lundi 24 juin 2019

En terre d'Amérique

Salut!

J'ai un collègue de travail qui est arrivé au Québec avec bagages et famille il y a quelques années.  Super hyper-sympathique!  Le genre de personne qui te donne envie de te lever le matin parce que tu sais que tu vas voir son sourire en arrivant au bureau.  Il s'apprête à passer son examen de citoyenneté dans quelques semaines.  On s'entend super bien.  À un petit détail près...

Non, non, non, ne pensez rien de négatif!  Collègue-né-hors-d'Amérique ne me cause strictement aucun problème, c'est juste qu'à force de le fréquenter, je me suis rendue compte d'un truc que je n'avais jamais réalisé: on a pas pantoute les mêmes références culturelles!

As-tu entendu parler de ça?  Non, Collègue-né-hors-d'Amérique n'en a jamais entendu parlé!  Ni de Rock et Belles oreilles, ni des Filles de Caleb, ni du Bye Bye (avant cette année!), ni du Référendum de 1995, ni de la bouche croche de Jean Chrétien, ni des Colocs, ni de Robert Charlebois, ni de Michel Tremblay.  Parce qu'il n'est pas né ici, parce qu'il n'est pas tombé dans la marmite quand il était petit.  Il a tout à apprendre, mais il a la volonté d'apprendre et c'est un plaisir de discuter avec lui!  Et enfin, au moins, il sait qui est Céline Dion.

Tenez, François Pérusse!  Un produit culturel terriblement local qu'on peine à imaginer que 99% de la planète n'en ont jamais entendu parlé.  J'ai fait écouté un des épisodes du gars qui magasine à Collègue-né-hors-d'Amérique...  Ok, les Québécois savent de quoi je parle!  Un ski-doo, on peut-tu laisser-ça dans'cours?  Ceux qui ne répondent pas ishhh ne sont pas du Québec...  Pour l'instant.

Le fréquenter sur une base quotidienne me fait comprendre à quel point ce que je pense comme acquis ne l'est finalement pas: c'est du culturel, du construit.  Le Québec est à la base un morceau de France jeté au coeur de l'Amérique qui s'épanoui contre vents et marées depuis presque quatre siècles.  On a beau parler la même langue, connaître tous les deux Molière et savoir où est Paris, les différences sont nombreuses entre la France et l'Amérique pris au sens large du terme.

Primo, des siècles d'isolement de l'alma mater, de fréquentations des Britanniques et des habitants du sud de la frontière nous ont forcés à se voir autrement.  Sans compter une Révolution qui a secoué la France et a fait une coupure nette entre l'Ancien Régime dont nous sommes issus et le Nouveau qui a chamboulé le pays au XIXe siècle.  (Au Québec, on a encore plein d'expressions d'Ancien Régime...  Welcome in the Old Time!))

Deuxio, ben, c'est justement!  On fréquente les British depuis deux siècles!  On a acquis d'eux plein d'institutions (dont notre régime politique), une manière de faire les choses, de voir le monde... en les passant au blender d'ici.  On en a tiré une société qui n'est pas complètement coupée de ses racines françaises d'Ancien Régime et qui a ajouté une grosse couche de régime anglais là-dessus.  Sans compter la Révolution tranquille qui a rebrassé toute les cartes!

Sans compter non plus les vagues qui se sont succédées à nos portes!  Loyalistes américains, Irlandais, Italiens, Portugais, Grecs, Vietnamiens, Haïtiens, et plus récemment, Colombiens, Algériens, Sénégalais (Salut Boucar!), Croates, Serbes, Irakiens, Syriens et d'autres....  Tant d'autres...

Petit à petit, on a appris d'eux et ils ont appris de nous.  Tellement que la musique traditionnelle québécois prend souvent des airs de reels  irlandais et que le spaghetti est devenu un plat national!  Jamais du temps de mes grands-parents n'avaient-ont considéré comme un plat normal le tajine, les bagels et les baklavas.  De considérer de participer à la carifiesta comme une amie m'y a récemment invitée ou de penser à souhaiter joyeuse Hanoucca en plus de Joyeux Noël.  Ce sont tous les courageux qui ont jeté leur ancre en terre d'Amérique qui nous ont apporté ça.

Bref, le Québec d'aujourd'hui parle français (ou anglais!), ou créole, ou n'importe quelle langue en plus du français, mange du shish taouk (une connaissance m'a dit que shish taouk n'existait pas en-dehors du Québec...  J'assume! :P ), des sushis et de la salsa, maîtrise le rap américain, prête allégeance à la Reine d'Angleterre et sacre contre les cônes oranges et le trafic!  Il sait qui est Véronique Cloutier, lève les yeux au ciel en entendant les radios de Québec, sait faire la différence entre Québec, Gaspé et Saguenay (et qu'au Québec, les distances se comptent en heures!) et prononce le mot qui commence par t et finit en *ac correctement.  Récemment, on a ENFIN finit par reconnaître aussi l'immense apport des peuples des Premières Nations à ce que nous sommes. C'est encore imparfait, encore à parfaire, mais présents, quand même.

Ça donne un joyeux melting pot.  Un joyeux mélange de plein de cultures qui continuent à s'enrichir les unes des autres et à se chercher une trame commune, même après 400 ans d'existence.  Je fais partie des optimistes, des confiants.  On va y arriver.  On est un mélange métissé serré depuis les années 1600, quand le gendre de Louis Hébert hébergeait sous son toit deux femmes innues et un esclave noir...  Multiculturel le Québec?  Depuis ses débuts! Et ça ne nous a jamais empêché de grandir.

Mais sincèrement, ils devraient mettre une question sur François Pérusse dans le questionnaire de citoyenneté...  C'est un tel trésor national!

@+ Mariane

jeudi 20 juin 2019

Cobayes: Sarah et Sid d'Ève Patenaude

Cobayes  Sarah et Sid  Ève Patenaude  Éditions de Mortagne  320 pages


Résumé:
Sarah danse au Pinky, un bar de danseuse, vêtue de son tutu.  Elle a renoncé à la danse, au ballet, sa carrière brisée.  

Sid est serveur dans un restaurant.  Il pourrait avoir mieux, mais la mort de son meilleur ami le ronge.  Mais il y a cette belle cliente qui vient tous les mercredis.  Elle s'appelle Sarah.  

Ils tombent amoureux, emménagent ensemble.  Un jour qu'ils ont un besoin urgent d'argent, ils répondent à une petite annonce d'une compagnie pharmaceutique...

Mon avis:
Euh, ok.  Potentiel dans cette histoire, il y avait.  Réel.  Malheureusement, le rendu gâche tout.

Je n'ai pas cru une seule seconde à l'histoire de Sarah et Sid.  Vraiment, il découvre son secret (elle est danseuse nue) et bang, ils se mettent ensemble et tout va bien?  Mettons que la suite des choses montrent qu'ils se connaissent bien, mais je ne peux pas croire qu'en trois semaines, ce genre de relation puissent se consolider.  Puisque que le texte se sépare entre les deux protagonistes, l'auteure a moins le temps de développer chacun des personnages et l'intrigue s'en est ressentie.

Il y a aussi le problème du tell, agaçant au possible.  On ne plonge pas dans les émotions des personnages tellement tout nous est raconté et non montré.  On en ressort avec des personnages, qui, quoique qu'ils sont loin d'être mauvais en eux-mêmes, n'ont pas de tonus et de possibilité de se déployer.  L'intrigue avec AlphaLab est un peu plaquée et le développement des effets des médicaments ne se comprend qu'à rebours.  Parce qu'on nous le raconte.  Je ne l'ai pas vu en cours de route, mais un tel retournement psychologique, particulièrement chez Sarah, aurait dû être plus visible, plus tôt.  Et surtout, plus gradué.

Histoire d'horreur?  Oui et non.  Les effets des médicaments sont impressionnants, mais si je compare avec Anita (qui même après cinq ans me donne mal au coeur quand j'y repense), on est loin du compte.  Je crois que c'est dû en bonne partie au développement des personnages et à la narration parce que les idées, elles, sont là.  La plume, qui n'est pas mauvaise, même très bonne parfois, ne réussit pas à sauver cette histoire.

