jeudi 28 novembre 2019

Le sorceleur: 1- Le dernier voeu de Andrzej Spokowski

Le Sorceleur  tome 1  Le dernier voeu  Andrzej Sapkowski  Milady  382 pages


Résumé:
Geralt de Riv est un sorceleur, un spécialiste des monstres magiques, un mercenaire qui ne combat que pour l'argent.  Enlevé à sa famille dans son jeune âge, il a été transformé par un traitement cruel afin d'améliorer ses sens et sa rapidité.  Dans son monde, où les humains ont colonisé une terre autrefois peuplée d'elfes, de nains et d'autres créatures magiques innombrables, il est un errant, payé au travail accompli, souvent craint, parfois méprisé.  Au fil de ses aventures, il ne cherche au fond qu'une seule chose: son humanité perdue.

Mon avis:
C'est... différent.  À la fois dans la manière de raconter, dans les sujets, dans la façon dont l'auteur a choisi de cadrer son héros.  Geralt de Riv n'est pas un homme bon ou mauvais.  Il fait ce qu'il a à faire et entend être payé pour.  Il ne s'implique d'ailleurs jamais dans les causes pour lequel il a des contrats.  C'est la totale antithèse du héros défenseur d'un idéal.  On pourrait donc le croire cynique ou désabusée, mais c'est simplement que sa propre quête est personnelle et non collective.  Il ne cherche à sauver personne d'autre que lui-même.  Et il vit quête au travers de ses aventures, elle n'en constitue pas le coeur.

Le livre se tient aussi à distance des grands canons de la fantasy par sa structure.  Il n'y a pas de véritable début ou de fin à l'histoire parce que le récit est constitué d'une série de nouvelles entrecoupés par une autre raconté entre les autres épisodes qui constitue un peu le fil rouge, très mince certes, du livre.  C'est à la fois efficace et surprenant, parce que ça sort le lecteur de sa zone de confort.  Le récit n'offre d'ailleurs pas vraiment de ligne chronologique, ou du moins, bien peu de repères.  Oubliez donc les grandes envolées vers la fin, on est pas dans ce registre.  Le récit prend très peu d'essor au fil des pages.  La tension monte et descend lors des combats, mais sans porter une grande histoire qui nous ferait dévorer les dernières pages.  Les scènes de combat sont nombreuses et très bien décrites.  Je n'ai pas trouvé l'info, mais il ne serait pas surprenant si l'auteur était lui-même un adepte de l'escrime tellement les détails des combats sont précis.

Autre chose, le récit est différent par le choix des créatures que Geralt combat, mais aussi par le choix du vocabulaire utilisé.  Le récit tire ses racines des contes et légendes de l'Europe de l'est et non de celui de l'ouest comme on est habitué et cela donne une saveur différente au récit.  Le rythme, les enjeux, les créatures magiques, la façon de raconter, tout a une texture légèrement différente.  D'ailleurs, je me demande à quel point la traduction du polonais a eu ici de l'influence sur le texte.  Je vais rester avec ma question, je n'ai aucune notion du polonais!

Sans être passionnant, c'est intéressant et c'est une porte ouverte vers un autre genre d'univers.  Quand à lire la suite, pas sûre.

Ma note: 3.75/5

lundi 25 novembre 2019

Ce n'est pas nécessaire de tout dire

Salut!

L'autre jour, un ami me décrivait une scène d'une série télé que je n'avais pas vue.  Et là, il me dit:

-Et tel personnage prend une décision importante et ça a tel effet.

-Ok, mais comment elle l'a pris.

-Ben euh.

Il y avait un regard perdu qui accompagnait cette déclaration.

-Ben on le voit pas vraiment.

-Mais comment tu sais qu'elle prend cette décision?

