jeudi 30 avril 2020

La physique des catastrophes de Marisha Pessl

La physique des catastrophes  Marisha Pessl  Gallimard  Folio 817 pages


Résumé:
Bleue van Meer vit avec son père, professeur universitaire vagabondant d'une faculté à une autre, et ce depuis la mort de sa mère.  Pour sa dernière année, et pour lui assurer le maximum de chance de finir major de promotion afin de sécuriser une place à Harvard, son père s'ancre à Stockton, en Caroline du Nord.  Elle y fera la rencontre de Hannah Schneider, une professeure de cinéma qui a rassemblé autour d'elle une bande de jeunes, à la fois intelligents et fragiles, comme un petit club qui se réunit chaque dimanche après-midi.  Entre ces jeunes, ce professeur fascinant et ce père fantasque, féru de culture, de citations et de pavés universitaires, Bleue devra commencer à défiler un écheveau qui la dépasse.

Mon avis:
Il y a des livres qui sont durs à critique.  Je ne sais juste pas quoi dire sur eux!  Il y en a d'autres qui au bout de quelques dizaines de pages ont déjà entraîné la prise de dizaines de notes mentales et un sentiment de délectation à l'idée de la rédaction.  C'est le cas de celui-ci.

Je vais parler des trois grands éléments qui marque ce livre, le linéaire, le méta et le caché.  Parce que ces trois éléments s'imbriquent, se chevauchent, jouent les uns avec les autres tout au long du livre.  Le linéaire, c'est l'histoire de Bleue au quotidien: sa vie avec son père, celle à l'école où elle est tout entière centrée sur l'étude, celle avec le Sang-Bleu, une petite bande tournant autour de la professeure Hannah Schneider.  Le méta, c'est Bleue qui écrit sur elle-même, quelques mois après, écriture qui est enclenchée par le suicide d'Hannah (pas un punch, elle en parle dès l'introduction), à la fois analysant et cherchant à comprendre ce qui s'est passé.  Et il y a le caché, qui concerne un personnage en particulier, quelque chose qu'on ne voit pas venir à dix kilomètres à la ronde, mais je ne dirais rien là-dessus parce que le livre fait près de 800 pages et c'est l'un des délices de celui-ci que de comprendre cette partie de l'intrigue.  Les trois éléments s'imbriquent, mais si on est centré sur le linéaire, le méta s'impose et le caché finit par nous sauter dans la face à un moment.  Bref, c'est un travail de réflexion sur une mise en abîme d'une même histoire et ça en fait un récit fascinant à lire car la lecture est toujours à plusieurs niveaux.

Même dans la structure du livre, on sent cette influence.  Comme ce qu'elle connaît le mieux est la culture universitaire dans lequel elle baigne depuis sa petite enfance, Bleue rédige le livre comme une thèse de doctorat, en citant ses sources.  Par exemple, elle a surnommé les petites amis occasionnelles de son père les Sauterelles, elle nous met la référence d'un livre pour trouver plus d'informations sur les sauterelles, titre, auteur, éditions, année de publication.  Et c'est partout dans le livre, autant pour une référence littéraire que pour une définition d'un phénomène politique.  Ensuite, elle fournit des références visuelles à son analyse, constituée de photos avec légendes.  Et le livre se finit (je ne donne pas de punch en disant ça) par des questions d'examens pour savoir si nous avons bien compris son histoire!  Détail intéressant, chaque chapitre est intitulé d'après une oeuvre littéraire qui donne une idée de ce qui s'y passera.  Il y a un chapitre sur Madame Bovary, un autre sur Les liaisons dangereuses, un sur Portrait de l'artiste en jeune homme...  Mettons que lorsque l'on voit Justine ou les injustices de la vertu ou La métamorphose, on sait que l'on va plonger dans un chapitre fascinant.  Toutes ces références croisées donne un ton, une allure au récit, parce qu'on croise à tous moments le linéaire, le méta et le caché, jusque dans ces petits détails-là.

C'est le talent incomparable de conteuse de l'auteure qui fait le reste.  Il faut le dire, c'est une brique de 800 pages et partant, ça prend un sacré souffle pour garder l'attention du lecteur, d'autant plus qu'à prime abord, il ne se passe pas grand chose!  C'est le récit de la dernière année de secondaire d'une adolescente plutôt coincée, qui ne voit le monde que par le prisme universitaire et culturellement assez pointu dans lequel son père l'a élevée qui tout à coup, est confrontée au reste de la vie.  Il ne se passe rien, mais il se passe tout à la fois.  C'est dur à expliquer, mais de petits insignifiances, l'auteure réussit à nous tracer un récit qui tient la route qu'on tourne les pages, en se demandant un peu pourquoi à certains moments, mais on continue à tourner les pages.  Et à la fin, on comprend un peu mieux pourquoi on l'a fait!

