jeudi 27 septembre 2018

Shelton & Felter: 1- La mort noire de Jacques Lamontagne

Shelton et Felter  tome 1  La mort noire  Scénario et dessins Jacques Lamontagne Coloriste Scarlett Smulkowski    Kennes  46 pages


Résumé:
Boston, 1924.  Un cadavre est retrouvé, un rivet dans la main, noyé dans un liquide noirâtre... dans une ruelle.  Sa mort est-elle liée à celle de la grande inondation de mélasse qui a eut lieu cinq ans auparavant et qui a fait 21 morts?   D'autant plus qu'un autre meurtre survient, une autre personne liée au même événement et encore, un rivet dans la main.  Seulement, un ex-boxeur devenu journaliste, Isaac Shelton, convainc un libraire confiné dans ses petits habitudes et amoureux des chats, mais brillant observateur, Thomas Felter, de se joindre à lui pour trouver le vrai meurtrier... et au passage de lui offrir un scoop qui fera de lui un homme riche.

Mon avis:
Je me demandais depuis un moment quand Jacques Lamontagne commettrait le plaisir de faire une BD où il serait à la fois scénariste et dessinateur.  À l'exception des Contes d'outre-tombe (excellent recueil d'histoires fantastiques), je n'avais eu que très peu d'occasions de voir son travail dans les deux sièges simultanément.  Que dire de mon plaisir quand j'ai découvert que c'était le cas!

Nous voici donc face à un duo d'enquêteur improbable, soit Isaac Shelton, qui endosse le cliché du grand brave face un petit intelligent incarné par Thomas Felter.  Celui-ci est un libraire tranquille, mais amateur de roman policier, qui a développé un sens aigu de l'observation.  Le voir perclus dans toutes ses petites habitudes de célibataire endurci est une scène plutôt rigolote.  Il fera les frais des méthodes disons, plus directes de son partenaire. Il fera équipe avec Shelton à son corps défendant, mais le duo se révélera efficace, ce que Shelton étant prêt à faire compensant les scrupules de Felter et le sens de l'observation de celui-ci limitant les effets négatifs des emportements de l'autre.  Notre journaliste, également ex-boxeur obligé à la retraite à cause d'une blessure, est un arriviste, certes, mais assumé.  D'ailleurs, comme il s'agit d'une reconversion de carrière, le côté journalistique est moins bien défendu.  Les deux personnages principaux sont des archétypes, ce qui oriente l'histoire dans une certaine direction, ainsi que leurs interactions.  On frôle souvent le cliché, mais sans tomber dedans, ce qui démontre un talent certain de la part de l'auteur.

L'intrigue, qui mêle un événement historique avec une série de meurtres, ne surprend pas outre-mesure à la conclusion et les indices sont un peu trop plaqués vers la fin.  Tout est logique, mais je ne peux pas dire: ah, mais quel retournement!  En fait, j'étais plutôt surprise que ce soit ce personnage-là le meurtrier.  Je crois que c'est en lien avec le fait que les deux héros soient des archétypes: l'histoire est tout autant ancrée dans un certain genre aux codes très précis.  L'auteur relève très bien le paris de fonctionner avec ces codes, mais cela en enlève au côté surprise de la résolution de leur enquête.

Côté dessin, rien à redire: ils sont vivants, expressifs et complètement au service de l'histoire.  On sent le mouvement dans chaque case.  Si le cadrage n'est pas original, on peut plutôt penser que c'est lié aux codes de l'histoire racontée que par un manque de moyen de l'auteur.  Je souligne le travail de la coloriste qui a su rendre les tonalités de la ville de Boston des années 20, un mélange intéressant de bruns, verts et évidemment le noir de la mélasse qui traverse l'histoire.

Sincèrement, je crois qu'un jeune lecteur pourrait tout à fait trouver son bonheur avec cette BD.  Je crois que personnellement, j'ai trop de BDs lues en arrière de la cravate pour l'apprécier autant.

Ma note: 3.75/5

lundi 24 septembre 2018

Les trésors qui dorment entre deux couvertures

Salut!

