Avec mon départ de la librairie, l'afflux de nouveautés s'est tarie, certes, mais pas l'accumulation inévitable, ni la liste de titres que j'avais pris en note en cinq ans (*raclement de gorge* il s'en est accumulé autant dedans depuis que j'ai quitté la librairie.)

Bref, j'ai chez moi une tonne de livres qui ne sont pas lus, sans compter ceux que j'avais acheté dans des bouquineries, qui m'ont été donné en cadeau, que j'ai attrapé à gauche et à droite, dont j'ignore la provenance (inquiétant ça...) ou tout simplement ceux de ma LAL que j'ai pris en note il y a longtemps en me promettant de les lire.  Tout ces livres, je les aie parce que je voulais les lire.  Bon, avec les années, j'en aie mis quelques-uns de côté parce que l'envie était passée, mais d'autres, en les voyant sur les tablettes, je ne peux m'empêcher de penser: ah, toi, ton tour est pour bientôt, ça fait trop longtemps que tu es là!  Le problème étant que je dis souvent ça aux mêmes livres...

Bref, j'ai beaucoup de livres!  Et beaucoup de choses à lire alors que le flot des nouveautés n'arrête pas!  Cependant, je ne perds pas nécessairement le goût de lire les livres que j'ai noté, alors j'en viens à constater une réalité très simple: je lis surtout des vieux trucs...

Pas dans le sens de vieux livres poussiéreux fleurant la moisissure et ayant traversé les siècles, alors ça non!  (Quoique pour certains dans ma bibliothèque...)  Mais non, je dis je lis des vieux trucs dans le sens que je ne suis plus du tout à jour dans les nouveautés et que la majorité des livres que je lis sont parus depuis plusieurs années, voir une décennie.  Je crois que je n'ai critiqué qu'une poignée d'oeuvres de moins d'un an depuis mon retour à la vie de blogueuse.  Est-ce que je lis de mauvais livres?  Non, pas du tout!

Cependant, je constate un schisme entre moi et d'autres lecteurs plus à l'affût.  Je ne suis plus autant au courant des parutions et je rattrape souvent plus de livres que je n'en lis de nouveau.  Même si certains livres me tentent vraiment quand je les déposes sur mes tablettes de bibliothèque...

:/

Après mon retour à la vie de blogueuse, cette constatation m'a un temps fait remettre en question la pertinence de continuer à faire de la critique.  Si je ne critique que des vieilleries sorties il y a cinq ans ou dix ans, étais-ce une bonne idée de continuer à le faire?  J'ai jonglé un moment avec cette question.  Et puis, je me suis dit que la principale raison pour lequel je le faisais, c'était que j'aimais ça.  Alors j'ai continué, tout simplement, même si l'idée a continué à me trotter dans la tête.

J'en aie discuté une fois autour d'une bonne bière avec un ami.  Il m'a alors fait une remarque intéressante: même si je critique de vieux trucs, c'est souvent LA critique sur le web pour certains livres.  Pas pour tous, mais pour certains oui.  Pas une raison de me motiver à peaufiner davantage mes critiques cependant, je le fais dès le départ, mais ça m'a fait réfléchir.  J'ai ensuite pensé que certains livres parus il y a dix ans, s'ils sont excellents, vont sortir du néant de l'oubli existentiel dans lequel reposent ils après quelques mois ou quelques années grâce à ma critique.  Une façon comme une autre de garder des titres vivants qui autrement ne bénéficieraient plus d'aucune visibilité.  Et puis, je me suis dit qu'il y a sans doute quelques étudiants en littérature ou quelques curieux qui font de la recherche sur des livres qui vont être heureux de trouver une réponse à leurs questionnements en lisant mes avis sur des bouquins moins récents.  Surtout que je ne fais pas des avis de trois lignes sur un site de vente, mais bien des textes que j'essaie de rendre le plus clair possible.  Ça m'a un peu rassurée de penser à tout ça.  Et puis, en plus, j'aime ça faire de la critique de livres, pourquoi m'en priver!

Alors bref, voilà, je lis de vieux trucs.  Ne vous inquiétez pas, les livres à la mode, les livres qui sortent ces temps-ci et que je trouve vraiment intéressant, je les aies notés, je vais les lire!

...dans quelques années! ;)

@+ Mariane

mardi 15 octobre 2019

L'effet d'entraînement

Salut!

Depuis un certain temps, je remarque que quand la violence éclate dans la réalité, automatiquement, on braque les projecteurs vers la violence fictive, celle qui règne dans les jeux vidéos et les films d'actions.  Cette violence-là, elle est banalisée, voire acceptée dans notre vie quotidienne, on la consomme, on va la voir au cinéma, on la joue sur notre écran, on la lit dans des romans.  Ce n'est que lors d'un événement tragique dans la vraie vie qu'on la dénonce.  Autrement, qui en parle vraiment?

D'ailleurs, on la dénonce lors d'une fusillade, par exemple, pour dire que le problème vient de là.  Que c'est à cause de toute cette violence que l'on voit à l'écran (surtout, c'est moins présent en littérature) que les gens deviennent fous.  Que cela créé un effet d'entraînement, qu'il faut bannir la violence à la télé, au cinéma, dans les jeux vidéos et dans les livres etc, etc.

Je ne dirais pas que la violence vue à l'écran est à banaliser.  Ni que cela n'a pas pu jouer un rôle à un niveau ou à un autre dans le passage à l'acte de certaines personnes.  Cependant, si on regarde la situation de façon objective, ben, c'est loin d'être si sûr que ça: des millions et des millions de personnes consomment ces oeuvres de fictions et seule une pincée d'entre eux passent à l'acte.  D'ailleurs, quand ils le font, qui sont leurs modèles?  John Wick, Rambo ou d'autres personnes, bien réelles, qui l'ont fait avant eux?  Et quels sont leurs motivations?  Reproduire des idées de mondes fictifs ou vouloir pousser leurs idées politiques... bien réelles?

D'ailleurs, si l'effet d'entraînement entre la fiction et la réalité était si fort, ça ferait que pas mal de jeunes voudraient vivre leur propre version de la quête de Frodon pour détruire l'anneau ou se monteraient des équipes de quidditch.  Hum, ok, tout ça existe?  D'accord!  Mais les gens qui le font, le font-ils en pensant que cela est la réalité ou juste pour pousser plus loin l'expérience de la fiction?  Je plaide coupable la première, j'ai revêtu armure et maquillage pour me réincarner en gobeline le temps de quelques fins de semaine.  Est-ce que j'ai aimé?  Oui!  (Sauf pour les normes d'hygiène en vigueur...)  Est-ce que j'ai pensé que tout ça était réel?  Pas le moins du monde!  Y'a que Don Quichotte pour prendre des moulins à vents pour des monstres...

Je ne pense pas que la violence dans la fiction soit tant que ça la source de la violence dans le réelle, mais elle remplit un grand rôle pour celle-ci: la catharsis.  Allons, qui n'est jamais sorti du cinéma après un film de Marvel ou de Michael Bay plein d'enthousiasme, le coeur léger et l'esprit bien alerte... sans que jamais personne ne soit tenté de grimper sur une moto pour se jeter du haut d'un immeuble?  On l'a vu, on s'est imprégné de cette force, de cette énergie... sans la vivre soi-même.  La plupart des gens ne peuvent pas soulever des marteaux qui génèrent des éclairs, ne tueront jamais personne, ni ne se promèneront dans un quartier en ruine en tirant sur tout le monde.  Mais à travers un personnage, on l'aura un peu vécu.  D'ailleurs, c'est le but de la fiction: nous faire entrer dans le monde des personnages que l'on suit, nous faire comprendre leurs émotions, leurs défis.  Leur excitation face au danger aussi.

