lundi 29 avril 2019

Le casse-tête de l'intrigue

Salut!

En lisant un livre, je me suis dit qu'une intrigue, c'est comme un casse-tête.  Chaque auteur(e) a sa façon de poser les pièces, de nous guider dedans, de cacher des bouts et d'en révéler d'autres.  C'est comme ce casse-tête que ma mère m'a offert à Noël, celui illustrant trois chatons dans autant de sac-cadeaux aux teintes pastels.  Je l'ai fait avec Neveu dans le temps des fêtes.  Malheureusement pour moi, l'expérience de Neveu avec les casse-tête est plus récente que la mienne.  Malheureusement pour lui, je suis meilleure en chat.  Bref...

Il y a les casse-têtes où vous trouvez en un tournemain la jolie bouille d'un chaton et ensuite, vous ajouter les pièces autour, petit à petit, pour finir par découvrir la scène au fur et à mesure que les actions s'ajoutent.

Il y a les casse-têtes où vous avez l'impression d'avoir fini, mais en regardant l'image du dessus de la boîte, vous constatez que l'auteur(e) vous a lancé dans une mauvaise direction depuis le début.  Il faut tout défaire et recommencer pour avoir la même image que sur le dessus de la boîte.

Il y a les casse-tête où l'auteur vous oblige à d'abord faire le tour du casse-tête, sans vraiment que vous compreniez le sens de ce que vous êtes en train de faire et qu'en mettant les pièces du centre, tout à coup, tout s'éclaire!  Ah, c'était ça!

Il y a les casse-têtes que vous avez beau avoir fini, il vous semble que même si vous en êtes venu à bout, vous avez l'impression qu'il vous manque quelques pièces pour l'avoir vraiment terminé.

Il y a les séries de casse-têtes aussi.  Quand vous finissez le premier, il vous reste quelques emplacements vides qui ne correspondent pas aux pièces qui vous restent en main.  Vous commencez donc le deuxième et surprise, une pièce ou deux viennent s'emboîter dans le premier!  Mais il vous en reste encore, autant commencer le troisième...

Il y a les casse-têtes où vous constatez que la dernière pièce qui reste s'apparente plus à une tête de bouledogue qu'à une tête de chat et vous maudissez l'auteur(e) de vous avoir entraîné dans une histoire qui se conclu sur une telle queue de poisson.

Il y a les casse-tête où, rendu à un certain point, vous comprenez que l'auteur(e) a caché quelques pièces cruciales dans un double-fond de la boîte et rendu-là, vous les placez à une vitesse folle, oubliant qu'il est largement l'heure d'aller dormir!

Il y a les casse-tête où vous ne pouvez pas tout faire en même temps: soit vous avancez le chaton de droite, soit vous avancez le chaton de gauche, mais c'est seulement quand les deux se rejoignent que vous pouvez découvrir le chaton du centre.

Bref, je vais arrêter là.  Mais si vous vous cassez un jour la tête avec l'intrigue d'un roman, ayez une bonne pensée pour ce billet! ;)

@+ Mariane

jeudi 25 avril 2019

La suite du temps: 2- Les archipels du temps de Daniel Sernine

La suite du temps tome 2  Les archipels du temps  Daniel Sernine  Alire  521 pages


Résumé:
Nicolas Dérec est désormais un membre de la société éryméenne et étudie pour développer ses pouvoirs psychiques.  Devenu métapse, il essaie toujours de retrouver le chronode prédisant une guerre entre Érymède et la Terre, celui-là même identifié par Karel Karrilian plus de trente ans auparavant.

Pendant ce temps, pour Barry Bruhn, Bril Ghyota et la présidente du conseil, le suicide inexpliqué de Karel Karrilian reste une énigme à résoudre.  Avec peu de moyens, mais une volonté ferme, tous les trois essaient de comprendre ce qui s'est passé pour que leur ami choisisse la mort... même si les indices sont minces.

Mon avis:
Comme pour le premier tome, c'est long avant que les choses se mettent en place et que l'on sente que l'on avance vraiment dans l'histoire.  Pourtant, c'est un second tome et l'arrière-plan est bien installé!  Il faut donc s'accrocher un peu durant les 200 premières pages en se demandant où diable l'auteur veut nous mener.  Ensuite, on tombe dans un véritable plaisir de lecture.

