mercredi 24 septembre 2014

Du Québec, mais d'ici?

Salut!

Quand on parle de littérature québécoise, la première pensée qui nous vient est de parler d'auteurs s'exprimant en français, publiés par des maisons d'éditions ayant pignon sur rue dans la Belle Province.  Rare sont les Nelly Arcand qui ont réussi à pousser les portes de maisons d'éditions comme le Seuil et à s'imposer au Québec via la France.  Pourtant, si on est honnête, la littérature québécoise ne se limite pas à ça.

Le Québec, c'est quoi?  Qu'est-ce qui fait d'un auteur qu'il soit québécois?  Dans toutes les définitions que j'ai pu trouver, et dieu seul sait combien il peut y avoir de débats là-dessus, la langue française domine.  L'autre grand trait est le fait de parler de notre réalité.  Ce qui a donné lieu à la publication du livre de Patrick Moreau, Alain Grandbois est-il un écrivain québécois? qui traite à la fois de cet auteur en particulier et de la grande question: si un auteur parle d'ailleurs, mais qu'il publie ici, est-il un auteur québécois?  Dans son oeuvre, Alain Grandbois écrivait sur ailleurs (les voyages de Marco Polo dans son cas) et non sur ici, ce qui lui a causé des difficultés à être reconnu comme un écrivain québécois.  Surtout qu'à l'époque où il a publié, le nationalisme et la langue française était plus restrictif encore qu'aujourd'hui.

Autre cas parlant, Dany Laferrière.  Cet auteur parle beaucoup de son Haïti natale dans ses livres, pourtant, je n'ai jamais entendu contester le fait qu'il figure parmi nos plus belles plumes.  Parce qu'il a publié ses livres une fois installé ici?  Je ne connais pas assez son oeuvre pour pouvoir dire à quel point le Québec y est important, mais j'ose penser qu'il n'y aurait pas eu de Laferrière sans le Québec.  Ses romans ont été publiés ici et c'est le milieu littéraire d'ici qui l'a fait émerger.

Louise Penny est un autre exemple.  Ses romans se passent en Estrie, dans un petit village fictif où la population est mi-anglophone, mi-francophone.  Elle met en scène enquêteur de la Sûreté du Québec et parle de réalités qui nous touchent de près.  Mais alors qu'elle remportait une flopée de prix internationaux pour ses polars parlant d'ici, la grande majorité des lecteurs de la Belle Province ignorait son existence... parce qu'elle écrit en anglais.  Un certain snobisme de la part des lecteurs francophones, difficulté de distribution des livres en anglais (à l'exception des romans à l'eau de rose), absence de curiosité pour ce qui n'est pas publié en français?  Toutes ces réponses se mêlent.  En tout cas, dès qu'elle a été traduite dans la langue de Vigneault, Leclerc et Tremblay, elle a vite su trouver son public et faire sa place parmi les auteurs de polar d'ici.

Même les auteurs qui nous sont moins sympathiques peuvent néanmoins porter avec panache le titre d'auteurs québécois.  Mordechai Richler fait parti de ses enfants terribles qui ont su faire rager autant les gens de sa propre communauté juive et anglophone que les Québécois francophones et plus particulièrement les souverainistes.  Ce qui lui a valu d'être persona non grata.  Pourtant, ses histoires parlent d'une réalité montréalaise incontestable, celle d'un certain milieu que l'on peut croiser en se promenant avenue du Parc ou boulevard St-Laurent.  En cela, est-il si différent de Michel Tremblay qui a fait grosso modo la même chose, quelques rues plus à l'est avec le Plateau Mont-Royal?  Plusieurs personnes voudraient le mettre à la porte de notre littérature nationale parce qu'il n'a pas été tendre envers les francophones.  À mon humble avis, s'il a choqué, c'est parce qu'il n'a pas hésité à frapper les autres avec ses idées, mais ça n'a pas grand lien avec son oeuvre en elle-même.  Ni avec le fait que celle-ci est étroitement mêlée avec l'histoire de son quartier montréalais.

À mes yeux, ce qui fait d'un auteur québécois un auteur québécois, n'est ni le lieu où se passe ses romans, ni l'origine ethnique ou culturelle de l'auteur, ni la langue dans lequel il écrit: c'est que son imaginaire se nourrisse d'ici, de nos lieux, de nos idées, de nos villes, de nos forêts et de nos montagnes, de notre nature et de nos conflits.  Je sais, c'est plus difficile à définir que la langue, la lieu de naissance ou la situation géographique, mais une nation ne s'arrête pas à ça.  Ça va beaucoup plus loin que ça et c'est ce quelque chose de plus qui nous a permis de faire naître les plus grandes plumes dont j'ai parlé plus haute dans ce billet.  Nos auteurs d'ici, en quelque sorte.

@+ Mariane

4 commentaires:

Gen a dit…

Amen! Pour Louise Penny, le problème, si j'ai bien compris, c'est que ça a été long avant qu'elle soit traduite en français. Alors le milieu littéraire ne la snobbait pas : il ne la connaissait tout simplement pas. Les auteurs canadiens anglais ont beaucoup de difficulté à percer tous les marchés. En anglais, ils sont écrasés par la compétition américaine et c'est dur de se faire traduire.

Prospéryne a dit…

Ce qui me surprend face à Louise Penny, c'est que d'autres auteurs anglophones ont réussi à se faire connaître parmi les fans de genre et à arriver en français avec déjà une certaine réputation, alors que Louise Penny... Non, ça semblait le désert. C'était comme si elle tombait du ciel! Et pourtant, c'était loin d'être le cas. Quand aux auteurs canadiens, je ne peux que dire Amen à mon tour: leur situation est loin d'être enviable en effet. D'une certaine façon, la barrière de la langue nous a donné cette chance de développer notre propre réseau culturel. Cependant, je trouve triste de voir que l'on connaît mieux les auteurs américains ou anglais en traduction via la France que nos auteurs canadiens, qui sont pourtant plus proche de nous. Ah, non, je corrige: j'aime mieux qu'ils ne soient pas traduits en France, c'est débile le nombre d'horreurs qu'ils peuvent mettre dans un livre en traduction! -_-

Venise a dit…

Ma solution est de tomber dans la simplicité : un livre est québécois s'il est publiée par une maison d'édition québécoise ou s'il vit au Québec.

Je n'ai jamais pensé au sujet, qu'on y parle d'ailleurs, n'altère en rien le côté québécois, bien au contraire ! Sinon, ça aurait des connotations de secte à mes yeux !













Prospéryne a dit…

J'aime bien ta très courte, mais pourtant très précise définition! Quand à ta deuxième phrase, malheureusement Venise, certaines personnes tombent dans ce piège. :(