lundi 12 avril 2021

Le lecteur-écureuil et le lecteur-cigale

 Salut, 

Il y a plusieurs types de lecteurs, cela est en soi évident.  Il y a aussi plusieurs types de relation aux livres.  Je veux dire, il y en a qui traînent leurs livres partout (coupable), d'autres qui les remplissent de notes (coupable) et d'autres qui pestent dès que la jaquette est moindrement abîmée (coupable).  Mais aujourd'hui, j'ai plutôt envie de parler de la relation à l'accumulation de livres.  On va donc parler pour les fins de la chose diviser les types de lecteur en deux grandes catégories: les lecteurs-écureuils et les lecteurs-cigales.

Les lecteurs-écureuils font comme leur version animale avec les noix: ils accumulent les livres, les ramassent et les préservent soigneusement.  On peut le savoir dès qu'on met le pied chez eux qu'ils en sont: leurs murs sont couverts de bibliothèques, souvent remplies à pleine capacité.  Mais il y a plus.  Les lecteurs-écureuils vivent dans la peur quasi permanente de manquer de lecture, même si c'est virtuellement impossible dans le monde moderne avec l'accès aux bibliothèques et aux livres numériques.  Le manque est impossible, mais ne fait pas disparaître le besoin d'accumuler, d'acheter, même parfois des livres qu'on a déjà lus!

Le lecteur-écureuil ramasse donc et il est souvent méticuleux avec ses précieux livres.  Je le confesse, je suis une lectrice-écureuil: j'ai beaucoup trop de bouquins chez moi!  Sauf que depuis quelque temps, il me semble que je regarde mes livres et je me dis: ai-je vraiment besoin de garder celui-ci?  Vais-je vraiment lire celui-là, acheté il y a plusieurs années?  J'ai commencé à faire du ménage.  Ça m'a beaucoup fait réfléchir à mon rapport aux livres.  Il y en a que je n'aurais jamais pensé mettre de côté il y a quelques années qui ont pris le chemin des bouquineries et des boîtes à livres.  Parce que même si j'ai toujours de merveilleux souvenirs de lectures, je sais que je ne les relirais pas.  Dans ce cas, pourquoi les garder?  

Les livres lus, à moins d'avoir une valeur quelconque ou d'être sûr qu'on va les relire, n'ont comme tel pas à être gardés.  Les livres que l'on n'a pas encore lus par contre, c'est une autre histoire.  D'ailleurs, quel lecteur lira vraiment la totalité des livres qu'il a dans sa bibliothèque, voir qu'il achètera dans sa vie?  C'est aspect du lecteur-écureuil en dit souvent bien plus sur lui que ce qu'il a déjà lu: les livres que l'on accumule dans le but de les lire sont autant de désirs que de promesses à soi-même, d'engagements envers des auteur.e.s (on ne les a pas lus, mais on a acheté leurs livres!), d'une certaine quantité de culpabilité (je l'ai acheté, je vais le lire!), mais aussi de passades (une brève passion pour les auteurs russes du XIXe siècle qui vous traîne sous pendant des années) tout comme de rappels de grands amours qui se perpétue et qu'on sait qu'on peut retrouver en tendant la main vers nos tablettes.

Le fait d'être un lecteur-écureuil en dit long sur le rapport aux livres, de la façon dont on les perçoit et de la place qu'occupe la lecture dans nos vies.  Et même si c'est très personnel, la majorité des grands lecteurs que je connais sont aussi des lecteurs-écureuils.

Le lecteur-cigale, lui, qui n'accumule rien, qui trouve ses lectures au jour le jour et vit sans penser à ses lendemains de lecteur.  C'est une espèce rare.  On m'a dit que ça existait, mais je n'en connais pas.  En fait, je pense que son existence est une légende urbaine...

@+ Mariane

Aucun commentaire: