lundi 28 septembre 2020

Le rite sacrificiel

 Salut!

Quand on fréquente des écrivain.e.s, on apprend vite un terme qui est entouré à la fois de glamour, de sueur, de mystère et de souffrance: la direction littéraire ou si vous préférez, la dirlitt.  Tout ceux qui sont passé par là vous le dirons: c'est un passage obligé, souvent difficile, parfois une épreuve, mais quand on est passé par là, on est un vrai, on a fait ses classes, on a passé le test, réussi l'épreuve, on entre dans la cours des grands!

Quand j'ai commencé à écrire, il y avait une petite partie de moi qui avait hâte à l'épreuve, hâte d'avoir mon certificat, de réussir l'examen de passage.  Je savais que ce ne serait pas si facile.  Je me rappelle des commentaires: Ah mon dirlit m'a fait réécrire tout un passage, il m'a fait changé mon narrateur, elle m'a fait coupé deux personnages secondaires!  Moi, j'écoutais, un brin envieuse, un brin inquiète.  Mais intérieurement, j'avais l'enthousiasme d'une condamnée au sacrifice maya qui courait en haut de la pyramide se faire arracher le coeur sous le regard ébahi du grand prêtre.  Bref, j'étais plein de bonne volonté et un brin naïve.

Et puis sont venus les ateliers d'écriture.  Je suis allée au premier un brin timide, encore mal assurée dans les premiers pas que je faisais.  Naïve, surtout et avant tout.  On va retravailler un texte.  Ah, très bien que je me suis dit.  Dans ma tête, mon texte était une jolie maison.  J'avais longuement réfléchi à tout, choisi la couleur de la salle de bain, installé les rideaux dans la chambre du deuxième et réaligné le sofa selon l'angle le plus propice pour regarder le soleil couchant.  Je m'attendais à ce qu'on me demande de faire des changements.  Je savais que ça ne resterait pas ainsi.  J'étais prête à faire des rénovations, à changer bien des choses.  Mais l'animatrice de mon premier atelier a regardé mon texte et a déclaré d'un ton léger: «Ouin, faudrait élargir les fondations, mettre la salle de bain à la place du salon et enlever le deuxième étage.»  Dans mon coin de la salle, je suis restée complètement hébétée pendant quelques secondes, mon esprit pensant avant tout aux rideaux que j'avais installé dans la chambre du deuxième...  Ma jolie maison s'effondrait sous mes yeux et je regardais, trop secouée pour réagir, les ruines fumantes desquels mes partenaires d'atelier m'assuraient que je pourrais sortir un texte fort intéressant.  

La future sacrifiée est partie en courant dans la direction inverse...

Je pense que j'ai mis un sacré bout de temps à m'en remettre.  Cet atelier m'a vraiment sonné, très profondément.  J'ai complété le texte, tout le monde m'a fait des compliments, mais j'ai eu du mal pendant un bout de temps à le considérer comme mon texte.  Je repensais parfois à mon ancienne maison, si jolie.  Et puis, à force de rebâtir la nouvelle, en reprenant les mêmes matériaux, j'ai fini par réapprendre à l'aimer.  Oh, pas du jour au lendemain.  J'ai pesté contre le fait que je ne pouvais plus aligner le sofa pour voir le soleil couchant et je me suis parfois trompée de direction entre le salon et la salle de bain.  Mais petit à petit, à force de réécriture, j'ai réussi à retrouver ce qui était peut-être le plus important: l'ambiance du texte, l'atmosphère de ma maison, était encore là.  J'avais beau avoir tout réaménagé, il y avait toujours cette douleur que j'avais voulu inhérente à mon personnage principal qui restait là, tapie dans les ombres et les recoins de ma maison reconstruite.  Les jolis rideaux sont restés quelque part dans les décombres de l'ancienne par contre.

Ensuite est venu le processus de soumission, interminable attente où on lance une bouteille à la mer et où a le temps d'oublier qu'elle contenait une adresse de retour tellement ça fait longtemps qu'on l'a envoyé.  Est arrivé dans ma boîte courriel un petit message en août dernier qui m'a fait sauter au plafond.  Ma maison, retapée entièrement, avait effectivement plu à quelqu'un!  Dans mon petit coeur est cependant parti le compteur: tu vas devoir affronter la dirlitt cette fois...  Et déjà que l'atelier avait fait tellement mal!