Bien sûr, la fiction A un impact sur la réalité, sur la façon dont elle modèle notre imaginaire.  C'est bien pour cette raison que l'on se bat pour qu'elle soit plus représentative et plus inclusive!  Elle a le pouvoir de donner des modèles, d'inciter des actions, mais aussi de montrer ce que l'on ne voudrait pas voir et de permettre de vivre des émotions qui nous seraient autrement interdites, de faire des gestes que jamais on ne ferait dans notre vie quotidienne.  C'est une façon d'explorer nos zones d'ombres tout autant que nos zones de lumière.

En fait, je ne pense pas que la violence dans la fiction soit la cause de la violence dans la réalité, tant qu'il soit clair ce qui relève de l'un et de l'autre.  Ce quand la ligne entre les deux se brouillent que je suis inquiète.

@+ Mariane

jeudi 10 octobre 2019

#bébéatrice de Béatrice Lepage et Éric Godin

#bébéatrice  Béatrice Lepage  dessins d'Éric Godin  Éditions La Presse  61 pages


Résumé:
Recueil illustré des meilleurs mots d'enfants de la fille de Guy A. Lepage, Béatrice.

Mon avis:
Évidemment, ce genre de bande dessinée basée sur les mots d'enfants est avant tout cute.  Et on en aurait peut-être pas fait un livre si son célèbre Papa n'avait pas partagé tous ces jolis mots sur son compte twitter (d'où le # du titre).  N'empêche, c'est une bd plutôt sympathique.

Comme tous les enfants, Bébéatrice est dotée d'une imagination débordante et fait des liens là où les adultes ne verraient que du feu.  Un dessinateur plutôt doué a illustré les scènes de l'univers de Bébéatrice, ce qui nous donne une porte d'entrée sur son univers.  On reconnaît évidemment son papa, mais pas tel que son image publique ne nous le fait paraître.  Ici, il est le complice et le personnage secondaire de la vie de cette turbulente et imaginative petite fille.

Le dessin, volontairement caricatural, épouse très bien la vision du monde que les répliques de Bébéatrice nous laissent voir.  On est à hauteur d'enfant et c'est vraiment drôle.  En quelques traits, peu de décor et beaucoup d'expressions faciales parentales de stupéfaction, on comprend très vite que la vie en compagnie de cette petite fille n'est pas de tout repos.

Mais il y a deux limites à ce livre: de un, des anecdotes d'enfant, c'est mignon, mais les unes à la suite des autres, ça devient un tantinet redondant.  De deux, aurait-on vraiment fait un livre de ce genre si elle avait eu un autre papa?

Mignon, donc, pas rien de vraiment incontournable.

Ma note: 3.75/5

lundi 7 octobre 2019

De la lenteur

Salut!

Je me souviens d'une fois, quand j'étais à l'université, j'avais lu un livre en une journée.  J'avais pris mon livre le matin pour l'emmener lire dans le train et de fil en aiguille, je l'avais lu dans la journée.  Je veux dire, au complet, d'une couverture à l'autre.  Voyant qu'il avançait bien, je m'en étais même fait un défi!  Je me rappelle lire les dernières pages en accéléré pendant que le train arrivait en gare (je prenais le train de banlieue à l'époque).  Bref, j'ai lu ce livre en une seule journée.  Sauf que je ne me rappelle plus ni le titre, ni de quoi il parlait, vaguement de la couverture et encore, à peine.  J'ai lu ce livre trop vite.

Récemment, je lisais une bande dessinée.  J'attendais des amis qui venaient chez moi et avec qui j'avais rendez-vous.  Ils étaient légèrement en retard.  Je lisais ma BD un poil stressée en guettant leur arrivé.  J'ai posé cette BD quand elle a été finie, mais je savais que j'allais devoir la relire parce que... je l'ai lu trop vite.

Ces deux exemples m'amènent à penser que la lecture nécessite une certaine lenteur.  Pour lire, il faut pouvoir se concentrer sur un livre et profiter de lui.  Ça demande de déconnecter des autres sources de distraction, de fermer la télé, de laisser l'ordi de côté et de tenir le cellulaire loin. Ça demande du temps et du temps de qualité.  Dans nos vies d'aujourd'hui, où l'on cours du boulot à nos loisirs avec plein de sources de distractions à portée de la main, lire devient quasiment un acte de résistance car il demande que l'on prenne le temps pour s'y consacrer.