J'ai longtemps eu un livre sur mes tablettes de bibliothèque, il a traîné là pendant des années.  À la faveur d'un défi, je l'ai lu.  Je ne l'aurais sans doute pas fait avant un très long moment si son auteur n'avait pas un nom qui commence par la lettre K et c'était ce dont j'avais besoin pour mon défi.  C'était un livre qui n'avait rien de particulier, il m'avait été offert en service de presse à l'époque où j'étais libraire, mais je l'avais déposé sur une tablette et je l'avais malheureusement oublié à travers tous les autres que j'ai à lire.  Quand je l'ai ouvert, sans aucune idée de dans quoi j'allais mettre les pieds, j'ai eu un tel choc et je n'ai pas pu lâcher le livre avant de l'avoir fini.  En le reposant, je me suis dit: mais pourquoi aie-je attendu tout ce temps avant de le lire???  La réponse était simple: je ne savais rien de ce livre, donc rien ne me portait à le lire.

Entre les deux ouvertures d'un livre se cache ce qui fait l'oeuvre en elle-même.  Parce que ce n'est pas sa couverture, son allure, son état général ou même son prix qui font la différence!  C'est le contenu qui fait un livre.  Et c'est quoi son contenu?  Une histoire, constituée de mots, de chapitres, de paragraphe, de pages.  Mais dire ça, c'est très résumé.  Parce que ce que je viens de décrire, c'est avant tout le côté matériel d'une oeuvre.  Au-delà de ça réside l'oeuvre elle-même.

On peut avoir des livres pendant des années sur nos tablettes, sans rien savoir d'elle et puis un jour, les ouvrir, après les avoir cent fois caressé des yeux, s'être cent fois dit, ah celui-là, faudrait bien que je le lise, avoir évité cent fois cette lecture parce qu'il y en avait d'autres de plus importantes et puis un jour, paf, on l'ouvre et c'est le choc.

Je suis une fervente partisane de la théorie du lien.  Pour ouvrir un livre, il faut avoir créé un lien entre celui-ci et le lecteur.  J'avais fait un billet sur le sujet il y a quelques temps.  Je pense toujours la même chose.  Sans ce petit fil qui va amener un lecteur vers un livre, la tâche est immédiatement plus ardue.  Est-ce pour autant impossible?  Non, absolument pas.  Ce n'est pas pour rien que des équipes de marketing existent: ils sont là pour créer cette émotion, pour créer ce lien, pour faire le travail entre le lecteur et le livre.  Sans quoi souvent, le meilleur des travail restera sur la tablette.

Ouvrir un livre dont on ne connaît rien est un exercice étrange.  Tout est à découvrir, c'est comme arriver en Amérique sur la Santa Maria de Christophe Colomb: tout est à découvrir et on a pas de repère pré-établis pour les tracer.  Il faut avoir l'esprit ouvert.  Pourtant, bien des trésors dorment entre deux couvertures de livres.  Peut-être pas toujours, mais si personne ne vous a dit qu'il y avait un trésor à cet endroit, auriez-vous franchi le pas?

Lire des livres dont on ne sait rien est à double tranchant: d'un côté, comme on a pas de pré-avis, on doit se forger notre opinion nous-même, ce qui fait de ce livre une chose merveilleuse.  C'est une totale découverte.  De l'autre, on a aucune garanti que l'on ne tombera pas sur un navet total.  C'est prendre un risque.

De nos jours, en tant que lecteur, qui prend réellement des risques?

@+ Mariane

jeudi 20 septembre 2018

Avance rapide de Michael Marshall Smith

Avance rapide  Michael Marshall Smith  Bragelonne 298 pages


Résumé:
Stark est une espèce de détective privé, caféinomane et fumeur compulsif qui vit avec son chat Spangle dans un futur où le moindre recoin de l'Angleterre est couvert de quartiers aux attributs fixe: l'un est le Coloré où la couleur prend toute la place, un quartier est dédié aux chats (:D ), un autre est fait pour les fonctionnaires hyperactifs...  Lorsqu'un fonctionnaire aux plus hauts niveaux de ce quartier est porté disparu, on l'engage pour le retrouver.  Vous avez compris?  Excellent!  Vous êtes largués.