Nicolas reste le personnage principal que l'on suit, mais la dimension temporelle du livre est beaucoup plus vaste: on le suit de la fin de l'adolescence jusqu'à la cinquantaine.  Le seul problème, c'est que cela ne paraît pas.  Entre le Nicolas de vingt ans et le Nicolas de cinquante ans, il n'y a pas de différence de personnalité ou d'expérience de vie.  Le fait que ses relations personnelles soient presque toutes traitées en surface y ait sans doute pour quelque chose.  Ses amoureuses n'ont pas beaucoup de personnalité, peu d'ambition propre et il ne développe pas de véritables liens avec elles.  D'un point de vue extérieur, si, mais d'un point de vue intérieur?  Les moments où l'on sent qu'il a de la chaleur humaine envers un autre être humain sont rares et c'est surtout envers son ami Owen.  Car autant les questions existentielles de Nicolas autour de certains sujets sont bien développées, autant ses relations humaines restent en surface, ce qui coupe de beaucoup d'éléments importants de sa vie.

D'autant plus que l'intrigue reste en grande partie centrée sur sa carrière professionnelle.  Étudiant psy, métapse, pilote dans la flotte éryméenne, espion sur Terre, Nicolas effectuera une longue valse de métiers, une longue carrière fructueuse.  Mais pourquoi au juste?  Il devient agent sur Terre... sans que l'on sache trop pourquoi.  Il devient métapse... parce qu'on semble insister pour qu'il le devienne.  En fait, Nicolas ne semble jamais rien désirer comme boulot ou comme relation.  Il prend rarement des décisions et fini la plupart du temps par suivre les ordres qui lui sont donnés, sans trop les remettre en question.  Le seul désir qu'il éprouve est d'ordre sexuel.  Chacune de ses étapes le préparant pour ce qui deviendra la finale du roman, on a plus l'impression d'un parcours planifié un peu arrangé avec le gars des vues plutôt que de la véritable évolution d'un personnage au fil des années.

Mais justement, cette étape finale, elle est magnifique, à un détail près.  Durant toute cette scène, on ne peut pratiquement plus lâcher le livre, on est scotché, on veut savoir comme tout ça va se terminer.  C'est un page turner absolu que cette conclusion.  Sauf que l'on a pas droit à un détail pourtant extrêmement important: pourquoi l'antagoniste a-t-il agit ainsi?  Ce personnage n'a pas de motivation précise.  On a des indices, mais rien de concret.  J'ai guetté une phrase, un geste qui pourrait expliquer le pourquoi, surtout que le plan élaboré a demandé des décennies d'engagement de sa part.  On ne peut pas mettre en place un tel plan sans avoir des raisons précises d'agir.  Le problème, c'est que l'auteur n'explique pratiquement rien...

Les autres personnages, continuant leur enquête sur la mort de Karel Karrilian, même si elle piétine durant des décennies, restent intéressant à suivre.  Ils essaient de comprendre, mais quoi?  Ils nous donnent une autre facette d'Érymède à voir, une autre partie de cet univers.  J'ai l'impression que cela aura fortement à voir avec la fin de la trilogie.  Et ce retournement d'histoire, à la toute fin, où intervient une substance déjà connue des lecteurs d'autres livres de cet auteur.  Brillante idée, mais comme elle n'avait pas été introduite avant, ça tombe un peu des nues.

En tout cas, c'est sûr que je vais lire la fin, même avec les défauts que j'ai mentionné, c'est une série qui se laisse dévorer!

Ma note: 4.25/5

lundi 22 avril 2019

Et sur nos ruines, ils écriront des histoires

J'ai vu la vieille dame.  C'était il y a deux ans, en automne.  La matinée était superbe.  C'est au détour d'une rue que j'ai pu entrevoir ses célèbres beffrois, gardiens de ses clochers.  Elle m'a fait l'effet d'une vieille dame encore digne malgré l'âge, mais usée, et surtout, harcelée par les touristes qui comme autant de mouches, se pressaient devant et en elle.

Bien sûr, j'ai pris des photos...

La vieille dame et moi
Notre-Dame de Paris...

