lundi 26 avril 2021

J'ai rien compris à ce livre

 Salut!

    Ça m'est arrivé quelques fois au fil des années de refermer un livre et de me dire: j'ai rien compris à ce bouquin.  Pas si souvent que ça bien sûr, mais c'est quand même arrivé quelque fois.  En fait, si c'est pas arrivé si souvent, c'est en grande partie parce que quand je ne pige rien à un livre, je préfère ne pas le terminer.  Mais bon, c'est déjà arrivé.

    Si le livre m'est incompréhensible, ça peut venir de trois facteurs, moi, l'auteur.e ou le manque de connexion entre les deux.

    Ça se peut très bien, que je ne pige rien à un livre en particulier.  Parce que le sujet m'ennuie, parce qu'il me manque des éléments de base, parce que je ne suis pas la présentation qui m'est faite.  Ça peut arriver.  Dans ce cas-là, ben, je ne m'en fais pas.  Je peux aussi tout bêtement ne pas être le public-cible du livre et par conséquent, ne pas comprendre toutes les allusions, les codes et les références destinées à être comprises par ceux qui savent à l'avance.  Par exemple, si je lis un policier, je risque d'en rater par mal plus que la moyenne des lecteurs de ce genre: je pige juste pas ces codes-là!

    La personne qui a écrit le livre a aussi sa responsabilité.  Parce que pour rendre sa pensée accessible et compréhensible, faut avoir ramé en amont (dixit la fille qui se casse la tête pour rendre les idées dans ses billets clairs depuis dix ans).  Ce n'est pas donné à tout le monde et même les meilleurs peuvent se planter!  On entre ici dans la relation de communication: L'auteur.e a un boulot à faire.  Et l'éditeur.rice aussi.  Après tout, il.elle est là pour botter le derrière à la personne qui tape sur le clavier et doit savoir alterner entre la carotte et le bâton (métaphorique) pour amener l'auteur.e à donner le maximum et amener l'oeuvre à son meilleur.  Mais bon, il y a des paresseux.ses, des moins compétent.e.s (ou des incompétent.e.s) ou des moins expérimenté.e.s.  Bref, ça prendre de tout pour faire un monde et si le résultat final n'est pas à la hauteur, ben, des fois, oui, ça peut être la faute du livre!

    Il y a aussi la troisième hypothèse: le lien ne se fait juste pas.  Le/la lecteur.rice a une bonne connaissance du sujet, L'auteur.e a fait son boulot, mais il manque un quelque chose qui facilite la compréhension qui ne passe pas.  Ce n'est pas la faute de personne, mais arrive.  Le livre sera alors incompréhensible pour le/la lecteur.rice.  C'est plate, mais c'est possible  Ça peut être dû au moment où on lira le livre, à de la fatigue, aux livres qu'on a lu juste avant, bref, à un paquet de petits détails.  Mais ça peut arriver.

    Et bon, il y a aussi une catégorie complètement à part: les livres conçus pour être incompréhensible.  Oui, ils existent!  Qu'ils soient écrit dans ce but par leurs auteur.rice.s afin d'être réservés à un public privilégié qui EUX pourront le comprendre, qu'ils soient rédigés avec des clés de lecture qui nécessitent d'être sus, qu'ils soient simplement un exercice de style synonyme de cassage de tête, bref, ça peut exister un livre auquel personne ne va rien piger.

    Mais sincèrement, sont chiants ceux qui font ça!  Fort heureusement qu'ils sont rares.

@+ Mariane

lundi 19 avril 2021

Des personnages comme un vieux chandail confortable

Salut!

J'ai un vieux kangourou en coton ouaté qui a... 23 ans.  Oui, oui, 23 ans!  Ce chandail, où la date 1998 est bien imprimée, me suit depuis mes 15 ans.  J'ai voyagé, j'ai été à la pêche, j'ai couru, je me suis emmitouflée dedans dans tout un paquet de circonstance, bref, ce chandail appartient à ma vie des vingt dernières années.  Il est complètement moulé à mon corps, mes coudes tombent pilent au bon endroit et mes épaules s'ajustent parfaitement dans le tissu.  Après toutes ces années, je le mets en éprouvant à chaque fois un sentiment de confort.  Ne manque que les cordons du capuchon.  Mes minettes les ont mangées il y a une dizaine d'années.