Un autre regard perdu m'a renseigné sur un point important: il ne le savait vraiment pas.  Plus tard, j'ai regardé un extrait de l'épisode en question.  Et en effet, on ne voyait pas LA scène de la prise de décision, mais même sans avoir vu tout l'épisode, je pouvais comprendre que le personnage l'avait prise, pourquoi et à quel moment, sans même l'avoir vu.  Parce que d'autres indices me laissaient voir la décision prise, parce que l'ensemble parlait beaucoup mieux que les détails, cette scène-là n'était pas nécessaire et on pouvait très bien comprendre qu'elle se soit passée sans qu'on la voit.

Mettre un tel truc en pratique à l'écrit est un autre défi, mais ça reste possible.  Après tout, ça fait des siècles que les écrivains prennent des raccourcis du genre, elle chevaucha toute la nuit et vit à l'aube les portes de la ville ou il passa l'après-midi à faire du ménage et alla se coucher avec un appart impeccable.  (Moi faire ici une inversion des genres?  Mais non voyons...)  Sauf que ça va un peu plus loin.

On a tous lu une scène dans un livre où la décision ou l'action d'un personnage nous apparaissaient clairement même si on n'avait rien vu de celle-ci.  Du genre, l'allié se présente à la scène finale vêtu des mêmes vêtements que l'antagoniste, montrant son changement d'allégeance.   On a pas vu ce retournement, mais on en comprend les conséquences en un claquement de doigt.  Ainsi, on s'économise des pages de verbiage et on entre directement au coeur de l'action.  Les conséquences deviennent plus importantes que les causes, car ce sont celles-ci souvent qui alimentent la suite de l'histoire.

Il faut en savoir assez pour être guidé dans l'intrigue, mais les zones d'ombres, les trous, le lecteur peut apprendre à les combler par lui-même.  C'est un art, un véritable art que d'y arriver.  Si le contexte est familier au lecteur, on peut laisser des trous qu'il comblera facilement.  Pas besoin de décrire en détail le fonctionnement d'une élection dans un pays démocratique pour un contemporain.  Mais le triomphe d'un empereur romain, lui?  Comment on le décrit?  Faire une ellipse est une solution dans ces moments, mais il faut quand même faire sentir l'émotion pour faire passer ce que l'on souhaite.  Pour qu'on en comprenne le sens, il faut que le lecteur comprenne les codes de ce dont on parle.

Et voilà l'important: la mise en contexte.  Si on le connaît, si on connaît les personnages, d'où ils viennent, quelle est leur personnalité, on peut se permettre de sauter des moments de l'intrigue, de ne pas les raconter, mais de sauter directement aux autres éléments.  Parce que l'on peut déduire et comprendre sans tout se faire expliquer.  Prendre le lecteur par la main au début, lui donner tout plein d'information, mais ensuite, être capable de le laisser marcher par lui-même à certains moments.  Cela permet aussi de résumer en une phrase, en un regard, en un geste une situation, une décision ou un retournement.  Je le répète, c'est un art.

Mais quels résultats fabuleux quand on y arrive!

@+ Mariane

jeudi 21 novembre 2019

Chroniques d'une fille indigne: J'ai vraiment des parents de base de Caroline Allard et Francis Desharnais

Chroniques d'une fille indigne: J'ai vraiment des parents de base  Textes de Caroline Allard Dessins de Francis Desharnais  Collection Carnets  Hamac  150 pages


Résumé:
Lalie est une petite fille débordante d'imagination, comme le sont tous les enfants du monde évidemment.  Mais elle a une maman qui s'identifie comme Mère Indigne.. et qui a tenu un blogue célèbre sur ses frasques de vie de maman.  Voici donc la Fille Indigne et une chose est certaine, c'est qu'elle a de qui tenir!

Mon avis:
La thématique des idées saugrenues et des remarques incroyables des enfants n'est pas nouvelle, cependant on peut donner le mérite à cette BD de le faire avec une grande efficacité.  Il y a du métier dans la façon de présenter les histoires et de les raconter.  On sent l'expérience acquise par les Chroniques d'une mère indigne dans le récit, quoique le personnage principal ne soit plus le même.