Bien sûr, pour moi, c'est avant tout les lieux où se déroulent la célèbre histoire de Victor Hugo.  C'est aussi là que les Parisiens et les Français se rassemblent, dans les moments de tristesse comme dans les moments de joie.  C'est sur son parvis que Marguerite de France épouse Henri de Navarre dans La Reine Margot.  Ce sont ses cloches qui ont sonnées à la libération de Paris.  Napoléon s'y est couronné.  On a décapité les statuts de la galerie des rois sur son fronton à la Révolution parce que le peuple ignorait qu'il s'agissait de rois bibliques et non français...

J'ai vu la vieille dame.  Comme 13 millions d'autres personnes par année.  Mais on ne la verra plus.  Plus comme je l'ai vu.  Cette cathédrale mythique, symbolique, n'existe plus.  Certes, on la reconstruira.  On ajoutera une touche de modernité à ses pierres vieilles de huit siècles, comme Violet-Leduc l'a fait il y a deux cents ans...  Non, ce qui est parti en fumée ne peut pas être retrouvé, parce que c'était, sous forme d'objets, ce que le peuple de France avait mis dedans qui est disparu.  Au travers des siècles, les humains laissent leurs traces partout sous forme de monument, d'art et de symboles.  Notre-Dame de Paris représentait tout ça.  Depuis près d'un millénaire.

Quand on construit un monument destiné à défier le temps, c'est avant tout un message à l'avenir que l'on lance: Vous qui viendrez après nous, qui serez nos descendants, nos ennemis ou nos successeurs, voilà ce que nous étions, voilà ce en quoi nous croyons, voilà ce que nous jugions important de transmettre à l'avenir.  C'est ce message, destiné au temps, que l'on peut préserver, mais pas reconstruire, parce qu'une partie de sa valeur se fonde sur la durée de sa survie face aux tourbillons de l'Histoire.

Notre-Dame va se transformer, évoluer, devenir autre, mais sa charge émotive va rester la même.  Cela n'a rien de religieux.  Que cette cathédrale ait traversé les siècles, elle l'a réussi parce qu'elle représentait un lieu de foi et que durant sa longue vie, cela a suffit à la protéger.  Elle est devenue beaucoup plus que ça au fil du temps.  La fonction a changé, mais un fait demeure: elle reste un symbole pour son quartier, sa ville et son pays.

Victor Hugo a écrit sur une cathédrale qui tremblait sur ses fondations, avant les travaux de Violet-Leduc. D'autres écriront des histoires sur elle, en elle, à travers elle.  Comme on a écrit des histoires sur les ruines des cités aztèques, incas, grecques, sumériennes, babyloniennes, médiques, celtes, chinoises, hindous, égyptiennes, et de celles de temps d'autres cultures qui nous ont précédés et qui ne sont plus, mais ont laissé derrière elles des ruines pour nous rappeler leur passage sur Terre.  Si les ruines d'Angkor Vat, les pyramides d'Égypte et du Yucatan, les restes du Parthénon, l'antique cité de Palmyre, la cité interdite de Pékin et tant d'autres fascinent autant, c'est qu'elles sont le reflet pour une autre société d'un lieu aussi symbolique que l'est Notre-Dame de Paris pour notre époque.  Ces lieux, même si de larges pans de leur mémoire reste perdue, portent le reflet de ce que les peuples qui les ont habités ont vus en eux.  Et les ruines sont là pour le rappeler au présent.

J'ai vu la vieille dame avant une de ses métamorphoses.  Elle en a déjà vécu, elle en vivra encore.  Celle-ci ajoutera une couche de XXIe siècle sur des pierres posées presque mille ans avant.  Un jour peut-être, elle ne sera plus que ruines.  Mais dans ces ruines resteront marquées le passage sur terre d'une façon de voir le monde, des gens qui l'ont construite, d'une société, de ceux pour qui elle a eu un sens alors qu'ils ont vécu, aimé et souffert.  Cette charge-là est plus lourde à porter pour Notre-Dame que ses vieilles pierres.  Parce que ceux qui viendront après nous, chercherons en elle ce que nous voulons y voir.  D'autres personnes prendront alors la plume pour tenter de raconter, à travers les verres déformants du temps, ce qu'était cette vieille dame et ce qu'elle a signifié pour nous.