Mon avis:
Résumé ce livre est à la fois facile et complexe, parce que si l'auteur nous met dans une direction au départ, il s'amuse ensuite, tout en gardant toujours une ligne narrative fixe, à brasser dans le lecteur dans toutes les directions: rien n'est jamais ce que l'on croit.  Cependant, il ne s'agit pas de détours, ni de rebondissements, c'est juste l'histoire, qui par une étrange volonté, semble se plier dans tous les sens.  Au centre, le détective, qui est aussi le narrateur, n'aide pas.  À plusieurs reprises, il va se jouer de nous, brisant le quatrième mur, en nous disant, par exemple, «j'ai pensé à un truc, je vous en reparlerai si c'est utile» et quand le truc en question devient utile, le lecteur comprend à quel point, en effet, ça aurait été utile de le savoir plus tôt!  Si, au départ, en lisant ce livre, on pense tomber dans un bon vieux SF classique, le livre s'en éloigne, joue avec le concept comme s'il était dans les pattes d'un chat fou et devient autre chose, comme un méta-livre de SF.  Il y a une mise en abîme dans une mise en abîme, mais le narrateur nie le tout et nous fait penser autre chose.  Bref, c'est un roman qui déconstruit le genre et qui à la fois, le reconstruit.  Un roman pourtant solide qui se lit d'une traite, avec beaucoup de moments d'actions, un humour absurde et une façon de jouer, avec les règles de la SF ET du roman, absolument uniques.  La préface est louageuse à un tel point qu'en la lisant, j'ai secoué la tête en me disant, mouais, on verra bien!  Pour une fois, c'était mérité!  Bref, c'est un petit bijou, mais avec un petit détail à la fin qui m'a laissé une drôle d'impression a un peu gâché l'ensemble, mais pour le reste, c'est un plaisir débridé à s'offrir!

Ma note: 4.5/5

lundi 17 septembre 2018

Ah, faut que je te raconte cette histoire-là!

Salut!

Adolescente, je me rappelle qu'une amie de la famille avait raconté un accident de voiture qui lui était arrivé quelques années auparavant.  Elle avait vraiment le don de raconter!  Elle nous a décrit les tonneaux effectués par la voiture, les yeux ronds, en tournant son index devant elle pour mimer les mouvements de l'auto et en disant: «Je voyais le ciel, la terre, le ciel, la terre».  Bon, c'est sûr que de la raconter comme ça n'a pas le même effet, mais à l'époque, avec son ton et les expressions de son visage, on était tous pliés en deux.  La preuve, vingt ans après, je revois encore son expression, son index qui fait des ronds en l'air et j'en ris encore toute seule!  Après la fin de son histoire, elle a pris une mine triste et a ajouté: «Ok, là je la raconte et tout le monde rit, mais dans le fond, quand c'est arrivé, c'était pas drôle.»

Seulement voilà, ça faisait des années qu'elle la racontait cette histoire.  À la force, elle avait fini par adopter des mots, des expressions de visage, des formulation, des intonations, qui avaient transformé une histoire pas drôle du tout en histoire désopilante.  Bien sûr, elle avait sûrement oublié des détails avec les années et d'autres avaient grossis.  Elle racontait le même événement, mais elle l'avait tellement raconté qu'en-dehors des événements réels qui ont eu lieu, une histoire personnelle était devenue une histoire en soi.

Le même genre de chose arrive à tout le monde.  On a tous une histoire qu'on a tellement raconté souvent qu'on finit par la raconter pratiquement de la même façon à chaque fois.  Personnellement, c'est l'histoire de la première cuite de mon frère que je raconte encore et encore (sans rancune Frérot!).  Je l'ai tellement raconté cette histoire qu'à la longue, je la raconte presque par coeur!  D'ailleurs, ça me fera un plaisir de vous la conter si on se croise un jour...

Collectivement, on finit par avoir tout pleins d'histoire de ce genre, avec une façon de raconter qui nous ressemble.  Au Québec, si on vous dit, c'est l'histoire d'un gars, vous savez qu'on va vous raconter quelque chose chose, peut-être que ce sera vrai, peut-être pas, mais la chute risque d'être drôle!  Non, non, attendez, il faut le dire correctement.  Sortez votre accent québécois du fin fond de la campagne et dites: «Eune foi, s'té gârs...»  On le sait instinctivement.  Tout comme on s'attend à ce que la personne qui raconte utilise un certain vocabulaire, un certain rythme dans sa façon de raconter, un certain nombre d'effets, en paroles ou en expressions du visage, pour souligner un rebondissement de l'histoire, ou sa chute.  Tout ça fait autant partie du récit que les mots qui servent à les raconter.  Raconter ça à un Français fraîchement débarqué et il n'en comprendra pas les codes...

