lundi 17 octobre 2022

L'herbe est toujours plus verte dans le livre

Salut!

Quand les multiples controverses (la plupart justifiées) sont tombées sur JK Rowling, je fais partie de ceux qui sont tombés des nues. Mais aussi de ceux qui se sont retrouvés dans un dilemme cornélien. Oui, mais j'aime Harry Potter. Oui, mais JK Rowling! Oui, mais Harry Potter... Oui, mais l'auteure! Bref...

Au-delà du, on doit séparer l'oeuvre de l'artiste (qui a majoritairement servi à justifier le comportement injustifiable de pas mal d'hommes, juste parce qu'ils étaient des artistes brillants), je ne trouvais pas de réponse. Il ne semblait pas y avoir d'alternative entre tourner carrément le dos à l'oeuvre ou rester en ayant honte et en même temps... en continuant à tripper sur les aventures d'Harry, Ron et Hermione. Parce que c'est sur eux, avant tout, que mon attirance vers l'oeuvre va. Oui, JK Rowling a conçu un narratif autour de sa vie, oui, elle a été dans la pauvreté et a su se tirer de là par son imaginaire. Oui, elle en a bavé et elle a su triompher. On aime les histoires de gens qui partent de rien et qui réussissent après tout. Ça n'excuse pas ses commentaires plus récents. Ni son entêtement à rester dans ses idées et à refuser d'écouter ceux qui lui parlent.

Et moi, je suis un peu restée mêlée, jusqu'à ce que je vois cette vidéo sur YouTube. Je vous encourage à la regarder au complet. On parle de JK Rowling, mais aussi de Joss Whedon et de Mel Gibson. Ce n'est pas une vidéo qui juge, mais qui essaie de comprendre avec beaucoup de nuances. Et ça m'a fait beaucoup de bien.

Sans reprendre toute cette vidéo, je pense qu'une idée qu'elle développe est très valable: quand les artistes produisent, ils produisent l'œuvre qui représente le monde tel qu'ils et qu'elles veulent qu'il soit, pas tel qu'ils et qu'elles sont eux-mêmes. L'œuvre est une métaphore du monde qu'ils et qu'elles désirent. Un monde dans lequel on accepte la différence, on pardonne à ceux qui nous font mal et qui se tient debout devant les injustices, comme dans Harry Potter par exemple.

C'est facile en papier, surtout quand l'artiste qui tient la plume contrôle tous les paramètres. C'est foutument dur dans la vraie vie quand ça peut vous tomber dessus à tout moment, que vous soyez fatigué.e.s, malade.s, frustré.e.s par une autre situation ou encore tout simplement pas alerte ce jour-là. La vraie vie est pas mal plus dure que la fiction. Je sais que je peux réécrire mille fois un texte avant qu'il soit publié. Dans la réalité, j'ai une chance et elle se joue en millisecondes. Pour des tas de gens, la réponse ne va pas être la bonne ou on aura l'impression de s'être plantée, on se reprochera pendant des jours une mauvaise réaction, on se rendra compte après coup qu'on a loupé une belle occasion de se tenir debout. Bref, dans la vraie vie, on est humain et donc on est faillible.

Dans la fiction, on voit le monde tel qu'on voudrait qu'il soit et on est inspiré par lui. Alors quand on se rend compte que la personne qui l'a produit n'applique pas les mêmes principes dans sa propre vie... la chute est rude. Parce qu'on perd avant tout notre source d'inspiration, notre petite poussée en avant, notre coup de pied qui nous pousse à devenir meilleur.e.s. Oui, en effet. Mais ce n'est pas dans l'artiste que l'on a trouvé l'inspiration avant tout, c'est dans son œuvre.

L'artiste est un être humain. Ils ou elles rêvent aussi et ils ou elles mettent dans leurs créations ce qu'ils désirent et non ce qui est. Ils ou elles peuvent faillir comme êtres humains. Et même faire l'inverse de ce qu'ils promeuvent dans leurs œuvres, parce que le créer est une chose, l'être est une autre.

Ça ne résout en rien le dilemme éthique auquel font face tous les lecteurices du monde quand leurs auteurices favoris ne sont pas dans la vraie vie comme les protagonistes de leurs œuvres. C'est juste que je comprends mieux le mien : j'aimerais vivre dans le monde de Harry Potter à cause des valeurs qu'il prône, pas à cause de JK Rowling. D'une certaine façon, elle a mis le meilleur d'elle-même dans son œuvre. Autant profiter de cette partie et faire du mieux qu'on peut avec le reste.

@+ Mariane

2 commentaires:

Gen a dit…

Intéressant. Par contre, il reste la question de "continuer à donner argent et vsibilité à un créateur problématique"... mais j'ai pas la solution à ça moi non plus. Il y a quelques années, j'ai décidé de continuer à apprécier certaines oeuvres de créateurs problématiques à condition que 1- les problèmes ne soient pas visibles dans l'oeuvre et 2- l'avoir acheté avant de savoir. C'est pas parfait, mais je me sens mieux.

Prospéryne a dit…

@Gen, oui, bon, même si on boycott JK Rowling, ça changera pas grand chose à son compte de banque! Pour des artistes moins riches par contre, ça peut changer beaucoup de choses. Il y a un certain nombre d'auteurs d'ici qui risquent de souffrir de voir leurs ventes chuter. Pensons à Samuel Archibald pour ne nommer que cet exemple.

Quand à trouver une solution à ce problème... Je suis pas certaine qu'il y en ait un. On fait du mieux qu'on peut, un cas à la fois.