Salut!
La bibliothèque de la municipalité de mon enfance, je ne l'ai jamais fréquenté. Pas par snobisme, non, juste qu'entre fréquenter une bibliothèque de village ouverte trois jours par semaine, les mercredis soirs, vendredis soirs et samedis matins et la grosse bibliothèque municipale de la grande ville d'à-côté, bourrée de rayons débordants de livres, le choix était disons, très très vite fait. Surtout pour la lectrice avide que j'étais. Même si ça voulait dire du harcèlement parental (N.B. Y'aucune loi qui interdit ça)
Je me suis donc glissée dans le monde des bibliothèques comme on se glisse dans un gant. La bibliothèque de mon ancienne municipalité (qui est devenue ensuite ma ville de résidence) avait un certain charme. L'étage des adultes était au premier, accessible donc aux personnages âgées qui avaient du mal à monter les marches. Les enfants, avec leurs petites jambes pleines d'énergie, étaient au deuxième. Je me suis vite habituée à cet univers où trônait une étrange sculpture à mi-chemin entre le garage et l'atelier de métallurgie. Autant à l'entrée de l'UQÀM que j'ai fréquenté, il y avait une paire de couilles, autant dans ma bibliothèque municipale, il y avait les restes d'un lave-auto figé dans le temps. Ça faisait partie de l'ambiance de ma bibliothèque et quelque part, j'y étais aussi attachée qu'à la célèbre sculpture hommage à l'anatomie masculine de mon alma-mater.
J'ai quitté ma ville d'origine il y a quelques années. Ok, mes priorités sont très différentes de celles d'autres personnes, mais l'une des premières que j'ai eu en aménageant dans mon nouveau logis était de savoir à quel endroit était ma nouvelle bibliothèque. Ça en dit long sur mes priorités.... Ma nouvelle bibliothèque était donc située le long d'un boulevard passant. En brique rouge, à l'ancienne. Elle était un trésor de découverte, tant en livre qu'en CD, qu'en DVD, qu'en plein de choses. J'y aie vue des bibliothécaires sabler la tranche des livres que l'oxydation avait rendue jaune. J'y aie parlé avec bon nombre d'entre eux (elles surtout). J'y aie réclamé des livres sortis de la réserve, qui m'y ont été donné avec le sourire et le «Ah, on a pas de place pour tous les garder sur les tablettes, on va bientôt rénover».
J'ai adoré cette bibliothèque.
Et puis sont venues ces fameuses rénovations....
Ma bibliothèque a été fermée pendant deux longues années.
Après des mois d'obstination avec les charmantes préposées municipales du-311-pas-super-informées-du-des-travaux-dans-mon-arrondissement-loin-du-coeur-de-Montréal, ma bibliothèque a réouvert fin mai. Que dire...
On a fêté dignement l'événement par quatre jours de célébrations. On l'a annoncé à l'avance sur les panneaux municipaux qui annoncent entre autres, les séances du conseil municipal (que dis-je, d'arrondissement!) et les inscriptions aux équipes de balle molle. Quatre jours de réjouissances pour nous réconforter de deux ans de vache maigre de bibliothèque (il y a bien sûr eu une bibliothèque temporaire et une autre permanente, mais en format de poche... Ma bibliothèque me manquait...)
Mon ancienne bibliothèque était située, et est toujours (ils ont juste rénové les lieux) sur un boulevard passant... Ce qui fait que pendant deux ans, je suis passée devant en allant travailler, un oeil sur la route, l'autre sur les travaux. Je les aie vue démolir le bâtiment en brique rouge, presque brique par brique pour en reconstruire un autre, en béton blanc. Morceau par morceau. Longtemps avant la fin des travaux, j'avais de longues discussions au sujet des travaux finis ou pas avec les charmantes-préposées-au-311. Quand elles me disaient que les travaux n'étaient pas finis, je leur répondais que de la rue, je voyais les livres sur les étagères... (même pas une blague!) Misère...