Tout ça pour dire que c'est toujours agréable de retrouver quelque chose de connu.  C'est rassurant.  Quand on lit et qu'on aime un type de lecture en particulier, on a cette même sensation de confort, de retrouver quelque chose de connu et d'aimé, et donc, de réconfortant.  Les lecteurs de genre le savent, peu importe le genre d'ailleurs: quand on s'installe pour lire quelque chose que l'on connaît, tous les petits éléments qui se retrouvent d'oeuvre en oeuvre sont autant de manière de se retrouver en terrain familier et connu.  Une façon de générer du bien-être.

C'est encore plus fort quand on parle de personnages.  Parce que les personnages, à force de les côtoyer dans des livres, on finit par les connaître, à savoir leurs histoires.  Même s'il leur arrive des aventures différentes à chaque fois, il reste que l'on parle du même personnage.  De livre en livre, on les voit grandir, souffrir, aimer, perdre des proches, tomber amoureux.ses.  Quand un lecteur de policier s'installer devant une aventure avec son détective préféré, il sait que cette personne a une approche particulière et qu'il ou elle sera ainsi plus sensible à tel ou tel indice.  Et si des éléments de l'intrigue lui rappelle une autre enquête et bien le lecteur comprendra les réactions du personnage, que ce soit de peur, de dégoût ou l'impression de vide sidéral soudainement apparu sous ses pieds.

Retrouver un personnage connu, même si tout le reste change, est une posture de continuité, de constance, dans un univers où tout le reste ou presque peut changer.  Et ça rend cette relation au personnage extrêmement confortable et réconfortante.  C'est comme enfiler un vieux chandail qu'on connaît tellement bien que les plis du coude sont au bon endroit, la capuche parfaitement adaptée à la tête et dont on se souvient de l'avoir porté mille fois.

Bref, c'est le fun des fois, de retrouver quelque chose comme un personnage-réconfort-parce-qu'archi-connu.  Ça fait tout simplement du bien!

@+ Mariane

jeudi 15 avril 2021

Kagagi de Jay Odjick

 Kagagi  Jay Odjick Hannenorak 80 pages


Résumé:
Matthew est un adolescent ordinaire, qui est amoureux de la fille populaire de son école, a un meilleur ami et vit avec une ancienne employée de ses parents qui l'a adopté.  Une vie assez normale quoi.  Le jour où un mystérieux homme débarque pour lui annoncer qu'il est l'élu de son peuple, destiné à sauver l'humanité entière du Windigo.  Pour le faire, il se retrouve doué de pouvoirs super-héroïques et devient Kagagi.

Mon avis:
L'auteur, lui-même issu des Premières Nations, s'est amusé à écrire une histoire de super-héros en s'inspirant de leurs mythes et légendes et ma foi, c'est plutôt bien.  Parfait, non, excellent, non plus, il a encore quelques croûtes à manger, mais n'empêche, le résultat est plutôt honorable.  

Matthew, adolescent tout ce qu'il y a de plus ordinaire, est présenté comme étant un personnage autochtone dès le départ, sans qu'il soit vraiment mêlé de près à ses origines culturelles, ayant été adopté assez jeune.  La découverte de son héritage se fera plus tard dans le livre, au même moment où ses pouvoirs, qu'il a toujours possédé, lui seront révélés.  Le super vilain est d'ailleurs un personnage important de la mythologie autochtone: le Windigo.  Bref, la manière dont l'auteur crée et met en scène un personnage issu de son imaginaire culturel est très bien et on accroche à cette partie de l'histoire.

Le bât blesse ailleurs.  Si dans les scènes où les personnages sont représentés en super-héros, l'auteur réussi avec un talent manifeste au niveau du dessin, il en va autrement dans les scènes ordinaires: le dessin souffre d'une absence de mouvements, le découpage est tout juste correct et certains plans sont carrément ratés (la scène sur la piste de danse où tous les personnages semblent couchés plutôt que debout, entre autres). 

