Salut!
S'il y a bien une chose qui est commune à toutes les littératures de l'imaginaire, c'est d'avoir en commun une référence qui bouleverse la conception du monde, soit des personnages, soit du lecteur. S'il s'agit des personnages, il s'agira souvent d'une manifestation magique interrompant le cours normal de l'existence de ceux-ci. S'il s'agit du lecteur, on le plongera dans un monde où des technologies existantes et considérées comme normales par les personnages le forcera à reconsidérer sa façon d'aborder ce monde. Même chose pour la magie. Dans tous les cas, on oblige le lecteur à ne pas prendre pour acquis l'univers dans lequel il se plonge.
Dès le départ, il est déstabilisé, ce qui est d'ailleurs le but recherché. De plonger dans un univers où les codes sont différents impose d'accepter de ne pas tout comprendre du premier coup et de considérer comme allant de soi des façons de faire, d'être et de vivre radicalement différentes des nôtres. Que l'on parle de populations venant de l'autre bout de l'univers ou de magiciens vivant dans un autre monde, le fait que la technologie ou la magie existe façonnera le cadre dans lequel baigne les personnages. Ça peut aller de détails, comme la façon de se présenter en société, à de grands concepts de philosophie dont les protagonistes ne sont pas toujours conscients. Ce sera différent.
Utiliser la magie ou la technologie pour créer une distorsion est une façon de faire classique pour toutes les littératures de l'imaginaire, une façon de faire du lecteur à la fois un complice et un manipulé, parce qu'il ne peut pas deviner les règles du jeu tant que l'auteur ne les a pas dévoilées. Par contre, il en existe une autre, à la fois plus évidente et pourtant moins marquante: le temps. Le temps qui change et transforme, même si on en est pas toujours conscient. Il y a plus de différences entre la mentalité des gens du XVIIe siècle et la nôtre qu'on pourrait le penser. Parce qu'à leur époque, bien des paramètres, sociaux, religieux, économiques, scientifiques, nommez-les, étaient différents. Si de nos jours, l'esclavage est très mal considéré et le sexisme à peu près tout le temps décrié, il n'en allait pas de même il y a cinq siècles, dans une Europe qui commençait à peine à comprendre que le monde était beaucoup plus vaste que les frontières qu'elle connaissait. Sans parler des milliers de personnes, qui, aux quatre coins du monde, découvraient à travers les explorateurs, les évangélisateurs et les marchands, une mentalité, une façon de faire et des usages totalement inconnus. Sans compter la poudre à canon et les usages qui en ont été faits partout...
Il est peu surprenant quand on y pense que le roman historique aie tant de succès: il reprend la même idée du déséquilibre induit par la magie et la technologie, mais sans le côté totalement déstabilisant de ceux-ci. On a tous des connaissances de base en histoire, assez pour se mettre plus aisément dans les souliers des personnages (surtout s'il s'agit d'un passé relativement proche), mais pas suffisamment pour se priver du plaisir de la découverte. Honnêtement, rare sont les lecteurs qui en connaissent plus en Histoire que l'auteur qui s'est tapé une énorme recherche avant de rédiger son bouquin! Donc, plaisir de découverte sans trop de risque d'être décoiffé au passage!
Cependant, si on y réfléchit bien, le dénominateur commun de toutes ces techniques pour obliger le lecteur à sortir de ses sentiers de base et de son petit monde connu, c'est que l'on change les paramètres de base de la culture en usage dans cet univers, qu'il soit induit par la magie, la technologie ou le passage du temps. Que l'on discute avec une personne venant d'Asie ou d'Afrique ou du monde arabe, ou a beau être humain, on finira tous à un moment ou à un autre par éprouver un choc culturel en découvrant que ce qui est pour nous évident, concret, réel, normal, allant de soi, ne le sera pas le moins du monde pour une autre personne. Parce qu'elle vient d'une autre culture. Une culture façonnée par son environnement, comme la magie, la technologie et le passage du temps façonnent celles qui leur sont exposées. De là d'énormes différences et aussi une certaine ouverture d'esprit: on plongeant dans d'autres mondes, on finit par ne rien tenir pour acquis dans le nôtre et à apprendre à comprendre avant de juger.
@+ Mariane
2 commentaires:
C'est comique : je me fais souvent demander pourquoi j'ai écris Hanaken, alors que d'habitude j'écris des genres de l'imaginaire. Ma réponse est simple : parce que les samouraïs du 16e siècle, ce sont comme des aliens qui vivaient sur terre. La prochaine fois, je pourrai juste les référer à ce billet! :)
Ah, ah, ah! De l'utilité d'avoir de bonnes idées de billets de blogue. Malgré que je relis celui-ci et je me dis que je n'ai fait qu'effleuré le sujet qui m'a titillé. À suivre. ;)
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