jeudi 25 mai 2023

La route de Chlifa de Michèle Marineau

 La route de Chlifa  Michèle Marineau Collection Titan+ Québec Amérique 249 pages



Résumé:
Janvier 1990: Dans une école secondaire du Québec débarque un jour Karim. Renfermé sur lui-même, distant avec tous, il refuse pratiquement tous contacts humains. À travers le regard d'un élève de la classe, on voit l'impact de l'arrivée de cette personne sur l'équilibre précaire d'un groupe d'adolescents.

Beyrouth: Mai 1989: Karim est resté derrière pour terminer ses études, ses parents ont fui à temps à Montréal et maintenant, les bombes déferlent et tuent. Elles tuent Nada, son premier amour. Sa soeur Maha, au caractère revêche, est la seule survivante de sa famille avec Jad, son petit frère de six mois. Elle décide de quitter Beyrouth pour Chlifa, là où, selon elle, l'attend un ancien domestique de la famille. Sous le choc de la mort de Nada, Karim décide sur un coup de tête d'accompagner Maha sur la route qui mène à Chlifa.

Critique:
J'avais lu Michèle Marineau il y a plusieurs années et j'ai retrouvé dans ce livre le charme de son écriture. Elle sait dépeindre avec une rare finesse les tourments de l'adolescence, mais aussi écrire avec une grande économie de mots. Son écriture est tellement ciselée que c'est un régal à lire. Il n'y a pas un mot de trop dans ton texte.

Karim est un personnage qui dans un premier temps est hostile à tous les contacts humains. Il repousse les gens, ne veut se mêler de rien et couve en lui une profonde colère. On le sait par les extraits de son journal qui montre le regard qu'il porte sur les autres, plein de jugement et de hargne. Alors que le roman commence en janvier, un retour en arrière survient environ au tiers du livre et soudain, on se retrouve à Beyrouth sous les bombes et Karim n'est pas encore cet être en colère et fermé à tout qu'il sera en janvier à son arrivée à l'école au Québec. Cette technique, de nous montrer le résultat pour ensuite nous montrer la cause, est intéressante parce qu'à rebours, on comprend Karim, mais sans le juger et on laisse dès le départ découvrir le personnage pour lui-même.

Dans cette partie libanaise du texte, on fait la connaissance de Maha, encore une enfant, qui à 12 ans, prend la vie à bras le corps après la mort de sa famille dans un bombardement. Elle prend soin de son petit frère Jad, un bébé de six mois, avec une constance et une affection qui force l'admiration. Mais attention, Maha n'est pas un ange! Colérique, d'humeur changeante, têtue et volontaire, Maha ne laisse pas grand monde lui piler sur les pieds et décide elle-même de la direction qu'elle va prendre. Karim décide de la suivre à la fois parce qu'il veut la protéger, mais aussi en souvenir de Nada. La relation entre les deux est complexe, souvent difficile, surtout que contrairement à Karim, on ne saura jamais les pensées de Maha. 

La route de Chlifa du titre, c'est la route que vont emprunter les deux adolescents et le bébé entre Beyrouth et le village de Chlifa. Un voyage à pied dans les monts Liban, avec le danger constant de tomber sur quelqu'un dans ce pays déchiré par la guerre. Même si c'est secondaire à l'intrigue, le danger, le fait que tout le monde puisse devenir un ennemi un jour est en trame de fond. Mais leur voyage est surtout une confrontation entre les deux adolescents, qui se disputent, se réconcilient, se comprennent, se parlent et tissent un lien, un lien qu'ils ne prévoyaient pas. C'est tout le déchirement que ce qui finit par arriver à la fin du récit, quoique j'ai trouvé que cet événement tombait un peu trop à pic vu la lente montée du reste du récit. La source de la colère contenue de Karim se trouve là. Et le lecteurice ne peut que la comprendre.

Un récit qui nous promène dans les montagnes russes émotionnelles de la guerre et de l'adolescence, mais aussi, à un certain point, dans celles de l'après. Autant de la résilience face aux traumatismes que de ce qui arrive quand on grandit tout simplement.

lundi 15 mai 2023

Retrouver les petits plaisirs des salons du livre

 Salut!