Je n'oserais pas dire un ratage total, mais un roman qui manque largement sa cible, oui.

Ma note: 2.75/5

lundi 17 juin 2019

Que fait-on des livres du passé?

Salut!

Quand je l'ai lu, j'avais beaucoup aimé Notre-Dame de Paris.  C'est un classique!  J'avais dévoré le livre.  Je n'étais pas très vieille, c'était vers la fin du primaire, j'avais quoi, 10-12 ans?  J'en aie retenu bien des choses, mais je sais que mon regard d'adulte qui le relirait serait très différent.  Il y a le personnage d'Esméralda, en lutte contre un monde qui lui refuse une place au soleil, parce que femme et gitane, faisant d'elle un jouet du sort dans les mains des hommes.  Sa beauté et ses talents de danseuse, seules armes qu'elle a face à la vie, seront utilisées contre elle.  Il y a Frollo, l'archidiacre de Notre-Dame, homme de science, mais qui n'hésitera pas à abuser de son pouvoir parce qu'il ne peut avoir Esméralda.  Parce qu'elle ne répond pas à son désir...  Quasimodo, le difforme sonneur de cloche, sans doute le personnage masculin le plus équilibré de ce roman.  Et tous les autres... Je me rappelle surtout, un personnage absent de l'adaptation en opéra rock: Paquette, la mère d'Esméralda, une recluse dévote, fanatique de l’auto-mortification.  Depuis qu'elle a perdu sa fille, cette femme ne vit que pour sa propre mort et sa haine des gitans.  Et il y a aussi Fleur-de-Lys, parfaite illustration de la petite bourgeoise de service qui veut avant tout mettre le grappin sur un homme pour faire un bon mariage le plus vite possible.

Aujourd'hui, je vois très bien dans ce livre les préjugés de l'époque où le livre a été écrit envers les femmes, les handicapés et les personnes racisées.  Je pourrais dire, tout ce qui est différent des personnes au pouvoir de l'époque, des gens de la bourgeoisie, blanche, scolarisée et masculine.  Est-ce que ça en fait une mauvaise oeuvre pour autant?

La bonne réponse est non.  Notre-Dame de Paris reste un chef d'oeuvre.  C'est une réussite tant au point de vue de l'écriture que de l'intrigue et si les personnages sont le reflet de la vision d'une époque (le XIXe siècle) sur une autre (le Moyen-Âge), il n'en reste pas moins que Victor Hugo a su écrire des personnages magnifiques, humain, imparfait, mais riches (sauf Fleur-de-Lys).  Va-t-on jeter le bébé, tout ça, avec l'eau du bain, l'enrobage et ses préjugés?  Je suis d'avis que non, mais le hic, c'est que je cite une oeuvre parmi tant d'autres...

Je crois que je pourrais énumérer toute la journée des oeuvres qui parlent de femmes uniquement obnubilées par l'idée de faire un riche mariage sans autre ambition dans la vie.  Je pourrais recenser des dizaines de livres qui parlent des Noirs comme étant inférieurs ou juste représentés comme des esclaves bêtes.  Je pourrais citer des tas d'histoires qui parlent de pauvres handicapés en les réduisant à ça, leur handicap.  Et je ne parlerais pas ici d'homosexualité, de religion ou de pauvreté...  La liste est longue!

Ce qui me dérange, ce n'est pas que l'on parle encore de Notre-Dame de Paris.  Parce que c'est un excellent roman.  Sans doute qu'il est le reflet de son époque, mais le hic, c'est que la majorité des livres qui sont lus datant de la même période dressent souvent le même portrait de toutes les personnages n'étant pas blanche, de sexe masculin, hétérosexuelle et d'une classe sociale moyenne, voire élevée.  (Petit indice: la majorité des auteurs de ces oeuvres sont blancs, homme, hétéro et de classe moyenne...)  Ça fige dans le temps une vision du monde comme de quoi, avant, les choses étaient «comme ça».  Comme si la vision de Victor Hugo du monde représentait le monde tel qu'il existait à l'époque.  Ouille pas sûre...