Je me suis donc trémoussée sur ma chaise dans l'attente de la fameuse épreuve qu'il me manquait à mon tableau de chasse.  Ok, j'ai déjà publié un texte, il y a déjà mon nom sur une couverture de Solaris (sans faute dans mon nom, yé!), mais il me manquait le certificat.  J'attendais donc ma copie rougie de commentaires, de voir encore une fois ma maison réduite à un petit tas fumant et de devoir la reconstruire.  Sauf que... c'est pas arrivé.  

Mon directeur littéraire m'a rendu ma copie avec plein de commentaires sur la peinture et la décoration.  Il m'a aussi suggéré de changer l'orientation par rapport au soleil.  Tout s'est fait en douceur, sans douleur.  Bon, un petit peu de misère à ajuster les tableaux et les cadres de portes à certains endroits et je me suis un peu battue avec le papier peint dans certaines pièces, mais mon directeur littéraire est grimpé sur un escabeau pour m'aider à l'installer.  Les ombres n'ont pas changé, les recoins diffusent toujours ce que je voulais quand pour la première fois, j'ai sorti mon personnage de ma tête pour le mettre sur le papier.

C'est fini depuis la semaine dernière.

À lire dans Solaris en novembre 2020.

Et mon diplôme est enfin sur mon mur!

@+ Mariane

jeudi 24 septembre 2020

The Collegium Chronicles: Foundation de Mercedes Lackey

 The Collegium Chronicles  tome 1 Foundation  Mercedes Lackey  Daw Books  collection Fantasy  418 pages


Résumé:

Mags vit en esclavage, mais l'ignore.  Toute sa vie, il n'a connu que la mine, la faim et la brutalité de Maître Cole, le cruel propriétaire des lieux, qui malmène autant ses enfants que ses «ouvriers».  Le jour où un soldat vêtu de blanc l'arrache aux lieux pour le faire monter sur un cheval tout aussi blanc, Mags n'a aucune idée de combien son univers étroit va être bouleversé et combien lui-même aura bientôt un impact sur celui-ci.

Mon avis:

Pour moi, lire du Mercedes Lackey est comme lire un délicieux bonbon, mais je sais que là-dessus, mes goûts sont particuliers.  Ceci dit, ayant lu la majorité de son oeuvre, ses manies et ses retournements de situation me surprennent de moins en moins.  Ceci est l'une des dernières série situées dans son univers de Valdémar que je n'ai pas lu et ce n'est pas la meilleure.  Par contre, le plaisir reste là, ce qui va me pousser à continuer.

Je savais depuis longtemps que sa plume n'était pas exceptionnelle, mais n'ayant jamais lu l'oeuvre en version originale jusqu'ici, ça restait une question qui trottait dans mon esprit à savoir si c'était seulement la traduction qui empirait le tout ou non.  Réponse: non, ce n'est pas la traduction.  La plume de l'auteure est verbeuse et abuse des adverbes.  Par contre, son style simple et direct m'a plu pour sa facilité d'accès.  

Pour moi qui a lu plusieurs de ses oeuvres, je pouvais hocher la tête à certains moments du texte en me disant: ah oui, on est rendu là.  La trame de base est extrêmement semblable.  Ceci dit, Mags n'est ni Talia, ni Vanyel et encore moins Elspeth.  Propulsé dans un monde qu'il ne comprend pas, parlant avec un accent taillé au couteau dans un monde de raffinement (le texte original rend bien ses intonations rugueuse et son élocution traînante où il avale la moitié des syllabes), Mags comprendra qu'il peut enfin compter sur quelques personnes, malgré sa méfiance naturelle.  Sa relation avec Dallen, son Compagnon, est magnifique.  Tous les deux étant doué de Parler-par-l'Esprit (grosso modo, une forme de télépathie), leurs communications mentales sont à la base du récit, mais c'est surtout une forme d'union très particulière, une forme d'intimité qu'ils développent. Les autres personnages qui les entourent sont moins bien développés, mais restent crédibles.  Et le Héraut Jakyr pourrait bien revenir dans d'autres tomes.  Je l'ai bien aimé celui-là!

L'auteure ajoute une pierre à l'édifice de son oeuvre en posant cette opus dans une période charnière de l'histoire de Valdémar, à une époque où le Collégium des hérauts subit de profondes transformations, passant d'un système de mentorat à un système plus classique d'enseignement en classe.  Pour la fan de l'univers que je suis, ceci est un jalon manquant et je suis contente que l'auteure me raconte cette partie.  Mais reste qu'il faut être fan pour l'apprécier.

Ma note:3.75/5

mardi 22 septembre 2020

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

 Voici un peu mon état mental de ce matin.  