Lalie est donc une petite fille indigne et elle nous le démontrera de toutes les façons possible au cours de cet album, mais de façon désopilante.  Ses répliques sont nombreuses, ses réflexions sont au quart de tour et sa logique enfantine à toute épreuve.  La présentation de la BD privilégie d'ailleurs ses répliques à ses actions.  Certaines planches sont exactement pareilles, seule les dialogues avec sa mère changent, mais elles restent aussi efficace à chaque fois.

Les dessins sont simples et respectent le cadrage des strips classiques.  D'ailleurs, il n'y a pas de récit à proprement parler dans cette BD, plutôt une succession de petits événements.  S'ils sont décrits comme étant rigoureusement vrais, on peut se dire que cette Lalie ne doit pas être reposante!  Dans le genre, je crois qu'on peut parler d'un opus très réussi et très divertissant, sans être révolutionnaire.

Ma note: 3.75/5

lundi 18 novembre 2019

Et dix ans plus tard...

Salut!

Il y a dix ans, j'ai participé avec mon chapeau de libraire à une rencontre sur l'avenir du livre.  Je suis sortie de cette rencontre ébranlée, épuisée et confuse.  Tous ces gens étaient des professionnels des communications, du numérique, du 2.0.  Ils voyaient l'avenir grand.  Très grand!  Livres numériques, site de réseautage pour lecteur, liseuse électronique, et j'en passe.  Je me suis rendue compte après coup que j'étais une des rares dans la salle à être une professionnelle du livre, qui en vivait et travaillait dans le domaine.  Tous les autres étaient des professionnels d'autres domaines, qui s'intéressaient pour cette journée au livre.  Ils le connaissaient mal.

Pour eux, le livre papier et la librairie, c'était du passé.  C'était en train de mourir, fini, nada.  Ils étaient 100% pour le livre numérique, qui allait révolutionner le monde du livre, là, là!  En dix ans me disaient-ils, en substance et en groupe, mon métier allait faire parti du domaine des choses disparues, tout le monde allait acheter ses livres sur Internet, on allait faire nos choix en conséquences des opinions émis sur les sites de vente et de nos amis et le livre papier allait être relégué aux musées et bla et bla...

Pas d'accord que je leur répondais.  Vous ne connaissez pas le milieu du livre, vous ne connaissez pas tant que ça les lecteurs en général, vous connaissez uniquement ce que vous disent vos proches, vos amis, votre milieu de travail.  La révolution est loin d'être à nos portes.  Les gens sont plus attachés aux livres papiers que vous ne le pensez.  Le livre numérique va faire partie de l'offre, mais est-ce que ça va être un rouleau compresseur qui va tout chambouler?  Non.  C'est plus tard que j'ai compris à quel point ces personnes étaient dans une bulle numérique...  L'expression ne pouvait être mieux appropriée à leur cas.

On a rit de moi (surtout sur Twitter, je pensais que les gens sur place prenaient des notes avec leurs portables, que j'ai été naïve!), mais dix ans plus tard... qui a raison?  Les gens consomment des livres numériques et des livres papiers, les librairies, après une période sombre à la fin des années 2000 reprennent du service et il y a plein de nouveaux points de vente qui ouvrent.  L'expertise des libraires est, sinon reconnue, du moins appréciée et présente dans les médias de plusieurs façons.  Et le livre numérique, cet eldorado où tous les auteurs pourraient publier, enfin libéré des contraintes des affreux éditeurs?  Oh, il y a eu quelques histoires de succès (permettez ici que je pleure abondamment en pensant à Fifty Shades of Grey), mais pour des milliers d'appelés, noyés dans la masse, combien d'élus réussissent à faire mieux que les auteurs édités?