Notre-Dame de Paris a été publié en 1831.  Un an après paraissait un roman qui fit scandale à l'époque et éclipsa le succès du roman d'Hugo: Indiana de George Sand.  Dans ce roman, une femme mariée à un homme plus âgé qu'elle n'aime pas, est séduite par un homme libertin et si elle cherche à s'échapper de sa vie en tentant de fuir avec lui, il se montre inconstant et elle finira par prendre elle-même les choses en main.  Mais qui lit Indiana de nos jours à part les étudiants en littérature...

Il est là le problème.  On lit Notre-Dame de Paris, qui nous donne une vision du monde, mais pas Indiana qui nous en donne une autre.  Ce qui fait que même si on lit des oeuvres qui datent d'il y a longtemps et même si on exerce son esprit critique par rapport à celle-ci, on ne lit rien pour les contrebalancer.  On ne peut pas les voir pour ce qu'elles sont, des oeuvres qui sont le reflet de la vision du monde d'une personne, à une époque, parce qu'on a pas de point de comparaison!  Faut-il arrêter de les lire pour autant?  Non, pas du tout!  Mais faire un sérieux travail de mémoire sur les oeuvres oubliés montrant une toute autre vision du monde, ah ça oui et ça urge!

Ce travail est en cours et c'est tant mieux.  Parce que des femmes ont tenus la plume, des Noirs ont écrits et des pauvres ont réussi à trouver un peu de temps pour créer une oeuvre dans toutes les époques, dans toutes les cultures et dans tous les coins de la planète.  La seule différence entre eux et un Victor Hugo, c'est qu'ils ont moins de chance de garder un contact avec les lecteurs sur le long terme.

Que fait-on des grands classiques?  On les garde, mais on ne cherche pas seulement à les lire eux, mais aussi ceux qui les ont côtoyés sur les rayons des librairies lors de leur sortie.  Parce que c'est comme ça que l'on aura le meilleur portrait de la littérature d'une époque et non pas ce que les dominants de cette époque espérait que l'on garde comme image d'eux.

@+! Mariane

jeudi 13 juin 2019

Repentir(s) de Richard Ste-Marie

Repentir(s)  Richard Ste-Marie  Alire  336 pages


Résumé:
Deux cadavres sont retrouvés dans une galerie d'art moderne, tués avec un couteau d'une artiste branchée.   L'un d'entre eux est le galeriste lui-même, qui semble avoir multiplié les entourloupes devant de nombreuses années et auquel bien des gens en veulent.  Mais l'autre victime est un policier du SPVM exemplaire et sans histoire.  C'est donc à l'inspecteur Francis Pagliaro de la SQ que l'enquête est confiée.  Celui-ci prend vite l'habitude d'aller voir l'exposition en cours dans la galerie, le soir.  Il lui semble que dans la série de tableau réside une partie de l'énigme...

Mon avis:
Hum, je vais platement dire pas son meilleur.  Pas que le livre ne soit pas bon, mais sois je commence à connaître la patte de l'auteur, sois l'auteur a commencé à porter des pantoufles d'intrigue un peu trop confortables. L'inspecteur Pagliaro est fidèle à lui-même.  C'est un policier méthodique, qui cherche à comprendre au-delà de résoudre une énigme.  Cette partie de l'ouvrage reste maîtrisée, quoique j'ai moins aimé le dénouement de l'intrigue qui s'explique une certaine nervosité de Pagliaro à différents moments de l'histoire.

Quand à l'enquête proprement dite...  Je n'y aie pas trop crue.  La recette est là, les ingrédients sont là, mais la pâte n'a pas levée.  J'ai particulièrement tiqué sur la partie très pédagogique de l'intrigue concernant l'art contemporain.  L'auteur voulait nous faire découvrir le milieu de l'art visuel, ce qui est correct en soi, mais il y consacre beaucoup de temps et d'énergie, au détriment de son intrigue.  On apprend beaucoup de choses, mais est-ce que ça fait progresser l'enquête?  Non.  Un peu plus loin dans l'histoire, un témoin apparaît comme par magie ou presque et fait redécoller l'enquête, qui commençait à traîner en longueur.  Ça sonnait tellement comme le gars des vues que j'en aie lâché un petit juron.

L'auteur alterne entre des scènes de l'enfance et de l'adolescence d'un personnage anonyme et l'enquête proprement dite.  Ces scènes sont bien écrites, bien ficelés, mais n'apporte pas grand chose à la résolution du crime, parce que si le lien entre les deux existe, la conclusion m'a semblé tirée par les cheveux.  Je l'ai même trouvé forcé.  Par contre, une scène en particulier a été presque insoutenable à lire pour moi.  Sans dire c'est quoi, ça parle d'un chat et d'un destin sinistre...

L'auteur garde une excellente maîtrise de sa plume.  Même si des éléments font grincer des dents, on entre dans le livre et on lit quand même avec un plaisir certain.  Parce que Pagliaro est attachant, parce qu'il sait nous mettre dans le bain, parce que ça se lit bien.  Pas son meilleur, je le redis.

Ma note: 3.25/5

lundi 10 juin 2019

Apprivoiser une bibliothèque (ou savoir comment retrouver ses pénates, peu importe la situation)

Salut!

La bibliothèque de la municipalité de mon enfance, je ne l'ai jamais fréquenté.  Pas par snobisme, non, juste qu'entre fréquenter une bibliothèque de village ouverte trois jours par semaine, les mercredis soirs, vendredis soirs et samedis matins et la grosse bibliothèque municipale de la grande ville d'à-côté, bourrée de rayons débordants de livres, le choix était disons, très très vite fait.  Surtout pour la lectrice avide que j'étais.  Même si ça voulait dire du harcèlement parental (N.B. Y'aucune loi qui interdit ça)

Je me suis donc glissée dans le monde des bibliothèques comme on se glisse dans un gant.  La bibliothèque de mon ancienne municipalité (qui est devenue ensuite ma ville de résidence) avait un certain charme.  L'étage des adultes était au premier, accessible donc aux personnages âgées qui avaient du mal à monter les marches.  Les enfants, avec leurs petites jambes pleines d'énergie, étaient au deuxième.  Je me suis vite habituée à cet univers où trônait une étrange sculpture à mi-chemin entre le garage et l'atelier de métallurgie.  Autant à l'entrée de l'UQÀM que j'ai fréquenté, il y avait une paire de couilles, autant dans ma bibliothèque municipale, il y avait les restes d'un lave-auto figé dans le temps.  Ça faisait partie de l'ambiance de ma bibliothèque et quelque part, j'y étais aussi attachée qu'à la célèbre sculpture hommage à l'anatomie masculine de mon alma-mater.

J'ai quitté ma ville d'origine il y a quelques années.  Ok, mes priorités sont très différentes de celles d'autres personnes, mais l'une des premières que j'ai eu en aménageant dans mon nouveau logis était de savoir à quel endroit était ma nouvelle bibliothèque.  Ça en dit long sur mes priorités....  Ma nouvelle bibliothèque était donc située le long d'un boulevard passant.  En brique rouge, à l'ancienne.  Elle était un trésor de découverte, tant en livre qu'en CD, qu'en DVD, qu'en plein de choses.  J'y aie vue des bibliothécaires sabler la tranche des livres que l'oxydation avait rendue jaune.  J'y aie parlé avec bon nombre d'entre eux (elles surtout).  J'y aie réclamé des livres sortis de la réserve, qui m'y ont été donné avec le sourire et le «Ah, on a pas de place pour tous les garder sur les tablettes, on va bientôt rénover».

J'ai adoré cette bibliothèque.

Et puis sont venues ces fameuses rénovations....

 Ma bibliothèque a été fermée pendant deux longues années.