@+ Mariane

jeudi 18 avril 2019

La suite du temps: 1- Les méandres du temps de Daniel Sernine

La suite du temps  tome 1  Les méandres du temps  Daniel Sernine  Alire  434 pages


Résumé:
Nicolas se sait différent.  Il peut parfois lire dans les pensées des gens qui l'entourent.  Recruté comme cobaye par la Fondation Peers, lié au Ministère de la Défense Nationale, il se soumet à des expériences grâce au Trancer, permettant de développer ses capacités psy avec une poignée d'autres adolescents de son âge.  

Karilian est un Éryméen, un humain provenant d'une civilisation plus avancée sur le plan technologique, vivant sur des astéroïdes ou sur la face cachée de la Lune.  Lors d'une transe prémonitoire psy, il entre en contact avec une entité bizarre, mi-féminine, mi-masculine, dont le futur pourrait détruire à la fois Érymède et la Terre.  Avec l'accord des autorités de son côté, il décide d'éliminer cette menace.

Mon avis:
Si je n'avais pas lu Chronoreg, j'aurais probablement abandonné la lecture de ce livre assez vite.  Mais voilà, j'ai lu Chronoreg.  Je sais qu'il faut aborder les oeuvres de cet auteur en sachant que ça prendra un long moment avant de comprendre dans quel direction il nous amène.  L'intrigue ressemble à l'oeuvre d'un maître d'échec qui prend tout son temps pour positionner ses points avant de passer à l'offensive.  Quand c'est le cas, on ne peut presque plus lâcher le livre.

L'auteur sait dessiné par petits traits un univers de SF riche et nous le faire comprendre sans le dévoiler complètement.  On finit par découvrir ce qu'est Érymède et quels sont ses buts, mais d'un autre côté, il reste encore de larges zones d'ombres dans le portrait, assez pour qu'on est largement envie d'en savoir plus (le livre est le premier tome d'une trilogie).

Nicolas et Karilian sont deux personnages en apparence aux antipodes et c'est tranquillement que l'auteur tissera les fils de leur rencontre et de leur relation.  Les deux personnages principaux sont bien dessinés, l'un, dans la lassitude du grand âge, l'autre dans les questionnements de la jeunesse.  Il y a des traits communs dans leur personnalité, un besoin d'aller plus loin de repousser les limites, chacun à leur façon.  Autour d'eux, beaucoup de personnages sont réduits à quelques détails de base sur leur personnalité ou leur fonction (l'auteur ne met pas l'emphase sur le côté physique des personnages).  Ainsi en est-il de Charles Dérec, père adoptif de Nicolas, dont on a du mal à comprendre les motivations et à l'infâme Lessard, gardien de sécurité de la Fondation.  Par contre, d'autres ont des caractères et des motivations riches et nuancés, comme par exemple Diane, le premier amour de Nicolas.

L'écriture de l'auteur se passe de toutes fioritures et restent essentiellement descriptives, mais c'est tout à fait au service de son histoire: aux figures de style, il préfère la précision des descriptions.  Et c'est très bien comme ça puisque que l'on voit Érymède et ses cratères remplis de vie.  Cela n'empêche pas une certaine poésie de se dégager de l'ensemble.  Cependant, dans les premiers chapitres, ça rend la lecture un peu moins intéressante.  Sur le long terme, ça se corrige.

La thématique SF est mêlée de façon intéressante à une intrigue qui laisse la belle part à la géopolitique, sans doute une façon de mettre la table pour les prochains tomes.  On est dans une SF intéressante et intrigante, sans être trop champ gauche pour perdre le lecteur néophyte.

Bref, un bon livre, intéressant à lire et dont la fin gagne à être lue d'une traite... en attendant la suite.

Ma note: 4.5/5

lundi 15 avril 2019

Dans l'oeil d'un homme

Salut!

J'ai longtemps eu un problème avec les personnages féminins que je lisais ou regardais dans des films.  Je ne me reconnaissais pas en elles.  Elles n'étaient pas comme je me voyais, pas comme les filles et les femmes que je voyais autour de moi.  Souvent, soit elles étaient extraordinairement belles, soit elles étaient fabuleusement sotte.  Si elles étaient intelligentes, elles étaient presque toujours sans attraits physiques et célibataires.  Si elles étaient fortes, elles étaient castratrices.  Et dans tous les cas, leur principal but dans la vie était soit de se trouver un homme, soit de le garder si elles en avaient un.