Je me méfiais à l'époque de ces augures qui prédisaient la fin des librairies et du livre papier.  Je les laisse encore braire.  Je ne crois pas à l'effondrement du secteur comme celui du disque ou du dvd, même si c'était le prochain à passer à la trappe si on était logique.  Des morceaux de l'industrie sont certes partis à la dérive, comme les encyclopédies, remplacées par les Cd-Rom, puis par Wikipédia.  Mais la littérature, dans sa forme romanesque, se consomme encore largement sous forme papier.  Les livres de recettes se vendent encore comme des petits cupcakes frais même si toutes les recettes se trouvent en un clic sur internet.  Et n'importe quel politicien/polémiste/penseur qui veut se prendre au sérieux ne se contentera pas de publier chroniques et billets dans les journaux, il passera à un moment ou à un autre par la case livre et pas livre électronique.  L'objet garde encore sa force sur ce point.

Certes, le numérique fascine encore et toujours (j'en aie une preuve personnelle sous la forme d'un billet que j'ai publié aux tous débuts de ce blogue qui reste l'un des plus lus chaque jour, même encore aujourd'hui!) et c'est une chose que je comprends parfaitement.  L'avenir et ses miroitements attirent toujours.  Être dans le vent, suivre le mouvement, ne pas rater le train font parti de la vie.  Les choses changent!  Il ne faut pas se scléroser!  Croire que sa vision du monde correspondra à demain?  C'est une toute autre chose.

Nul ne peut prédire l'avenir.  On le voit souvent à travers nos propres yeux, nos propres perceptions.  Néanmoins, je pense que mon petit doigt m'a dit la vérité en sortant ce jour-là: tu n'étais pas avec des gens du livre Mariane.  Ce n'était pas les meilleurs pour comprendre son avenir.  La majeure partie de ceux qui étaient sur place n'étaient pas tant des lecteurs que des trippeux de technologies dans leur bulle.  Et même eux, n'avaient pas vu l'arrivée de Netflix et de Spotify.  Comme de quoi, nul n'est prophète en son domaine!

@+ Mariane

jeudi 14 novembre 2019

Shuni de Naomi Fontaine

Shuni  Naomi Fontaine  Mémoire d'encrier  149 pages


Résumé:
Par fragments courts, l'auteure adresse une longue lettre à son amie Julie, qui va bientôt s'installer sur sa réserve natale, auprès de son peuple.  Elle lui parle du passé, du présent, de l'avenir, de colonisation, de contacts entre les peuples, de réconciliation à venir et de sa culture, de son fils, des siens.

Mon avis:
L'auteure privilégie en tous temps la forme courte pour ce livre.  Les chapitres font une ou deux pages, rarement plus que quatre, comme si de cette façon, elle avait imposé son souffle au récit.  Inspiration, expiration.  Le rythme est d'ailleurs assez lent, posé.  On ne lit pas ce livre pour l'intrigue, mais pour le voyage qu'elle nous propose.  La forme de chapitre court invite d'ailleurs à en profiter lentement.  On lit un chapitre, on peut déposer le livre pour y revenir plus tard ou encore en lire un autre.  Elle ne nous dicte pas de rester accrocher à son texte, mais à en profiter librement.

Dans ce récit, elle nous parle.  Elle nous parle de son père, mort avant sa naissance.  Elle nous parle de sa communauté, des gens qui la composent et des difficultés auquel ils font face.  Elle nous parle de l'importance des liens, des relations.  Elle nous parle de son fils, qu'elle adore.  De ses voyages à l'étranger, que son statut d'auteure lui permet grâce à de nombreuses invitations.  Elle nous parle de sa langue et de son rapport avec le français, malgré tout la langue qu'elle maîtrise le mieux.  Elle nous parle des aînés et de ce qu'ils ont connu, bref elle nous parle de la vie, de sa vie, mais toujours en s'adressant à cette amie, Julie, qui va bientôt s'installer parmi les siens.  C'est super intéressant pour une non-autochtones, parce que cela entrouve une porte dans un univers que l'on connaît peu et mal.  Elle le fait sans jugement.  Parfois, on sent sa colère, sa fragilité, mais partout aussi, on sent sa force, celle tranquille de la rivière et des montagnes, pas celle des armes et de la domination.