Voyez-vous, il y a plusieurs années, lors de l'époque dorée où j'étais libraire, j'avais collaboré à une émission de télé communautaire (ne riez pas, ils faisaient de très belles choses!).  Quelque part, ça m'avait toujours manqué.  Oui, je blablate de livres ici, mais écrire sur des livres et parler de livres sont deux choses très différentes.  Ça m'a manqué de faire de la télévision.  C'était amateur, c'était fait assez rapidement, mais j'adorais ça.  Les archives de mes chroniques ont disparu de l'internet (si vous les retrouver, faites-moi signe!).  J'avais mis les liens sur ce blogue, mais bon, étant donné que ça avait disparu...

Mais voilà que début une émission littéraire radiophonique auquel plusieurs personnes que je connais bien participent...  J'ai écouté quelques épisodes et je me disais, ah oui, si moi je ferais des chroniques, je dirais ça ou ça ou ça. Ou ça.  Ou... Mariane, pourquoi tu ne t'essaierais pas?  J'ai demandé à un de mes amis comment contacter l'animatrice (merci à lui pour ses tuyaux!) et proposer mes services, offre qui a été, à ma plus grande joie, acceptée!

Alors voilà, j'aurais donc dorénavant une chronique à l'émission Bouquins & Confidences, diffusées sur les ondes de CKRL, les lundis de 18h30 à 20h.  J'ai moi-même choisi le sujet de ma chronique, soit les classiques.  Dans le cadre de cette chronique, je vais donc parler de livres publiés avant 1950, ce qui me donnent de vastes contrées à explorer, devant lesquelles je me sens comme un enfant devant un plat de bonbon se me demandant lequel choisir!  Ça permettra aussi de partager ma passion des vieux trucs, étant donné que mon penchant naturel à fouiller les racoins de la littérature.

Pour ma première chronique, c'est ici.  J'y parle des Contes des Frères Grimm.


Longue vie à cette émission!  Je suis toute excitée et je suis déjà en train de préparer la seconde chronique!

@+ Mariane

jeudi 17 septembre 2020

Tyranaël: 3- Mon frère l'ombre d'Élisabeth Vonarburg

 Tyranaël  tome 3  Élisabeth Vonarburg  Alire  353 pages


Résumé:

Mathieu est prisonnier d'un labyrinthe.  Une occasion se présente et il décide de s'échapper.  Pourquoi, y est-il enfermé?  Que découvrira-t-il au dehors?  Les réponses ne lui amènent que d'autres questions.

Mon avis:

C'est le troisième tome de Tyranaël et personnellement, pour moi, c'est le plus réussi.  Certes, on reste toujours dans le noir sur bien des sujets concernant la Mer, mais comme on suit le parcours d'un personnage qui est lui-même dans le noir, on s'attache à son point de vue.  On ne sait presque rien de plus que lui et on apprend tout à son rythme.

Mathieu est un personnage qui est à la fois naïf, touchant et en colère.  Une colère noire, une rage qui le consume de l'intérieur.  Il ne fait pas confiance, il a été trahi beaucoup trop de fois auparavant, mais il doit quand même continuer d'avancer.  Il fera des rencontres qui chaque fois, l'aideront un peu à comprendre, puis, petit à petit, lui permettront de faire jaillir un peu de lumière sur ce qu'il cherche à comprendre.  Le problème est qu'autant les autres que lui-même ne savent pas exactement ce qu'ils doivent chercher et progressent à tâtons.  On se retrouve dans une espèce de double-quête autant de l'intérieur (Mathieu et son cheminement) que de l'extérieur (le groupe qui l'aidera) qui permettra à Mathieu de commencer à comprendre, un peu.  

Bien des éléments nous sont compréhensibles si on a lu les deux premiers tomes, entre autre un personnage dont on devine bien qui il est réellement.  Par contre, on pourrait pratiquement lire ce tome de manière indépendante, tellement il se tient bien en lui-même.  L'auteure continue à nous ravir de sa plume et de ses descriptions précises et sensibles, mais aussi de nous maintenir quelque peu dans la «brume» de la mer, même si on est déjà au troisième tome de la série.  La finale surprend par un retournement qui ouvre beaucoup de possibilités.  Je ne l'avais pas vu venir et c'était très agréable.  À suivre dans le quatrième tome.

Ma note: 4.25/5

lundi 14 septembre 2020

De la géographie: Des ressources du territoire

Salut!