Honnêtement, je ne me reconnaissais pas dans le portrait.  Tous ces personnages me semblaient tellement loin de ma réalité et de celle que je voyais.  Certes, j'avais des amies qui au secondaire, ne parlaient que de garçons, mais elles étaient une minorité (et j'ai été dans une école secondaire de filles!).  Autour de la table du dîner, à la cafétéria, on parlait bien plus de nos profs, des potins de vedettes, de l'actualité, des livres qu'on lisait (hihihi!  Je n'ai pas tant changé!).  Oui, ça arrivait que les gars tombent dans les sujets de discussion, mais c'était un parmi tant d'autres.  Personne ne vivaient sa vie uniquement en fonction de ses intérêts amoureux.  Pourtant, à regarder bien des séries télés et des films, c'est le centre de la vie des individus de sexe féminin...  Tout se joue dans leurs relations avec les hommes de leur entourage.  Quand ce n'est pas l'amoureux, c'est l'ami (et potentiel amoureux), le père ou le frère (tous deux comme protecteur).  Ou le maquillage.  Ou les vêtements.

Jusqu'au jour où je me suis rendue compte que la plupart de ces histoires étaient écrites dans la perspective d'un homme.  Ainsi donc, les femmes sont donc vues comme des éventuelles partenaires amoureuses, comme des personnes à protéger, etc, mais comme des personnes qui sont des égales et qui peuvent elles aussi avoir leurs propres ambitions et vie en dehors d'eux, ou même encore pire, des intérêts dans mêmes domaines que les hommes?  Moins, beaucoup moins.  Ce ne sont pas tous les hommes qui ont cette perspective évidemment.  Ni tous les personnages féminins basés sur ces principes qui étaient forcément mauvais.  Cependant, tout était vu en fonction d'un autre personnage, de sexe masculin, plutôt que d'être une personne au départ.

C'était quelque chose qui me gossait en bon québécois, mais pas quelque chose que je pouvais nommer.  Et puis sont venus les personnages que j'ai trouvé intéressant parce que justement, tout ne tournait pas autour de leurs vies amoureuses.  Hermione par exemple, ou même Molly Wesley.  Lyra Bellacqua et la maléfique Mme Coulter dans À la croisée des mondes.  D'autres se sont greffés, petit à petit.  Mais je crois que le choc le plus important est venu de Talia dans les Hérauts de Valdémar (et c'est sans doute aussi pour cette raison que je garde un attachement sentimental aussi profond pour cette série): il y avait là un personnage féminin, complet, dans un univers de fantasy médiévale, mais justement, pas qu'elle.  Ses amis, ses professeurs, ses collègues, sont autant des hommes que des femmes et ses relations avec eux varient de l'amitié profonde à l'amour dans toutes les gammes possibles... comme je l'avais vu des dizaine de fois avec des personnages masculins, mais rarement dans des personnages féminins.  L'univers au complet laisse une part égale aux deux sexes, mais c'est surprenant parce qu'on est tellement habitué à autre chose que cette série m'a particulièrement marquée.

Petit à petit, cette idée fait son chemin un peu partout et je la vois de plus en plus dans les livres, mais aussi dans les films.  L'autre jour, quand je me suis assise devant le grand écran pour regarde Captain Marvel, je me suis rendue compte que la transformation était complète.  Ce personnage n'existe pas au travers d'un autre personnage masculin, elle prend ses propres décisions, trace sa propre destinée et a des relations fortes autant avec des hommes que des femmes.  Pas de relation amoureuse dans ce film, mais cela aussi sortait des clichés que l'on a trop vu au cinéma où l'héroïne trouvait systématiquement l'amour durant le film.  Carole Danvers n'en a pas besoin dans ce premier opus.  Il fallait d'abord qu'elle se trouve elle-même et pour cela, l'amitié de Nick Fiury et de Maria Rambeau, sa meilleure amie, étaient les meilleures remèdes.  J'espère qu'on verra plus de personnages de ce genre autant au grand écran, au petit écran et dans les bouquins.  Parce qu'il est plus que temps que l'on considère que les personnages féminins sont comme leurs confrères: des êtres qui ne sont pas définis par l'amour, ni par les personnes de l'autre sexe, mais comme des êtres humains complets et autonomes.