Autrefois, ces histoires étaient encore plus fortes, surtout avant que l'écrit ne soit devenu courant.  Les histoires qui étaient racontées de générations en générations étaient importantes et formaient la toile de fond de l'imaginaire.  Que les histoires soient racontées autour du feu, à côté du poêle ou avant que les enfants ne s'endorment, qu'ils aient une valeur morale ou de pur divertissement, ces histoires avaient toutes un petit fond de vérité quelque part.  Elles partaient d'un événement, puis les gens racontaient l'histoire, en oubliait un détail, en ajoutait un autre pour ajouter au côté dramatique ou comique et ainsi naissait ce qu'aujourd'hui on appelle une tradition orale.  Et c'est ainsi que pendant longtemps, avant l'apparition de l'écrit, la mémoire des faits passés se transmettait.

J'ai été à une exposition l'été dernier qui parlait de l'expédition Franklin au Musée canadien de l'histoire.  Dans un coin, on pouvait écouter un Inuit raconter une histoire qui était transmise de génération en génération concernant la visite du premier Européen moderne dans le Grand  nord Canadien, soit celle de Martin Frobisher, en... 1578.  Certains détails étaient très précis et c'était surprenant de constater à quel point ces histoires, du genre de celles que l'on se raconte le soir avant d'aller dormir, pouvait être porteuse de sens et de mémoire.  Et dans ma tête est surgie cette histoire, racontée par une amie de la famille, quand je ne devais avoir que quinze ans.  Cela faisant des années, mais mon souvenir était encore vif.  Je me suis alors dit que ces histoires racontées de génération en génération, elles existent encore, elles se perpétuent encore, parce qu'on sait encore les raconter, parce que la structure qui permet de les raconter, est encore là.  Elles le sont avec moins de force, parce qu'elles sont concurrencées par tant d'autres façons de raconter des histoires.   Mais, la trame de fond, elle, elle reste.

@+! Mariane

jeudi 13 septembre 2018

Nunavik de Michel Hellman

Nunavik  Michel Hellman  Pow Pow


Résumé:
Michel Hellman, papa d'un adorable bébé et auteur de BD, se voit demander par son éditeur la date de sortie de la suite de sa première BD, Mile-End.  Sauf que la muse le fuit.  Après réflexion, il décide de réaliser un rêve de jeunesse en allant visiter un lieu qui le passionne depuis longtemps: le Nunavik!

Mon avis:
Ce genre de livre s'inscrit dans la ligne des récits de voyage où un néophyte débarque en plein milieu d'un espace aux accents exotiques pour le lecteur occidental moyen et nous entraîne dans ses petites et grandes aventures.  Ici, c'est la proximité que l'auteur est capable d'établir avec le lecteur qui fait toute la différence.  Michel Hellman n'a certes pas le talent et l'expérience d'un Guy Delisle, mais il a su tirer son épingle du jeu en utilisant une petite chose bien simple: sa propre personnalité.  Le genre a ses codes, mais l'auteur a sa vision et son parcours qui nourrit sa BD, ainsi que sa propre patte de dessin.  Ce petit gars de la ville débarque dans le Grand Nord et y fera des constatations pas toujours rose par rapport à sa vision un peu naïve: l'un des premiers blancs qu'il croise est un dealer de drogue qui ne se cache même pas!  La plupart des Inuit qu'il croisera seront ouverts, sympathiques et tout à fait prêt à faire découvrir leur univers à ce petit gars perdu loin de chez lui.  Mais pas naïfs par contre.  Le commentaire de l'un d'entre eux, qui raconte une blague disant que chaque famille inuit compte un père, une mère, des enfants et un anthropologue fait réfléchir...  Le dessin est très crayonné, genre fait sur le coin de la table, mais je suis sûre que c'est avant tout une impression.  Il doit y avoir beaucoup de travail derrière les résultats.  J'ai eu comme une impression de redite au milieu de l'album, comme si l'auteur avait d'abord publié ou prévu publié l'ensemble en deux parties et avait fait un rappel.  Rien qui dérange, juste quelque chose que j'ai remarqué.  En tout cas, cette virée au Nunavut est dépaysante et remets beaucoup de nos notions habituelles de rapport au territoire en question: face à de si grands espaces, les notions de propriété, d'espace personnel ou de frontières perdent leur sens.  La découverte de ce bout de pays permet de mieux le comprendre également.  J'en aurais pris plus, mais je comprends que l'auteur n'avait pas le budget pour rester 6 mois au Nunavik...