Mettons quelque chose au clair: tous les territoires ont des ressources.  Qu'est-ce qu'une ressource?  Ah, ça, c'est le problème!  Toute chose qui peut être utile au fond.  Ce qui peut être une ressource pour une espèce peut être totalement inutile pour une autre.  Les poissons se contrefichent de l'air par exemple, mais l'eau leur est autrement vitale.  Une ressource, c'est le truc que vous allez jeter, mais sur lequel se jette votre ami.e, voisin.e ou autre pour qui ledit objet a une valeur.  Bref, une ressource, c'est quelque chose dont on a besoin pour faire quelque chose.

Toutes les territoires ont des ressources.  Oui, oui, tous!  Cependant, ce ne sont pas toutes les ressources qui sont utiles ou exploitables.  Tenez, par exemple, à ce qu'il paraît, il pleut des diamants au coeur d'Uranus.  Je ne connais aucun bijoutier qui pense à exploiter cette ressource par contre.  Parce qu'il ne suffit pas qu'elle existe, il fait aussi qu'elle soit accessible, exploitable et rentable (si vous gaspillez trop d'autres types de ressources pour en avoir une en particulier, faut vraiment que ça en vaille la chandelle).  On peut totalement ignorer une ressource pendant des années avant de se jeter dessus et se l'arracher des quatre coins de la planète, comme le guano auquel personne ne s'intéressait à une époque et qui est devenue une denrée prisée ensuite.  Les Espagnols sont débarqués au Pérou pour l'or et l'argent, mais ont fini par faire du fric en exportant de la merde d'oiseaux...  Tout dépend des besoins. 

Sauf que les ressources ne sont pas également répartie, pas plus en abondance et en qualité qu'en simple présence.  Notre jolie planète est ronde et possède pas mal de climats, de type de sols et de sous-sols.  Les plantes par exemple: elles ne poussent pas toutes au même endroit dans le monde: faire pousser des bananes, du café ou des hévéas (arbre à caoutchouc) au Québec serait... complexe.  Cependant, notre territoire a d'autres ressources.  Beaucoup d'autres ressources.  Et on a appris à les utiliser.

Les humains sont les champions à comprendre les ressources de leurs territoires et à les exploiter à leur maximum.  Je ne parle pas ici d'exploitation capitaliste.  Parfois, c'est affaire de survie.  Comme les Masaïs dans le Kalahari ou les Inuits dans l'Arctique.  Les sociétés qui ont su se développer et former des royaumes, puis des empires ont aussi été majoritairement celles qui ont pu compter sur une grande quantité de ressources au départ, la première et la plus importante étant la nourriture.  Car l'accès à la bouffe permet d'avoir une population plus nombreuse et ça aussi, ça peut être considérée comme une ressource.

Or, les ressources d'un territoire, quelles qu'elles soient, influencent les humains qui y vivent.  Penser un peu: les cuisines du monde sont toutes influencées par leur terroir, soit le sol et la région dont ils sont issus.  On ne mange pas la même chose au fin fond de la brousse africaine qu'en France, en Chine ou en Amérique du Sud.  Pourquoi?  Parce que les ressources de ces différents territoires sont différentes et tout le monde a appris au fil des siècles à se nourrir sur son territoire.  On ne s'habille pas de la même façon non plus.  La soie a été développée en Asie parce qu'il y avait là des verres à soie, la laine en Europe parce qu'on y a domestiqué pas mal de mouton, le coton en Inde parce qu'il y poussait bien etc.  Juste à prendre ces deux sujets et vous avez des explications sur pas mal de différences culturelles entre des territoires éloignés géographiquement.  Ok, la mondialisation a foutu le bordel là-dedans, mais à la base, la plupart des sociétés vivent des ressources de leurs propres territoires et celle-ci influence la culture des humains qui l'habitent.  Inversement, les humains vont aussi influencer le territoire avec leurs besoins de ressources.  Que vous plantiez du riz, du maïs ou du blé, ça va transformer le territoire.  Le lien est à double-sens.

