mercredi 25 septembre 2013

La littérature marque maison n'existe pas

Salut!

Vous vous pointez à l'épicerie.  Vous cherchez, disons une boîte de sauce tomate.  Bien, vous suivez les allées jusqu'à trouver la section consacrée aux innombrables produits dérivés de la tomate.  Vous trouvez les sauces tomate.  Vous devez maintenant faire un choix difficile: la sauce tomate que vous achetez depuis toujours (une marque connue, que votre mère ou votre grand-mère achetait sûrement, une marque synonyme de qualité) ou celle juste à côté qui selon l'endroit où vous faites votre épicerie, peut s'appeler Nos Compliments, Choix du Président ou tout autre nom générique renvoyant à une marque maison.  Hésitation.  La marque maison est souvent moins cher et les résultats pas trop loin de l'original.  Vous faites une économie et vous pourrez déguster votre sauce à spaghetti quand même.  Excellent choix si on suit une logique économique donc.

Le hic, avec le livre, c'est que le phénomène marque maison est impossible.  Si vous arrivez dans une librairie et voulez acheter le dernier roman de Dany Laferrière, vous ne voudrez pas repartir avec un roman d'un auteur haïtien installé au Québec depuis vingt et qui a un style semblable.  Non, vous voulez Laferrière parce que c'est Laferrière: son style lui est propre, son imaginaire lui est propre.  Il ne peut pas être imité, copier.  Si on le fait, ce ne sera pas du Laferrière, point à la ligne.  Idem pour les livres de psychologie: si votre meilleure amie vous recommande chaudement le livre de psychologie miracle qui l'a aidé à transformer son ado boutonneux en mini-adulte dans le bon chemin vers la maturité, vous voudrez avoir le livre qu'elle vous recommande, pas un autre livre sur le même sujet!  Vous voulez pouvoir faire confiance au contenu du livre, donc vous cherchez la qualité et la confiance que la réputation d'un auteur ou la recommandation d'une personne de confiance pourra vous apporter.  Pas de succédané possible.

Oh, si.  Dans certains cas, il faut être honnête, ça peut arriver.  Un documentaire jeunesse sur les chevaux peut en remplacer un autre, un livre cartonné également.  Un Petit Larousse et un Petit Robert sont considéré par bien des gens comme interchangeable.  Néanmoins, ce sont des exceptions plutôt que la règle.  Quand les gens se décident à mettre les pieds dans une librairie, ils y viennent pour trouver LE livre qu'ils cherchent et pas un autre.  Tant pis si le libraire ne l'a pas!

Cette particularité fait du livre une industrie un peu à part.  On n'a qu'un produit à vendre à la fois.  Un seul.  Et il est unique.  Certes, il existe une myriade de livres différents, mais aucun d'entre eux ne peut remplacer un autre comme on remplace une sauce tomate de marque par une sauce tomate marque maison dans une sauce à spaghetti.  Parce que chaque livre est unique.  Ce qui en fait à la foi une force et une faiblesse du livre, parce que si vous pouvez trouver exactement la même chose moins cher ailleurs que chez votre libraire, que ferez-vous?  Même si le choix est plus limité, même si ce ne sont pas toujours de bons livres qu'on y trouve.  Dans notre société où le coût est toujours un facteur important, le libraire part perdante sur bien des points.  La plupart d'entre eux ne le savent que trop bien, mais restent debout contre vents et marées, déterminés à encourager la lecture, la culture et la diversité de choix.  Le jour où l'on reconnaîtra enfin que les livres ne sont pas comme des boîtes de sauce tomate et que l'on ne peut les vendre comme s'ils étaient des produits interchangeables, on aura un très grand pas de fait dans la reconnaissance de l'industrie toute entière et de la culture qu'elle représente.

@+ Mariane

11 commentaires:

Jean-François a dit…

Quel beau texte! Le sujet est chaud présentement et ton texte explique trop bien l'enjeu en place.

Merci!

Gen a dit…

Yé où le piton "j'aime"?

Prospéryne a dit…

@Jean-François, je crois qu'il est facile de deviner où mon coeur balance face à cette loi... :)

Prospéryne a dit…

@Gen, tu viens de peser dessus! :D

Venise a dit…

Bravo pour ce texte ! C'est la première fois que je lis Nos livres à juste prix abordé sous cet angle, par la bande, sans que le sujet soit directement mentionné.

Je vais partager ce pamphlet tout en douceur avec plaisir.

Prospéryne a dit…

@Venise, merci!

Hélène a dit…

Très bien apporté, je vais garder ce billet en tête. Les livres ne sont pas de la sauce tomate!

Jean-François a dit…

Puis-je partager ton billet ? Exemple : l'afficher dans ma librairie ?

Claude Lamarche a dit…

Article digne de paraître dans un journal. Moi aussi, je pèse sur "j'aime".

Jean-François a dit…

En fait, j'aimerais bien afficher ton article dans ma librairie, le mettre sur ma page Facebook et le transmettre par courriel à mes collègues et amis.

Tu dis tout de façon simple et logique. Bravo!

Prospéryne a dit…

@Hélène, ça me semblait la comparaison la plus parlante :)

@Jean-François, répondu en personne! ;)

@Claude Lamarche. Merci du compliment! :)