@+ Mariane

jeudi 11 avril 2019

Les fleurs du roi: 4-La vengeance des fleurs de Julie Martel

Les fleurs du roi  tome 4 La vengeance des fleurs  Julie Martel  Collection jeunesse-plus  fantastique-épique  Médiapaul  235 pages


Résumé:
Vingt ans plus tard, Amaryllis rend visite à Capucine, qui vit cloîtrée dans un temple isolé dans les montagnes.  Même si sa soeur refuse de la voir, la reine du Techtamel est tenace.

Au présent, Dahlia part en compagnie des mercenaires pour trouver les raisons de la mort de Tadéo Blamqui.  Pendant ce temps, Capucine et Amaryllis aident au déménagement des conspirateurs dans les grottes des Plaines trouées.  Dans les dédales de la rivière souterraine reliant les grottes, elles découvrent une autre cité saecula...

Mon avis:
Mais pourquoi donc?  Pourquoi commencer le récit vingt ans plus tard alors que l'on sait très bien que la vengeance des fleurs aura eu lieu alors que durant les trois autres tomes, l'auteure centre toute la tension autour de l'idée de savoir si elles réussiront ou non?  Et là, au début du tome 4, on sait que oui, dès la première scène...  C'est étrange, parce que la résolution de l'intrigue s'en trouve fortement ébranlé.  Au lieu de se demander si la vengeance aura lieu, on se demande comment et les scènes dans le passé entre les soeurs n'ont plus de réel enjeu, justement parce que peu importe comment, on le sait que ça va arriver.  L'auteure n'arrive malheureusement pas à créer une tension qui nous donnerait envie de savoir comment et donc on lit... ben, juste pour savoir comment ça va finir, sans réellement avoir plus d'intérêt qu'il ne le faut.

On se permet aussi une large ellipse sur les Saeculas qui ne serviront au final.. à rien.  Pas d'évolution psychologique du personnage d'Amaryllis (elle reste campée sur ses positions), pas d'élément nouveau qui fera la différence dans la bataille finale, non, juste une petite balade pour leur rendre visite et ensuite, retour au sujet principal.

Les motivations de Capucine dans cette partie du récit sont assez peu claires, ce qui fait qu'on se demande quel rôle ce personnage a à jouer dans l'histoire.  Elle souhaite la vengeance, mais elle n'aime pas la violence, elle redoute Amaryllis, qui elle s'en remet uniquement aux étoiles...  Bref, ça devient brouillon.  La partie concernant Dahlia, plus dans l'action porte une ligne narrative plus claire et sont nettement plus intéressantes.

L'auteur garde aussi la mauvaise habitude de nous raconter depuis le futur des événements qui auraient gagné à être vécu dans le présent pour les personnages.  Je ne comprends pas ce choix, elle ne dessert pas l'histoire qui est ainsi, moins proche, moins accessible et ressemble plutôt à une légende qu'aux événements ayant réellement touché la vie des trois soeurs.  Dommage donc.

Ma note: 3.25/5

lundi 8 avril 2019

La petite musique d'un auteur

Salut!

En lisant un livre de Jacques Poulin, Chat sauvage pour ne pas le nommer, le narrateur, lui-même auteur, disait qu'il lisait des livres pour la petite musique des auteurs.  Il disait que les bons auteurs ont une petite musique dans leurs mots.  Un rythme, une façon de raconter, qui donne une touche personnelle à une oeuvre.  Certaines personnes appellent ça une voix d'auteur(e).  Je dois avouer que j'hésite entre petite musique et voix.

Parce que ça tient de l'un et de l'autre.  Souvent, quand je lis un livre, je suis frappée par la musicalité de certaines auteurs. Les mots choisis et la façon de les agencer dans une phrase donnent un résultat différent selon la personne qui tapote le clavier.  Certaines fois, ce sont les sons qui forment une harmonie.  D'autres fois, les mots qui semblent danser.  C'est ça qui fait la différence entre les auteurs et qui donne à chacun une voix unique.

Il y en a qui ont des écritures comme des percussions.  Leurs mots sont comme des petits sons secs qui ont un rythme propre, mais qui sont toujours courts et rythmés.  Il y a les auteurs qui laissent les sons et les phrase s'étirer comme des notes de violoncelle.  Le rythme est lent, mais puissant.  Il y a les écritures légères comme les notes d'une flûte traversière, agiles, aériennes.  Il y a les voix d'auteurs qui sonnent comme un orchestre symphonique et d'autres comme de la guitare acoustique.  Chacune d'entres elles, avec les mots, le rythme, la ponctuation, le souffle, trace sa propre musique.

