lundi 23 août 2021

Les hommes qui ne lisent pas les femmes...

 Salut,

Je suis tombée récemment sur cet article du Guardian dont le titre m'a à peine surprise: Why do so few men read books by women?.  Autrement dit, les femmes lisent des livres écrits autant par des hommes que par des femmes, mais les hommes lisent surtout des livres écrits par des hommes.  Pourquoi ça?

Répondre à cette question est évidemment impossible dans le cadre de ce billet, mais je crois qu'au-delà de toutes les raisons historiques et culturelles, il reste un point essentiel caché derrière ce fait: la fiction forge notre vision du monde et par sa richesse, son amplitude et sa facilité d'accès, la littérature reste l'une de ses méthodes facile d'accès à la psyché des autres.  Pour faire de la littérature, on a besoin que d'un crayon, du papier et de son cerveau.  Je simplifie, je sais, mais la base, c'est ça.  Contrairement à la télévision et au cinéma qui monopolise des équipes entières (et beaucoup d'argent), la littérature se crée en grande partie en solitaire et a moins de contraintes en terme de créativité.  Décrire un vaisseau spatial coûte pas mal moins cher en littérature que de le voir en modèle 3-D ou effets spéciaux.

Donc, la littérature va où d'autres types de fiction ne peuvent aller, tout simplement parce que ses outils de base sont plus simples.  Ce qui nous donne accès à un vaste éventail: de la littérature écrite par des femmes?  Bien sûr! Par des personnes racisé.e.s? Emmenez-en! Par des minorités marginalisées, sexuelles, religieuses, de classes ou immigrantes? Aucun problème!  Bref, on peut aller partout, couvrir tous les sujets et sous tous les angles.  C'est facile, rapide et efficace, car la littérature est aussi une forme d'art très directe entre l'auteur.e et le.la lecteur.rice.  L'un.e écrit, l'autre lit.  

Pour développer l'empathie, rien de tel que de se mettre dans les souliers de quelqu'un et justement, lire des histoires provenant de différentes sources permet justement de multiplier les souliers dans lequel on glisse ses pieds de lecteur.rice.  Parce qu'être confrontés aux histoires dans autres, telle qu'ils ou elles les ont vécues, nous apprend beaucoup de choses et pas seulement des faits: des émotions, des sensations, des façons de voir le monde.  Certes, les auteur.e.s qui écrivent sur d'autres peuvent nous aider, mais ce ne sera jamais aussi complet et aussi profond.  Dans ce domaine, la représentation compte.

Sauf que... Encore faut-il faire le geste de lire ces autres qui nous sont étrangers.  L'article parle des hommes qui ne lisent pas les femmes, mais les blanc.che.s lisent-ils les noir.e.s, les religieux.ses les athé.e.s, les croyant.e.s les scientifiques et les hétéros les LGBTQ2A?  Le problème est beaucoup plus vaste que simplement les hommes qui ne lisent pas les femmes, même s'il est facile à identifier.  Le problème, c'est que la tendance naturelle des gens est de lire des gens qui leur ressemblent.  C'est un peu normal.  On cherche des modèles, à se comparer, à se comprendre, à se faire raconter des histoires qui nous parlent.  Mais on dirait que plus on monte dans l'échelle des privilèges, moins les gens ont tendance, en général (il y aura fort heureusement toujours des exceptions) à lire des gens qui ne leur ressemblent pas.  Si on revient à l'article, ils parlent des hommes qui ne lisent pas les femmes, mais ces femmes qui lisent des hommes, lisent-elles des hommes noirs ou asiatiques ou gay ou trans ou immigrants ou je ne sais quoi d'autres?  Ça serait une question intéressante à poser.  L'article n'y répond pas.

Depuis deux ans, je mène une petite expérience avec moi-même: je note tous les auteur.e.s que je lis dans un joli fichier excel.  Et je me rends compte que de dire que je lis environ 50-50 d'hommes et de femmes (je n'ai pas lu d'auteurs s'identifiant comme personne non-binaire ou du moins, pas que je le sache).  Ça me met dans la moyenne de l'article.  J'essaie aussi de voir qu'est-ce que je lis côté auteur.e.s de la diversité, et ouch... là, ça fait mal.  Ok, je lis quand même certaines oeuvres pour mes chroniques sur les classiques à Bouquins et confidences et bon, mes lectures sont sur ce point sont moins diversifiées (pour l'instant hein!  Je prends énormément de notes, je ne suis juste pas le rythme pour les lire!), mais même si j'essaie, malheureusement, mes lectures ne sont pas aussi diversifiées que je souhaiterais qu'elle le soit.  Mais j'essaie, tout le temps.  Même si je ne réussis pas toujours.

Le problème est beaucoup plus vaste que le simple fait que les hommes ne lisent pas les femmes, mais c'est vraiment le sommet de l'iceberg parce que les femmes représentent quand même la moitié de l'humanité.

@+ Mariane

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