Après des mois d'obstination avec les charmantes préposées municipales du-311-pas-super-informées-du-des-travaux-dans-mon-arrondissement-loin-du-coeur-de-Montréal, ma bibliothèque a réouvert fin mai.  Que dire...

On a fêté dignement l'événement par quatre jours de célébrations.  On l'a annoncé à l'avance sur les panneaux municipaux qui annoncent entre autres, les séances du conseil municipal (que dis-je, d'arrondissement!) et les inscriptions aux équipes de balle molle.  Quatre jours de réjouissances pour nous réconforter de deux ans de vache maigre de bibliothèque (il y a bien sûr eu une bibliothèque temporaire et une autre permanente, mais en format de poche...  Ma bibliothèque me manquait...)

Mon ancienne bibliothèque était située, et est toujours (ils ont juste rénové les lieux) sur un boulevard passant...  Ce qui fait que pendant deux ans, je suis passée devant en allant travailler, un oeil sur la route, l'autre sur les travaux.  Je les aie vue démolir le bâtiment en brique rouge, presque brique par brique pour en reconstruire un autre, en béton blanc.  Morceau par morceau.  Longtemps avant la fin des travaux, j'avais de longues discussions au sujet des travaux finis ou pas avec les charmantes-préposées-au-311.  Quand elles me disaient que les travaux n'étaient pas finis, je leur répondais que de la rue, je voyais les livres sur les étagères...  (même pas une blague!)  Misère...

Les travaux ont finis par finir et ma bibliothèque par rouvrir.  La première fois que j'y suis allée, il y avait fête de la réouverture.  Un orchestre jeunesse composé de cuivres jouait juste en bas du nouvel escalier....  Mettons que les sons de tubas, répercutés par tous ces nouveaux espaces vides n'aidaient pas mon mal de tête naissant...  Le nouveau système informatique, un brin kafkien, non plus.  Et en plus, tout était blanc...  Pas juste les murs, non, les planchers, les étagères, les plafonds, TOUT est blanc dans ma nouvelle bibliothèque.  À en avoir mal au coeur!

Malgré tout, fidèle à moi-même, j'ai farfouillé dans ma nouvelle bibliothèque.  J'y aie trouvé une salle en référence à la généalogie, avec un cahier nommant tous les immigrants venus de France avant 1759, bien en place sur une table.  J'y aie fouillé un brin, parce qu'au fond de moi, reste une question: suis-je une descendante des Filles du Roy?  Du côté de ma mère, le plus lointain de mes ancêtres aurait pris racine en terre nord-américaine sous Jean Talon, alors...

Je ne l'ai pas trouvé dans les cahiers de généalogie, mais j'ai trouvé des noms très proches du mien du côté de mon père, avec une orthographe différente.  Les discussions familiales veulent que mes ancêtres paternels viennent de Provence et j'en aie trouvé, des courageux qui ont traversé l'Atlantique, à une époque où l'on pouvait autant y trouver la fortune... qu'y mourir.

J'étais là, en train de regarder la liste des immigrants en terre d'Amérique au temps du Régime français, au son discordant des tubas mal accordés et des trombones tonitruants, quand on a annoncé la fermeture de la bibliothèque.  Pas pour longtemps, non, juste pour la soirée.  La bibliothèque rouvrait le lendemain.  Retour à la vie normale en terre de bibliothèque.

En sortant, j'ai croisé un couple de jeunes au début de la vingtaine à l'accent distinct (né ici ou ailleurs?  sais pas!), qui se sont fait dire, par un responsable de la sécurité à l'allure haïtienne ou africaine (aucune idée!) que la bibliothèque fermait à six heures les vendredis.  Désemparés, ils sont resté quelques secondes devant l'entrée du temple du savoir qui leur était interdit pour quelques heures.  Je leur aie donné les horaires que j'avais pris sur une pile dans la bibliothèque.  Ils m'ont dit merci en français, avec un magnifique sourire, un brin déçu, certes, mais radieux.  Comme un lien discret avec mes ancêtres que je venais de fréquenter.  Eux aussi avaient immigré dans une nouvelle terre qui ne leur livrait pas tout ses secrets au premier jour.

