mardi 15 mai 2012

V pour Vendetta d'Alan Moore et David Lloyd

V pour Vendetta  Scénario: Alan Moore  Dessins: David Lloyd  Panini Comics  288 pages

Résumé:
Angleterre. Années 1990, après qu'un apocalypse nucléaire ait détruit l'Europe et qu'un parti fasciste ait pris le contrôle du gouvernement anglais.  Evey Hammond est sauvée du viol par un mystérieux inconnu qui s'en est pris en pleine rue aux agents de la Main, l'outil de répression du régime.  Celui-ci, appelé V, fait ce soir-là son premier coup d'éclat: il fait sauter le Palais de Westminster.  Pendant que V prend Evey sous son aile et commence à lui transmettre une éducation pleine de culture et d'anarchisme, Eric Finch, du Nez, prend en charge l'enquête sur les actes de V.  Car celui-ci a un plan, un plan vaste et précis: détruire la Norsefire qui règne sur l'Angleterre et a imposé le fascisme.  Détruire le gouvernement et mettre en place l'anarchie, pas celle du chaos, mais celle qui fait que chaque individu est capable de s'auto-réguler au nom de la liberté et de la paix pour tous.

Critique:
Cette BD est sombre, tant dans le choix des couleurs que par le propos de l'histoire.  On suit donc V, un personnage mystérieux, tant dans ce qu'il souhaite que dans les raisons qui l'ont mené à prendre en charge l'éducation d'Evey.  On sait qu'il souhaite se venger de ceux qui l'ont envoyé à Larkhill, mais pour le reste, ses plans ne se dévoilent qu'au compte-goutte.  Fantasque, éduqué, raffiné, il n'en est pas moins cruel et méthodique, une totale antithèse de lui-même, une totale contradiction.  Amoureux de la justice, il sera meurtrier, désireux de l'ordre, il détruira le gouvernement de l'Angleterre, anarchiste prônant l'auto-régulation, il agira pour détruire l'équilibre de millions de personnes.  Evey est un peu l'emblème des citoyens de cette Angleterre futuriste et fasciste.  Au départ, elle a peur, elle résiste, elle ne croit pas dans les méthodes de V, puis vient la transformation, la résistance, la découverte du puissant pouvoir que l'on a tous caché au plus profond de nous-même.  V sera son mentor, mais aussi son pygmalion, à son image, il l'éduquera, à son insu, il la préparera à devenir ce qu'il souhaite qu'elle devienne.  Il est un habile manipulateur, à la fois des foules et d'Evey.  Cependant, il faut le souligner, V ne cherche pas le pouvoir, ni même aucun avantage personnel, exception faite pour sa vengeance.  Il le fait pour autrui, mais comme ses motivations sont obscures, il est dur à suivre. Evey est naïve, touchante même, mais son cheminement est intéressant.  Par contre, comme elle agit très peu, on ne voit pas ses convictions profondes à elle.  Les deux autres personnages importants sont l'inspecteur Eric Finch et Rosemary Almond.  Tous les deux, au contraire de V et Evey vont vivre le mouvement de l'intérieur du gouvernement.  Cela va bouleverser leurs vies à un point difficilement imaginable.  J'ai particulièrement aimé le personnage de Rosemary qui fait un cheminement très semblable à celui d'Evey, mais dans des circonstances radicalement différentes.  Elle, elle n'aura pas de mentor et elle choisira librement ses actions et assumera pleinement leurs conséquences.  Leurs histoires sont aussi tristes l'une que l'autre.  Glauque est cet univers.  Les dessins contribuent d'ailleurs beaucoup à cette atmosphère.  Des tons d'ocre, de verts, mais pas éclatants, beaucoup de noir, mais uniquement des traits, des dégradés de couleurs qui donnent vaguement la nausée.  Ils collent tellement à l'histoire que s'en est surprenant.  Une BD à lire quand on est en forme et pas déprimé puisque que même la fin ne laisse guère d'espoir.  Ainsi a été le monde, ainsi il ira.  Le changement s'il vient un jour, ne sera pas instantané et demandera des sacrifices et des efforts pour avoir, enfin, mieux.

Ma note: 4/5

Comparaison avec le film:
Ayant trippé de façon immentissime sur le film, je me permets de faire ici un bref comparatif entre les deux.  De un, je comprends la déception de Alan Moore face au film.  L'idée de base de la Bd est reprise, mais d'autres sont royalement ignorés.  V est un personnage beaucoup moins ambigu dans le film que dans la BD et Evey est beaucoup plus forte, moins naïve, moins prête à se laisser manipuler et former selon les désirs de V.  Par contre, l'ambiance lugubre de la BD a été très bien adapté et certaines scènes, comme celles concernant Valérie sont rendue avec un réalisme très proche de l'esthétique de l'oeuvre originale.  On a ajouté dans le film le personnage de Deitrich et complètement ignoré celui de Rosemary, ce que je trouve dommage.  Le discours sur l'anarchisme a également été complètement mis de côté.  Par contre, l'adaptation a été fait pour le public du XXIe siècle et donc, en ce sens, elle a rendu hommage à la BD et l'a trahie pour mieux rendre ses idées.  Je crois que dans ce cas, on ne devrait pas parler d'adaptation, mais bien de transcription et de modernisation de l'oeuvre originale, les racines du film puisant dans le livre, mais librement adaptée pour mieux faire passer le message voulu par le réalisateur, soit que: «Les peuples ne devraient pas craindre leurs gouvernements, les gouvernements devraient craindre leurs peuples.»  Bien des politiciens devraient se rappeler cette maxime, à un moment donné ou à un autre de leur mandat.

3 commentaires:

Perséphone a dit…

J'ai adoré la BD et le film et je suis d'accord avec ce que tu dis. Les deux sont riches mais pas de la même façon.

Gen a dit…

Ouais, le message est d'actualité.

J'ai trouvé que le film manquait de nuance. Peut-être que j'aimerais mieux la bd.

Prospéryne a dit…

@Perséphone, :D

@Gen, si tu as trouvé que le film manquait de nuances, je peux comprendre, c'était un film hollywoodien et certains trucs ont été soulignés à gros traits. Par contre, la BD en avait trop à mon goût!