vendredi 26 juillet 2019

Ashini d'Yves Thériault

Ashini  Yves Thériault Bibliothèque québécoise 127 pages


Résumé:
La femme d'Ashini est morte.  Ses deux fils aussi, l'un tué par une crue subite, l'autre par la balle d'un blanc saoul.  Sa fille a quitté les terres ancestrales pour vivre avec ceux-là même qui ont pris son frère.  Il erre sur les terres de l'Ungava, faisant ce que tous ses ancêtres ont fait avant lui, chasser et piéger sur les terres de son peuple. C'est dans cette solitude que naît pour lui une idée: parler d'homme à homme avec le grand chef des Blancs, le Premier Ministre et mener à nouveau ses frères et soeurs sur leur territoire natal, loin des réserves où ils se meurent à petit feu.

Mon avis:
Primo, mais quelle langue!  J'ai été soufflé par le souffle qui se dégage de ce tout petit livre, mais qui utilise une langue riche, variée, puissante pour faire passer son propos.  J'ai ralenti ma lecture pour en profiter pleinement.  Il a l'art de trouver le mot juste, le mot précis pour décrire chaque chose, chaque émotion, tout en maintenant tout au long de l'oeuvre une musicalité qui donne l'impression d'entendre le vent dans les arbres, l'eau couler dans les rivières et le craquement des raquettes sur la neige.  Je ne sais pas s'il s'est inspiré du rythme et de la façon de travailler les phrases d'une langue autochtone, mais une chose est sûre, c'est que la respiration et la façon de travailler la syntaxe de ce livre étaient clairement différente de beaucoup de livres que j'ai lu.  Cela crée une impression de puissance, d'immensité, de force que j'ai rarement ressenti.

Deuxio, je ne sais pas si un auteur blanc pourrait faire paraître une telle oeuvre aujourd'hui.  Il se glisse dans la peau d'un Montagnais (aujourd'hui, ce peuple a repris son propre nom et on dirait Innu), dans son coeur, dans son âme même et nous fait voir le monde par ses yeux.  C'est leur vision du monde qu'il emprunte et l'on voit leur univers à travers les yeux de ce vieux trappeur, comment il voit les Blancs, comment il voit l'extinction de sa race.  L'attachement au territoire, qu'il connaît intimement, est aussi très clairement marqué.  Je dois avouer que les problématiques qu'il dénonce, les torts faits à son peuple, ce qu'il souhaite pour eux-mêmes résonnent même pour la lectrice qui le lit presque six décennies après sa publication.  C'est pratiquement mot pour mot la même chose que ce que les Premières Nations réclament aujourd'hui.  Et ça fait mal de voir que les choses ont si peu évolué.

Je vais résumé simplement ce que j'ai ressenti en lisant ce livre: soufflée, littéralement.  C'est un petit chef-d'oeuvre que ce livre.

Ma note: 5/5

3 commentaires:

Gen a dit…

Je crois qu'un Blanc pourrait encore écrire ce roman. Est-ce que certains crieraient à l'appropriation culturelle? Oui. Est-ce qu'ils auraient raison? Faut voir : est-ce que le roman semble basé sur des recherches solides et rend hommage à cette culture sans se réduire à des clichés et sans la faire sienne? Ben alors je crois que non, ce ne serait pas justifié.

Prospéryne a dit…

C'est une question qu'on peut se poser en effet aujourd'hui, mais tu as raison, ça dépend de la démarche de l'auteur.

Gen a dit…

De sa démarche, mais aussi de son intention (et ça doit transparaître dans l'oeuvre!)