Les travaux ont finis par finir et ma bibliothèque par rouvrir. La première fois que j'y suis allée, il y avait fête de la réouverture. Un orchestre jeunesse composé de cuivres jouait juste en bas du nouvel escalier.... Mettons que les sons de tubas, répercutés par tous ces nouveaux espaces vides n'aidaient pas mon mal de tête naissant... Le nouveau système informatique, un brin kafkien, non plus. Et en plus, tout était blanc... Pas juste les murs, non, les planchers, les étagères, les plafonds, TOUT est blanc dans ma nouvelle bibliothèque. À en avoir mal au coeur!
Malgré tout, fidèle à moi-même, j'ai farfouillé dans ma nouvelle bibliothèque. J'y aie trouvé une salle en référence à la généalogie, avec un cahier nommant tous les immigrants venus de France avant 1759, bien en place sur une table. J'y aie fouillé un brin, parce qu'au fond de moi, reste une question: suis-je une descendante des Filles du Roy? Du côté de ma mère, le plus lointain de mes ancêtres aurait pris racine en terre nord-américaine sous Jean Talon, alors...
Je ne l'ai pas trouvé dans les cahiers de généalogie, mais j'ai trouvé des noms très proches du mien du côté de mon père, avec une orthographe différente. Les discussions familiales veulent que mes ancêtres paternels viennent de Provence et j'en aie trouvé, des courageux qui ont traversé l'Atlantique, à une époque où l'on pouvait autant y trouver la fortune... qu'y mourir.
J'étais là, en train de regarder la liste des immigrants en terre d'Amérique au temps du Régime français, au son discordant des tubas mal accordés et des trombones tonitruants, quand on a annoncé la fermeture de la bibliothèque. Pas pour longtemps, non, juste pour la soirée. La bibliothèque rouvrait le lendemain. Retour à la vie normale en terre de bibliothèque.
En sortant, j'ai croisé un couple de jeunes au début de la vingtaine à l'accent distinct (né ici ou ailleurs? sais pas!), qui se sont fait dire, par un responsable de la sécurité à l'allure haïtienne ou africaine (aucune idée!) que la bibliothèque fermait à six heures les vendredis. Désemparés, ils sont resté quelques secondes devant l'entrée du temple du savoir qui leur était interdit pour quelques heures. Je leur aie donné les horaires que j'avais pris sur une pile dans la bibliothèque. Ils m'ont dit merci en français, avec un magnifique sourire, un brin déçu, certes, mais radieux. Comme un lien discret avec mes ancêtres que je venais de fréquenter. Eux aussi avaient immigré dans une nouvelle terre qui ne leur livrait pas tout ses secrets au premier jour.
Je suis retournée une seule fois depuis à ma nouvelle bibliothèque depuis, sans les trombones et les tubas. Une de mes bibliothécaires m'a guidé vers la section que je cherchais, avec le sourire, comme dans le temps que je leur faisais sortir des livres de la réserve. Je ne suis pas encore habituée à ma nouvelle bibliothèque. Je cherche encore mes pénates dedans.
Dans l'antiquité romaine, les Pénates étaient des divinités mineures, propres à chaque famille. Ma professeure de latin (au secondaire, époque lointaine!) nous avait dit d'eux que c'était des dieux discrets, effacés, des dieux du foyer. Quand on disait regagner ses pénates, dans le fond, on parlait de rentrer à l'endroit où sur toute la terre, on se sent chez soi. Ma bibliothèque, au fond, c'est un peu un chez moi. On y a fait de sérieux changements, on a changé les murs, les plafonds, les planchers, mais j'espère y retrouver les bases de ce que j'y trouvais autrefois.
C'est pas encore parfait, mais j'espère bien retrouver mes pénates dans ma nouvelle bibliothèque.
@+ Mariane
4 commentaires:
Si jamais un jour les bibliothèques publiques se dotent d'une section "camping" pour les lecteurs qui veulent y vivre une expérience immersive complète, je vais certainement y voir ton influence.
LOL!!!!!!!!!!
Ma bibliothèque municipale fait des "nuits à lire" pour les ados, où ils dorment sur place. C'était tellement mon rêve jadis! lol!
Des fois, je me dis qu'on a pas été ados à la bonne époque...
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