Salut!
Si vous posez la question à un adulte en lui demandant quelle a été la pire lecture de son adolescence, le risque qu'Agaguk sorte en tête de liste est très probable. Bonheur d'occasion aussi. Ou Le Survenant. Bref, à peu près n'importe quel classique de la littérature québécoise...
C'est peu surprenant. De l'autre côté de l'Atlantique, les adultes citent souvent la Princesse de Clèves comme source de torture. Qui pourtant, n'a rien à voir avec la littérature du terroir!
Ce dégoût n'a souvent rien à voir avec les oeuvres comme tel. Enfin, pas tout à fait à voir avec les oeuvres comme tel! C'est juste que...
De un, l'adolescence est un âge où nos goûts, nos personnalités et surtout, nos centres d'intérêt ne sont... absolument pas en phase avec des livres qui peuvent avoir été écrits un siècle auparavant! Et pour cause! Il y a eu plus de bouleversements sociaux durant les vingt premières années du XXIe siècle que lors de la première moitié du XXe siècle! Donc, lire un texte se passant à une époque où la religion était dominante, où la place de la femme très différente, où les minorités sexuelles n'existaient carrément pas dans la littérature, le tout écrit dans une prose décidément pré-Twitter... C'est tellement loin de leur univers et de leur quotidien que c'est difficile de les accrocher. À moins d'être une crac-pot de littérature comme moi. Ou d'avoir de très bons profs. J'ai eu la chance d'avoir les deux et de lire des classiques très jeune. Mais je suis une exception, pas la règle.
De deux, les classiques de la littérature sont connus pour être des chefs-d'œuvre, des pièces d'une exceptionnelle qualité, des incontournables... souvent par des gens qui ont pas mal de lectures derrière la cravate. Les adolescent.e.s, parce qu'ils en sont à leur stade de leur vie!, n'ont souvent pas les connaissances ou les capacités d'apprécier ces oeuvres. Comparons avec le vin. Si on vous mettait dans les mains un grand cru, mais que vous n'avez jamais goûté de vin avant, vous risquez de ne pas apprécier! C'est un peu la même chose avec la littérature. Ça prend du temps de former son goût. Il faut lire, se confronter, se former, lire des choses que l'on n'aime pas vraiment, lire des choses que l'on aime beaucoup, découvrir et apprendre. L'adolescence est justement l'âge où l'on forme ce goût-là. Mais il n'est pas encore formé! Alors vous obligez à lire un classique alors que votre goût n'est pas encore formé... Risque d'échec élevé! Même avec un excellent prof pour vous introduire à l'oeuvre et croyez-moi, les profs de français au Québec trippent leur vie à l'idée de parler de littérature! Mais bon, le dernier écueil est que...
Les livres qu'on est obligé de lire sont toujours les pires à lire. On se traîne les pieds à les lire parce qu'avant même d'avoir tourné la première page, d'avoir goûté les premiers mots de l'auteurice, on sait que l'on devrait naviguer dans ses pages jusqu'à la fin, plaisir ou non. Boire le calice jusqu'à la lie en d'autres termes! Il n'y a sans doute rien de plus tue-l'amour que l'obligation, mais hé, si on veut faire connaître ces livres, rien de mieux que de les faire lire de manière obligatoire non? Ouais, mais tsé... Ça n'a pas toujours d'heureux résultats.
J'ai lu, adulte, des livres dont j'ai pu m'épargner la lecture au secondaire. Et je les ai aimés. Oui, oui, aimés! Parce que la plupart du temps, ce sont de bons livres. Je n'avais pas de pression pour le lire, pas d'examen au bout du compte, pas d'analyse à faire, juste un livre et moi, et l'aventure littéraire entre les deux... Bien plus agréable de lire des classiques comme ça.
Au point où je me dis qu'Agaguk un jour... Mais pas Bonheur d'occasion! Ça j'ai déjà essayé et je remercie le ciel de ne pas avoir eu à le lire au secondaire!
Dernière question que je me pose, en finissant: si on ne fait pas lire des classiques au secondaire, l'un des derniers moments de leurs vies où tous les jeunes québécois ont les fesses bien installées à l'école, à quel autre moment pourrait-on leur faire découvrir les classiques d'ici?
@+ Mariane
2 commentaires:
Pour répondre à ta question finale... au cégep? Où ils ont encore des cours de français pis plus de maturité?
Et peut-être qu'au secondaire on pourrait leur faire lire du théâtre (du Tremblay!), plus de nouvelles, des romans "classiques" mais de genre, des romans plus récents, bref des trucs qui "bougent" plus.
J'ai lu Cyrano de Bergerac au cégep, mais me semble que j'aurais eu du fun à lire ça au secondaire. Ben plus que Agaguk!
Cela dit... faut aussi revoir la liste des classiques. Mais bon, c'est pas demain la veille qu'on va sortir du mythe du terroir.
@Gen (je viens de me rendre compte que blogger n'avait pas enregistré ma réponse...)
Le cégep... oui, c'est pas une mauvaise idée, mais ce n'est pas tout le monde qui va s'y user les culottes!
Quand à mettre la liste des classiques à jour, je ne peux être que pour: y'a des livres qui n'ont pas grand chose pour eux, à part le fait de ne rien coûter aux commissions scolaires parce qu'ils sont déjà sur les tablettes (mais il y aurait tout un sujet à explorer ici!)
Quand à la nouvelle, oui, re-oui, et re-re-oui! On peut connaître pas mal plus d'auteureurices avec la nouvelle qu'avec le roman et la littérature n'y est pas de moindre niveau. Le théâtre aussi d'ailleurs! Mais bon, la nouvelle n'est pas aussi bien vue dans notre littérature que le roman... Malheureusement...
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