Ma note:  4.25/5

lundi 10 septembre 2018

Tannée des années 60...

Salut!

Quand je regarde les films marquants des dernières années au Québec, il me semble qu'ils ont souvent un point en commun: ils se passent dans les années 60 ou encore dans les années 70.  Comme si ces deux décennies, certes marquantes de l'histoire du Québec contemporain, n'en finissaient plus de nourrir encore projection et idées.   C.R.A.Z.Y. se déroulaient à cette époque.  Sorti cette année, Les rois mongols aussi.  La Passion d'Augustine il y a trois ans également.  Bon an mal an, il y a chaque année un film qui parle des années 60 qui débarque sur les écrans.

Mais ce n'est pas que ça.  C'est l'avalanche de documentaires sur cette période qui reviennent années après année.  2017 a constitué un record par son nombre de cinquantièmes célébrés.  Le moindre événement s'y étant déroulé a droit au tapis rouge pour sa commémoration et les héros de cette époque ont droit aux honneurs quand ils passent l'arme à gauche.  Cela m'avait frappée au moment de la mort de Jean Béliveau.  On aurait dit que les bulletins d'information et le contenu des médias avaient été tapissés à ses couleurs pendant trois jours avec reportages à l'appui et commentaires des animateurs radios à l'avenant.  La couverture médiatique de ce décès avait été intense.  Quelques mois plus tard, un comédien qui a marqué ma jeunesse, Hugo St-Cyr, est mort d'un cancer.  Il y a eu une brève mention dans la chronique culturelle.  Peut-être au bulletin de nouvelles, mais je n'en suis même pas sûre.  La différence de traitement m'a révoltée.

Héros des années 1960, soyez assurés que vous ferez les grands titres.  Certes, votre génération a fait bouger les choses, vous avez été nombreux à en faire des grandes, mais le problème c'est que vous n'êtes pas les seuls.  Combien de films ont été faits sur le référendum de 1980, alors même que le tissu narratif est des plus riches?  Combien sur celui de 1995?  Combien de films sur le verglas?  Ou tout simplement, combien évoquent les décennies 1980 et 1990?  À l'exception notable des films de Riccardo Troggi, les nostalgiques de ces décennies n'ont pas grand chose à se mettre sous la dent.  Et pourtant...

J'ai abordé le sujet avec mes parents.  Ils m'ont répondu quelque chose du genre: «Tu n'as pas connu cette époque-là, ce grand chamboulement.  IL y avait une énergie à l'époque qui était incomparable.  C'est dur à comprendre pour quelqu'un qui ne l'a pas vécu.»  C'est vrai.   Je ne l'ai pas vécu.  J'ai étudié ces années-là en cours d'histoire, mais je n'aie pas vécu la chape de plomb qui a précédé, ni le grand déblocage qu'ils ont constitué.  C'est un mythe pour moi, un mythe porteur, mais comme tous les mythes, cette décennie appartient au passé, à l'histoire, pas au présent.  Et moi je vis au présent.  Je suis une fille des années 80, qui a grandi dans les années 90 et qui a émergé au monde dans les années 2000.