Son écriture me donne l'impression d'une doudou, d'une couverture toute douce qui nous enveloppe et nous garde au chaud.  Il n'y a pas d'aspérité, ça le claque pas, même quand elle dénonce des injustices criantes.  Reflet de sa culture ou de sa personnalité?  Je ne sais pas, sans doute un peu des deux.  Ce qu'elle réussit à faire en tout cas est magnifique.

Ma note: 4.75/5

lundi 11 novembre 2019

Des histoires de science

Salut!

C'est une tradition personnelle, mais j'achète pas mal tout le temps des livres à mon père pour son anniversaire et pour Noël.  Parce que voyez-vous, il ne porte pas de cravates, ma mère le fournit très bien en chaussettes et euh, ben, les chocolats sont exclus étant donné qu'il doit faire attention à son taux de sucre.  Alors, les livres, c'est génial.  Mais ce que mon papa aime par-dessus tout, ce sont les bouquins sur la science.  Il n'est pas très roman à la base.  Alors, des fois je triche un peu et je lui achète des romans sur la science.

Sauf que... C'est pas si facile à trouver que ça.  Je veux dire, les bons romans de science, il n'y en a pas tant que ça.  Et c'est pas faute d'avoir cherché!  Quand j'étais libraire, j'ai beaucoup utilisé les ressources à ma disposition pour faire des recherches.  Des romans qui utilisent les codes ou pseudos-codes de la science pour nourrir des intrigues, il n'en manque pas.  C'est même à foison qu'on en retrouve!  Mais si on cherche quelque chose de plus, quelque chose qui nous ferait apprendre en même temps que ça nous divertit, quelque chose d'un peu plus fouillé, et bien, c'est pas nécessairement facile à trouver.

Ce n'est pas que la science est absente des tablettes, alors ça non.  Mais ce qui trône en tête, ce sont les livres de vulgarisation.  Ils sont nombreux, complets et facile à trouver.  La fiction scientifique par contre, elle, est soit éparpillée, soit carrément mal identifiée.  Ça n'existe pas en littérature, la catégorie roman scientifique, contrairement aux polars ou aux romans historiques.  Parce que la catégorie n'existe pas, le libraire qui doit classer un roman scientifique en magasin lèvera un sourcil en voyant atterrir le livre sur ses tablettes.  Alors, par défaut, on le placera avec les romans historiques si l'action a lieu dans le passé, avec la science-fiction si c'est de l'anticipation ou pire, avec la littérature générale si on manque d'imagination.  Ça rend la fiction scientifique beaucoup plus difficile à trouver.  Et puis, honnêtement, je ne pense pas que roman scientifique attirerait beaucoup de lecteurs...

Je vais vous parler d'une fascinante histoire concernant un virus qui progressivement entraînerait un nouveau stade d'évolution dans l'histoire de l'humanité.  Qu'avez-vous dans la tête?  Un thriller, un livre de science-fiction?  Ben, un peu des deux, même si le livre est paru dans une collection de SF.  Je parle de L'échelle de Darwin de Greg Bear, un des romans les plus scientifiques que j'ai lu.  Je l'ai fait lire à un ami microbiologiste qui m'a confirmé que le contenu était solide sur le plan scientifique même si certains détails étaient largement extrapolé (on parle bien de science-fiction ici!)

Bref, ça existe, mais c'est dur à trouver et là, mon petit hamster fait tourner sa roue pour comprendre pourquoi donc au juste?  Parce que si l'Histoire fascine, la science a tout autant de possibilité.  L'Histoire est peuplée d'histoires portées par des gens plus grands que nature, qui ont réussi l'impossible, fait des découvertes qui ont révolutionné le monde, apporté la gloire ou voué aux gémonies ceux qui les ont faites, provoquées quelques réputations refaites avec le destin injuste de leurs auteurs et chamboulé des sociétés entières.  Rien qui ne soit jamais arrivé à des scientifiques quoi!

