lundi 20 avril 2020

De la géographie: Des bijouteries et des boulangeries

Salut!

De mon infernal cours de géographie humaine, je garde bien nette l'image de mon prof en train de gesticuler en avant de la classe comme un italien engueulant un chauffard, en nous répétant sans cesse: Les boulangeries et les bijouteries!  Les boulangerie et les bijouteries!  Ouais, ouais, on avait compris!  Il nous parlait depuis trois heures de ces foutus machins, agrémenté d'un tas de concepts complexes empilés les uns sur les autres.  On aurait dit qu'il nous parlait des pyramides d'Égypte, mais je voyais plutôt des comparaisons avec les illuminés pensant qu'ils avaient réinventé le monde en découvrant un quelconque machin.  Mais bref.

Une bijouterie, c'est un endroit où l'on entre avec un but précis: acheter un bijoux.  Beaucoup de ces messieurs y entreront au moins une fois pour y acheter LA bague qui accompagnera le oui de leur élue.  C'est donc un endroit important, lié à l'argent et donc, bien souvent au pouvoir.  On trouvera moins de bijouterie dans les quartiers pauvres, surtout si l'on parle de bijouterie de luxe.  Par contre, on en trouvera un peu plus dans les quartiers riches.  Sauf que si je fais le total des bijouterie dans une ville, la répartition par quartier sera relativement constante: une ou deux, avec une légère variance selon les revenus moyens des habitants.  C'est donc que les bijouterie sont des lieux répartis presque équitablement sur le territoire.  Elles font partie du paysage, mais n'y sont pas majoritaires.  Elles ne sont pas non plus essentielles: bien que peu probable, on pourrait trouver des quartiers sans bijouterie.

Parlons maintenant des boulangeries.  Si vous réussissez à vous rendre de la maison au boulot sans croiser une boulangerie, soit vous vivez vraiment dans un quartier bizarre, soit vous travaillez de la maison!  Les boulangeries seront beaucoup plus nombreuses que les bijouteries.  On les trouvera d'ailleurs plus souvent à des intersections que dans des alignements de boutique.  Pourquoi?  Tout simplement parce qu'elles sont plus nombreuses et doivent plus chercher à attirer l'attention.  De cette façon, elles se positionneront de manière différente sur le territoire.  Les gens mangent beaucoup plus souvent du pain qu'ils n'achètent des bijoux.  Ça ne répond pas au même besoin.  Le pain est un besoin bien plus de base qu'un bijou.

D'ailleurs, l'accessibilité aux lieux est aussi parlante.  Les boulangeries ouvrent souvent leurs portes pour inviter les gens à entrer lorsque la température est clémente.  On y met des tables et des chaises pour permettre aux gens de rester et de casser la croûte sur place.  Les produits sont accessibles et en abondance.  Si on compare avec une bijouterie, la différence saute aux yeux: plus les produits sont coûteux, plus il y a de chances qu'ils soient présenté sous des vitrines verrouillées.  Le personnel sera derrière des comptoirs prêt à rendre disponibles les produits pour l'essai et la démonstration bien plus que pour la sélection rapide d'un produit.  Et plus l'endroit vendra des bijoux coûteux, plus l'entrée sera restreinte et la sécurité visible.  Dans mon quartier, (qui est loin d'être un quartier pauvre!), la principale bijouterie, même si elle est située dans un centre commercial, a des portes qui la sépare des autres commerces et des gardes de sécurité.

Ça nous apprend quoi?  Que la répartition des bâtiments selon leur fonction a une logique.  La géographie humaine a souvent ce genre de répartition comme sujet d'étude.  Où s'installe les gens, comment s'organisent-ils, comment sont répartis les bâtiments, comment répartit-on l'usage des différents territoires qui se chevauchent, etc.  L'exemple que l'on prend pour l'expliquer, ce sont les boulangeries et les bijouteries parce que ces deux types de commerce ont des caractéristiques propres: l'un des deux est d'usage quotidien et continue et l'autre est d'usage occasionnel.  L'un est utilisé par l'ensemble de la population, l'autre beaucoup plus selon les différences de revenus.  Avec ces deux types de bâtiments, on peut faire un portrait de bien des variables sur un territoire donné,  mais on peut utiliser n'importe quel type de bâtiment.

Si je prenais une carte datant de 1950 et une carte d'aujourd'hui d'un quartier de n'importe quelle ville du Québec, je verrais une différence importante dans le nombre d'églises.  Dans certains quartiers, les clochers sont presque disparus.  Par contre, on voit parfois apparaître des minarets de mosquée, des temples hindous ou d'autres types de bâtiments dédiés à des usages religieux.  Juste avec cette donnée, je peux avoir une bonne idée de certains changements importants: la diminution de l'importance de l'Église catholique dans la société, l'arrivée de croyants d'autres religions et leur implantation dans le quartier...  Et ça, juste en regardant une carte!  Imaginez si je regarde pus attentivement d'autres éléments du quartier et que je les compare: où sont situé les parcs par exemple?  Combien y-a-t-il d'écoles?  Quel est leur taille?  Combien il y a de rue?  Sont-elles pavés à certains endroits et pas à d'autres?  Sont-elles larges ou étroites?  Combien de voie?  Où sont situés les stationnements, les boutiques, les restaurants?  Combien y en a-t-il?  Chacun de ses éléments, avec sa répartition dans l'espace, sa répétition ou sa concentration donne des indices.

Comment cela peut-il se transférer dans la fiction?  Pensez au Seigneur des Anneaux.  Ils ne peuvent pas aller détruire ce foutu anneau dans un lieu ordinaire, non, non, il n'y a qu'UN seul endroit où il est possible de le faire!  Comme répartition sur le territoire indiquant l'importance de ce lieu, il y a difficile de faire mieux.  Parce que plus un lieu est rare, plus son importance symbolique est amplifiée...  Autre exemple, dans la Comté, les maisons sont toutes sous des collines et leurs intérieurs semblent spacieux et confortables, entourées de champs paisibles.  La végétation est omniprésente, il y a peu de barrières, les chemins sont dégagés...  Quelle différence avec Minas Tirith, une ville assiégée où les maisons sont collées les uns sur les autres et où la végétation n'occupe que peu d'espace.  Sans compter les rues étroites et tortueuses.  Je ne risque pas de tomber sur une tour de garde en pleine Comté, mais leur nombre risque d'être beaucoup plus important dans la Cité blanche!  C'est comme les catapultes...  Il n'y en a pas dans la Comté!  Et juste ça, ça me donne beaucoup d'indices sur ce qui préoccupe ces deux sociétés.  Comme dirait Bilbon (ou Bilbo si vous préférez) au tout début du premier film version longue, ce qui préoccupe les Hobbits, c'est la production de nourriture et sa consommation.  À Minas Tirith, on a visiblement pas les mêmes priorités!  Je peux déduire ça simplement de la répartition des bâtiments dans l'espace.

Donc, comptez les auberges dans une ville avant de dire qu'il n'y a pas beaucoup de voyageurs dans celle-ci, sans ça personne ne vous croira!

@+ Mariane

2 commentaires:

Gen a dit…

Super intéressant!!! Parce que je ris toujours quand, dans un petit village perdu d'un roman de fantasy, il y a deux ou trois auberges! Lololol!

Prospéryne a dit…

tsé, quand on parle du quartier des auberges ou du quartier des banques ou du quartier des forgerons... Vaut mieux que la ville soit en conséquence! :P