Je suis retournée une seule fois depuis à ma nouvelle bibliothèque depuis, sans les trombones et les tubas.  Une de mes bibliothécaires m'a guidé vers la section que je cherchais, avec le sourire, comme dans le temps que je leur faisais sortir des livres de la réserve.  Je ne suis pas encore habituée à ma nouvelle bibliothèque.  Je cherche encore mes pénates dedans.

Dans l'antiquité romaine, les Pénates étaient des divinités mineures, propres à chaque famille.  Ma professeure de latin (au secondaire, époque lointaine!) nous avait dit d'eux que c'était des dieux discrets, effacés, des dieux du foyer.  Quand on disait regagner ses pénates, dans le fond, on parlait de rentrer à l'endroit où sur toute la terre, on se sent chez soi.  Ma bibliothèque, au fond, c'est un peu un chez moi.  On y a fait de sérieux changements, on a changé les murs, les plafonds, les planchers, mais j'espère y retrouver les bases de ce que j'y trouvais autrefois.

C'est pas encore parfait, mais j'espère bien retrouver mes pénates dans ma nouvelle bibliothèque.

@+ Mariane

jeudi 6 juin 2019

La grosse femme d'à côté est enceinte de Michel Tremblay

La grosse femme d'à côté est enceinte  Michel Tremblay  Nomades  284 pages


Résumé:
Le 2 mai 1942, rue Fabre sur le Plateau Mont-Royal.  Autour d'une famille vivant tous dans le même appartement, se tissent des histoires, grandes et petites, unissant tous ceux qui vivent dans cette petite rue.

Mon avis:
Il n'y a pas vraiment d'histoire dans ce livre.  Surprenant non?  Mais c'est le cas.  Et pourtant, le magique dans tout ça, c'est qu'on accroche quand même.  Parce que les personnages sont magnifiques avant tout, mais surtout parce que la langue qui les sert touche à un niveau rarement atteint.

Commençons par les personnages.  Chacun d'entre eux (et ils sont nombreux) a droit à son moment privilégié avec le lecteur, un moment où, à tour de rôle, chaque personnage, va voir sa vérité profonde révélée.  Pas par de grandes circonstances grandiloquentes, non, pas du tout.  On est dans le concret et le simple du quotidien.  Tous les personnages vont simplement vivre un moment où par des mots, pas des gestes, ils exprimeront quelque chose de puissant, de vrai, révélant les failles profondes de leur être.  Et tout au long de la journée, on va donc sauter d'un personnage à un autre, chacun avec leur histoire, chacun avec les dizaines de petites décisions différentes dans une journée qui finissent par définir le cours d'une vie.  Personne n'est parfait dans ce livre, mais les failles et les entêtements de chacun finissent par les rendre proche de nous.  On se reconnaît dans la colère d'Albertine, dans la faiblesse de Gabriel, dans la langue de vipère de Violette, dans les premiers frémissements de sensualité de Richard.  Les personnages de femmes en particulier, toutes autant qu'elles sont, touchent au sublime.

J'ai eu un peu de mal à démêler au départ qui était fils de qui et qui était marié avec qui dans cet appartement surpeuplé où règne un chaos de champ de bataille.  Pourtant, c'est la vie quotidienne qu'on y décrit, les disputes pour qui va en premier à la toilette, les tâches ménagères à faire, les balades au parc, le magasinage...  Rien d'extraordinaire au fond.  Mais sous la plume de Michel Tremblay, tout se transforme en toile de Vermeer.  Il a le don de mettre de la couleur par touches et de de pointer la lumière sous un angle tel qu'un geste du quotidien atteint le rang d'art.  Tout
ça, en utilisant une langue qui n'a pourtant rien de si artistique à part la manière de la manier.  Les tirades de Violette valent celles de Cyrano, mais elles sont livrées dans une langue tout à fait autre: c'est celle du peuple, du parlé populaire, avec ses expressions, ses inflexions, son accent et surtout, sa manière propre de déformer et de reformer les mots.  La graphie des mots dans le livre reprend la forme parlée, ce qui sort de l'ordinaire, mais donne en même temps sa texture au texte.