Est-ce qu'on accroche à cause des personnages?  Pas du tout!  Même Bleue reste un personnage assez naïf, pas particulièrement débrouillarde et assez pied dans les plats, plutôt mal étoffé.  Pourtant, on la suit, peut-être pas tant avec intérêt pour elle que pour ce qu'elle vit.  Cela peut paraître bizarre, mais les actes de Bleue sont plus intéressants qu'elle-même et c'est dans son regard au scalpel qu'elle porte sur tout que réside l'intérêt de ce personnage.  N'oublions pas que c'est elle-même qui rédige le texte et elle le fait à la manière d'une thèse universitaire.  D'ailleurs, on explore très peu la psychée des personnages.  Ce qui s'applique à Bleue s'applique également aux autres.  On observe de petits détails à leurs sujets, on comprend leurs manies, leurs motivations, mais ils sont autant de rats de laboratoires sous la plume de Bleue.  Ce texte respire l'analyse, pas une plongée dans les tréfonds de l'âme humaine.  Alors pourquoi y reste-t-on scotchée?  Le talent de conteuse de l'auteure.  Rien d'autre.

Ça prend quand même une certaine volonté pour passer au travers d'un texte aussi long, surtout rédigé de la façon dont il l'a été, mais ça reste un exploit littéraire d'une certaine façon.  En ça réside le génie du livre: tout est là, tout est sous notre nez et pourtant, on doit s'interroger autant que Bleue en train de le rédiger pour le comprendre.

Ma note: 4.5/5

lundi 27 avril 2020

Et pendant ce temps, je marche

Salut!

Depuis le début de la pandémie, je suis un peu comme tout le monde: je ne peux pas sortir, je limite mes sorties au strict essentiel et je passe le reste du temps chez moi.  Par contre et comme c'est permis, je ne me gêne pas pour sortir marcher ou courir.  Étant donné que ça devient les seules occasions de mettre le nez dehors, ce sont aussi mes seuls contacts avec la vie en dehors du monde virtuel.  Et mine de rien, ça développe des réflexes.

La marche, c'est quelque chose que j'ai beaucoup pratiqué lors de mes voyages à l'étranger.  Paris, Édimbourg, Edmonton, soit quelques-unes des villes que j'ai visité dans les dernières années, je les aies explorées à pied.  C'est un excellent moyen de découvrir.  La voiture est bien, l'autobus aussi, mais ces moyens de transport impliquent une vitesse de déplacement supérieure.  La marche garde le corps actif, plus éveillé, plus alerte.  Et comme on se déplace lentement, mais que l'on doit observer autour de nous pour évité les obstacles, on capte beaucoup plus de détails, ici et là, que l'on aurait la possibilité de le faire autrement.

Ces temps-ci, et parce que ce sont les seuls moments où je mets le nez dehors, les infimes différences du milieu dans lequel je vis pourtant depuis des années me sautent aux yeux.  Comme il y a beaucoup, beaucoup moins de bruits ambiants, je réapprivoise d'autres sons et j'en découvre d'autres.  Souvent, je peux entendre le chant des oiseaux, le chuintement des griffes des écureuils sur les arbres, les battements d'ailes des oiseaux...  Toutes des choses que l'on a moins de chance d'entendre quand dix véhicules passent à côté de vous à la minute!

Mais il y a aussi tous ces petits détails.  Je n'ai rien à voir d'autre que ce que je vois au cours de ses sorties, rien à penser au-delà de mon quotidien, alors, je regarde.  Ah tiens, voici une maison aux fenêtres pleines d'arc-en-ciel.  Je m'amuse de voir toutes les traductions de Ça va bien aller à l'anglais (mon quartier est fortement billingue) et je ris en voyant que personne ne semble s'entendre sur la bonne.  (On comprend mieux la frustration des traductions de l'anglais au français en voyant ça!)  Cette maison a des volets bleus, je n'avais jamais remarqué.  L'entrée de pavés unis de cette maison a la forme d'un bouquet de fleurs!  La rivière a baissé, fiou, on va éviter les inondations cette année!  Cette boîte aux lettres a une magnifique peinture de chiots.  Ah tiens, il y a des fleurs qui commencent à pointer dans ce parterre...  Et bon, les pissenlits aussi.

J'ai plus de temps pour prêter attention.  Comme je me déplace beaucoup à pied, je remarque même des commerces où je n'ai jamais mis les pieds qui sont encore ouvert.  Je vois que la vie continue, même confinée.  Les enfants envahissent les rues, en quête de leurs premières expériences à bicyclette.  Les aînés marchent lentement et dans mon quartier, on les évite soigneusement en leur faisant un large sourire complice (c'est leur seule sortie!).  Je croise d'autres marcheurs, d'autres coureurs et on se fait des signes de la main, des sourires, des pouces en l'air.  L'autre jour, de l'autre côté de la rue, un homme aux traits antillais m'a lancé un très joyeux, hello sister! auquel j'ai répondu sur le même ton.  L'aurait-on fait si la marche des jours avait continué comme de routine?

Non, ce que l'on vit n'est pas idéal, c'est même très dur certains jours.  Je dois avouer que sortir est l'une des choses qui m'aident à garder le moral à flot ces temps-ci.  Ce n'est pas toujours simple, alors on fait au mieux.  Ça oblige à porter un autre regard sur le monde et comme c'est la seule chose que l'on a sous les yeux, les choses se transforment, prennent un autre aspect, une autre teinte en ce moment.  Du moins j'ai l'impression.  Je ne sais pas si je suis la seule.