Depuis la pandémie, j'avais très peu fréquenté les salons du livre et autres événements littéraires. Parce que s'il y a bien un genre d'événement où la distanciation sociale est impossible voir inexistante, c'est bien un Salon du livre! Les gens se serrent les uns contre les autres entre les présentoirs débordant de livres de tous genres, se pressent en petits groupes serrés pour discuter ou font la file à la queue leu leu pour rencontrer leurs auteur.e.s favori.e.s. Bref, c'est le festival du collé les uns contre les autres. Et je peste souvent contre cette réalité quand elle m'empêche de me déplacer entre les kiosques. 

Mais ça m'avait manqué durant la pandémie. Parce que c'est aussi un formidable réservoir d'énergie, de rencontres et de possibilités. Rarement on rencontre autant de passionnés de littérature au mètre carré que dans un Salon du livre. Rarement aussi a-t-on le luxe de croiser autant d'artistes, de vedettes, de personnalités marquantes de la vie québécoise que de simples quidams qui vous font découvrir leur coup de coeur. Dans un Salon du livre, j'ai eu droit à un dix minutes en tête à tête avec Michel Tremblay qui était en manque de dédicaces à faire ce jour-là. J'ai pu remercier Lise Payette de tout ce qu'elle avait fait pour les femmes du Québec. J'ai jasé balado avec Alexandre Sirois un journaliste de la Presse. J'ai croisé Dany Laferrière, Corneille, Joséphine Bacon, Éric-Emmanuel Schmidt, Janette Bertrand, Farah Alibay et ouf, je ne sais combien d'autres. J'ai parfois eu la chance de parler avec des gens qu'autrement, je n'aurais jamais vus. Comme la fois où une amie m'a poussé à prendre une photo avec Nicholas Sparks parce qu'il était là en dédicace, même si je n'avais pas un de ses livres en main. À vrai dire, je ne suis pas fan, mais tsé, hein, pour la photo!

C'est aussi un endroit où peuvent briller tous ces petits éditeurs, petits auteurs et autres petits acteurs du monde littéraire. Ils ont leurs petits kiosques, souvent très peu fréquentés, mais c'est là que se cachent souvent les trésors des salons. J'ai découvert ou redécouvert de très nombreux auteur.e.s dans ces endroits. Ils ont moins occupés, moins accaparés que les grosses vedettes et ils ont le temps de jaser. C'est souvent là que l'on trouve des perles de littératures, des perles qui sont perdues dans le flot constant de nouveautés qui envahissent année après année les tablettes des librairies. Parce que là, chaque livre a au moins une véritable chance de se retrouver avec quelqu'un ou quelqu'une qui le connaît, juste à côté de lui, et qui est prêt à le défendre. J'ai croisé des éditeurs qui m'ont fait découvrir leurs livres publiés il y a plusieurs années et m'ont donné la chance de découvrir des plumes inconnues. J'ai jasé avec des auteur.e.s esseulé.e.s à leur kiosque et j'ai eu de brillants échanges avec eux. J'ai souvent dépassé mon budget livre du jour à cause de ses rencontres. Et même si je n'ai pas toujours acheté, j'ai pris en note une quantité incroyable de titres grâce à ce truc. D'ailleurs, c'est même un de mes petits plaisirs des Salons: Aller trouver des auteur.e.s qui ont l'air de s'ennuyer et aller leur piquer un brin de jasette. Un petit cinq minutes, rarement plus. De quoi faire passer leur journée plus vite et me faire faire des découvertes. Même si je ne connais rien de l'oeuvre de cette personne. Même si ce n'est pas publié dans une maison d'édition que je connais. Juste pour le plaisir.

Le Salon du livre de Montréal à l'automne dernier avait été comme un retour aux sources, mais un retour un peu gâché par ma nervosité: j'avais perdu l'habitude des foules compactes et il traînait encore des relents de risque covidien dans l'air. C'est à Québec qu'il me semble que j'ai pleinement renoué avec mes petits plaisirs de salon. Au point d'en ressortir épuisée, mais oh combien heureuse d'avoir été remplie de cette énergie et de cette passion qui sature l'air que l'on respire. J'avais retrouvé mes marques. Certes, la saison des salons achève pour une pause estivale bien méritée, le temps que l'on fasse un peu baisser nos gargantuesques PAL, même si quelques événements se tiendront quand même cet été. J'ai hâte à l'automne, hâte de reprendre mes habitudes de salon, hâte de retrouver tous ces petits plaisirs.

Parce que c'est bien vrai: c'est quand on est privé de quelque chose que l'on découvre à quel point c'est précieux.

@+ Mariane