Bon, faut aussi dire que l'accès à certaines ressources a, durant la longue histoire de l'humanité, entraîné des conflits, des conquêtes, des guerres et tout ce qui va avec.  Le pétrole a été au XXe siècle un facteur très important de conflit, pas toujours au premier plan, mais souvent là.  Mettons que si la plupart des pays occidentaux font copain-copain avec un pays comme l'Arabie Saoudite, ce n'est pas sans rapport avec le fait qu'ils ont pas mal de pétrole chez eux...  Et si grosso modo les mêmes pays n'ont pas eu de problèmes à mener de grandes campagnes de boycott contre l'Afrique du Sud au cours des années 1980, ça avait aussi à voir avec le fait qu'on pouvait se passer des ressources de leur territoire.  Si un pays est riche en ressources importantes pour d'autres, bien, ce pays gagnera en richesse, en influence et en puissance.  Si cette ressource perd de son importance... et bien ce pays aussi.  Et si un pays est très abondant dans une ressource qui ne fait l'envie de personne ou qui peut être produite un peu partout, n'aura pas la même influence et le même pouvoir, même si pour le reste, c'est un pays riche en ressources.  Le Canada, avec toutes ses mines, son agriculture qui fait pousser à peu près n'importe quoi de pas tropical, ses pêches abondantes et ses forêts est un peu dans ce cas.  Les ressources influenceront donc non seulement la culture d'un territoire, mais aussi sa richesse, sa politique, son économie et son influence.  Les ressources ne sont pas tout, mais sont à la base de tout.

Autre point: un territoire n'a jamais qu'une seule ressource.  Impossible.  Elle peut avoir une seule ressource rentable, mais il est impossible de n'avoir qu'une seule ressource.  C'est là que ça se complique un peu: mettons, territoire A est riche en pétrole, mais vit dans un climat aride, ce qui nuit à son approvisionnement alimentaire.  Il lorgne du côté de territoire B, qui a de bonnes terres arables et fournit du blé en abondance.  Territoire A peut acheter le blé, bien sûr, mais ne serait-ce pas plus pratique et plus sécuritaire, à long terme, de contrôler territoire B?  Le hic, c'est que si territoire B a de bonnes ressources alimentaires, il peut aussi nourrir une population plus nombreuse et ainsi posséder des ressources humaines (qui sont après tout une ressource comme les autres) plus importantes.  Que fera territoire B de cette ressource?  Peut-être les pousser à développer de nouvelles sources d'énergie qui pourra à terme leur permettre de se passer de pétrole, mettant territoire A dans le pétrin ou encore mettre sur pied une armée qui lui permettra d'envahir territoire A?  Ajouter la présence ou l'absence de ressources comme le fer (les blindés), le souffre (les bombes) ou n'importe quoi d'autre sur l'un ou l'autre territoire et à chaque fois, le portrait change.

Bref, un territoire sans ressources n'existe pas, mais une ressource peut avoir une importance variable selon la période historique.  À l'époque antique, posséder des terres arables était le plus important.  Aujourd'hui, l'agriculture est une ressource encore importante, mais on ne se battra plus autant pour elle: la productivité par hectare a tellement augmenté depuis l'époque romaine que cela réduit son importante actuelle.  Par contre, d'autres produits ont pris de l'importance.  Au XXe siècle, ça a été le pétrole.  Au XXIe, les terres rares ont pris une telle importance avec le développement des technologies électroniques, notamment les cellulaires, qu'elles sont désormais considérées comme une ressource stratégique.  Si vous aviez dit ça à un ingénieur d'il y a cinquante ans, il se serait gratté la tête, tout simplement parce que ces technologies n'existaient pas.  Donc, l'importance pour une culture ou une autre de certaines ressources peut changer au fil du temps.  Et faire d'un pays riche à une époque un pays pauvre à une autre et vice-versa.

Bon, tout ce blabla pour arriver au point final de ce billet, soit le lien avec la fiction.  Je vais profiter de l'occasion de la sortie récente de la bande-annonce de Dune de Denis Villeneuve pour faire le lien avec cette oeuvre.  Dans l'univers de Dune, la ressource la plus importante est l'épice.  Elle permet de voyager à travers l'espace, de voir l'avenir et d'augmenter les capacités mentales et la longévité des personnes qui la consomment.  Et comme on ne trouve l'épice qu'à un seul endroit, disons que son contrôle est l'enjeu sous-jacent de l'ensemble de la série de roman de Frank Herbert.  Qui contrôle l'épice, cette substance si précieuse, contrôle l'univers dans lequel évolue les personnages.  L'auteur joue ainsi sur tous les plans pour montrer toutes les facettes de l'impact de cette ressource sur l'univers: que tout le monde est prêt à se battre pour la posséder, que la contrôler donne d'innombrables avantages à celui qui l'a, que la société finit par tourner autour de cette ressource et qu'elle influe sur la culture, la géopolitique, l'économie et la science, etc.  Évidemment, on parle ici d'une super-ressource dont les capacités métaphysiques n'ont rien de comparable avec bien d'autres auquel on est plus habituée, mais le fond reste le même.

Bref, pas de territoire sans ressource et pas de ressource sans influence sur ceux et celles qui l'exploitent.  Un beau duo qui danse toujours ensemble!

@+ Mariane