Bref, le monde continue à tourner, même au ralenti, même en pandémie.  C'est notre regard sur lui, la vitesse à laquelle on l'appréhende qui change.  On est chanceux, on vit tout ça au printemps, au moment où la nature se réveille de son long sommeil.  Ça aurait été pire en automne.

Ah oui et je suis aussi aux premières loges pour constater que des chats, ça dort vraiment seize heures par jour à longueur de semaine...

@+ Mariane

vendredi 24 avril 2020

Le mystère des Sylvaneaux de Joël Champetier

Le mystère des Sylvaneaux  Joël Champetier  Alire  528 pages


Résumé:
À Contremont règne le roi Japier, inconsolable depuis la mort de sa femme la reine Anne.  Sur ses terres vit un Agg, une ancienne race qui se nourrit de chair humaine¸ Barrad.  Tous les cadavres de Contremont lui sont envoyés pour être dévorés.  Sauf que le chef des armées, profitant de la faiblesse du roi et ne voulant pas finir en pâté pour Agg, décide de chasser Barrad.  Celui-ci fou furieux, prend le roi en otage et demande en échange quelque chose de rare, quelque chose de précieux, quelque chose d'impossible: un sylvaneau.

Mon avis:
La première chose qui m'a frappé, c'est que si ce livre respecte toutes les apparences des romans de fantasy épique, il n'en est pas un.  Parce que si les situations et les personnages de base est à l'avenant, le traitement ne l'est pas.  Les personnages (un vieux sage, un jeune serviteur futé, un général d'armée ambitieux, un roi puissant, mais sage, une jeune princesse dégourdie, une chasseuse habile au combat) ont les habits des récits épiques, leurs personnalités sont plus complexes, plus nuancées, en un mot, plus humaines que ne l'exige ce genre de récit.  Ils font des erreurs, ont parfois l'air idiot, ne triomphent pas de leurs épreuves dans de grands mouvements grandiloquents.  Non, ce sont des humains ordinaires, plongés dans des circonstances extraordinaires.

Le style du récit montre aussi que l'auteur s'est amusé à jouer avec les codes du genre.  À quelques reprises, il fait prendre des détours à l'histoire et nous emmène là où on ne s'y attend pas.  L'écriture est fluide, mais on sent l'adaptation du roman jeunesse au roman adulte à plusieurs moments.  C'est parfois un peu trop enfantin et à d'autres, non.  De plus le livre couvre deux histoires complètement différentes et liées uniquement par un personnage.  Ça n'aide pas beaucoup à créer un sentiment d'unité.

N'empêche, il se dégage une grande impression de réel, de vivant de cette histoire.  Les personnages sont loin d'être en carton-pâte et les lieux où ils vivent sont incarnés.  On sent la vie quotidienne du château et de ses habitants en quelques lignes.  Chaque lieu qu'ils visitent respirent, même si ils sont parfois décrit en quelques lignes.  C'est sûrement lié aussi à la profonde humanité des personnages: comme eux, les décors participent à l'histoire, avec leurs forces et leurs petites imperfections qui les rendent si réalistes.

Ce n'est peut-être pas un grand roman, mais c'est un roman qui s'adresse à tous les âges et à tous les publics.  On peut le mettre autant dans les mains d'un enfant que dans les mains d'un adulte.  Et juste ça, en soi, c'est un exploit!

Ma note: 4/5

lundi 20 avril 2020

De la géographie: Des bijouteries et des boulangeries

Salut!

De mon infernal cours de géographie humaine, je garde bien nette l'image de mon prof en train de gesticuler en avant de la classe comme un italien engueulant un chauffard, en nous répétant sans cesse: Les boulangeries et les bijouteries!  Les boulangerie et les bijouteries!  Ouais, ouais, on avait compris!  Il nous parlait depuis trois heures de ces foutus machins, agrémenté d'un tas de concepts complexes empilés les uns sur les autres.  On aurait dit qu'il nous parlait des pyramides d'Égypte, mais je voyais plutôt des comparaisons avec les illuminés pensant qu'ils avaient réinventé le monde en découvrant un quelconque machin.  Mais bref.

Une bijouterie, c'est un endroit où l'on entre avec un but précis: acheter un bijoux.  Beaucoup de ces messieurs y entreront au moins une fois pour y acheter LA bague qui accompagnera le oui de leur élue.  C'est donc un endroit important, lié à l'argent et donc, bien souvent au pouvoir.  On trouvera moins de bijouterie dans les quartiers pauvres, surtout si l'on parle de bijouterie de luxe.  Par contre, on en trouvera un peu plus dans les quartiers riches.  Sauf que si je fais le total des bijouterie dans une ville, la répartition par quartier sera relativement constante: une ou deux, avec une légère variance selon les revenus moyens des habitants.  C'est donc que les bijouterie sont des lieux répartis presque équitablement sur le territoire.  Elles font partie du paysage, mais n'y sont pas majoritaires.  Elles ne sont pas non plus essentielles: bien que peu probable, on pourrait trouver des quartiers sans bijouterie.