Parfois, je me demande si l'ambiance musicale dans lequel l'auteur baigne n'influence pas son écriture.  C'est une chose possible, comme toute autre source auquel l'enfant se nourrit lorsqu'il est jeune.  (Là, je suis juste un poil inquiète pour Neveu parce que tout petit, il adorait le rock métal industriel....).  Une chose est sûre, c'est que c'est dans ce rythme, dans ce choix de travail des mots et des sons que se trouve la patte de chaque écrivain.

Quand j'écris, cette façon de faire s'impose d'elle-même.  J'ai une petite obsession personnelle du texte qui coule.  Si ça coince à l'oreille, c'est qu'il y a un problème à régler.  Il m'arrive de fouiner dans le dictionnaire des synonymes pour trouver un mot qui sonne plus juste dans la phrase, à la fois en terme de sens et de rythme.  Certains mots, dans certaines phrases, ont le pouvoir de faire s'envoler un texte ou de le faire atterrir plus ou moins abruptement.

Ce que je vois dans mes propres textes, je l'ai vu dans les textes de bien d'autres personnes avant moi.  C'est quelque chose que l'on sent dès les premières lignes, avant même d'avoir compris où l'histoire va nous amener, ni quelles sont les personnages qui vont la porter.  Et plus je lis, plus c'est cette musique qui me donne envie de lire un livre ou de le refermer tout sec.  Pas l'intrigue, pas les personnages, plutôt cette musicalité inhérente au texte.  Sa présence ou son absence font une énorme différence en terme de plaisir de lecture.

@+ Mariane

jeudi 4 avril 2019

Les fleurs du roi: 3- La Reine rebelle de Julie Martel

Les fleurs du roi  tome 3  La Reine rebelle  Julie Martel 236 pages


Résumé:
Dahlia a grandi à la frontière avec la Sierra Gula, zone aride et désertique du royaume de Techtamel.  Elle a été élevée par un colonel de l'armée, rigide et austère, mais qui l'a formée à se défendre et à manier les armes.  Peu désireuse de finir mariée et d'avoir des enfants, elle cherche à s'enfuir quand le roi du Techtamel lui-même la demande en mariage!

Réunies et avec l'appui de l'héritier-machtli, les trois soeurs préparent leur vengeance envers le roi Déodato, d'autant plus que leur père, Tadéo Blamqui, est maintenant à leurs côtés.

Mon avis:
Des trois tomes, celui-ci est sans doute le plus cohérent dans son déroulement, puisque les scènes du passé et du présent alternent entre le personnage de Dahlia et les événements concernant l'ensemble du groupe, un an plus tard.  En ce concentrant sur un seul personnage dans le passé, il est plus facile de suivre l'intrigue.

Dahlia a d'ailleurs tout un caractère.  C'est la guerrière des trois soeurs, celle qui sait se battre, mais elle a de nombreuses faiblesses de ce côté (ses modestes talents de lanceuse de couteau n'en sont pas le moindre).  Ce n'est pas une combattante tellement dure qu'elle soit en manque de crédibilité.  Comme pour tous ses autres personnages, l'auteure marque là son talent pour montrer des personnages à la psychologie nuancée et riche et ce, en très peu de mots.  C'est la même chose du côté des histoires d'amours entre Lucio et Amaryllis ou entre Capucine et Tienko, qui ne tombe pas dans le romantisme à tous crins mais sont tout en nuances.  Malgré tout, on comprend mal les relations entre les soeurs parce que tout nous est raconté à rebours et que faisant, il en manque bien évidemment des bouts... 

Autant certains passages sont précis et cohérents, autant l'auteure néglige totalement de nous raconter certains passages qui sont simplement évoqués dans les périodes se produisant dans le futur.  Et c'est là que tout dérape.  On s'attend à les lire, à les voir, à comprendre un peu mieux les triplées grâce à leurs réactions à ce moment-là ou à celui-là, mais... non.  Ma grande déception: un passage que j'attendais depuis deux tomes, que je ne révèle pas pour éviter d'être une horrible divulgâcheuse, est absent du livre.  Étant donné que tout nous pointe vers cet événement depuis deux tomes, je ne m'explique pas son absence, d'autant plus que ça détruit une bonne partie de la portée de la relation entre les trois soeurs.  C'est évoqué dans les passages au présent, mais jamais raconté et ça fait un énorme trou dans l'intrigue.  Pourquoi cette absence?  Je ne me l'explique pas.

