jeudi 29 août 2019

Borealium Tremens de Mathieu Villeneuve

Borealium Tremens  Mathieu Villeneuve  De la Peuplade 347 pages


Résumé:
À la mort de son grand-oncle dont on a jamais retrouvé le corps, David Gagnon, un saguenéen, hérite de la terre et de la maison ancestrale de sa famille, surnommée la Maison brûlée, dans les rangs de St-Christophe-de-la-traverse, au Lac-St-Jean.  Il s'y installe dans le but de cultiver la terre familiale, mais aussi d'écrire un roman de la terre.

Mon avis:
Je suis partagée entre deux sentiments concernant ce roman.  Je vais le comparer à une pomme.  Sois c'est une pomme verte, pas assez mûre, qui a été lancée dans l'univers trop tôt.  Sois c'est une pomme trop vieille, tellement manipulée et tâtonnée qu'elle est remplie de poques.  Dans les deux cas, le résultat est le même: l'idée derrière le roman n'est pas mauvaise en soi, mais dans sa forme actuelle, je crois qu'il aurait mieux valu ne pas le publier.

Une des premières choses qui m'a sauté dans la face, c'est le temps de verbe utilisé pour le roman.  Il est écrit au passé, mais absolument rien ne le justifie.  Ça met les événements à distance, rend les personnages moins proche et je sais pas, ça m'a dérangé, alors que d'habitude, ce n'est pas le genre de choses que je remarque.  Il y a quelques changements de narrateur au cours du roman et ils me faisaient à chaque fois l'impression d'un bruit d'ongles sur un tableau à craie.  Ils n'apportaient rien à l'histoire et semblaient être là pour faciliter le travail de l'auteur plus qu'autre chose.

L'auteur a décidé de jouer dans les cordes du roman très alcoolisé.  Je n'ai rien contre, mais ce genre a ses codes.  Et l'auteur les rate admirablement bien.  Si le roman parle beaucoup de consommation d'alcool, ses personnages n'ont jamais l'air saoul.  Ni d'avoir de raison particulière de boire, sinon pour boire seulement.  Et ça, ça enlève pas mal de couche de sens.  D'ailleurs, à part un désespoir acquis à la naissance, on ne peut comprendre pourquoi ils lèvent autant le coude.  Qui plus est, le nombre de fois où tout le monde prend le volant avec un taux d'alcoolémie à saouler les alcootest est absolument invraisemblable.  Une vingtaine de bière dans une nuit et on tient encore le volant? À 130 km/h?  Vraiment?  Ça fait pas sérieux.

L'auteur a aussi voulu reprendre les codes des romans de la terre en version déjantée, mais je n'y aie pas cru.  Le langage est là, les mots sont là, les images sont là, mais la colle qui les lie n'y est pas.  Il ne suffit pas de parler de la terre pour lui rendre hommage, il faut qu'elle soit incarnée, un personnage en elle-même.  Mais là, elle n'est rien.  À peine un décor.  Par contre, le portrait tracé du Lac-St-Jean et l'amour de cette région transparaît à chacune des pages.

Quand aux personnages...  Je ne pourrais pas dire qui est David Gagnon ni ce qui l'anime dans la vie.  Au début du livre, il veut reprendre la terre familiale et écrire un roman de la terre.  C'est pas mal tout ce qu'on saura de tout le roman de ses motivations et même, je dirais, de lui.  Les autres personnages qui l'entourent ne sont guère mieux.  Lianah, son ancienne amoureuse, n'a même pas de famille ni de passé en-dehors de sa relation avec les deux frères Gagnon.  La scène où elle enfile juste comme ça une vieille robe trouvée dans un placard d'une maison incendiée que l'auteur nous a amplement décrite comme crasseuse à l'extrême ne fait absolument pas sérieux!  Son frère Alexis n'est guère mieux.  Ses deux-là auraient pu disparaître de l'histoire sans que cela n'y change rien.  Les personnages du village sont caricaturaux à l'extrême, souvent réduit à un seul aspect.  Pourquoi sont-ils comme ils sont?  On peut accuser entre les lignes du roman le travail, l'alcool et l'isolement, mais sincèrement, c'est bien mince pour expliquer le comportement de toute une population.  Personne n'a de motivation à agir comme ils le font, pas plus le personnage principal que les autres.

Les deux seuls personnages intéressants du roman sont Marie Bouchard et John Scott, deux demi-frère et soeur, qui savent quelque chose de plus que les autres.  C'est dans leurs mystères et dans leurs personnalités que résident leur intérêt, parce qu'eux, contrairement aux autres, semblent avoir un but.  On ne les voit pas beaucoup, mais ils donnent du tonus à une histoire qui n'a autrement aucun sens.  J'aurais juste mieux aimé comprendre leur destin final.

L'auteur consacre plusieurs chapitres à la destruction physique et mentale de son personnage principal, qui sombre dans l'ivresse la plus crasse, la déchéance la plus profonde... pour aucune raison.  On enfile les mots en se demandant pourquoi donc, mais aucune réponse ne sera apportée.  Et ça ajoute tellement au sentiment de non-sens de l'ensemble de l'histoire.  La langue utilisée pour les descriptions est belle, mais elle ne mène à rien et elle n'est pas suffisante en elle-même pour soutenir l'intérêt.

Parlons-en de la langue et du style.  Parce que du vocabulaire, l'auteur en a et on sent qu'il a déjà vu et vécu dans les lieux dont il parle.  C'est dans le rendu qu'est le problème.  Il accumule sans fin les descriptions, riches en mots et en termes précis.  Souvent, il commence à décrire un lieu et il fait des phrases à rallonge avec sept, huit, neuf virgules.  À la lecture, on devient assommé, ça devient lourd et on en perd le sens de ce qui nous est montré.  Ça et les innombrables répétitions.  On le sait qu'on est sur le bord de la Péribonka, pas besoin de le dire aux dix pages!

L'auteur se permet aussi quelques touches de fantastiques ici et là, mais j'ai trouvé que la moitié d'entre elles étaient atroces parce que complètement tombées du ciel.  Les autres peuvent faire penser à du réalisme magique, mais là où la quantité d'alcool ingurgité aurait très bien tout pu permettre de tout expliquer, on se demande pourquoi ces choses arrivent et bon, apportent-elles vraiment quelque chose à l'histoire?

Bon et bien, en guise de conclusion à cette critique résolument peu positive, je vais me permettre quand même de dire ceci: il y a quelque chose quand même dans l'écriture de l'auteur.  Quelque chose qui est harnaché dans un corset, comme une rivière est prise dans un réservoir, mais qui est là.  C'est dommage, mais au moins, on peut se permettre d'espérer mieux pour l'avenir.  Parce que s'il y a une chose qu'on peut donner à ce livre sans la moindre hésitation, c'est un amour profond pour la région du Lac St-Jean et une volonté de s'inspirer de son terroir et de ses histoires pour nous les faire connaître.  Et il y a amplement là matière à d'autres romans.

Ma note: 2.25/5

2 commentaires:

Gen a dit…

Contente de voir que je ne suis pas la seule à voir eu ben du mal avec ce roman. (Si je n'avais pas eu à le critiquer pour Solaris, je ne l'aurais pas fini.)

Prospéryne a dit…

Si ce n'avait pas été du GDLQ, je ne l'aurais pas fini non plus!