Il s'en est passé des choses.  Autant, que dans les années 60.  D'une manière différente, avec d'autres événements, d'autres personnes, mais il s'en est passé.  Ce ne sont pas des décennies drabes.  Elles sont aussi flamboyantes que les années 60.  Si vous pensez aux vêtements de l'époque, et que vous vous dites, c'est pas comparable!, je vous invite à faire des recherches sur les coupes de cheveux et les épaulettes du début des années 80 ou la mode du fluo dans les années 90...  L'informatique grand public est né dans les années 80, les vidéoclips ont débarqué dans les années 80, l'internet est arrivé dans les années 90, pour ne nommer que ces exemples!  Simplement, on dirait que les cinéastes et les scénaristes sont encore peuplées de gens ayant vécu leur enfance deux décennies avant moi.  Il est un peu normal pour eux de retourner à leurs racines.  Ce ne sont pas les miennes.  Je ne m'y retrouve pas.

Quand j'ai vu le film Dédé à travers les brumes, j'ai eu comme une sorte de révélation.  Je me retrouvais dans ce film.  C'était mon adolescence, ma jeunesse, c'était la musique, la pub, les vêtements, les expression, l'allure, le ton d'une époque.  L'énergie aussi.  C'était, sans doute pour une rare fois, un film québécois dans lequel je me retrouvais.  J'ai mis du temps à mettre la main sur le DVD, mais depuis, je regarde le film au moins une fois par année.

Par la suite, j'ai commencé à remarquer le nombre de livres qui se publiaient sur des artistes ou de politiciens qui ont fait carrière durant les fameuses sixties.  Nommez-les tous, à tour de rôles, ils ont ont pondu leur ouvrage.  Je n'ai rien contre ce fait et j'avoue que bien des personnalités plus jeunes ne méritent pas nécessairement une biographie tout de suite, mais tout de même, le clivage est important.  On dirait que l'on retourne toujours à cette décennie, mais elle est terminée depuis 50 ans...

Il faudrait arrêter de nourrir notre imaginaire collectif majoritairement sur les années 1960.  C'était une période marquante, mais elle est terminée.  Beaucoup d'événements plus récents ont plus d'impacts sur notre vie quotidienne que les décisions prises dans les années 60, mais on dirait que collectivement, nous sommes incapables de s'affranchir de cette décennie.  Mais il faudrait bien le faire un jour, on ne peut pas toujours vivre dans le passé.  Aller plonger dans les décennies qui ont suivi pourraient aussi, collectivement, nous faire comprendre que notre société n'est plus du tout au même point qu'il y a 50 ans et que ce ne devrait plus nécessairement être le seul point de repère culturel.  Je crois sincèrement que sur ce point, les livres et les films peuvent vraiment aider à comprendre et à avancer.  Le discours que l'on fait sur notre passé éclaire souvent la vision que l'on a de notre présent.  Alors arrêtons bon sang de croire que tout été fait avant 1980!

@+! Mariane

lundi 3 septembre 2018

Le Grand défi de la littérature québécoise 2018-19

Salut!

Après une longue absence de quatre ans, le Grand défi de la littérature québécoise est de retour!  J'avais fait le défi en 2014-2015, un défi dont je garde de bons souvenirs, même si en relisant mon bilan, je pense que finalement, en le terminant, j'étais surtout écoeurée...

Ce qui ne m'empêche pas de recommencer!  Parce que j'aime les défis, parce que j'aime découvrir des choses, parce que ça peut être excellent pour faire baisser ma PAL (ou faire augmenter ma LAL...), bref, pour un paquet de raisons, je me relance.  Par contre, voilà, mes souvenirs de la dernière édition sont encore assez présents pour que j'essaie de ne pas refaire les mêmes erreurs.

Cette édition comporte quelques changements avec la première édition*.  Certains sont essentiellement cosmétique pour ne pas refaire la même chose deux fois.  D'autres n'ont pas été faits, mais auraient mérité de l'être.  Par exemple, passer de la première lettre du nom de famille à la première lettre du prénom, même si c'est pour faire de la variété est un peu facile (J'avoue qu'il ne restait plus grand auteur avec un nom de famille commençant par X au Québec...  Ce sera pas plus facile pour un prénom!).  Même chose pour l'année de naissance au lieu de l'année de publication (essayez de trouver un auteur ayant publié un livre né au XXIe siècle vous... ou même après 1995!).  Le changement de l'auteur originaire de toutes les régions administratives du Québec à là où se passe l'histoire par contre, excellente idée.  C'est certes moins évident pour les recherches, mais ça rend le défi intéressant!  Idem pour la scène de tourtière dans un roman!  (si vous avez des idées, faites-moi signe!)