Parlons maintenant des boulangeries.  Si vous réussissez à vous rendre de la maison au boulot sans croiser une boulangerie, soit vous vivez vraiment dans un quartier bizarre, soit vous travaillez de la maison!  Les boulangeries seront beaucoup plus nombreuses que les bijouteries.  On les trouvera d'ailleurs plus souvent à des intersections que dans des alignements de boutique.  Pourquoi?  Tout simplement parce qu'elles sont plus nombreuses et doivent plus chercher à attirer l'attention.  De cette façon, elles se positionneront de manière différente sur le territoire.  Les gens mangent beaucoup plus souvent du pain qu'ils n'achètent des bijoux.  Ça ne répond pas au même besoin.  Le pain est un besoin bien plus de base qu'un bijou.

D'ailleurs, l'accessibilité aux lieux est aussi parlante.  Les boulangeries ouvrent souvent leurs portes pour inviter les gens à entrer lorsque la température est clémente.  On y met des tables et des chaises pour permettre aux gens de rester et de casser la croûte sur place.  Les produits sont accessibles et en abondance.  Si on compare avec une bijouterie, la différence saute aux yeux: plus les produits sont coûteux, plus il y a de chances qu'ils soient présenté sous des vitrines verrouillées.  Le personnel sera derrière des comptoirs prêt à rendre disponibles les produits pour l'essai et la démonstration bien plus que pour la sélection rapide d'un produit.  Et plus l'endroit vendra des bijoux coûteux, plus l'entrée sera restreinte et la sécurité visible.  Dans mon quartier, (qui est loin d'être un quartier pauvre!), la principale bijouterie, même si elle est située dans un centre commercial, a des portes qui la sépare des autres commerces et des gardes de sécurité.

Ça nous apprend quoi?  Que la répartition des bâtiments selon leur fonction a une logique.  La géographie humaine a souvent ce genre de répartition comme sujet d'étude.  Où s'installe les gens, comment s'organisent-ils, comment sont répartis les bâtiments, comment répartit-on l'usage des différents territoires qui se chevauchent, etc.  L'exemple que l'on prend pour l'expliquer, ce sont les boulangeries et les bijouteries parce que ces deux types de commerce ont des caractéristiques propres: l'un des deux est d'usage quotidien et continue et l'autre est d'usage occasionnel.  L'un est utilisé par l'ensemble de la population, l'autre beaucoup plus selon les différences de revenus.  Avec ces deux types de bâtiments, on peut faire un portrait de bien des variables sur un territoire donné,  mais on peut utiliser n'importe quel type de bâtiment.

Si je prenais une carte datant de 1950 et une carte d'aujourd'hui d'un quartier de n'importe quelle ville du Québec, je verrais une différence importante dans le nombre d'églises.  Dans certains quartiers, les clochers sont presque disparus.  Par contre, on voit parfois apparaître des minarets de mosquée, des temples hindous ou d'autres types de bâtiments dédiés à des usages religieux.  Juste avec cette donnée, je peux avoir une bonne idée de certains changements importants: la diminution de l'importance de l'Église catholique dans la société, l'arrivée de croyants d'autres religions et leur implantation dans le quartier...  Et ça, juste en regardant une carte!  Imaginez si je regarde pus attentivement d'autres éléments du quartier et que je les compare: où sont situé les parcs par exemple?  Combien y-a-t-il d'écoles?  Quel est leur taille?  Combien il y a de rue?  Sont-elles pavés à certains endroits et pas à d'autres?  Sont-elles larges ou étroites?  Combien de voie?  Où sont situés les stationnements, les boutiques, les restaurants?  Combien y en a-t-il?  Chacun de ses éléments, avec sa répartition dans l'espace, sa répétition ou sa concentration donne des indices.

Comment cela peut-il se transférer dans la fiction?  Pensez au Seigneur des Anneaux.  Ils ne peuvent pas aller détruire ce foutu anneau dans un lieu ordinaire, non, non, il n'y a qu'UN seul endroit où il est possible de le faire!  Comme répartition sur le territoire indiquant l'importance de ce lieu, il y a difficile de faire mieux.  Parce que plus un lieu est rare, plus son importance symbolique est amplifiée...  Autre exemple, dans la Comté, les maisons sont toutes sous des collines et leurs intérieurs semblent spacieux et confortables, entourées de champs paisibles.  La végétation est omniprésente, il y a peu de barrières, les chemins sont dégagés...  Quelle différence avec Minas Tirith, une ville assiégée où les maisons sont collées les uns sur les autres et où la végétation n'occupe que peu d'espace.  Sans compter les rues étroites et tortueuses.  Je ne risque pas de tomber sur une tour de garde en pleine Comté, mais leur nombre risque d'être beaucoup plus important dans la Cité blanche!  C'est comme les catapultes...  Il n'y en a pas dans la Comté!  Et juste ça, ça me donne beaucoup d'indices sur ce qui préoccupe ces deux sociétés.  Comme dirait Bilbon (ou Bilbo si vous préférez) au tout début du premier film version longue, ce qui préoccupe les Hobbits, c'est la production de nourriture et sa consommation.  À Minas Tirith, on a visiblement pas les mêmes priorités!  Je peux déduire ça simplement de la répartition des bâtiments dans l'espace.