Ma note: 3.5/5

lundi 1 avril 2019

L'analyste: Faut pas que ça soit trop facile

Allongée sur mon confortable divan, je regarde attentivement le plafond.

-Donc, ce n'est pas la première fois que vous le remarquez?

-Non, soupirais-je, c'est loin d'être la première fois.

-C'était quand la première fois?

-J'ai lu ça dans un livre, il y a plusieurs années.  Ça me tapait sur les nerfs, mais je n'avais pas compris vraiment pourquoi.

-Et maintenant, vous le savez.

-J'ai une idée pas mal plus claire oui.

Le traditionnel grattement de son stylo sur le papier remplit l'air pendant quelques instants.  Un cliquetis me fit comprendre qu'il vient d'enlever ses lunettes.

-Alors, expliquez-moi, ce livre, que vous avez lu il y a longtemps, qu'est-ce qui vous avait tapé sur les nerfs?

-Et bien l'auteur s'amusait à mettre en place des giga-épreuves vous voyez?  Dans le genre, il nous faut affronter cette horrible créature qui se régénère en permanence et qui en plus émet un nuage toxique capable de tuer n'importe quel être humain en un clin d'oeil.  Et bien sûr, pour utiliser la seule arme capable de le tuer, il faut s'approcher tout prêt!

-Je vois le genre, un méchant, méchant dur à tuer.

-Exact!

-Et ils ont eu du mal à tuer cette créature, perdant au passage la moitié de leur équipe.

-Justement, le problème, c'est que non.

-Non?!?

Grincement de sa chaise: il s'est relevé.

-Mais comment ont-ils pu faire?

-Ils ont trouvé une solution en genre trente secondes après avoir décrit le monstre pendant trois pages.  Ils ont essayé et bien sûr, ça a marché du premier coup.

-Ben voyons, euh...

Il se racle la gorge, suivit d'un autre grincement: il s'est rassit.

-Ça ne me semble pas tout à fait logique.

-Ce ne l'est pas du tout vous voulez dire!

-Non, là, c'est vous qui le dite...

-Bordel, c'est juste n'importe quoi!  Ça ne se peut pas, affronter un tel monstre et réussir du premier coup!  C'est sensé être un défi, une épreuve, c'est sensé apporter quelque chose à l'histoire.  Si ça se résous en un tournemain, ben, ça marche juste pas!

-Ça ne marche pas, répète-t-il pendant qu'un bruissement de papier montre qu'il a tourné une page.

-Non, ça ne marche pas!  Vraiment, si on met une épreuve et que le personnage la surmonte sans problème, on perd du même coup tout ce qu'il pourrait apprendre de surmonter cette épreuve.  ça coupe l'évolution du personnage et aussi l'évolution de la situation dans bien des cas, parce que si tout se règle en un clin d'oeil, que reste-t-il à raconter?

-Vous vous enflammez!

-Ça m'énerve profondément!

Pendant que le grattement du stylo se fait entendre de nouveau, je pousse un interminable soupir.

-En fait, ça m'énerve parce que je comprends maintenant en quoi ça peut nuire à la fluidité d'un roman.  Les épreuves doivent être difficiles et être demandante aux personnages pour être surmontées, car c'est là que l'on trouve toute la saveur du récit.  C'est là que le personnage apprend le plus sur lui-même ou sur les autres qui l'entourent, c'est là que les intrigues se nouent ou se dénouent.  C'est un point central et focal.  Si c'est trop facile...  Ben, les épreuves n'ont plus de sens!  Et ça, je le comprends d'autant plus depuis que j'écris moi-même.  Ce qui fait qu'en tant que lectrice, je trouve ça encore plus dérangeant.

Je me tortille un peu sur mon divan avant de continuer.

-Je suis normale docteur?

-Laissez-moi prendre mon agenda, il est temps de fixer votre prochain rendez-vous!

@+ Mariane