L'autre jour, un dimanche matin pantouflard, j'ai laissé l'ordi éteint, je n'ai pas commencé une balado, je n'ai ouvert la télé pour regarder un film, je me suis enroulée dans une chaude couverture, une tasse de thé à portée de main et j'ai lu.  Tout simplement.  Et quelque part, j'ai eu l'impression de m'accorder un moment hors du temps.  Ça faisait un moment que je n'avais pas pris le luxe de prendre plus d'une heure le nez dans un livre, sans décrocher de mon histoire.  En fait, je me rends compte que même si je lis quand même beaucoup, je suis souvent en mode grappiller quelques instants de lecture ici et là plutôt que réellement prendre le temps.

Ceci est tout un contraste avec la belle époque de mon adolescence où je hantais le divan du salon pour des après-midi complet, indifférente à l'heure et aux jérémiades de ma mère qui trouvait que je passais beaucoup trop de temps à lire.  Je m'en foutais, mais à vrai dire, à l'époque, j'avais le temps.  Avec les années, les responsabilités, les contraintes de la vie d'adulte, les moments où je peux prendre le temps ont fondu comme neige au printemps: il en reste, mais on dirait qu'ils disparaissent plus vite que jamais!

Lire, c'est se réapproprier un rythme plus lent, même dans le plus passionnant des thrillers.  C'est aussi s'isoler des autres, ne pas partager ce plaisir de façon directe comme on le ferait en regardant une série ou un film en compagnie de quelqu'un d'autre.  C'est un petit peu égoïste, c'est tout à fait personnel et c'est très sain d'être comme ça.  C'est tout simplement de prendre un peu de temps pour soi.

@+ Mariane

jeudi 3 octobre 2019

J'aime les filles d'Obom

J'aimes les filles Obom L'Oie de Cravan  92 pages


Résumé:
Une suite d'histoires courtes sur la découverte du plaisir lesbien et des amours qui y sont liés.

Mon avis:
Petit opus ayant au centre l'amour entre femmes.  Obom nous entraîne dans les myriades d'émotions que peuvent causer ses rencontres, la découverte de l'attirance, du plaisir...  Elle touche aussi par la bande aux autres émotions qui peuvent jalonner ce parcours.  Comme il s'agit d'expériences personnelles qu'elle a recueillie auprès d'amies, évidemment, certaines histoires datent de plusieurs décennies.  On y parle donc de religion et d'une époque où l'homosexualité, surtout féminine, n'était pas acceptée, mais de façon secondaire, comme faisant parti du contexte, mais n'étant pas au coeur des relations.  Ici, l'amour entre femmes est naturel et fait parti de la vie de façon tellement fluide qu'on en vient à se demander pourquoi l'homophobie existe. 

Les histoires sont toutes courtes et on a l'impression de prendre des instantanés de vies qui n'ont ni vraiment de début ni de fin.  On passe d'ailleurs d'une histoire à l'autre en un clin d'oeil.  L'auteure a privilégiée de raconter l'instant plutôt que l'histoire et cela donne une tonalité très intéressante à l'ensemble.  

Les dessins sont assez directs pour une histoire parlant d'homosexualité, mais en aucun cas indécents ou vulgaires.  L'auteure sait tout montrer sans rien montrer de précis.  D'ailleurs, ses personnages ont tous un côté animalier.  Elle dessine des chats, des chiens, des chevaux, mais pas des êtres humains.  Cela donne un côté non-sexué aux histoires.  On entre plus dans l'émotion et dans l'érotisme que dans la pornographie.  Le dessin reste très simple, mais il ne faudrait pas y voir qu'un simple crayonnage de débutante: il y a une vraie technique derrière, c'est juste que le style de l'auteure détonne quand on regarde  d'autres bds.  