Donc, comptez les auberges dans une ville avant de dire qu'il n'y a pas beaucoup de voyageurs dans celle-ci, sans ça personne ne vous croira!

@+ Mariane

jeudi 16 avril 2020

Paul à la maison de Michel Rabagliati

Paul à la maison  Michel Rabagliati  La Pastèque 200 pages


Résumé:
Paul a la cinquantaine.  Il est désormais séparé, sa mère vieillit, il vit seul.  C'est une période de sa vie où il a le sentiment d'une traversée du désert, portée par la solitude.  Ce n'est pas joyeux, mais c'est du Michel Rabagliati.

Mon avis:
La série des Paul a toujours su traiter des différentes périodes de la vie des gens avec doigté et délicatesse, mais même quand le malheur frappait comme dans Paul à Québec, il savait garder une atmosphère légère et préserver les moments d'humour.  Rien de tout cela ici.  L'atmosphère est lourde, tout du long, mais c'est aussi un hommage à ces périodes difficiles de la vie, ces hivers que nous traversons sans même oser penser qu'un jour, ils finiront.

Paul est désormais séparé et vit seul dans sa maison où la seule présence vivante est son chien (qui se met même à lui parler tellement il se sent seul).  Il visite régulièrement sa mère en résidence et l'état de santé de celle-ci empire tout au long de l'album, mais ce n'en est pas le coeur comme dans Paul à Québec: tout est vécu par le prisme de Paul, de son combat contre ce que l'on peut assimiler à une forme de dépression.  Que sa mère soit malade n'améliore par les choses.  Que sa fille décide d'aller vivre à l'étranger non plus.  Que son voisin peste contre lui pour de minuscules détails n'aide en rien (la scène où il explique le calendrier annuel de celui-ci, basé sur le jardinage est la seule touche hilarante de l'album, mais elle ne résonne pas beaucoup étant donné la lourdeur du reste).  C'est la vie de Paul à cette époque-là, tout simplement.

N'empêche, l'auteur n'a pas perdu sa patte.  Les dessins des rues des villes, ses critiques incessantes des polices de caractères des entreprises (il chiale intérieurement contre les choix des publicitaires), les présences au Salon du livre alors que Paul au parc triomphe, même si lui est perdu dans ses idées noires, le portrait qu'il fait de ses lecteurs (hihihi, qui ne s'y reconnaît pas un peu!), bref tout ça, tout ce qui a fait la marque du bédéiste est toujours là.

C'est un album plus lourd, plus noir, mais en même temps, toujours aussi personnel et il vise toujours dans le mille en étant aussi vrai.

Ma note 4.25/5

lundi 13 avril 2020

Lisez-leur des contes de fées

Salut!

Au cours de la dernière semaine, j'ai vu passer un article sur la Première Ministre de la Nouvelle-Zélande qui affirmait en pleine conférence de presse sur la pandémie de Covid-19 que la fée des dents et le Lapin de Pâques étaient considérés comme des services essentiels...  Plus tard le même jour, c'est notre Premier Ministre François Legault, qui lors de son point de presse quotidien, la plupart du temps au ton ultra-sérieux, qui a affirmé à son tour que la fée des dents était un service essentiel.  Il a ajouté le Lapin de Pâques dans une vidéo à part.  Le gouverneur du Montana, quand à lui, a déclaré toutes les créatures magiques essentielles, mais les a obligé à respecter la distance minimale de deux mètres par décret!  Les elfes, licornes et gentils dragons sont donc autorisés dans l'état s'ils respectent la distanciation sociale!

Bon, nous sommes dans une situation particulière et vraiment, je ne pensais pas voir un jour les politiciens faire la queue pour légaliser ces créatures issues de l'imaginaire populaire, particulièrement en ce qui a trait aux enfants.   Mais en lisant ces nouvelles, qui m'ont d'ailleurs réjouie (enfin des bonnes nouvelles!), je ne pouvais m'empêcher de penser à Einstein.  Ce célèbre scientifique aurait cité une phrase demeurée dans les annales et sans doute apocryphe, mais que j'aime beaucoup: si vous voulez des enfants intelligents, lisez-leur des contes de fées.

Ça peut sembler contradictoire à première vue.  Après tout, contrairement à la rationalité scientifique, les contes de fées sont le royaume des contradictions, des raccourcis et des pouf, un sort et tout est réglé!  On est loin de notre monde, très loin même!  Ici, les animaux parlent, les marraines sont des fées (c'est mon filleul qui va être jaloux!) et les créatures magiques sont monnaies courantes.  Bref, on est loin d'être dans le genre de contexte qui pousserait bien des gens à penser que ça pourrait aider les enfants à devenir intelligent...

Le hic, c'est que je suis d'accord avec Einstein.  Pas parce que les contes de fées en eux-mêmes vont rendre les enfants intelligents, pas plus que s'ils croient au Père Noël, à la Fée des dents ou au Lapin de Pâques.  Parce que les histoires, mêmes celles que l'on racontent aux enfants, sont porteuses d'autre chose que la réalité.  Elles poussent à regarder le monde avec d'autres yeux et à imaginer le reste.  Et l'imagination, c'est un muscle qu'il vaut mieux avoir bien développé pour agrandir nos horizons.