Certes, la science peut être aride parfois et sembler un foutu truc bien trop complexe, mais c'est comme n'importe quel sujet: un bon vulgarisateur vous fera tripper sur la réaction en chaîne menant à une explosion nucléaire et vous tenir sur le bout de votre chaise en scrutant le fond d'une boîte de pétri.  Ce n'est pas le sujet, ce sont les préjugés qui l'entourent qui font mal.

Et justement, on aurait bien besoin d'auteur(e)s pour nous faire voir la science autrement, loin des génies fous et des mégalomanes au jargon complexe, surtout dans notre monde où les fausses nouvelles pullulent.  Le grand public comprend souvent mal la science car il ne saisit pas les bases de la méthode scientifique.  Quoi de mieux qu'une bonne histoire qui l'utilise pour les faire comprendre?  Parce que la science peut donner de foutus bons romans, des romans où les humains sont confrontés à plus grand qu'eux-mêmes et où les résultats peuvent changer le destin de l'humanité.  Ça demande à comprendre un autre langage, mais la fiction n'est après tout pas la mieux à même de nous le faire découvrir?  Car la fiction est aussi la manière la plus directe de relier des informations aux émotions, qui sont le langage le plus universel de l'humanité.

Et oui, même derrière tout le jargon, toutes la technicalités et tous les sarraus blancs, il y a des humains, des humains avec toutes leurs imperfections et leurs défauts, qui peuvent nous rendre la science concrète, car ce sont eux qui la font.  Et toutes les histoires reposent sur les êtres humains qui les font et les vivent.  Ce n'est pas un matériel si différent des autres.

@+ Mariane

jeudi 7 novembre 2019

Le livre des chevaliers d'Yves Meynard

Le livre des chevaliers  Yves Meynard  Alire  308 pages


Résumé:
Adelrune est un enfant trouvé, adopté par un couple sévère, observateurs scrupuleux de la Règle.  Seulement, l'enfant trouve un jour un étrange livre dans le grenier, surnommé Le livre des chevaliers.  Fasciné par les images, il fera tous les efforts pour apprendre à lire afin d'en comprendre le message.  Et une fois qu'il l'aura lu, son but sera à son tour de devenir chevalier.  Mais être chevalier sera-t-il vraiment comme il l'a imaginé?

Mon avis:
Ce livre tire visiblement son inspiration des vies de chevalier du Moyen Âge et montre l'importante que pouvait acquérir ce genre de récit.  L'auteur en reprend donc les codes et en grande partie aussi la façon de raconter.  Ce qui en fait un récit intéressant, mais pas nécessairement passionnant.

La première partie, où Adelrune est enfant et où sa vie morne et austère, dépourvue d'affection parentale (il est un enfant trouvé et on le lui rappelle constamment) est éclairée par la présence de ce livre qu'il trouve au grenier.  J'ai beaucoup aimé cette partie, parce qu'elle démontre parfaitement comme le pouvoir de la lecture peut transformer une vie.  Quand notre héros, convaincu par ses lectures décide de quitter son patelin pour entamer une aventure qui lui conférera son titre de chevalier, le récit change énormément.  Il trouve son maître et entame sa formation, qui représente au fond une partie assez courte du livre, avant de le quitter pour des aventures qui lui permettront de devenir lui-même chevalier.  C'est un schéma assez classique donc, mais en même temps, il s'en éloigne.

De un, lors de sa formation, la personnalité de son mentor est très peu explorée et son entraînement reste vaguement décrit.  On s'en remet aux connaissances du lecteur sur la chevalerie pour le déduire.  Ensuite, lors de ses aventures, Adelrune ne poursuit pas une quête classique.  Il vit une série de péripéties, qui semble avoir peu d'impact sur sa personnalité et ses capacités.  Certes, il trouve son arme, mais il ne développe que peu de liens avec elle et ne s'en sert pas souvent pour se battre.  Certes, il est nommé chevalier, mais cela a moins à voir avec ses capacités qu'avec les circonstances dans lequel il se trouve et le monarque qui le sacre.  Certes, il accomplira la quête qu'il s'était donné au départ (découvrant au passage ses origines), mais on dirait qu'il fait tout ça pour pas grand chose.  En cela, la fin donne à l'ensemble une cohérence que le reste du livre portait très peu.