Je comprends pourquoi ce livre est un classique de notre littérature...  Même si au cours de cette journée de 1942, il ne s'est, au fond, rien passé d'extraordinaire.

Ma note: 4.75/5

lundi 3 juin 2019

La haute-couture et le prêt-à-porter

Salut!

J'ai une passion dont je parle peu, mais qui est bien présente: la haute-couture.  Oui, oui!  Moi, la fille qui passe ma vie en jeans et en souliers de course, j'aime beaucoup regarder les photos des défilés de mode et visiter les rétrospectives de créateurs au Musée des Beaux-Arts ou au Musée McCord.  J'avais adoré Yves Saint-Laurent et été très dérangée par Jean-Paul Gaultier.  J'ai vu d'autres expositions aussi.  Durant mon passage à Paris, j'avais profité de l'occasion pour visiter l'exposition sur Dior.  Et pour aller faire un tour dans la boutique de Chanel sur la rue de Gambon...  OK, ça ce sont des très beaux souvenirs!  Et vous pouvez être sûrs que je vais aller voir l'expo sur Thierry Mugler!

Pourquoi j'aime ça?  Ce n'est pas le côté quoi porter avec quoi qui m'attire dans la haute-couture. Entendons-nous, ce monde, essentiellement basé sur l’apparence, le diktat de la maigreur et sur des tenues immetable en dehors des soirées hollywodiennes est bourré de préjugés, de laideurs et peut être un broyeur pour les vies humaines.  Cependant, ce qui m'intéresse est moins le domaine des mannequins et des flash de photographies, mais plutôt le patient travail des petits mains qui créent les modèles.  J'aime l'art derrière le vêtement.  Et la haute-couture est dans ce sens une extraordinaire vitrine du talent incroyable de dizaines d'artisanes et de créateurs(trices).

En haute-couture, tout est fait à la main et tout est le fruit d'un long travail.  Je me rappelle une veste Yves Saint-Laurent qui reprenait la toile des Tournesols de Van Gogh.

Source de l'image: Pinterest
Source de l'image: Pinterest

Chaque perle était cousue pour imiter les coups de pinceaux de la toile originale.  En haute-couture, chaque point de broderie est le fruit d'une main qui a tenu une aiguille, tous les tissus sont faits en quantité limité et avec les meilleurs matériaux.  Les boutons, les dentelles, les rubans, tout est choisi pour qu'une tenue soit aussi une création unique.  Une robe d'une grande maison de couture peut avoir nécessité le labeur de dizaines de personnes pour des dizaines, voire des centaines d'heures.  Et c'est ça que j'aime.

Entendons-nous que ce n'est pas nécessaire pour le commun des mortels.  On a pas besoin de porter de telles tenues dans la vie de tous les jours.  Mais de savoir que ça existe, ça nous fait voir le reste des vêtements d'un oeil différent.  Est-ce que ça pourrait être mieux, est-ce que je pourrais ajouter une touche de créativité, est-ce que je pourrais rechercher quelque chose de différent?  Et puis aussi, sans aller dans autant d'extravagance et de détails, puis-je m'en inspirer pour la vie quotidienne?

C'est un peu comme ça que je vois la littérature dite populaire, qui répond à des impératifs de masse, de quantité et de facilité d'accès, comparé à la littérature plus littéraire, dont les objectifs sont beaucoup plus dans la recherche et l'esthétisme.  Les deux sont nécessaires.  L'une explore, repousse les limites, mais l'autre garde des préoccupations concrètes.  L'un est à la fine pointe de l'inventivité, l'autre reprendre des méthodes connues et éprouvées.  L'une demande du temps pour être appréciée à sa juste valeur, l'autre est accessible et facile à utiliser.

Les deux sont essentielles.  La seule différence, c'est que la haute couture, pourtant archi-élitiste et ultra-chère, est beaucoup mieux considérée que la littérature littéraire.  Et que personne n'est prêt à payer plus cher pour un livre de ce genre.

@+ Mariane