Une BD que je mettrais volontiers dans toutes les mains des personnes qui se questionnent sur l'homosexualité.

Ma note 4.5/5

lundi 30 septembre 2019

Cette personne n'est pas qu'un personnage

Salut!

Vous avez sûrement déjà vu la reine Élizabeth 1ère au cinéma et à la télévision.  Elle a été interprété par de nombreuses actrices.  Cate Blanchett en a déjà fait une interprétation remarquable.  Plus récemment, Margot Robbie aussi s'est emparée de ses robes époustouflantes et de ses perruques hallucinantes. Vous l'avez sans doute aussi lu dans des livres.  Elle a même été un personnage de jeux vidéos!  À la longue, on se fait une image de la personne... essentiellement basée sur les personnages qu'on en a fait.  Bien des historiens et des historiennes vous le dire pourtant, c'est pas toujours la vraie personne que l'on voit dans les histoires que l'on raconte à leur sujet.

Les personnalités historiques finissent par devenir des personnages parfois bien loin de ce qu'ils ont été.  Oui, Élisabeth 1ère a été une grande reine, à une époque difficile, mais le regard que l'on jette sur elle est un regard du XXIe siècle.  Elle-même ne jugeait pas ses actions et ses décisions comme nous pouvons les voir aujourd'hui.  Reste qu'elle a vécu dans une période fascinante, à l'aube d'une nouvelle ère auquel son royaume a largement participé.  Elle a été une souveraine éprise des arts et beaucoup des bases de ce que l'on connaît de l'Angleterre d'aujourd'hui ont été forgées sous son règne.  Cela suffit-il à en faire un personnage fascinant?  Certes oui, mais ce n'est sans doute pas ce qui intéresse le plus les créateurs.

Élisabeth 1ère était avant tout... une personne.  Un individu, née fille d'un roi qui ne lui a pas rendu la vie facile.  Mettons que père attentionné n'est vraiment pas un bon qualificatif pour décrire Henri VIII!  D'autant plus qu'il a envoyé sa mère se faire couper la tête!  Mais justement, là, il y a un noeud: comment un être humain réagit-il à ce fait?  Comment on grandit quand on sait que notre père a fait tuer notre mère?  Là, il y a un matériel fictionnel d'une extraordinaire richesse.  Toutes les questions que cela peut soulever,  sous tous les angles possibles sont à l'entière disponibilité de la personne qui tapote le clavier.  Et c'est merveilleux.

Mais ce ne sera pas Élisabeth.  C'est une recréation de ce qu'a peut-être été la vie d'Élisabeth Tudor, reine d'Angleterre.  Le personnage en portera les vêtements, revivra les grands moments de sa vie, surtout ceux qui ont passé à travers l'histoire, mais si un grand événement de sa vie n'a pas été noté par ses contemporains, si elle n'en a pas parlé à personne, et bien, cela restera un pan de son existence qui sera à jamais caché.  Le personnage aura de grands pans de sa personnalité, les parties qui sont connues et perceptibles à travers les siècles, mais aura-t-il exactement les mêmes ou est-ce que ce sera la vision de quelqu'un d'autre sur celle-ci?

Les meilleurs biographes vous le diront, jamais personne ne pourra percer le coeur d'un être humain.  On est pas à l'intérieur de lui, d'aucune façon.  On peut en voir des morceaux, mais pas tous.  On aura toujours une vision en pointillé d'une personne: on en connaît des bouts, mais d'autres, on ne sait pas.  Et souvent, un(e) auteur(e) va s'engouffrer dans ces trous-là, les combler avec leur imagination, donner ainsi une consistance à un personnage, même si c'est totalement fictif.  C'est ainsi que des décisions sont expliqués par des inventions, des réactions sont exagérées par rapport à la personnalité, des actions ont une justification qui n'ont rien à voir avec la personne.  Au final, on aura créé une personne totalement différente.