L'écriture comporte peu d'envolées, reste très terre-à-terre et ne donne pas des envies chevaleresque.  On est plutôt dans le concret de la vie de chevalier avec ses erreurs et ses doutes plutôt que dans l'hagiographie, ce qui est bien, mais quand même, on ressent un petit manque parce que cela ne correspond pas aux codes du genre.  Adelrune est un personnage assez froid et peu incarné.  Il semble être là pour permettre au récit d'exister plutôt que d'en être le moteur d'action.  Encore là, l'auteur joue avec les codes du genre.  L'auteur en a le droit, mais on garde l'impression à la lecture qu'il a raté sa cible plutôt que celle d'une réinvention du genre.  Ce qui fait que j'ai trouvé la lecture à distance et non prenante.

Je ne saurais mieux résumer ce livre que comme une réinterprétation des récits de chevalerie en essayant d'en modifier les codes.  C'est intéressant comme exercice, mais pas tant comme lecture.

Ma note: 3.5/5

lundi 4 novembre 2019

Tu es des nôtres

Salut,

L'autre jour, j'ai lu une histoire sur Facebook, celle d'un enfant qui avait vu une coïncidence entre un élément d'un décor d'Halloween et un détail de l'intrigue de la saison 5 de Doctor Who (la faille, pour les initiés).  L'auteur(e) de l'anecdote, voyant que l'enfant avait fait le lien entre la faille et le motif de sa citrouille (qu'il/elle a décrit comme étant involontaire suite à une chute de la citrouille), l'a bourré de paquets de M&M.  Pourquoi?  Parce que l'enfant était dans la gang, dans le clan, dans la famille.  C'était un geek, un nerd, un fan, bref, il était des leurs.

Dans le domaine des fandoms, l'effet de clan est très puissants.

Si je vous dit, Quidditch, polynectar, Gringotts, épouvantard ou fourchelangue, vous êtes du clan de Harry Potter.

Si je vous dit, Anneau unique, Moria, Comté, cotte de maille en mithril, vous êtes du clan du Seigneur des Anneaux.

Si je vous dit, Longue vie et Prospérité, vulcain, là où aucun homme n'est jamais allé, téléportation, vous êtes du clan Star Trek.

... et je pourrais continuer encore longtemps.

Ceux qui ont été attentifs ont remarqué que je n'ai pas prononcé le nom d'aucun personnage.  Ce ne sont pas que ceux-ci qui forment l'univers et souvent, ils sont le support qui permet de l'explorer.  On s'attache aux personnages autant qu'aux lieux qu'ils fréquentent, aux objets qu'ils utilisent  et aux concepts qu'ils côtoient dans leurs vies quotidiennes.  Tous ces éléments permettent de développer le vocabulaire de leur monde et dans ce vocabulaire, les fans se retrouvent.  (c'est lors d'une partie de quidditch, ils ont été attaqués par les Uruks de Saroumane, téléportez moi M. Scotty!).

Quand un des mots de ce vocabulaire arrive dans la conversation, deux fans d'un même univers se retrouvent, alors que ceux qui ne le connaissent pas les regardent sans comprendre.  C'est cet esprit de famille, cette fraternité de ceux qui savent qui relient les fans.  Certains sont plus fanatiques que d'autres, bien sûr, mais tous sont capable de reconnaître les leurs par la connaissance de l'univers, qui se reflètent dans les mots, dans les images.  Tout le monde ne se promènent pas avec les oreilles de M. Spock, mais Longue vie et prospérité, ça, on reconnaît.

Alors, ce petit garçon, geek même à l'Halloween, aura été reconnu facilement par ses pairs.  Il était facile de lui dire cette petite phrase qui relient les fans entre eux: tu es des nôtres. 

@+ Mariane