J'ai par contre une certaine déception par rapport aux modestes changements apportés au volet genres littéraires.  Il y a encore cette année un recueil de poésie et un collectif de poésie.  Dans le cadre de ce défi, il me semble que c'est mettre beaucoup d'attention sur un genre littéraire qui est certes important, mais qui n'est pas particulièrement vivant sous le format de collectif sauf pour des anthologies.  Contrairement à la nouvelle dont plusieurs excellents recueils sont parus au cours des dernières années.  Et déception sur ce point, on aurait facilement pu remplacer le collectif de poésie par un périodique littéraire, ce qui aurait été beaucoup plus pertinent (il est autorisé pour les collectifs de nouvelles ou de poésie selon les règles officielles, mais ça aurait mérité une catégorie à part à mes yeux.)

J'aurais aussi aimé voir quelque part dans cette section un regard sur la littérature de la diversité, particulièrement en ce qui concerne la langue.  On l'oublie facilement, mais des auteurs comme Heather O'Neil et Mordecaï Richler ne sont souvent pas considéré comme des auteurs québécois, même si leurs histoires se passent ici, dans les mêmes rues et dans la même ville que Michel Tremblay, simplement parce qu'ils n'ont pas écrit dans la même langue.  On pourrait aussi inclure certains auteurs yiddish qui ont à une époque été une part importante de la population montréalaise.  Quand au reste du territoire québécois...  Quelqu'un a sans doute deviné que je faisais ici allusion aux littératures des différentes nations autochtones du Québec.  S'il y a bien un défi qui devrait permettre d'élargir les horizons de la littérature produite au Québec, c'est bien celui-ci!  Je n'en apprécie que davantage l'ajout de la littérature LGBTQ dans la section Extras.  Dernier point, lié au précédent, comme me l'a fait remarquer un ami, on pourrait quasiment faire ce défi en ne lisant que des hommes, mais passons sur ce détail...

Bref, il y a du mieux, il y a des trucs qui vont me donner des cheveux blancs et il y a de la nouveauté.  Mais surtout, il y a une nouvelle façon d'approcher le défi.

De un: prévoir surtout des lectures qui me tentent d'abord et avant tout.  Grande leçon de la première édition, ça dure un an...  Donc, si je veux avant tout remplir toutes les petites cases, autant prendre en premier des livres qui m'intéressent vraiment, même si ça veut dire choisir un livre hors de ma PAL ou de ma LAL.  Je sens que la bibliothèque va m'être utile!  D'autant plus qu'ils finissent l'agrandissement de celle pas trop loin de chez moi dans quelques mois!

De deux: répartir les lectures plates sur l'ensemble du défi.  Trop d'un coup donne juste envie de tout balancer par-dessus bord.  J'inclus ici les deux livres de poésie à lire en ce qui me concerne, mais aussi, sans doute, celle de plusieurs auteurs que je vais lire juste pour avoir des points bonus!

De trois: ne pas viser tous les bonus.  S'il faut se taper plein de livres ennuyants pour en avoir un, ça ne vaut pas la peine!

De quatre: moins de pression...  Je sens que je ne vais pas atteindre des sommets comme en 2014-2015...  Je me fixe un objectif beaucoup plus réduit, soit 150 points.  Pour le reste, on regardera en cours d'année ce que cela va donner.  Ça fait quand même pas mal de bouquin à lire!  Et même mon 150 points, je sens que je vais le subdiviser en plus petites unités pour ne pas trop m'alourdir la tâche!

De cinq: j'ai quelques réserves sur certaines catégories qui devraient à mon avis être incluses dans le défi et qui n'y sont pas.  Défi personnel: trouver des livres qui y correspondent et les lire!  Peu importe où je vais les caser, je vais essayer d'inclure moi-même ces notions dans ma propre participation au défi.

Bon, trêve de bavardage, il est temps de se lancer dans les lectures.  Donc, pas de surprise s'il y a un recueil de poésie dans les trucs en cours de lecture... (soupir)

Bonne chance à tous les participants!

@+ Mariane

*Je vous encourage à aller consulter le fichier excel pour comprendre mieux mes commentaires.