mercredi 5 décembre 2018

Du bon usage des étoiles de Dominique Fortier

Du bon usage des étoiles  Dominique Fortier  Alto  Lu en audio  Raconté par Bruno Marcil  et Catherine Trudeau  5h56 minutes  Disponible gratuitement sur le site de Radio-Canada


Résumé:
Mai 1945.  Sir John Franklin s'embarque à bord de l'Erebus, navire adapté à l'Arctique pour découvrir le fameux passage du Nord-Ouest.  Il est à la tête de deux navires dont le second est dirigé par Francis Crosier, commandant du Terror.  Durant l'attente de cette expédition, dont nul ne doute qu'elle sera couronnée de succès, sa femme Lady Franklin voyage et mène une vie mondaine.  S'écouleront trois longues années durant lesquels, l'équipage vivra isolé du monde.  Jusqu'à ce que la question de la réussite de leur expédition ou encore même de leur propre survie, se pose...

Mon avis:
Ce livre ne suit pas une forme continue comme tel.  Il est fait d'éclairs de lucidité, de manuels scientifiques, d'un journal intime, de dialogues entre deux matelots avant de dormir, autant de façon déconstruite et de raconter l'histoire de ces hommes et de ces femmes qui ont été touchés, de près ou de loin, par l'expédition.  Parce que loin de se concentrer uniquement sur la vie à bord, le livre élargit ses horizons et nous fait par la même occasion le portrait d'une époque.  Que ce soit à travers Lady Jane Franklin, sa nièce Sophia Crawford, Francis Crosier, le second de l'expédition ou Sir John Franklin lui-même, le livre s'amuse à changer de narrateur et de point de vue, donnant même deux façons différentes à Crosier de s'exprimer, par le biais d'un monologue interne autant que par son journal de bord.  L'auteure a l'immense talent de nous donner l'impression d'y être, à bord du Terror et de l'Erebus pris dans les glaces.  Autant dans les réflexions scientifiques de Francis Crosier que dans les salons londoniens.  Autant dans le portrait d'une époque qui croyait que la science allait tout résoudre que dans la confrontation avec la nature qui allait prouver que l'arrogance des hommes serait toujours plus vaste que le monde qui l'entoure.  Elle a un talent pour nous plonger dans l'atmosphère de cette époque, de montrer ses doutes, ses excès et ses succès.

Cependant, le portrait est double, car on suit aussi Lady Jane Franklin qui de son côté, nous donne à voir une femme très loin de l'idée de l'imaginaire victorien que l'on a: aventurière, engagée, volontaire, exploratrice, aussi à l'aise dans un salon de thé que sur le dos d'un éléphant.  C'est à travers ces deux portraits que l'on voit se dessiner le monde, celui, refermé sur lui-même, des deux bateaux pris dans les glaces et celui de Lady Jane et de sa nièce Sophia, entre le thé de cinq heures, les bals et les invitations mondaines.  Sans jamais trop s'écarter du peu que l'on sait du sort réel de l'expédition Franklin (on ne sait par exemple pas les causes de la mort de Sir John), on plonge dans la vie de ces marins anglais prisonniers de la glace.  Ce qu'ils faisaient pendant les longs mois d'hiver, les conflits, les décisions à prendre, les manières anglaises, si peu adaptées à la vie dans de telles conditions.

La langue dans lequel est racontée l'histoire est musicale, délicate comme de la dentelle.  Même si on sait au départ que les hommes qui s'embarquent sont condamnés à mort, elle sait nous les rendre telle qu'ils étaient: vivants, confiants, certains de réussir au départ, puis, petit à petit, le doute s'installe et les ronge.  Les émotions sont finement rendues, dans toutes les nuances que les différences de caractère, d'éducation et de mentalité donnent aux personnages.

J'ai écouté le livre en audio et je ne peux que le recommander.  La voix de Bruno Marcil sait rendre les nuances de l'écriture de l'auteure, les inflexions de voix qui changent tout.  À certains moments, le montage sonore utilise certains effets pour mieux nous montrer l'écriture de l'auteure, faisant preuve d'une créativité bienvenue dans un livre audio.  Le portrait qui s'en dégage est magnifique, délicat et gracieux, malgré une histoire qui on le sait dès le départ, fini mal, très mal.  La fin n'est d'ailleurs pas joyeuse, ni heureuse, mais elle belle, belle et froide comme l'est une aurore boréale.

Ma note: 5/5

2 commentaires:

Gen a dit…

Fais plusieurs fois que je me dis que je dois livre cette auteure!

Prospéryne a dit…

Je peux pas parler pour ses autres livres, mais celui-là... Wow!