Si un animal parle, ça change un petit peu le monde.  Si les dragons existent, encore plus.  Bon, disons, si les dragons existent, c'est qu'ils doivent vivre quelque part non?  Manger?  Dormir?  Se trouver des amoureux(ses), avoir des amis?  Vont-ils à l'école?  Perdent-ils leurs dents comme les enfants?  Bang, les petits sont partis pour un tour!  Et ils inventent, ils imaginent, ils créent.  Quelque part, c'est là, le leg le plus précieux de l'enfance et de ses créatures imaginaires.  Parce qu'ils permettent de se poser des questions, mais sans avoir une réponse toute faite.  Si vous vous posez des questions sur les oiseaux, vous ouvrez un livre est la connaissance est là, ce qui est très bien.  Mais avec un dragon, il n'y a pas de livres pour vous donner une réponse définitive et il restera toujours des trous.  Il faut donc apprendre à chercher, à faire des liens à comprendre, à essayer, à expérimenter...  à appliquer une méthode scientifique à l'imaginaire.  Neil de Grass Tyson, célèbre astrophysicien, l'a expliqué beaucoup mieux que moi.  Mais serait-ce possible si les enfants n'avaient pas ouvert une porte vers autre chose que le réel?

C'est pour ça que j'ai applaudi, toute seule dans mon appart, interrompant la 38e sieste du jour de mes minettes, quand j'ai entendu parler François Legault parler de la fée des dents.  Parce que dans la folie des dernières semaines où les nouvelles sont terriblement concrètes, et aussi nécessaire que cela soit, il faut garder des portes ouvertes sur l'imaginaire parce que justement, il faut commencer à imaginer ce que sera l'après.  Notre meilleur outil pour nous projeter dans l'avenir ne sont pas les statistiques, les chiffres et les faits, même s'ils ont une part archi-importante à jouer.  Pour créer l'avenir, il faut être capable de l'imaginer, de se décoller du réel un peu pour entrer dans un monde de suppositions et d'expérimentations, sans personne pour nous dire si on est dans le champ ou non et être capable de faire rentrer le tout dans le réel.

Quel meilleur exercice pour commencer ce travail mental que la fée des dents?

@+ Mariane

jeudi 9 avril 2020

Dire l'autre: Appropriation culturelle, voix autochtones et liberté d'expression d'Éthel Groffier

Dire l'autre  Appropriation culturelle, voix autochtones et liberté d'expression  Éthel Groffier  Collection Présent  Leméac  141 pages


Résumé:
L'appropriation culturelle, particulièrement celle des voix autochtones, est devenu un sujet important de l'actualité au cours des dernières années.  Mais que veut dire ce terme?  Quel est sa portée?  Comment l'éviter?  L'auteur s'attarde à ces questions importantes sur lequel on s'est beaucoup déchiré, sans pour autant en explorer le fond.

Mon avis:
Ce livre est à la fois extrêmement intéressant et très agaçant.  Intéressant parce que dans le brouhaha médiatique, il est l'un des premiers à prendre calmement le temps de déposer les faits et de les analyser.  Et il est agaçant parce qu'en 130 pages forcément le survol, même si excellent, reste justement un survol.  N'empêche, il pose une pierre importante.

Première des choses, le livre s'attaque à définir la notion même d'appropriation culturelle et montre que même si certaines choses sont entendues, la portée varie selon le porteur du concept.  Tout emprunt à une autre culture serait une appropriation culturelle selon certains défenseurs, niant le principe de l'emprunt et du mélange des cultures.  À l'autre bout du spectre, ceux qui voient les pratiques culturelles comme étant un immense bar ouvert où les créateurs peuvent piger sans retenue en niant les rapports de domination qui sous-tendent les échanges font également fausse route.  L'auteure dénonce les uns et les autres dans son livre, mais avant tout, elle décortique les tenants et les aboutissants de chacune des positions.

Ensuite, elle s'attaque aux abus des uns et des autres et souligne à grands traits les risques, autant pour les voix autochtones que pour la culture en général, que les accusations d'appropriation culturelle font peser sur la création.  Elle cite largement les textes d'auteurs et de penseurs autochtones sur la culture, montrant le fossé entre les conceptions des deux cultures et dans les moyens de transmission.  Elle donne aussi des exemples de collaboration, illustrant les écueils auquel se heurte les créateurs blancs, même plein de bonne volonté, quand ils arrivent sur le terrain miné des cultures des Premières Nations.  Et c'est sans doute là que se déploie le coeur de son argumentation: les créateurs sont jugés haut et court, sans que leurs intentions ne soient prises en compte.  Ainsi, un artiste qui souhaite sincèrement tendre une main pour aider, à sa façon, à la réconciliation entre les peuples, sera jugé aussi sévèrement que le premier venu qui emprunte sans un regard en arrière.

Elle consacre un chapitre entier à la difficile question de la réconciliation.  Car justement, cette réconciliation tant souhaitée, tant du côté des autochtones que d'une partie croissante des populations blanches, ne montre pas le même visage et ne se vit pas sur les mêmes bases.  Elle en explique les complexités, le mélange des attentes de chacun et surtout, du poids de la colonisation que les uns et les autres portent encore, les autochtones plus encore que les blancs.  Le chemin qui y mène passe aussi par l'art nous dit l'auteure, mais comment le faire sans une certaine forme d'appropriation culturelle?