De plus, l'intrigue est brouillonne et les personnages sont faits d'un bloc, sans la moindre nuance.  Ce qui explique qu'on écarquille des yeux devant la réaction de Matthew à un moment pivot de l'histoire: il n'a jamais eu ce genre de réaction avant et rien dans tout ce qui nous a été présenté depuis le début de l'histoire nous pousse à croire que cette réaction est logique.  Les dialogues sonnent d'ailleurs faux à certains moments, mais je ne sais pas s'il s'agit ici d'un effet de traduction.

Ce n'est pas que tout est mauvais, mais ça sent la première oeuvre: beaucoup de dévouement, une passion véritable et sincère pour les histoires de super-héros, mais encore des failles dans le rendu final.  Bref, de bonnes idées, mais il va falloir encore quelques albums à l'auteur pour emmener son talent à son plein potentiel.

Ma note: 3/5

lundi 12 avril 2021

Le lecteur-écureuil et le lecteur-cigale

 Salut, 

Il y a plusieurs types de lecteurs, cela est en soi évident.  Il y a aussi plusieurs types de relation aux livres.  Je veux dire, il y en a qui traînent leurs livres partout (coupable), d'autres qui les remplissent de notes (coupable) et d'autres qui pestent dès que la jaquette est moindrement abîmée (coupable).  Mais aujourd'hui, j'ai plutôt envie de parler de la relation à l'accumulation de livres.  On va donc parler pour les fins de la chose diviser les types de lecteur en deux grandes catégories: les lecteurs-écureuils et les lecteurs-cigales.

Les lecteurs-écureuils font comme leur version animale avec les noix: ils accumulent les livres, les ramassent et les préservent soigneusement.  On peut le savoir dès qu'on met le pied chez eux qu'ils en sont: leurs murs sont couverts de bibliothèques, souvent remplies à pleine capacité.  Mais il y a plus.  Les lecteurs-écureuils vivent dans la peur quasi permanente de manquer de lecture, même si c'est virtuellement impossible dans le monde moderne avec l'accès aux bibliothèques et aux livres numériques.  Le manque est impossible, mais ne fait pas disparaître le besoin d'accumuler, d'acheter, même parfois des livres qu'on a déjà lus!

Le lecteur-écureuil ramasse donc et il est souvent méticuleux avec ses précieux livres.  Je le confesse, je suis une lectrice-écureuil: j'ai beaucoup trop de bouquins chez moi!  Sauf que depuis quelque temps, il me semble que je regarde mes livres et je me dis: ai-je vraiment besoin de garder celui-ci?  Vais-je vraiment lire celui-là, acheté il y a plusieurs années?  J'ai commencé à faire du ménage.  Ça m'a beaucoup fait réfléchir à mon rapport aux livres.  Il y en a que je n'aurais jamais pensé mettre de côté il y a quelques années qui ont pris le chemin des bouquineries et des boîtes à livres.  Parce que même si j'ai toujours de merveilleux souvenirs de lectures, je sais que je ne les relirais pas.  Dans ce cas, pourquoi les garder?  

Les livres lus, à moins d'avoir une valeur quelconque ou d'être sûr qu'on va les relire, n'ont comme tel pas à être gardés.  Les livres que l'on n'a pas encore lus par contre, c'est une autre histoire.  D'ailleurs, quel lecteur lira vraiment la totalité des livres qu'il a dans sa bibliothèque, voir qu'il achètera dans sa vie?  C'est aspect du lecteur-écureuil en dit souvent bien plus sur lui que ce qu'il a déjà lu: les livres que l'on accumule dans le but de les lire sont autant de désirs que de promesses à soi-même, d'engagements envers des auteur.e.s (on ne les a pas lus, mais on a acheté leurs livres!), d'une certaine quantité de culpabilité (je l'ai acheté, je vais le lire!), mais aussi de passades (une brève passion pour les auteurs russes du XIXe siècle qui vous traîne sous pendant des années) tout comme de rappels de grands amours qui se perpétue et qu'on sait qu'on peut retrouver en tendant la main vers nos tablettes.

Le fait d'être un lecteur-écureuil en dit long sur le rapport aux livres, de la façon dont on les perçoit et de la place qu'occupe la lecture dans nos vies.  Et même si c'est très personnel, la majorité des grands lecteurs que je connais sont aussi des lecteurs-écureuils.