Je parle d'Élisabeth 1ère parce que c'est un exemple facile.  Elle a tant de fois été interprétée que l'on a fini par en avoir une image mentale qui à force d'inventions, perd tranquillement les liens avec celle qu'elle a véritablement dû être comme personne.  Mais malgré tout, je ne crois pas qu'il faut se priver des fictions basées sur des personnages historiques (que non!).  Parce que même si la fiction est souvent inexacte, elle a quand même l'immense pouvoir de nous permettre de marcher un peu dans les souliers de ceux qui ont vécu à d'autres époques que la nôtre, dans d'autres contextes.  Les historiens ont raison de râler contre les erreurs et les inventions des écrivain(e)s, cinéastes et scénaristes, mais elles sont essentielles pour nous rapprocher de ce que nous avons le plus en commun avec les grandes personnalités historiques: notre humanité.  Et c'est peut-être le meilleur moyen de nous les faire connaître, derrière les portraits officiels, les chroniques des contemporains et les grands événements de leur vivant.

@+ Mariane

jeudi 26 septembre 2019

Nos héroïnes d'Anaïs Barbeau-Lavalette et Mathilde Cinq-Mars

Nos héroïnes Textes d'Anaïs Barbeau-Lavalette  Illustrations de Mathilde Cinq-Mars  Marchands de feuilles 87 pages


Résumé:
Artistes, sportives, religieuses, rebelles ou femmes d'affaires, voici le portrait de dizaines d'héroïne, connues ou méconnues, qui chacune à leur façon, ont changé le monde et fait l'histoire du Québec.

Mon avis:
Si j'avais eu ce livre dans les mains en tant que libraire, j'aurais été un bon embêté à savoir où le classer.  Certes, le format et le niveau de langue indique clairement un livre destiné aux enfants, mais le rendu en fait un objet qui est à la portée de tous.  C'est donc un documentaire jeunesse qui pourrait très bien être utilisé par les adultes.

On nous présente donc une quarantaine de portraits, parfois unique, parfois d'un groupe, de femmes qui ont su se démarquer et tracer leur propre voie, peu importe les contraintes de leur époque.  Dès le départ, le point de vue est multiple: si on compte une majorité de femmes blanches, autant les anglophones que les francophones sont représentées et les Premières Nations sont présentes dès le quatrième portrait.  On montre aussi une très grande variété de domaines dans lequel les femmes se sont démarquées, de la science aux arts, en passant par le sport, le droit, les affaires et la politique.

Les textes sont simples et accessibles, mais pas du tout sentencieux.  On nous embarque plutôt dans une série de petites aventures aux côtés des femmes qui les ont vécues en mettant toujours l'accent sur un sujet en particulier.  Mon côté historienne a remarqué ici et là quelques petites erreurs, mais rien de majeur et souvent en lien avec le fait que le public cible de départ sont les enfants.  Par exemple, on ne peut pas révéler entièrement l'injustice immonde du destin de Marie-Angélique, mais le texte qui la concerne rend hommage à son farouche désir de liberté.  Mais bon, la durée du mandat de sénatrice de Thérèse Casgrain n'avait aucun rapport avec une durée de mandat pré-déterminée qu'à un âge obligatoire pour prendre sa retraite! Des petites choses comme ça.

J'ai bien aimé les dessins également.  Elles mettent les femmes en action, en mouvement, pour illustrer les actions décrites dans le texte.  Elles ont un petit côté intemporel, en ce sens qu'elles tiennent du dessin journalistique du XIXe siècle, mais en ayant des choix de couleurs et des mises en pages résolument modernes.  C'est ce qui a contribué à me rendre perplexe quand au public-cible: ce n'est pas le genre d'illustrations que l'on retrouve dans les documentaires jeunesse avec ses teintes pastelles, mais cela ne détonnerait pas du tout dans un beau-livre destiné aux adultes.  Dans un cas comme dans l'autre, je crois que ce livre peut se retrouver autant dans les petites que les grandes mains, car tout le monde peut y apprendre beaucoup de choses!

Ma note: 4.5/5