Bref, comme je le disais, intéressant, mais agaçant.  Le grand livre sur le sujet n'est pas encore publié, mais ce petit opus sera sûrement cité dedans!

Ma note: 3.75/5

lundi 6 avril 2020

Séparer la femme de l'oeuvre

Salut!

Colette était bisexuelle, tout comme Virginia Woolf.  Celle-ci a eu en plus, tout au long de sa vie des épisodes dépressifs.  C'est connu et su depuis longtemps.  Jane Austen a écrit ses romans sans pratiquement jamais sortir de son cercle familial, mais elle a dévoré des livres dès son plus jeune âge, tout comme Anne, Emily et Charlotte Brontë, ce qui ne les a pas du tout empêché d'écrire des chefs-d'oeuvres.  Mary Shelley était la fille d'une célèbre féministe anglaise qui est morte à sa naissance et elle avait elle-même perdu un enfant mort en bas-âge avant d'écrire Frankeinstein.  Quand on parle de ces écrivaines, les liens avec leurs biographies personnelles sont tout de suite faits.  Leurs vies ont influencé leurs oeuvres, c'est indéniable, puisque c'est dans leur vécu qu'elles ont puisé pour écrire leurs oeuvres.

Quelque part, c'est même très éclairant sur leur oeuvre: le souci de Jane Austen de décrire les moindres petits événements arrivant dans un cercle restreint où un haussement de sourcil est source de malentendus vient du fait de ce qu'elle a observé autour d'elle, du milieu où elle a vécu.  Pour le reste, elle a usé de son imagination.  Mary Shelley a perdu un bébé et elle s'est acharné à faire revenir la vie dans ce petit corps mort.  N'est-il pas très facile de faire des liens avec Frankeinstein?  Aucun lien avec la créature, mais cette façon de chercher à créer la vie, à la rendre même à une chose morte?

J'ai la très nette impression que lorsqu'il s'agit de femmes, on a aucun problème à confondre la femme et son oeuvre.  L'artiste et la personne.  L'un se nourrit de l'autre et l'autre nourrit l'une.  Les liens sont faits très rapidement et très profondément.  Le fait que bien des femmes à une époque plus moderne n'ait eu aucun problème à pratiquer l'autofiction (Allo Delphine de Vigan, Virginie Despentes et Christine Angot), font que l'on a beaucoup moins de problèmes à lier la vie personnelle et intime d'une femme à son oeuvre et à aller de l'un vers l'autre, sans distinguer où ça commence et où ça s'arrête.

Maintenant, pour ceux qui l'auront compris, je n'ai pas encore abordé l'éléphant dans la pièce: et pourquoi on devrait juger différemment les hommes, séparant en eux «l'homme» de «l'artiste» et faisant de leur oeuvre un cas à part, indépendant de ce qu'ils sont?

Pour ceux qui l'auraient oublié, il y a quelques semaines (ou une éternité si vous préférez), Roman Polanski a remporté le César de la meilleure réalisation lors de la remise 2020 de ces prix, malgré le scandale renouvelé pour un viol commis en 1977, auquel il a plaidé coupable et de plusieurs autres femmes qui l'auraient accusée d'abus sexuels et de viols, accusations qui étaient pour la plupart prescrites (les faits ont eu lieu il y a trop longtemps pour que le réalisateur puisse être poursuivi devant le tribunal).  Ces faits sont connus depuis longtemps, ce qui n'a jamais empêché Roman Polanski de tourner des films.  Or, entre le moment le film est sorti, que les nominations ont été annoncées et ceux où ils ont été remis, plusieurs commentateurs ont répété jusqu'à plus soif qu'il fallait séparer l'oeuvre de l'artiste et voir celle-ci de façon indépendante...

Polanski est un survivant du ghetto de Cracovie dont presque toute sa famille est morte victime de l'Holocauste et sa femme Sharon Tate a été assassinée alors qu'elle était enceinte de huit mois par la secte de Charles Manson, un meurtre particulièrement violent et sordide.  Personne ne remet en cause les effets que ces deux événements ont pu avoir sur sa vie et sur son oeuvre.  De nombreux critiques de cinémas ne se sont d'ailleurs pas gêné pour faire des liens entre les thèmes de son oeuvre et les événements de sa vie personnelle.  Sauf que lorsqu'on arrive au fait qu'il se soit reconnu coupable d'un viol et a reconnu son goût pour les très jeunes filles, non, alors, ça, non, faut pas mêler les choses, après tout  une oeuvre est une oeuvre et une personne une personne, ce sont deux choses différentes.  Vraiment?

Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ont tous les deux eu des relations sexuelles avec de jeunes femmes mineures avec lesquels ils étaient en relation d'autorité, mais on le reproche bien davantage à elle qu'à lui.  Lire leurs pages Wikipédia respectives est très éclairant à ce sujet, puisque le sujet est largement abordé dans sa page à elle, mais pratiquement absent de sa page à lui.  Faut pas mêler l'oeuvre de Monsieur Sartre avec sa vie sexuelle, c'est deux trucs séparés.  Quand à celle de Madame de Beauvoir...