Le lecteur-cigale, lui, qui n'accumule rien, qui trouve ses lectures au jour le jour et vit sans penser à ses lendemains de lecteur.  C'est une espèce rare.  On m'a dit que ça existait, mais je n'en connais pas.  En fait, je pense que son existence est une légende urbaine...

@+ Mariane

jeudi 1 avril 2021

L'atelier de Marie-Claire de Marguerite Audoux

 L'atelier de Marie-Claire  Marguerite Audoux  Talents hauts Collection Les plumées 348 pages


Résumé:
Marie-Claire est désormais installée à Paris et travaille dans l'atelier de Madame Dalignac.  Celle-ci, une patronne généreuse, fourni du travail à ses employées et les paie le mieux possible. Ça n'empêche pas les périodes de chômage, les clientes difficiles, les logements minuscules et la maladie qui frappe, alors que l'on ne peut pas prendre une seule journée pour s'en remettre.  Dans cet atelier où elle est penchée sur son ouvrage, Marie-Claire continue sa vie.

Mon avis:
Suite sans en être une, ce roman peut se lire de façon tout à fait distincte de Marie-Claire, auquel il fait au fond très peu référence.  C'est le même personnage, mais à une autre époque de sa vie.  Marie-Claire est la même: toujours observatrice fine de son environnement, du comportement de ses compagnes de travail, sans jamais juger, ni même se mettre en avant dans les histoires.  Elle est plus active, plus présente dans cet opus, mais reste quand même effacée par rapport aux événements qui semblent la porter plus qu'elle les vit.

L'atelier est un lieu important de l'histoire.  C'est là que les ouvrières se rassemblent, parlent en cousant, chantent, se racontent des histoires.  Comme aujourd'hui, elles amènent des parcelles de leur vie quotidienne au travail et on est témoin des vies des unes et des autres.  De Bergeonnette la bretonne qui regrette son coin de pays et en chante les chants marins quand elles s'installent devant leurs machines à coudre.  De Bouledogue qui est l'éternelle fiancée et rêve du jour de son mariage.  De Sandrine, éprise du père de ses enfants, qui pourtant ne l'a pas épousée, même si tous deux s'usent au travail pour subvenir à leurs besoins.  De Mme Dalignac, femme bonne, qui se fait littéralement exploiter par ses clientes aux exigences impossibles et mauvaises payeuses, pourtant soutenue et aimée par le patron, son mari, ce qui ne suffit pas à payer les factures.

La description du travail de couture, la minutie et le talent exigée par celle-ci, tout autant que l'absence de reconnaissance et de salaire pour ceux-ci, sont décrites avec talent.  De même, l'atmosphère de l'atelier, les heures passées courbées sur l'ouvrage, parfois même toute la nuit.  La solidarité qui y règne face au dur labeur, alternant entre la surabondance sous laquelle elles croulent et les périodes mortes où elles doivent s'engager ailleurs, faute de travail.  L'impact sur leur santé, fait de dizaines de petits détails, nous plonge mieux que n'importe quel manuel d'histoire dans cette période, cette classe sociale et ce milieu de travail.  

On retrouve ici l'extrême sens de l'observation de l'auteure, ses descriptions aiguisées et qui rendent tellement bien les atmosphères que même si elle décrit peu les lieux, on croirait y être parce qu'on est plongée dans l'atmosphère sensorielle de ceux-ci.  Ceci dit, par rapport au premier, ou peut-être est-ce que j'avais déjà goûté à la plume de l'auteure, m'a moins plu: on est toujours dans la suite de tableaux qui sont plus ou moins liés aux autres, mais l'effet d'ensemble est plus réussi.  Peut-être est-ce en partie dû au fait que la campagne se prête mieux à ce genre d'exercice qu'un atelier de couture ouvrier.  L'écriture somme toute plutôt contemplative de l'auteure n'est pas entièrement adaptée à la ville.  Elle reste toutefois magnifique et porteuse de la poésie qui la caractérise.

Point à noter: un personnage que Marie-Claire croise est une personne noire.  Elle trouve le moyen de faire comprendre à une occasion qu'un autre personnage prononce ce mot aujourd'hui honni pour désigner les afro-descendants, sans le mentionner dans le texte.  Preuve que même à l'époque, il était connu comme une insulte et que ce n'est pas tout le monde qui était prêt à l'endosser.

Ma note: 4.5/5