Il y a là un double standard béant.  Si vous avez fait des conneries alors que vous êtes un homme artiste, les chances que l'on vous pardonne ou du moins, que l'on vous excuse, surtout si vous êtes un artiste brillant, sont plus élevées que si vous êtes une femme artiste.  Combien d'actrice ont perdu des rôles à cause de leur vie sexuelle tout à fait privée, combien d'écrivaines ont été condamnée pour ce qu'elle racontait de leur vie dans leurs livres (voir l'impact du livre de Catherine Millet à ce sujet).  Combien hein?

Séparer l'artiste de l'oeuvre?  Je crois que la question est mal posée: il faudrait plutôt dire séparer l'homme de l'oeuvre et voir dans son cas la création comme quelque chose de complètement séparé de sa vie personnelle.  Les femmes n'ont pas ce privilège.  Leur comportement personnel et leur oeuvre ne font qu'un.  Personnellement, je ne pense pas qu'il faut séparer les deux.  Après tout, savoir qu'un réalisateur a été accusé de harcèlement ou de viol par ses actrices peut tout autant aider à la lecture d'une oeuvre que de savoir qu'il piquait des crises de colère violente sur le plateau de tournage.  Une oeuvre est avant tout et surtout une lecture sur le monde et nier ce que la part moins honorable apporte à cette lecture est stupide.  Tout nous influence en tant qu'artiste, les zones sombres comme les zones plus claires.

Quand à savoir si on doit censurer ou non certaines oeuvres à cause du comportement de leurs créateurs, ça c'est un tout autre débat.

@+ Mariane

jeudi 2 avril 2020

Coraline de Neil Gaiman

Coraline  Neil Gaiman   Harper Collins Publisher  162 pages


Résumé:
Coraline est une petite fille intelligente, qui n'aime pas la cuisine raffiné et préfère le fast food, adore explorer et qui trouve que vraiment ses parents ne s'occupent pas assez d'elle.  Elle vient d'emménager  avec eux dans une nouvelle maison, dont ils n'occupent que la moitié du premier étage.  La maison est très ancienne et la petite fille s'y ennuie.  Que faire en effet quand on a pas d'amis proche, qu'on est curieuse comme quatre et que nos parents passent leur journée le nez sur leurs ordinateurs?  On explore!  Mais il y a un endroit, dans la salle de dessin, derrière une porte fermée à clé, qu'il vaudrait peut-être mieux ne pas explorer...

Mon avis:
J'ai été marquée par l'adaptation au cinéma de ce livre il y a une dizaine d'années.  J'étais sortie de la salle avec une collègue libraire et on s'était dit que c'était vraiment un film d'horreur pour enfant.  Le livre est à l'avenant, mais il est surtout une ode au courage.  Pas celui guerrier, de ceux qui partent à l'assaut, mais celui qui vous remue les trippes et vous glace la moelle des os, mais que vous arrivez à surmonter parce que vous devez le faire.  Tout simplement.

La mécanique de l'histoire est simple, mais terriblement efficace.  Les parents de Coraline s'occupent très peu d'elle, elle s'ennuie, mais il n'y a pas que ça.  Par une foule de petits détails, l'auteur nous montre le fossé qui se creuse parfois entre les parents et leurs enfants, quand les inquiétudes des adultes prennent le dessus et que la communication ne passe pas.   La tentation sera d'autant plus grande quand, au fond d'une salle de dessin, elle retrouve l'exacte réplique de sa maison, avec une autre mère et un autre père qui eux s'occupent d'elle, la comprennent et le lui font sentir de bien des façons.  La seule différence?  Ils ont des boutons à la place des yeux...  C'est un détail auquel Coraline s'adapte très bien au départ, c'est juste bizarre, sans plus, mais c'est aussi le point de bascule à partir duquel la peur prendra la place dans le livre.  Parce qu'il s'agit de la peur dont il est question, mais aussi de la façon dont on la combat.

L'auteur a réussit à dépeindre une petite fille de huit ans dans un contexte assez horrifiant, mais qui reste tout au long extrêmement crédible.  Ni stupide, ni superhéroïne.  Autour d'elle, une galerie de personnages étonnants, les deux anciennes vedettes de cabarets au sous-sol et le dompteur de souris au deuxième, mais surtout le chat, qu'elle retrouvera dans les deux mondes.  Le chat, qui dans l'autre monde parle et qui dit exactement ce que l'on pense que dirait un véritable chat!  Même l'autre mère, dans toute sa double-dimension, à la fois attraction et répulsion, a sa propre profondeur.

Tout l'univers est ainsi montré: le monde réel, fade et plein de contradictions et de déceptions, mais vrai, et l'autre monde, factice, mais tellement facile à aimer car répondant à tous les désirs de Coraline.  Mais souhaite-t-elle vraiment voir tous ses désirs comblés?  C'est là la grande question qui se dégage du livre.

À mettre dans les petites mains avec prudence, entre les mains des plus grands avec joie.

Ma note: 4.25/5